Emmanuel Macron lors d’un meeting électoral à Saint-Priest-Taurion. Pascal Lachenaud/AFP

Chronique / Sur un air de campagne
27/02/2017
 
 

« Je veux être président, je vous ai compris et je vous aime », s'époumonait Emmanuel Macron le 18 février dernier à Toulon. De Gaulle et Jésus dans une même phrase. Macron c'est ça. L'ambivalence. Des phrases qui sonnent bien, mais ambiguës. Jésus est mort crucifié et les rapatriés d'Algérie n'ont jamais pardonné à Charles de Gaulle son « Je vous ai compris ». Comme images positives, on a déjà vu mieux.

Macron s'en moque. Macron paraphrase, oxymore... Il veut plaire à toutes et tous. Il butine. Il clientélise. Macron est un homme de gauche pas vraiment à droite, doublé d'un homme de droite pas tout à fait à gauche. Un ovni dans le paysage politique français. Depuis sa démission du gouvernement Hollande, il a pris son bâton de pèlerin et sillonne la France avec une certaine bienveillance et un verbe incantatoire. Il galvanise les foules de Lyon à Lille, en passant par Paris. « Lève-toi et marche », peuple de France... Et son mouvement a été baptisé En Marche ! , acronyme qui, soit dit en passant, correspond à ses initiales. Mieux ou pire, En Marche ! pourrait se traduire en anglais par Eh Go ! . Ego, qu'il a de surdimensionné. Macron sème. Emmanuel s'aime. Et même s'il est taxé de « gourou » par le candidat de droite, ou de « champignon hallucinogène » par le candidat de la gauche radicale. Et même s'il est attaqué par ses adversaires sur son absence de programme concret. Et même si depuis quelques jours il enchaîne les impairs et les polémiques, Macron est toujours donné dans le trio de tête de la course à l'élection présidentielle.

Mais, la semaine passée, l'air est devenu difficilement respirable, voire vicié. Alors, Macron a, une fois encore, brillé dans son rôle de grand illusionniste. Il a fait sortir de son chapeau le centriste François Bayrou pour sceller une alliance-clé. François Bayrou, en fin lettré, a alors endossé les habits de Hamlet, une main sur le cœur, l'autre tenant le crâne de Jean Lecanuet, et, tout en se demandant s'il fallait être ou ne pas être, le Béarnais s'est rallié au panache de Macron. L'effet Bayrou se fait sentir... dans l'instant. Les sondages publiés hier soir montrent que le soutien du maire de Pau fait bondir Macron juste derrière Marine Le Pen.

Cette alliance n'est qu'un effet d'optique. Réussi, certes. Mais ce n'est qu'une illusion. Le MoDem n'est plus. Aucun militant et pas plus d'élus à l'horizon.
Macron avait besoin d'allumer un contre-feu. De marquer les esprits quelques jours avant de présenter son programme qui, pour l'heure, se résume à un regard et un style.
Expert en amphibologie, Macron sait qu'il va devoir maintenant aborder le fond en espérant ne pas le toucher. Jouer la forme à fond. Que ses adversaires vont le sommer d'être précis. Qu'il va devoir zigzaguer comme si de rien n'était.
Emmanuel Macron va tenter une dernière fois de faire illusion, mais il ne doit pas ignorer la célèbre formule du cardinal de Retz qui dit : « On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment. »

*Frédéric Picard est rédacteur en chef du Figaro.fr

 

 

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