• Ça n'empêche pas Nicolas

    Blog de Jean Lévy sur l'actualité politique au jour le jour.

     

     

                                                                 

     

    27 Juin 2017

    basta!

    Après les lois Macron, Rebsamen et El-Khomri sous le précédent quinquennat, le gouvernement d’Edouard Philippe prépare une réforme encore plus profonde du droit du travail, précédant une remise à plat de l’assurance chômage. Ce big bang annoncé a un modèle : les réformes « Hartz », engagées en Allemagne au début des années 2000, aujourd’hui parées de toutes les vertus par de nombreux commentateurs avec, en apparence, l’un des taux de chômage les plus bas d’Europe.

    La réalité des chiffres montre au contraire que ces réformes du marché du travail n’ont pas radicalement réduit le chômage et la sous-activité et, surtout, ont provoqué une explosion des travailleurs pauvres, dont le nombre est l’un des plus élevés d’Europe.

    Emmanuel Macron et son gouvernement vont désormais entrer dans le vif du sujet : s’atteler à des « réformes structurelles », notamment celle du « marché du travail », qui serait une condition indispensable à la baisse du chômage. Le gouvernement français emboîte ainsi le pas à son voisin allemand. Le taux de chômage en Allemagne s’élevait, il y a quinze ans, à 10,5 % selon l’agence allemande pour l’emploi. La première réforme du marché du travail allemand – la loi dite Hartz, du nom de Peter Hartz, ancien DRH de Volkswagen qui a dirigé la commission qui a concocté ces réformes sous le gouvernement du social-démocrate Gerhard Schröder – entre alors en vigueur. Trois autres réformes ont suivi : elles se sont attaquées à l’assurance chômage, en réduisant la durée d’allocation et en renforçant les contrôles et la surveillance des chômeurs, et ont ouvert grand la porte au développement des emplois à bas-salaire.

    Après avoir atteint un record, plus de 11,5 % et 4,9 millions de chômeurs en 2005, le chômage allemand commence finalement à diminuer. Il passe sous des 10 % deux ans plus tard. Depuis, les chiffres sont en baisse continue. Et l’Allemagne fait figure de modèle de ce côté-ci du Rhin pour tous les politiques, chefs d’entreprise et économistes orthodoxes qui vantent les mérites de la dérégulation du droit du travail pour relancer l’emploi. Mais l’un a-t-il vraiment permis l’autre ? Les chiffres du travail et du chômage allemand sont-ils si bons que ça ?

    3,9 % de chômage pour Eurostat, 5,8 % pour l’administration allemande

    Selon Eurostat, l’institut de statistiques européen, le taux de chômage allemand est de seulement 3,9 % depuis le début de l’année 2017. Le chiffre fait évidemment rêver chômeurs et politiques en France où le chômage est deux fois plus élevé, à 9,5 % en avril 2017. Premier hic : le taux de chômage allemand donné par Eurostat est largement inférieur à celui établi par... l’Agence allemande pour l’emploi. Selon les chiffres de l’administration allemande, ce taux de chômage s’élevait à 5,8% en avril 2017. C’est près de deux points de pourcentage de différence avec le taux d’Eurotsat !

    « Les chiffres du chômage de l’Agence allemande pour l’emploi et ceux d’Eurostat sont différents parce que leur définition du chômage est différente, explique Alexander Herzog-Stein, économiste à l’institut d’analyses économiques IMK de la fondation allemande Hans-Böckler. La définition utilisée par Eurotsat est celle de l’Organisation internationale du travail (OIT), pour qui un emploi commence à partir d’une heure de travail par semaine. »

    Pour le Pôle emploi allemand, au contraire, sont considérées comme chômeuses les personnes inscrites au chômage, qui sont disponibles sur le marché du travail, et qui cherchent un emploi d’au moins 15 heures par semaine. « De plus, les chiffres d’Eurostat sont basés sur un sondage réalisé auprès des travailleurs. Ceux de l’agence allemande pour l’emploi s’appuient sur l’enregistrement des chômeurs auprès de l’administration. » Le taux de 5,8 % de chômage de l’agence allemande semble donc plus crédible que les 3,9 % d’Eurostat. Et nuance le modèle allemand : il y a 2,5 millions de personnes au chômage. « Je pense que la statistique du chômage allemande est fiable. D’autant que l’agence pour l’emploi comptabilise aussi la “sous-activité” », ajoute l’économiste.

    Un chômage réel à 8%

    En Allemagne, cette dernière sous-catégorie des chiffres englobe une série de profils, non comptabilisés comme chômeurs mais qui, pour autant, n’ont pas d’emploi. En regardant les chiffres de la « sous-activité », l’image d’un pays presque sans chômeurs en prend encore pour son grade. Le nombre total de personnes considérées comme “sous-occupées”, chômeurs compris, s’élève en Allemagne à plus de 3,5 millions (en mai 2017), ce qui fait 7,8 % de la population active. On se rapproche du taux de chômage français. Qui sont ces travailleurs sous-occupés non comptabilisés comme chômeurs ?

    Il s’agit par exemple des chômeurs de longue durée de plus de 58 ans. En Allemagne, l’âge légal de départ à la retraite est de 67 ans (avec des possibilités de départ à partir de 63 ans). Mais un chômeur de longue durée de plus de 58 ans est effacé des chiffres officiels du chômage. En mai, ils étaient plus de 160 000 dans ce cas. Ne sont pas comptabilisés, non plus, ceux qui suivent une formation – plus de 170 000 personnes –, de même que les chômeurs qui ont un “job à un euro” : 85 000 personnes occupent ces emplois à temps très partiel et à durée limitée dans les collectivités ou le secteur associatif, payés un euro de l’heure en plus de l’allocation sociale.

    Partage du travail mal-rémunéré

    « Ils enlèvent tout ce qu’ils peuvent des chiffres du chômage, critique la députée Die Linke (La Gauche) au Bundestag Sabine Zimmermann. Sont aussi éliminés les chômeurs suivis par des firmes privées dans leur recherche d’emploi. On ne peut pas lutter contre le chômage de longue durée avec des faux chiffres ! » Le parti de gauche Die Linke établit chaque mois, et ce depuis bientôt dix ans, ce qu’il appelle « les vrais chiffres du chômage », en recalculant, à partir des tableaux complexes fournis par l’agence pour l’emploi, le nombre de tous ceux qui en Allemagne, seraient réellement sans emploi.

    Au-delà de ce travail de comptabilité, Die Linke critique aussi la rhétorique du « miracle » allemand. « Die Linke est née de l’opposition aux réformes Hartz du marché du travail. Le gouvernement dit aujourd’hui que ces réformes ont permis de lutter contre le chômage, mais cela s’est fait sur le dos des travailleurs, estime Sabine Zimmermann. Un des objectifs de la politique de Schröder était d’ouvrir le secteur des bas salaires, et il y est parvenu. Le boom prétendu de l’emploi consiste essentiellement en des empois précaires et des temps partiels. Et le prix payé par les travailleurs est extrêmement élevé. Nous avons aujourd’hui 1,2 million de travailleurs qui doivent en plus faire appel à l’aide sociale, sept millions de travailleurs à bas-salaire, un million de travailleurs intérimaires, et 2,6 millions de personnes qui ont un deuxième emploi. Le volume de travail n’a pas augmenté depuis dix ans. Il a juste été partagé entre plus de personnes. » [1]

    Résultat : l’Allemagne affiche l’un des taux de travailleurs pauvres, ceux qui gagnent bien moins qu’un salaire médian, les plus élevés d’Europe, avec 22,5 % contre 8,8% en France. [2]. La moyenne européenne est de 17,4 %.

    Le seuil de bas salaire selon Eurostat est inférieur à 10 € bruts/h en France (soit environ 1510 € bruts pour un équivalent temps plein, sachant que près de la moitié des personnes au Smic travaillent à temps partiel) et à 10,5 € bruts/h en Allemagne (soit 1575 €/bruts pour un ETP)

    La mise en place d’un salaire minimum national depuis le 1er janvier 2015, devait contribuer à lutter contre la prolifération des bas-salaire. Son niveau reste très bas, à 8,84 euros bruts de l’heure depuis début 2017, alors que le Smic français s’élève à 9,76 euros bruts. Selon une réponse du gouvernement allemand à une question des députés Die Linke, il faut par exemple gagner aujourd’hui en Allemagne un salaire de 11,85 euros bruts de l’heure pour espérer une retraite minimum de… 804 euros par mois.

    L’impact très relatif des réformes Hartz sur le chômage

    L’économiste Alexander Herzog-Stein est moins pessimiste. « Dans les dix dernières années, le marché du travail allemand s’est beaucoup amélioré. Le chômage a beaucoup diminué, plaide-t-il. Mais le phénomène reste néanmoins un problème, car nous avons toujours un chômage de longue durée important, et un gros problème de travail précaire et de bas-salaires. Reste qu’avec un taux de chômage bas, il y a plus de marges de manœuvre politiques pour s’attaquer à ces problèmes. »

    Le chercheur est en revanche peu convaincu des bienfaits des réformes allemandes du marché du travail. « Je ne pense pas qu’elles aient joué un si grand rôle dans la baisse du chômage. En 2005-2006, le marché du travail allemand a de fait connu un élan. Celui-ci n’a pas été interrompu par la crise de 2008 grâce à la politique menée en Allemagne. Ce n’était pas une politique d’austérité, mais de relance. L’Allemagne a aussi profité économiquement de la crise de la zone euro, c’est certain. En même temps, l’évolution démographique allemande, avec une population en recul, est aussi une raison du taux de chômage plus bas. Ce n’est pas la seule, mais c’est à prendre en compte. »

    À quelques mois des élections législatives de septembre 2017, le candidat social-démocrate (SPD) Martin Schulz a tenté de se distancier, dans ses discours, des réformes du marché du travail lancées par le chancelier Schröder et son parti il y a quinze ans. S’il arrive au pouvoir, prendra-t-il de réelles mesures pour lutter contre la précarité dans laquelle se trouvent plongés des millions d’Allemand ? En attendant, la France se prépare à subir des réformes similaires avec l’objectif de réduire le chômage. La proportion de travailleurs pauvres augmentera-t-elle en parallèle ?

    Rachel Knaebel

    Infographie : Guillaume Seyral / Basta !

    Notes

    [1Le nombre de travailleurs intérimaires en Allemagne n’a jamais été aussi élevé qu’aujourd’hui.

    [2Est considéré comme travailleurs pauvres par Eurostat, ceux qui gagnent moins de 66% du salaire médian, soit moins de 10,5 euros bruts/heure en Allemagne et moins de 10 euros bruts/heure en France, soit moins de 1180 euros nets par mois pour un temps plein voir ici.

    Tag(s) : #Europe, #Allemagne Economie

  • Bonjour, voici la lettre d’information du site « CAPJPO - EuroPalestine » (http://www.europalestine.com)
    Si vous ne visualisez pas cet email lisez-le sur le site
    http://www.europalestine.com

    Publication CAPJPO - Europalestine
     
       
     

     


  • Johnny-Peter Raffarin

    In dessin on 27 juin 2017 at 07:28

    Johnny-Peter R.Jean-Pierre Raffarin annonce qu’il quitte la politique pour une nouvelle vie.


  • Aquila Une fantaisie jupitérienne où la France du Grand Siècle  s'adresse à la France d'aujourd'hui. Par Marc Rameaux

    27 Juin 2017 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Europe supranationale, #La France, #La République, #La nation .

    lundi 26 juin 2017

    Aquila

     
    Une fantaisie jupitérienne où la France du Grand Siècle 
    s'adresse à la France d'aujourd'hui
     
     
    Je parcours depuis quelques jours l’excellent “Richelieu”, d’Arnaud Teyssier.
     
    Lorsque le temps que nous vivons devient trop médiocre et déprimant, le Grand Siècle est un refuge sûr.
     
    Il nous rappelle combien notre pays a touché à une période de son histoire, au summum de ce qu’une civilisation peut produire. Les hommes qui ont fait cette époque n’avaient guère plus de cinquante années à vivre, mais ils les employaient au mieux.
     
    Chaque minute de leur vie était engagée à une œuvre utile, n’empruntait pas ces multiples dérobades que notre temps soit disant civilisé a répandu comme des paillettes. 
     
    Patiantur columbae dum pascuntur aquilae, patiantur aquilae dum pascuntur columbae. Armand Jean du Plessis de Richelieu reprenait ainsi les paroles de Saint-Augustin, au cours de l’un de ses premiers sermons comme jeune évêque de Luçon.
     
    Ecrire et agir pour les aigles comme pour les colombes nous rappelle Arnaud Teyssier. Développer une pensée puissante, élaborée, mais soutenue par des actes simples que tous peuvent comprendre. Richelieu a mauvaise presse, encore de nos jours, de par l’imagination romanesque qui en fit l’archétype de l’éminence grise bien que vêtue de pourpre.
     
    Pourtant, la plupart de ses actes furent marqués par un sens impérieux du devoir, de ne pas céder à la facilité de remettre à plus tard ce sur quoi il était attendu. Cet homme que l’on disait animé seulement par le calcul eut une vie bien plus remplie à chaque instant pour le service de son pays que nombre de nos politiciens modernes.
     
     
    L’ensemble du grand siècle nous fait mesurer d’où nous sommes issus et ce que nous perdrions à brader notre civilisation. La langue cornélienne et la langue racinienne atteignirent chacune à leur façon, par l’intensité et par la pureté, une concision et une élégance que très peu d’autres cultures parviennent à égaler. Les questions philosophiques les plus décisives, y compris dans leur formulation moderne, prirent naissance au  grand siècle : la connaissance de l’homme et de l’univers avaient atteint un seuil qui ne laissait plus place à la moindre superstition ou à la litote de l’essentialisme.
     
    C’est au XVIIème siècle que la sincérité des intentions humaines en lutte avec les pièges de l’ego fut scrutée avec le plus d’attention. A cette époque, la France était grande même dans ses déchirements. Lorsque Bossuet et Fénelon s’affrontaient presque jusqu’à l’excommunication, c’est la possibilité du pur amour spirituel et humain, ou de sa tromperie et de ses désillusions, qui étaient en jeu. L’aigle de Meaux comme celui de Cambrai étaient les rejetons immensément doués et turbulents de l’Aquila par excellence, Jean l’évangéliste.
     
    La survie du jeune Louis XIV face à la Fronde et à Condé était tout autant une lutte pour le pouvoir qu’une magistrale leçon de philosophie politique, révélant la transition entre deux mondes. L’on mesure la distance qui nous sépare de la France du grand siècle, en voyant par contraste où sont tombées les controverses politiques et médiatiques d’aujourd’hui. Comment notre pays qui abrita la controverse de Bossuet et Fénelon peut-il maintenant se repaître des querelles de Sarkozy et Fillon ? Plus que jamais, la force d’une civilisation ne se mesure pas à son soi-disant modernisme.
     
     
    Le Grand Siècle vit aussi poindre la logique de Port-Royal. Arnauld et Nicole se doutaient-ils qu’ils ouvraient la voie à l’une des plus grandes aventures du langage, celle où la précision formelle et le trop plein ineffable et ambigu de la vie ne cessent de se confronter ? La philosophie analytique faisait ses premiers pas, non sans que les deux maîtres de Port-Royal nous rappelassent son certificat de baptême, issu en droite ligne des scolastiques et grammairiens médiévaux. L’élégance avec laquelle cette époque cultivait l’accointance naturelle entre modernité assumée et traditions des plus hautes époques en remontre à la nôtre, incapable de faire revivre ce lien, mettant en scène des pantins modernes déjà racornis car dénués de l’ardeur mystique des anciens moines grammairiens.
     
    Il n’y eut en ce siècle, aucun grand serviteur de l’état aussi roué et fin politique fût-il, qui n’eût donné sans hésitation sa vie pour la France. Etre français à cette époque et plus encore être de ceux qui conduisaient la destinée du pays, ne pouvait se concevoir sans la lourde responsabilité de préserver et transmettre cet héritage. Etre français se ressentait dans l’inquiétude et la ferveur d’être à la hauteur. La courtoisie française, héritée du fonds chevaleresque, parvenait à ce parfait équilibre entre une attitude de maîtrise plus que civilisée des rapports humains et une implacable détermination si l’action le nécessitait.
     
    Le gentilhomme du XVIIème siècle s’affirmait ainsi comme le canon de tous les gentlemen futurs. L’homme de bien tel qu’il existait dans notre pays réussissait la synthèse impossible des deux Aquilae, ceux qui se combattirent mortellement et semblaient inconciliables, l’Aquila romain et celui de Saint Jean l’évangéliste. Bien que longtemps le majestueux rapace n’apparût pas dans la symbolique de notre pays, cette miraculeuse synthèse de l’esprit et de l’énergie aurait mérité une telle envergure, génie français indissociable du génie du christianisme. Bien après le grand siècle, le surgissement du grand oiseau dans la symbolique bonapartiste fut sans doute l’expression de cet esprit particulier.
     
     
    Etre français signifiait au Grand Siècle être investi, comme par un cérémoniel quasi sacré, de cet héritage, de cet art de vivre. Lorsque je vois les comportements présents, je me demande parfois si les français d’aujourd’hui méritent la France.
     
    Il faudra un jour revenir à une forme rituelle et sacrée, jusqu’à la dimension tragique, de ce passage à la citoyenneté française, héritée de celle des cités grecques ou de la virtus romaine. En être investi, c’est prendre conscience de la profondeur de l’héritage que nous portons et que nous pouvons délivrer au monde. Une véritable cérémonie devrait remettre ce legs à tout citoyen, lui donnant confiance dans la puissance et dans le devoir d’être français. Le trahir doit signifier une proximité avec la mort, avec le clair-obscur du tragique.
     
    Ceux qui aujourd’hui méprisent et crachent sur la France sont moins coupables que ceux qui les laissent faire, car les premiers n’y comprendront jamais rien tandis que les seconds font montre d’une lâcheté pleinement consciente. Comment peut-on laisser proférer de pareilles insultes à la défense de la Cité, que les antiques auraient puni de la mort ou de l’exil ?
     
     
    L’on invoquera la liberté d’expression et le droit à l’insolence, d’ailleurs parties intégrantes de l’art de vivre français. Le grand siècle ne fut pas en reste, l’impertinence d’un La Fontaine perpétuant une tradition de moquerie de la cour et de sa comédie, héritage médiéval du Roman de Renart.
     
    Mais il ne s’agit pas de cela ici : notre époque incroyablement trouble et confuse ne sait plus faire la différence entre une critique salubre et une intimidation préparant l’action violente et la destruction de notre civilisation. Un niveau déjà élevé de langage et d’adhésion à notre culture est requis pour pouvoir la critiquer. Ceux qui revendiquent l’héritage français de la liberté de ton en sont très loin. Si nous les laissons faire, la liberté qu’ils usurpent disparaîtra tout à fait en France, pour n’admettre plus qu’une seule doctrine totalitaire, issue d’une culture qui n’est pas la nôtre. Le "vivre ensemble" est la négation du savoir-vivre.
     
     
    Il n’existe pas de liberté sans courage véritable face au conflit et sans affirmation clairement constituée de l’usage légitime ou illégitime de la force. Faute d’observer ce prérequis de toute liberté, nous laissons s’instaurer la loi de la violence et de l’intimidation. La liberté est une créature magnifique et fragile, qui n’éclot et ne survit que dans un territoire protégé par une enceinte d'intransigeante fermeté exigeant respect et civilité avant tout autre préalable.
     
    Lorsqu’un pouvoir que d’aucuns idolâtrent n’est pas même capable d’agir simplement et avec rigueur sur des territoires transformés en piscine, les auteurs voulant marquer qu’il ne s’agit plus d’une terre française mais tribale, nous ne pouvons plus avoir confiance dans la sauvegarde de nos libertés les plus élémentaires. Ne parlons pas même du territoire de l’école, où des bandes instaurent leur loi sur des professeurs héroïques, lâchés par une hiérarchie qui se précipitera lâchement vers l’accusation contre les victimes et la complaisance vis-à-vis des coupables. Nous aimerions que tout chef d’établissement ait la fermeté tranquille mais sans aucune faiblesse du cardinal de fer, que tout serviteur de l’état sente sa parenté avec Richelieu, visionnaire d’ensemble mais fondant sans hésitation sur chaque ennemi de la France avec la rapidité et le coup d’œil de l’aigle.
     
     
    D’Aquila il a encore été question récemment, puisque l’on veut nous faire croire que l’aigle jupitérien est de retour. J’en suis désolé, mais je ne vois point le lanceur de foudre. Je vois bien en revanche son travestissement.
     
    Inconsciemment, c’est peut-être l’une des caractéristiques les moins louables du maître de l’Olympe qui a attiré notre nouveau président, qui regretterait sa comparaison auto-proclamée si celle-ci était portée à la lueur de l’éclair. Jupiter était un maître du transformisme, se métamorphosant pour approcher et séduire ses nombreuses conquêtes amoureuses. De Jupiter, Emmanuel Macron a-t-il retenu celui qui tient l’égide ou le « serial lover » atteint de frégolisme ? 
     
    Je crains que la personnalité du nouveau président, ayant déjà étonné les esprits sagaces par sa comparaison, ne laisse guère le doute sur la part qu’il a choisie. Non que je soupçonne chez le nouveau président une vie amoureuse frénétique, ce qui ne me regarderait pas. Mais parce que je ne lui vois pas d’autre talent affirmé aujourd’hui que celui de la séduction, appliquée ici au domaine politique et non amoureux. Emmanuel Macron saura-t-il être autre chose qu’un Dom Juan de la vie publique ? Tout reste à prouver.
     
    Osera-t-on pousser la recherche pour savoir de quelles plumes est fait notre oiseau ? S’il est un dieu de l’Olympe auquel j’aurais spontanément associé notre nouveau président, c’est bien Mercure en lieu et place de Jupiter. Les plumes ne sont pas celles de l’aigle, mais des sandales et du casque qui permettaient au dieu aérien d’éternellement surfer sur les événements. Dieu des messagers, de la moderne communication, de l’intelligence rusée, du hasard, du commerce y compris lorsqu’il se fait voleur, je me représente beaucoup mieux notre nouveau président avec des sandales ailées qu’en maître de l’égide. Ses lueurs ne sont pas les éclats décisifs de la foudre, mais le scintillement trompeur et liquide du vif-argent. Après tout, le dieu chatoyant emprunta un jour l’apparence de Mars par son génie du déguisement. Pourquoi ne se travestirait-il pas en maître des dieux ?
     
     
    Quelles que soient les réponses que les mois futurs nous apporteront, que l’âge classique préserve la France, et que ses grands serviteurs se sentent issus de la lignée du cardinal. Soyez nobles et acérés, comme l’Aquila.
     
     

  • Peut-on porter des habits rouges quand on est journaliste au Venezuela ?

    25 juin 2017, au Venezuela : comme dans le Chili de 1973, un commando d’extrême droite reçoit l’onction du clergé avant un énième assaut armé contre « le communisme ». Dans « Les grands cimetières sous la lune » – son témoignage sur la guerre d’Espagne – l’écrivain Georges Bernanos, profondément catholique, dénonçait la bénédiction fébrile des exactions franquistes par l’Église.

    Les images d’un jeune afro-descendant lynché et brûlé vif  par les manifestants anti-Maduro avaient jeté le soupçon sur le martèlement médiatique de la répression-de-manifestants-pacifiques-au-Venezuela. Ce meurtre dans le plus pur style du Ku Klux Klan a rappelé le type de société dont rêve une opposition qui use de mortiers et de grenades pour déstabiliser un gouvernement élu et empêcher la campagne qui permettra aux vénézuéliens d’élire en juillet une Assemblée Constituante.

    Mêmes les médias d’opposition – majoritaires au Venezuela et qui couvrent quotidiennement ces mobilisations de droite, subissent des agressions de la part de ces militants pourtant du même bord qu’eux. La journaliste Yasmín Velasco de Televen (chaîne privée, d’opposition) vient de dénoncer sur son compte Twitter, qu’elle se trouvait à Altamira, une zone riche de l’est de Caracas, pour couvrir les manifestations contre Nicolás Maduro quand elle a été cernée par un groupe violent. Face à l’avancée de ses agresseurs, un cadreur a voulu leur expliquer qu’elle était journaliste mais « cela n’a pas arrêté le groupe qui essayait de brûler ma moto et de me voler mon téléphone ».

    Yasmín Velasco est tout sauf « chaviste ». Depuis des années elle dénonce avec vigueur les politiques du gouvernement bolivarien, notamment ses échecs en matière de sécurité, et ne cache pas ses préférences idéologiques. Alors que la majorité des victimes, contrairement à ce qu’affirment les grands médias, est causée par les violences de la droite qui a besoin de ces morts pour justifier une intervention extérieure contre la « dictature bolivarienne », Yasmin Velasco fait comme ses collègues des médias privés : attribuer immédiatement, avant toute enquête, chaque mort au « régime ». C’est pourtant comme « chaviste » qu’elle a manqué d’être carbonisée à son tour. En fait, pas exactement en tant que « chaviste » mais… parce qu’elle portait un chemisier rouge.

    Lorsqu’elle a dénoncé cette agression sur Twitter, Velasco a essuyé des réactions significatives de militants d’opposition. Pily Rodríguez (@mapyrc) lui demande “Pour qui travailles tu ? Pour le régime ?” @Alvin_Alarcon lui demande de « cesser de pleurnicher, car tu aides le gouvernement ». Beaucoup de tweets tentent de la consoler en lui expliquant que ses agresseurs ne peuvent être que des « infiltrés » du gouvernement bolivarien dont la présence servirait à souiller la geste démocratique de l’opposition. La palme revient certainement à @euliesaa : « Yasmin Velasco a oublié de mentionner qu’elle portait un chemisier rouge, qu’elle a refusé de montrer sa carte et qu’elle était éloignée de la plupart de ses collègues ». (sic).

    Précisons que Yasmin Velasco est de petite taille, a la chevelure brune et des traits « natifs ».

    Thierry Deronne, Venezuela, 26 juin 2017

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