• La colère palestinienne finira par éclater


    Par Jonathan Cook – Le 22 décembre 2017 – Source Chronique de Palestine

    Photo : MEE/Shadi Hatim

    Il est tentant d’interpréter l’annonce, cette semaine, d’un report à l’année prochaine de la visite du vice-président américain Mike Pence au Moyen-Orient comme le signe que les voyageurs doivent éviter la région pour des raisons de sécurité. En effet l’annonce fait suite à une éruption de troubles provoqués par la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump. 

    Lors des manifestations de vendredi dernier, les forces d’occupation israéliennes ont tué quatre Palestiniens et en ont blessé plus de 250.

    En réalité, les responsables américains ne sont pas inquiets pour la sécurité de Pence. En fait, la crainte d’un troisième soulèvement palestinien en réponse à la déclaration de Trump sur Jérusalem est sans doute prématurée.

    Après des décennies de partialité américaine flagrante envers Israël, Trump n’a fait que confirmer aux Palestiniens ce qu’ils savaient déjà. Certains ont même admis à contrecœur qu’au moins il était franc. Ils espèrent que sa décision mettra fin aux affirmations étasuniennes selon lesquelles les États-Unis seraient un « honnête intermédiaire » dans l’interminable « processus de paix » qui a, en fait, tout bonnement fait gagner du temps à Israël.

    La colère des Palestiniens contre Israël et les États-Unis est un fusible qui met du temps à sauter. Elle explosera quand ils le décideront, pas quand Trump le voudra.

    Le report de la visite du vice-président par Washington reflète plutôt l’instabilité de la nouvelle situation diplomatique dont la Maison-Blanche est responsable.

    La visite de Pence avait pour but de faciliter la mise en place du plan de paix promis par Trump depuis longtemps et de prendre en considération la détresse des chrétiens au Moyen-Orient. Il vient de se prendre une fin de non-recevoir en travers de la figure sur les deux questions. Les responsables palestiniens et les dirigeants chrétiens en Palestine et en Égypte ont décidé de boycotter sa visite.

    Au lieu d’annuler la visite de Pence ou d’exploiter le relatif calme actuel, et probablement transitoire, pour essayer de colmater les dégâts, l’administration Trump, telle un taureau enragé, a décidé de faire plus de casse.

    Comme Pence ne pourra pas rencontrer les responsables palestiniens, son emploi du temps sera entièrement consacré à Israël. Suite à un précédent diplomatique établi par son patron en mai, Pence se rendra au Mur des Lamentations qui se trouve dans la vieille ville occupée de Jérusalem, juste en-dessous de l’Esplanade de la mosquée Al Aqsa.

    Sa visite a malgré tout été qualifiée d’« officielle » et non de privée. Et elle aura une portée symbolique dramatique du fait de la désignation de Jérusalem comme capitale d’Israël par Trump.

    Pour ajouter l’insulte à l’injure, et en contradiction avec la promesse que Washington ne déterminerait pas les frontières d’une Jérusalem divisée avant la fin des pourparlers de paix, un haut fonctionnaire américain dont on ne connaît pas le nom a donné à la visite de Pence un tour encore plus troublant. Il a fait remarquer qu’il n’y avait pas de scénario étasunien qui ne prévoyait pas que le mur occidental finisse entre les mains d’Israël.

    Le changement de politique des États-Unis sur Jérusalem a porté un coup violent aux trois principaux piliers qui soutiennent la cause de l’État palestinien : l’Autorité palestinienne, l’Union européenne et les États arabes.

    Le plus grand perdant est le président palestinien Mahmoud Abbas. Washington l’a dépouillé de ses vêtements d’empereur : il dirige maintenant un gouvernement palestinien en puissance qui n’aura probablement jamais d’État, viable ou pas.

    Les États arabes, qui étaient censés être la clé de la stratégie « extérieure » si vantée, en créant un cadre régional pour la paix, ont été privés de la question qui leur tient le plus à cœur : Jérusalem.

    L’Égypte s’est ruée à l’aide d’Abbas ce week-end en rédigeant une Résolution du Conseil de sécurité de l’ONU pour annuler le changement de statut de Jérusalem. Mais l’inévitable veto américain a rendu cette tentative inutile.

    Et il est devenu clair que l’Europe, qui avait jusqu’ici endossé le rôle du « bon flic » face aux brutes étasuniennes, était en réalité la complice de son partenaire sans foi ni loi.

    L’Europe se retrouve dans une impasse à cause de sa rhétorique sur le processus de paix. Elle a longtemps crié au loup, en alertant sur le fait qu’une solution à deux États ne serait bientôt plus possible, et que l’Occupation qui ne devait être que temporaire se transformerait en un apartheid permanent.

    Maintenant que le cœur du futur État palestinien a été dévoré publiquement par le loup, que vont faire l’Europe et Abbas ?

    Ils feront probablement comme si rien n’avait changé – ne serait-ce que par crainte de ce qui pourrait combler le vide si le processus de paix apparaissait à tous comme la mascarade qu’il est.

    Mais c’est précisément l’illusion d’un processus de paix qui a maintenu les Palestiniens enchaînés. Le faux espoir d’un État ne profite pas aux Palestiniens ; il préserve un calme qui sert les intérêts d’Israël.

    C’est pourquoi, la semaine dernière, la Maison-Blanche a accusé Abbas de refuser le dialogue. Mais seul un imbécile s’entête à faire appel aux bons sentiments d’une canaille sourde.

    Il faut maintenant que l’AP, les États arabes et l’Europe entérinent la nouvelle réalité et mènent une politique indépendante des États-Unis.

    Certains dirigeants palestiniens, comme Hanan Ashrawi, l‘ont déjà compris. La décision de Trump ouvre une nouvelle ère, a-t-elle dit la semaine dernière. « Il n’y a pas de retour en arrière. »

    Les stratégies et les objectifs palestiniens doivent être réévalués. Néanmoins, les pressions en faveur d’un retour au business de la « paix » seront intenses.

    Les Palestiniens ordinaires de Jérusalem pourraient être les premiers à montrer la nouvelle direction de la lutte, une lutte qui prenne en compte le fait que l’État palestinien est mort et enterré.

    Ces dernières années, de plus en plus de personnes se sont mises à demander la citoyenneté israélienne, comme le leur permet la loi israélienne. Israël a fait toutes sortes de contorsions pour ne pas honorer son engagement, alors même qu’il appelle Jérusalem sa « capitale unifiée ».

    Il faut que les Palestiniens couvrent de honte Israël, les États-Unis et le monde qui les regarde, en adoptant les armes qui permettent de lutter contre l’apartheid, à savoir la résistance non violente et la désobéissance civile, pour obtenir des droits égaux dans un seul État.

    En ce moment, la rage palestinienne gronde sous la surface. Mais elle finira par éclater, et on prendra alors malheureusement toute la mesure des conséquences de la décision de Trump.

    Traduction : Dominique Muselet


  • Au fondement de la citoyenneté sociale

    Ni assurance ni charité, la solidarité

    Obligation envers les autres membres, la solidarité témoigne de la solidité d’une communauté. C’est pourquoi l’affaiblissement des mécanismes de sécurité sociale, telle la baisse des prestations familiales concoctée par le gouvernement français, affecte la cohésion nationale. Par l’égale dignité des citoyens qu’il met en œuvre, ce principe juridique forme le socle du développement humain.

     

    Bien qu’elle doive l’essentiel de sa fortune à la pensée sociologique et politique, la notion de solidarité a une origine juridique. Elle a d’abord désigné (dans le code civil de 1804) une technique du droit de la responsabilité utilisée en cas de pluralité de créanciers (solidarité active) ou de débiteurs (solidarité passive) d’une même obligation. C’est seulement à la fin du XIXe siècle qu’elle a acquis un sens juridique nouveau : celui d’organisation collective permettant de faire face aux risques liés au machinisme industriel, et de faire peser sur ceux qui de fait les créent une responsabilité objective, indépendante de toute faute. Ont ainsi été institués des régimes de solidarité que Jean-Jacques Dupeyroux a justement décrits comme des « pots communs (...) où l’on cotise selon ses ressources et où l’on puise selon ses besoins (1) ». Parce qu’elle ne se laisse jamais dissoudre dans un pur calcul d’intérêt, la solidarité est un facteur de résistance, pour le meilleur et pour le pire, à l’empire du marché. Lui donner force juridique permet de limiter l’extension de la compétition économique à tous les domaines de la vie.

    C’est sur le plan national que la solidarité a acquis la plus grande portée. Le code de la Sécurité sociale (1945) affirme ainsi que « l’organisation de la Sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale ». A ce principe correspond une citoyenneté sociale, distincte de la citoyenneté politique, qui repose sur trois piliers : la sécurité sociale, les services publics et les libertés collectives garanties par le droit du travail (liberté syndicale, négociation collective et droit de grève). Cette citoyenneté sociale, qui ne procède pas d’un droit du sang ou du sol, unit tous ceux qui contribuent à la solidarité nationale par leurs impôts et cotisations et bénéficient de celle-ci en tant qu’assurés sociaux et usagers des services publics. La solidarité nationale n’est pas exclusive. Elle admet en son sein l’expression de solidarités plus étroites qu’on peut qualifier de « solidarités civiles » — fondées sur le volontariat et gérées par des organismes à but non lucratif, comme les associations, les syndicats ou les mutuelles —, sans oublier les solidarités familiales. Toutes s’exercent sous l’égide de la solidarité nationale, qui les coordonne et que tout à la fois elles prolongent et soutiennent. Les liens entre ces cercles de solidarité sont multiples ; on ne peut donc en modifier un sans affecter tous les autres. Aucun système de sécurité sociale ne résisterait longtemps, par exemple, à une disparition des solidarités familiales. Il suffit pour le comprendre de convertir en heures de salaire le travail invisible que représentent les soins prodigués dans ce contexte aux personnes malades ou âgées.

    Cible privilégiée des néolibéraux

    Ainsi définie, la solidarité se distingue aussi bien de l’assurance que de la charité. A la différence de l’assurance privée, qui s’appuie sur un calcul actuariel des risques (par une méthode statistique), un régime de solidarité repose sur l’appartenance à une communauté, qu’elle soit nationale, professionnelle ou familiale. Les membres de cette communauté qui sont à un moment donné les plus fortunés, ou les moins exposés au risque, contribuent davantage que les moins fortunés ou les plus exposés, mais tous ont les mêmes droits. A la différence de la charité (ou de son avatar contemporain, le care), la solidarité ne divise donc pas le monde entre ceux qui donnent et ceux qui reçoivent : tous doivent contribuer au régime selon leurs capacités, et tous ont le droit d’en bénéficier selon leurs besoins. Expression de l’égale dignité des êtres humains, l’organisation de la solidarité est un frein à l’extension de la logique marchande à toutes les activités humaines. C’est pourquoi elle est depuis trente ans la cible privilégiée des politiques néolibérales.

    L’érosion des solidarités nationales est la manifestation la plus visible de cette remise en cause. L’attaque, frontale en ce qui concerne les services publics, a été moins brutale dans le cas de la sécurité sociale, même si, dès 1994, la Banque mondiale avait clairement fixé aux systèmes de retraite un nouveau cap : convertir les cotisations en valeurs mobilières abondant les marchés financiers. En Europe, où l’attachement des populations à la sécurité sociale est fort, la réalisation de ce programme a suivi une voie indirecte. Plutôt que de s’en prendre directement à ces régimes, on a sapé leurs bases financières, en rompant le lien entre le devoir d’y contribuer et le droit d’en bénéficier. Et l’on a pratiqué ce que le conseiller d’Etat Didier Tabuteau appelle « une politique du salami », qui consiste à « découper en fines tranches l’assurance-maladie obligatoire, pour permettre son absorption, progressive et tolérée, par les organismes de protection complémentaire » (2).

    Cette rupture est particulièrement nette au niveau de l’Union européenne. C’est là en effet que la solidarité a pour la première fois été reconnue comme un principe général du droit (d’abord en 1993 par la Cour de justice européenne, puis en 2000 par la Charte européenne des droits fondamentaux). Mais, depuis quinze ans, la Cour de justice envisage les législations sociales et fiscales des Etats membres comme des « produits » en concurrence sur un marché européen des normes. Elle autorise les grandes entreprises à choisir la plus économique et à se soustraire aux devoirs inhérents au principe de solidarité nationale. Les directives européennes, à l’exemple de celle régissant le détachement des travailleurs (3), vont dans ce sens. Dans le même temps, la Cour de justice invoque la libre circulation pour étendre le cercle des bénéficiaires de la solidarité nationale à des personnes qui ne participent pas à son financement. Selon elle, en effet, la citoyenneté européenne impose une « certaine solidarité financière » des ressortissants de l’Etat d’accueil avec ceux des autres Etats membres. On applaudirait volontiers si la citoyenneté européenne était une véritable citoyenneté sociale ; autrement dit si, au lieu de se livrer à une concurrence fiscale, les Etats membres édifiaient ensemble des régimes de solidarité à l’échelle européenne. Mais, en encourageant la fuite des cotisants et en imposant la prise en charge des non-cotisants, le droit européen brise le lien entre droits et devoirs de solidarité ; il prépare un monde où ne subsisteront plus que l’assurance et l’assistance, le marché et la charité. L’Union est ainsi engagée dans ce que Fritz Scharpf a justement nommé un processus d’« intégration négative », qui démantèle les solidarités nationales sans parvenir à édifier des solidarités européennes (4).

    Les solidarités civiles, qui concernent principalement le droit du travail (liberté syndicale et droit de grève) ainsi que le domaine de la protection sociale complémentaire (mutuelles et institutions paritaires à but non lucratif), sont soumises au même travail de sape. Depuis 2007, la Cour de justice de l’Union s’emploie à restreindre systématiquement les libertés collectives des salariés (5). Elle leur reconnaît certes une valeur juridique, mais inférieure à celle des libertés économiques des entreprises : ainsi, les organisations syndicales ne doivent en principe rien faire qui serait « susceptible de rendre moins attrayant, voire plus difficile » le recours à des délocalisations, à des pavillons de complaisance ou à une prestation internationale de main-d’œuvre permettant d’échapper aux cotisations sociales du pays d’accueil. Cette jurisprudence, qui met en cause le droit de grève, a suscité de nombreuses critiques, dont celles du comité d’experts de l’Organisation internationale du travail (OIT). Le système de supervision des normes de l’OIT s’est trouvé plongé dans une crise sans précédent, les représentants des employeurs s’opposant à toute forme de reconnaissance internationale du droit de grève...

    Cette entreprise de déconstruction s’exerce également sur le plan national, comme le montre l’évolution des prestations familiales en France. Avec le succès démographique que l’on sait, il avait été décidé après guerre de faire jouer la solidarité nationale au profit de tous les ménages ayant des enfants à charge, quel que soit leur niveau de revenus. En rognant ou supprimant ces avantages pour les classes moyennes, les réformes récentes nous ramènent à un système d’assistance aux pauvres. Quant à la protection sociale complémentaire, c’est le Conseil constitutionnel qui a décidé d’en chasser le principe de solidarité. La loi de sécurisation de l’emploi, qui a généralisé en 2013 les complémentaires santé, entendait autoriser les partenaires sociaux à établir un « haut degré de solidarité » à l’échelle des branches professionnelles, en désignant un organisme unique pour assurer cette protection. La validité de ces « clauses de désignation » avait été reconnue en 2011 par la Cour de justice de l’Union (6). Le Conseil constitutionnel les a tout de même déclarées contraires à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, dans une décision qui réalise le tour de force de ne piper mot de solidarité (7). Décision désastreuse selon le représentant de l’Union professionnelle artisanale, M. Patrick Liébus, qui a souligné la situation de vulnérabilité des petites entreprises, livrées aux « démarches et pressions de toute nature que ne manquera pas d’exercer sur elles le secteur de l’assurance (8) ».

    Dans les pays émergents en revanche, l’institution de mécanismes de solidarité n’est pas perçue comme un obstacle au développement, mais comme l’une de ses conditions les plus urgentes. Ce qui a donné lieu à des initiatives remarquables, comme le programme « Bourse familiale » (9) au Brésil ou le National Rural Employment Guarantee Act (10) en Inde. Ces initiatives ne sont pas exemptes de défauts, mais témoignent de ce que l’organisation de la solidarité est une question d’avenir qui se pose en toute société et non un monument historique qu’on pourrait raser ou conserver en l’état. Plus généralement, les tensions et les inégalités engendrées par la mondialisation font resurgir des solidarités dans l’action, comme on le voit dans des situations aussi différentes que les grèves en Chine et les soulèvements du monde arabe, mais aussi des solidarités d’exclusion, fondées sur le retour fantasmé à des identités religieuses, ethniques ou tribales (11).

    A l’échelle mondiale, la solidarité fait aussi retour en tant que technique du droit de la responsabilité. L’organisation réticulaire des entreprises transnationales permet à leurs dirigeants d’utiliser les sociétés qu’ils contrôlent comme autant de pare-feu, les mettant à l’abri de toute poursuite. La responsabilité solidaire est un outil juridique permettant de percer l’écran de la personnalité morale et d’obliger ceux qui ont le pouvoir économique à répondre des conséquences sociales et environnementales de leurs décisions. Engagée avec l’instauration de la responsabilité des entreprises en matière de produits défectueux, cette démarche peut concerner les questions les plus diverses : recours au travail illégal, infraction aux règles de santé et de sécurité, manquement aux règles de la concurrence, corruption ou fraude fiscale, pollution marine (affaire de l’Erika), remise en état écologique des sites industriels...

    L’idée avait été avancée dès 2005 de rendre ceux qui contrôlent une activité économique responsables par principe des dommages qu’elle cause. Enterrée par le Sénat, elle a resurgi dans le sillage du drame du Rana Plaza (12), sous la forme de propositions de loi visant à introduire la notion de devoir de vigilance des sociétés mères et des donneuses d’ordre. Présentée par la gauche du Parti socialiste français comme l’une des conditions d’un nouveau « contrat de majorité » parlementaire, cette réforme a été vidée de sa substance dans la loi du 10 juillet 2014 « visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale ». Au lieu de consacrer le principe d’une responsabilité solidaire des donneurs d’ordre, cette loi ne les oblige qu’à faire des remontrances à leurs sous-traitants lorsque l’inspection du travail les informe de leurs infractions.

    Ce principe devrait toutefois finir par s’imposer, car aucun ordre juridique ne peut durablement s’accommoder d’un principe général d’irresponsabilité. Tel un phénix, la solidarité renaît toujours de ses cendres.

    Alain Supiot

    Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Etat social et mondialisation. Analyse juridique des solidarités ».

    (1Jean-Jacques Dupeyroux, « Les exigences de la solidarité », Droit social, n° 11, Paris, novembre 1990.

    (2Didier Tabuteau, Démocratie sanitaire. Les nouveaux défis de la politique de santé, Odile Jacob, Paris, 2013.

    (3Lire Gilles Balbastre, « Travail détaché, travailleurs enchaînés », Le Monde dipomatique, avril 2014.

    (4Fritz W. Scharpf, « The asymmetry of European integration or why the EU cannot be a “social market economy” », KFG Working Paper, n° 6, Université libre de Berlin, septembre 2009.

    (5Cf. les arrêts Viking et Laval (2007).

    (6Cf. Jacques Barthélémy, « Clauses de désignation et de migration au regard du droit communautaire de la concurrence », Jurisprudence sociale Lamy, n° 296, Rueil-Malmaison, 24 mars 2011.

    (7Cf. Jean-Pierre Chauchard, « La prévoyance sociale complémentaire selon le Conseil constitutionnel », Revue de droit sanitaire et social, n° 4, Paris, 2014.

    (9Le programme Bolsa Família, lancé en 2003, aide financièrement treize millions de familles, qui doivent en retour envoyer les enfants à l’école. Lire Geisa Maria Rocha, « Bourse et favelas plébiscitent “Lula” », Le Monde diplomatique, septembre 2010.

    (10Voté en 2005, ce programme garantit aux adultes des ménages ruraux cent journées de travail par an, payées au salaire minimum. Lire Jyotsna Saksena, « L’Inde invente le revenu rural garanti », Le Monde diplomatique, novembre 2005.

    (11Pour un tableau d’ensemble de ce renouveau de la solidarité, cf. La Solidarité. Enquête sur un principe juridique, à paraître en 2015 chez Odile Jacob (Paris).

    (12Du nom de l’usine textile qui s’est effondrée au Bangladesh, causant la mort de plus de mille cent personnes. Lire Olivier Cyran, « Au Bangladesh, les meurtriers du prêt-à-porter », Le Monde diplomatique, juin 2013.

    Lire aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de décembre 2014.


  • 29 Décembre 2017

    Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

    Chômage novembre 2017: la timide reprise de l'emploi se fait par du travail précaire

    Si la catégorie A (sans emploi) baisse de 0,1% sur un mois, sur un an c'est vraiment minime: - 0,1% et la reprise de l'emploi se fait dans les boulots précaires. Quant au chômage des seniors, il continue à exploser: + 4,5% sur 3 mois et + 9,2% sur 1 an.  A part ça, ça va dit le pouvoir de droite et de droite. Et le Medef en est ravi, le palais de l'Elysée envisage de pratiquer l'un de ses diktats, en mettant en examen surveillé les chômeurs chaque mois sous peine de sanctions. Vous avez dit trêve des confiseurs et bien voilà.

    Sans parler de l'une des ordonnances Macron, promulguée le 22 décembre: la toute nouvelle rupture conventionnelle collective. Elle permet de virer des charrettes de CDI sans avoir à prouver des difficultés économiques, sans avoir à proposer des postes de reclassement dans l'entreprise ni à réembaucher les virés en cas de reprise économique. Dans le même temps, après avoir viré des CDI, seniors pour la plupart  avec leur ancienneté dans la grille salariale, le patron peut embaucher tout à son gré CDD, intérimaires ou CDI jeunes.

    PSA et Pimkie du groupe Auchan-Mulliez ont d'ores et déjà prévenu les syndicats de cette mise en action en janvier 2018. Le Figaro et Les Inrocks envisagent d'y recourir.

    Communiqué de la CGT sur le chômage:

    Les nouveaux chiffres du chômage montrent une baisse de la catégorie A (-0,8 % sur 1 mois, -2,4 % sur 3 mois) mais somme toute minime sur un an à -0,1 %.
    La catégorie B a baissé sur 3 mois (-2,4%) mais continue d’augmenter sur 1 an (+ 4,2 %).
    On relève surtout une explosion de la catégorie C, celle des demandeurs d’emploi ayant travaillé plus de 78 heures dans le mois, avec plus + 4,5% sur 3 mois et + 9,2% sur 1 an.
    La timide reprise économique s’accompagne de ce que nous dénonçons depuis désormais des années : la reprise de l’emploi se fait par les emplois précaires.
    Et si le chômage des jeunes a tendance à légèrement baisser (-4,2% sur 3 mois et -1,6% sur 1 an), celui des seniors continue d’exploser (+1,1% sur 3 mois) et plus 5,5 % sur 1 an.
    Les intentions du gouvernement pour durcir le contrôle des chômeurs ne feraient qu’aggraver cette augmentation de la précarité, encore une fois au profit des employeurs déjà largement gâtés en « flexibilité » par les ordonnances Macron.
    La CGT ne laissera pas le gouvernement et le patronat insulter et culpabiliser les demandeurs d’emploi. Ces derniers ne demandent qu’à être accompagnés pour retrouver des emplois durables et pas des petits boulots destinés à confisquer encore plus les richesses produites par le travail de toutes et tous !

    Montreuil, le 27 décembre 2017


  • Macron danse au-dessus d’un volcan
    Edito du n°21

    Il y a un peu plus d’un an, un éditorialiste du Financial Times, Wolfgang Munchau, alertait les classes dirigeantes du monde entier : « Certaines révolutions auraient pu être évitées si la vieille garde n’avait pas versé dans la provocation. Il n’y a aucune preuve que Marie-Antoinette ait dit : « qu’ils mangent de la brioche» [1], mais elle aurait très bien pu le dire. Cela sonne vrai. Comme establishment déconnecté des réalités, les Bourbons étaient imbattables. Aujourd’hui, ils ont des concurrents ». [2]

    Ainsi raisonnent les stratèges du Capital les plus clairvoyants. Ils redoutent les conséquences sociales et politiques de la crise du capitalisme, des politiques d’austérité et de l’indécente orgie de profits qu’une infime minorité de la population réalise sur le dos du plus grand nombre. Ils s’inquiètent de la déconnexion vertigineuse des élites économiques, politiques et médiatiques : elles vont très bien et mènent grand train, au risque de n’avoir plus qu’une idée très vague des souffrances qu’endure la masse des exploités et des opprimés, en particulier depuis la crise de 2008.

    Ce « moment Marie-Antoinette », comme l’appelle Wolfgang Munchau, décrit bien l’un des aspects de la situation politique française – avec son Jupiter ivre de lui-même, son porte-parole du gouvernement qui soupçonne les chômeurs de profiter des allocations « pour partir deux ans en vacances », sa députée En Marche qui, dans la presse, se plaint de manger beaucoup des pâtes depuis qu’elle doit survivre, la Cosette, avec 5000 euros par mois...

    Quant à Pierre Gattaz, le patron du Medef, il n’a pas craint d’exiger du gouvernement qu’il instaure un contrôle quotidien des chômeurs, histoire de ne pas leur accorder le luxe d’un seul jour de vacances.

    Enfin, la plupart des journalistes des grands médias ont perdu toute retenue. Frappés par la grâce jupitérienne, ils ont déchiré leurs derniers oripeaux d’« objectivité » et rivalisent d’admiration pour chaque fait, geste et mot de Macron. Ils ont franchi de nouveaux abîmes dans la servilité du journalisme officiel.

    Illusion d’optique

    Cette ambiance générale, au sommet de la société, est alimentée par les apparents « succès » du gouvernement. L’économie française « redémarre » (au seuil d’un gouffre). Les chiffres officiels du chômage sont « bons » (ou moins mauvais que sous Hollande). Sur le terrain diplomatique, Macron profite des déboires de Trump et Merkel pour multiplier les coups de bluff. Un jour, il sauve la planète – pendant trente secondes. Le lendemain, il vole au secours de son « ami » Saad Hariri, l’archi-corrompu Premier ministre du Liban. Et désormais que les dirigeants saoudiens ont perdu leur guerre monstrueuse au Yémen, malgré les milliards d’euros d’armes que leur ont vendus les industriels français, Macron demande à Ryad de bien vouloir songer à la situation humanitaire du peuple yéménite. Comme toujours dans la diplomatie impérialiste, le cynisme le dispute à l’hypocrisie. Mais la Macronie médiatique, elle, y voit la marche triomphale du Nouveau Monde.

    Surtout, le gouvernement a réussi à faire passer sa loi Travail sans provoquer de grandes mobilisations sociales. Logiquement, Macron cherche à pousser son avantage. Il accélère son calendrier réactionnaire : pression fiscale accrue sur les foyers modestes, baisse programmée des retraites, sélection à l’université, coupes dans le budget de la Sécurité Sociale, contre-réforme de l’assurance chômage, etc. Dans le même temps, des milliards d’euros d’allègements fiscaux pleuvent sur les plus riches, sans qu’ils aient à lever le petit doigt.

    La classe dirigeante est aux anges : elle a urgemment besoin de cette politique pour défendre la compétitivité du capitalisme français, qui n’a cessé de perdre des parts de marché, ces vingt dernières années. Chirac, Sarkozy et Hollande avaient engagé la destruction des conquêtes sociales d’après-guerre, mais ils avançaient prudemment, car ils redoutaient une explosion de la lutte des classes. Non sans raison : les travailleurs se sont massivement mobilisés en 1995, en 2003, en 2006, en 2010 et en 2016. Chaque fois, la bourgeoisie française – toujours hantée par la grève générale de Mai 68 – retenait son souffle.

    A présent, elle se prend à rêver : et si Macron, fort de ses 40 ans, de son sourire et d’on ne sait quelles vertus mystiques, était l’homme providentiel capable d’hypnotiser la jeunesse et la classe ouvrière ? Les capitalistes les plus sots y croient ; tous l’espèrent. Mais en réalité, la victoire du gouvernement, sur la loi Travail, a été concédée par les dirigeants syndicaux, sans combat. Berger (CFDT) et Mailly (FO) ont approuvé le projet de loi. Martinez (CGT) a bien convoqué quelques « journées d’action » qui ne servent à rien, mais elles n’ont pas beaucoup mobilisé – précisément parce qu’elles ne servent à rien. Et comme Martinez ne conçoit aucune stratégie alternative aux « journées d’action », il a simplement pris acte de la victoire du gouvernement.

    Ainsi, la faillite des directions syndicales crée l’illusion que Macron est en position de force. Mais il ne l’est pas. Il danse sur un volcan. Sa politique est minoritaire, dans le pays, et le sera toujours plus à mesure que ses effets dévastateurs se feront sentir dans la masse de la population. Par exemple, de grands groupes – dont Carrefour et PSA – ont annoncé qu’ils allaient profiter de la loi Travail pour engager de nouvelles vagues de licenciements. D’autres groupes suivront leur exemple. Et c’est dans ce contexte que le gouvernement va engager sa contre-réforme de l’assurance chômage ! Au passage, il lui faudra expliquer aux millions de chômeurs qui luttent, chaque jour, pour sortir la tête de l’eau, comment un renforcement de leur « contrôle » changera quelque chose à cette simple équation : il y a 6 millions de chômeurs, en France, mais moins de 330 000 emplois restés vacants en 2016, selon Pôle Emploi. Autrement dit, le problème, ce n’est pas les chômeurs ; c’est le chômage. Plus précisément, c’est l’incapacité du capitalisme à résoudre ce problème.

    Une situation explosive

    Quand le volcan social entrera-t-il en éruption ? A quelle occasion ? On ne peut l’anticiper. Mais on peut évaluer, par différents symptômes, l’élévation de la température et de la pression. A cet égard, il faut relever qu’un nombre important de grèves très militantes éclatent dans différents secteurs, notamment la logistique, les transports, la Poste et le nettoyage. Dans les hôpitaux, que les gouvernements successifs ont saccagés, le mouvement gréviste se répand comme une traînée de poudre. Ce sont là de précieux indices de ce qui se prépare. A l’approche du 50e anniversaire de Mai 68, le développement spontané d’une grève générale illimitée est une possibilité évidente.

    Non seulement le gouvernement Macron est fragile, mais la bourgeoisie a un deuxième problème : l’absence d’alternative crédible à droite. L’élection d’une médiocrité notoire, Laurent Wauquiez, à la tête des Républicains, n’est pas de nature à redorer le blason de ce parti discrédité. Il y a bien l’option d’une alliance entre les Républicains et le FN, mais elle est hasardeuse et dangereuse, du point de vue des capitalistes. A gauche, le Parti Socialiste, dont les dirigeants sont toujours prêts à servir la bourgeoisie, n’est plus une option. En bref, c’est la France insoumise (FI) qui est la mieux placée pour cristalliser l’opposition au gouvernement Macron. D’où la haine qui transpire, dans les grands médias, contre le mouvement de Jean-Luc Mélenchon. Les militants de la FI doivent enregistrer sereinement la signification politique de cette haine – et se concentrer sur l’essentiel : la consolidation de la France insoumise, sa transformation en une organisation massive, démocratique, efficace, et la popularisation d’un programme de rupture avec le système capitaliste.


    [1] C’est ce qu’aurait répondu Marie-Antoinette à un membre de la cour lui signalant que les paysans manquaient de pain. Contestée par les historiens, l’anecdote figure dans Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau.

    [2] Le Financial Times du 29 novembre 2016


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