• ROSEMAR

     
     
    5 mai 2018 6 05 /05 /mai /2018 14:06
    Je n'en finirai pas d'écrire ta chanson, ma France...

     

     


    "Ma France" reste, dans nos mémoires, comme une des plus belles chansons de Jean Ferrat : une véritable déclaration d'amour à la France et au peuple qui a fait son histoire...

     

    La France personnifiée, humanisée devient sous la plume de Jean Ferrat l'image d'une femme aimée à qui on dédie une chanson.

    Le poète s'adresse à elle comme à une maîtresse, ce que suggère bien l'apostrophe réitérée : "Ma France"... Il alterne la première et la deuxième personne, instaurant un dialogue avec elle.

     

    Dès la première strophe, il évoque des paysages variés pour la décrire : "De plaines en forêts de vallons en collines...", puis des saisons distinctes " du printemps à tes mortes saisons..." comme pour mieux en souligner toutes les beautés si bien que le poète ne peut que prolonger indéfiniment son éloge.

    Puis, il égrène quelques régions qui lui sont chères et en fait des esquisses emplies de poésie : 

    "Au grand soleil d'été qui courbe la Provence
    Des genêts de Bretagne aux bruyères d'Ardèche..."

    Des images qui restituent des ambiances, des paysages dans leur simplicité et leur vérité... Ferrat décrit la France, comme le ferait un peintre, avec des couleurs, des formes...

     

    Il sait aussi suggérer un esprit français dans ces expressions : "Quelque chose dans l'air a cette transparence
    Et ce goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche..."

     

    Et la chanson n'est pas seulement une déclaration d'amour à un pays, elle est aussi un texte engagé qui souligne une soif de liberté et de justice inextinguible...

    Cet "air de liberté" qui caractérise la France, qui a fait sa réputation "au-delà des frontières" et qui nous vient de la Révolution est bien ancré dans l'histoire, comme le montre l'évocation de Robespierre, grande figure de la Révolution française.

     

    Puis, le poète égrène tous ceux qui ont construit cette France dans une énumération qui mêle hommes illustres et anonymes : "le vieil Hugo tonnant de son exil", "des enfants de cinq ans travaillant dans les mines", des ouvriers représentés par des "mains qui ont construit des usines...", la France fusillée lors de la Commune, sur l'ordre d'Adolphe Tiers.

    L'énumération montre bien l'injustice subie : ceux qui ont oeuvré pour la France se retrouvent sous le feu des balles.

     

    Puis, des artistes engagés sont convoqués, "Picasso, Eluard" qui ont lutté pour la paix, et qui ont dénoncé les horreurs de la guerre.
    Leur message se perpétue pour dire qu'il est "temps que le malheur succombe".

     

    Et toutes les voix de ceux qui font la France sont associées en une seule, comme pour former une belle harmonie et une belle unité... une voix vouée aux sacrifices, aux "fosses communes" : le poète dénonce les gouvernants, ceux pour qui souffrent les travailleurs, en les interpellant, avec l'emploi de l'adjectif possessif de la deuxième personne "vos crimes, vos erreurs..."

     

    Ferrat rend hommage aux travailleurs, au petit peuple, à cette France "qui ne possède en or que ses nuits blanches
    Pour la lutte obstiné de ce temps quotidien..."

    Une France dont Ferrat nous fait percevoir tout le labeur, avec pour seul trésor "ses nuits blanches". L'association du mot "or" avec l'expression "nuits blanches" restitue toute la valeur du travail fourni par les plus humbles.
    Le peuple est ainsi magnifié dans cette lutte quotidienne qu'il mène pour faire vivre le pays...

    Une lutte pour travailler, une lutte, aussi, pour dénoncer les injustices symbolisées par "l'affiche qu'on colle au mur."

     

    Et Ferrat évoque cette France qui se révolte dans cette expression bâtie sur une antithèse frappante de verbes de mouvement : "qu'elle monte des mines, descende des collines."

    Le poète s'associe à cette France, avec ces mots : "celle qui chante en moi", soulignant ainsi sa complicité et sa solidarité.

     

    Désignée par les adjectifs "la belle, la rebelle", la France est de nouveau magnifiée et valorisée dans ses révoltes mêmes.

    "Celle qui tient l'avenir serré dans ses mains fines", à nouveau personnifiée, la France des travailleurs mérite d'être célébrée.

    Et dans le dernier vers, le poète évoque d'autres mouvements populaires célèbres dans cette expression : "Trente six, soixante huit chandelles".

     

    La mélodie qui alterne douceur et force traduit à la fois tendresse et révolte.

    Bel hymne à la liberté, cette ode à la France, à ses travailleurs, ses artistes traduit l'attachement du poète à ce pays si riche d'histoire, de révoltes, de luttes...

     

     


     

     

     

     
     

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  • Pourquoi parle-t-on toujours « d’oligarques russes » et jamais « d’oligarques occidentaux » ?


    Par Jeff Cohen – Le 10 avril 2018 – Source Truthdig

    Brian Roberts, PDG de Comcast.

    Les infos télévisées peuvent être assez énervantes. Jour et nuit, j’entends les présentateurs sur CNN et MSNBC parlant sans cesse des plans de tel ou tel « oligarque russe ayant des liens avec le Kremlin ». J’ai entendu cette phrase un nombre incalculable de fois ces dernières semaines.

    Et beaucoup d’autres que moi ont entendu l’expression « oligarque russe ». Merriam-Webster.com expliquait que «oligarque» était l’un de ses mots clés les plus recherchés, en date du 5 avril, «suite aux informations selon lesquelles Robert Mueller avait interrogé des hommes d’affaires russes auxquels ce descriptif s’applique ».

    Mais il y a une phrase que je n’ai jamais entendue sortir de la bouche d’aucun des animateurs, prétendûment progressistes, de MSNBC : «Un oligarque américain ayant des liens avec Washington ».

     

    Cet oubli est révélateur si l’on considère un fait indiscutable : les oligarques américains ont fait beaucoup plus pour miner la démocratie américaine que n’importe quel Russe.

    Prenez, par exemple, Brian L. Roberts – qui correspond certainement à la définition d’oligarque prise dans le dictionnaire : « une personne faisant partie d’un petit groupe de personnes puissantes qui contrôlent un pays ou une industrie ». En tant que président et chef de la direction de Comcast, Roberts dirige la société que son père a fondée et détient plus d’un tiers des actions de cette société. Sa rémunération annuelle de 28,6 millions de dollars l’an dernier était inférieure à celle que quatorze autres oligarques américains − je veux dire PDG − ont « gagné ». Sa valeur nette est estimée à plus de 1,65 milliard de dollars.

    Cet oligarque a-t-il des « liens avec Washington » ? Au cours d’une année récente, Comcast a consacré près de 19 millions de dollars au lobbying, en deuxième position après l’entreprise militaro-industrielle Northrop Grumman. L’an dernier, Comcast a dépensé plus de 15 millions de dollars. Et l’oligarque Roberts a été un acteur  de pouvoir de premier plan à Washington pendant des décennies, ayant porte ouverte chez tous les présidents − de la loi de déréglementation sur les télécommunications, loi anti-consommateurs votée en 1996, à l’effort actuel du président Trump pour mettre fin à la neutralité du réseau, au nom de Comcast et d’autres grands fournisseurs d’accès Internet.

    La Loi sur les télécommunications − pro-conglomérats − de Clinton et l’assaut de Trump contre la neutralité du net ont tous deux miné la démocratie américaine. Aucun Russe n’y est pour quelque chose. (Vous avez peut-être entendu dire que le Sinclair Broadcast Group, qui travaille sur la propagande de Trump, possédera bientôt plus de 200 stations de télévision locales ; jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur les télécommunications, une entreprise ne pouvait légalement en posséder plus de 12.)

    Vous devez l’accorder aux oligarques américains. Beaucoup gardent un certain pouvoir, quel que soit le parti qui dirige Washington. Ils ont une plus grande résistance que les oligarques russes qui, nous dit-on constamment, finissent morts ou en prison s’ils tombent en disgrâce avec le président Poutine.

    Roberts a certainement le style de vie d’un oligarque. Il possède une datcha d’été − je veux dire une résidence secondaire − à Martha’s Vineyard où il ancre ses bateaux Sparkman & Stephens construits sur mesure et où il a accueilli le président Obama, y compris lors d’un cocktail de la liste A, organisé pour Obama, en août 2013. Et Roberts aurait construit un vaste manoir à North Palm Beach, non loin du Mar-a-lago de Trump.

    Mais sa résidence principale est à Philadelphie. Obama a régulièrement séjourné dans les manoirs de Comcast. En 2013, lors d’une collecte de fonds du Parti démocrate à Philadelphie, chez le meilleur lobbyiste de Roberts, le président Obama déclarait : « Je suis venu ici tant de fois, la seule chose que je n’ai pas faite dans cette maison, c’est d’avoir un dîner Seder. » [repas rituel juif, NdT]

    Alors que les oligarques russes sont souvent des chasseurs de gibier passionnés, Roberts est un golfeur fanatique. Obama a joué au golf avec lui « sur les gazons luxuriants du Vineyard Golf Club ».

    Il y a une dernière chose que je dois ajouter au sujet de Roberts. En tant que PDG de Comcast, il est le patron ultime des animateurs prétendument progressistes de MSNBC. Ce qui peut aider à expliquer leur silence sur les oligarques américains, puisqu’il serait difficile d’aborder le sujet sans mentionner leur patron.

    Je ne devrais pas cibler Roberts, ni les hôtes MSNBC qu’il emploie. Parce que le problème va bien au-delà de cet oligarque particulier et de cet organe d’information corporatif particulier.

    Roberts n’est qu’un parmi des dizaines de puissants oligarques américains. Ils forment une « classe dirigeante » et dirigent un « État corporatif » − deux expressions de plus que l’on n’entend pratiquement jamais dans les médias américains. L’une des raisons pour lesquelles ces oligarques ont peu de couverture critique et aucun examen systémique est que, comme en Russie, les oligarques sont les propriétaires ou des clients importants des médias grand public.

    Permettez-moi d’être clair, afin de ne pas exagérer : les animateurs de Fox News sont libres de ternir certains oligarques, surtout des démocrates, comme George Soros et les animateurs de MSNBC s’en prennent gaiement à certains oligarques, Républicains cette fois, comme les Mercers et les frères Koch.

    Mais pour avoir une vision claire et complète du fonctionnement du système politique américain (c’est-à-dire de l’« oligarchie américaine »), j’ai une suggestion à vous faire : déconnectez-vous de MSNBC, CNN, Fox et d’autres sources d’information tenues par les grosses entreprises et tournez-vous plutôt vers des médias progressistes indépendants de qualité.

    Si vous le faites, vous verrez que les problèmes qui affligent la démocratie et l’économie américaines sont certainement l’œuvre d’oligarques. Et ceux-là ne parlent pas russe.

    Jeff Cohen

    Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone


  • Guerre commerciale entre les États-Unis et l’Allemagne ?


    Le 24 avril 2018 − source orientalreview.org

    La température est récemment montée d’un cran dans les relations entre les USA et Allemagne. À rebours des tentatives répétées de Washington visant à aligner ses alliés dans le giron de l’OTAN en réaction à un « ennemi commun » fabriqué − en l’occurrence la Russie − le poids lourd économique européen ne cesse d’agacer son partenaire d’outre-atlantique en renforçant ses positions propres.  

    La première raison de cette divergence est purement économique. Si l’on regarde le tableau général, l’Allemagne est politiquement restée un protectorat américain ; elle reste même officiellement un pays occupé militairement, et ce depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais, économiquement, c’est le schéma inverse qui s’est progressivement établi : les USA constituent désormais, en pratique, une colonie allemande. La balance commerciale américaine accuse un déficit proche des 70 milliards de dollar par an, ce qui en fait le deuxième déficit le plus important en volume, dépassé uniquement par le déficit américain envers la Chine. Cet état de fait n’est pas pour plaire au président Donald Trump, qui veut changer la donne. Mais quel que soit son désir exprimé d’agir pour protéger les USA et les travailleurs américains, on a toutes les raisons de penser que son objectif premier est de porter préjudice aux rivaux de l’Amérique et d’affaiblir les positions de Berlin.

    Le Professeur Gustav Horn, directeur de l’institut politique macro-économique

    Si l’on s’en réfère à Gustav Horn, le directeur de l’institut politique macro-économique (IMK) basé à Dusseldorf, la voie commerciale choisie par Trump pourrait pousser l’Allemagne vers la récession. Et plusieurs éléments très concrets sont préoccupants : le risque de récession, estimé à 6.8% en mars 2018, se voir ré-estimé un mois plus tard à 32.4%, c’est à dire que cette probabilité a quasiment quintuplé ! Les déclarations protectionnistes du président des USA ont des conséquences profondes sur les marchés financiers et l’économie en Allemagne.

    Pour celle-ci, l’année que nous vivons est la cinquième année de croissance économique rapide ininterrompue. C’est une bonne performance à long terme selon les standards actuels, surtout si l’on considère les problèmes économiques des autres pays en Europe. Le chômage allemand a atteint un niveau si bas qu’il n’est pas rare d’y voir des entreprises refuser des commandes par manque de main d’œuvre. Les niveaux de taxes record collectées par le gouvernement d’Angela Merkel sont également remarquables. Mais au final, c’est bien le point fort de l’économie allemande : son orientation vers l’exportation, qui pourrait se révéler constituer sa faiblesse. Trump le « protectionniste » est mal disposé envers les pays présentant une balance commerciale excédentaire envers les USA. Et Berlin, dont Trump n’hésite pas à déclarer qu’elle suce la moelle de l’économie américaine [Si le président du système monétaire dominant dit cela de l’Allemagne, que devraient donc en dire les Européens qui subissent l’euro de plein fouet ? NdT], a fait l’objet de critiques spécifiques de sa part plus souvent qu’à son tour, tout comme la Chine et le Japon.

    En janvier 2017, le département d’État aux finances américain infligeait une amende de 425 millions de dollars à la Deutsche Bank pour violation des lois américaines anti-blanchiment, sur un dossier qui a vu environ 10 milliards de dollars sortir de Russie entre 2011 et 2015. Le directeur du département d’État américain faisait ainsi à cette occasion la leçon à la plus grande banque allemande : « Dans le réseau financier interconnecté que nous connaissons de nos jours, les institutions financières mondialisées doivent se montrer plus vigilantes que jamais dans la guerre contre le blanchiment d’argent et les autres activités pouvant contribuer à la cybercriminalité et au terrorisme international. » Il fallait comprendre que la banque avait travaillé avec des clients ciblés par des sanctions infligées après les événements en Ukraine.

    À peu près en même temps, Trump frappait un grand coup sur l’industrie automobile allemande. Dans une interview accordée au journal allemand Bild, au cours de laquelle il déclarait défendre les intérêts des fabricants automobiles américains, il avait violemment critiqué BMW, Volkswagen et Daimler, à cause de leur volonté d’exporter trop de véhicules vers les USA au lieu de les construire sur le sol américain, menaçant ces fabricants d’une taxe à l’importation de 35%.

    Les réactions ne se firent pas attendre. Faisant suite au scandale des émissions diesel, Volkswagen fut la première à répondre, confirmant la signature d’un accord avec le département américain de la justice stipulant le paiement d’une amende de 4.3 milliards de dollars, ainsi que « des mesures complémentaires de renforcement du système de surveillance ».

    Il est remarquable que Trump ait choisi l’industrie automobile allemande comme exemple au moment où il mettait en place ses politiques protectionnistes. Il ne prenait pas seulement l’Allemagne comme « souffre-douleur », mais le symbole même de sa puissance économique − ses fabricants automobiles. Dans les faits, force est de constater que l’Allemagne n’est plus le « partenaire particulier » américain qu’elle était en Europe, mais qu’elle est désormais considérée comme principal rivale économique, contre laquelle une guerre à l’issue pré-programmée peut être déclarée.

    Peter Navarro, conseiller aux politiques commerciales de Trump

    Autre fait notable, on a vu en janvier 2017 Peter Navarro, conseiller aux politiques commerciales de Trump, au cours d’une interview avec le Financial Times, accuser l’Allemagne de manipuler un euro sous-évalué, laissant ainsi l’Allemagne favoriser ses exportations et « exploiter » les USA ainsi que ses propres partenaires européens. Il soulignait qu’entre 2015 et 2016, les émissions records de monnaie de la Banque Centrale Européenne avaient fait baisser la valeur de l’euro de 25%. Ce qu’omettait de dire le conseiller de Trump, c’était que Berlin en cela ne faisait que suivre l’exemple de Washington, tout comme Pékin. Pour couronner le tout, Navarro désignait Berlin comme principal obstacle au Transatlantic Trade and Investment Partnership [TTIP].

    Ted Malloch

    Ted Malloch, qui fut à un moment pressenti comme ambassadeur des USA auprès de l’UE, est allé encore plus loin, déclarant en janvier 2017 que la zone euro était aux portes de la mort et que l’euro « pourrait s’effondrer dans les 18 prochains mois ». De fait, c’est l’opinion de Donald Trump lui-même qu’il exprimait, ce dernier ayant prédit dans une interview pour Bild que la chancelière allemande Angela Merkel ne resterait plus en poste bien longtemps et que nombre de pays membres de l’UE suivraient bientôt le Royaume-Uni sur la voie de la sortie.

    Les attaques américaines ne sont donc pas nouvelles. Mais jusqu’à présent, elles restaient surtout cantonnées à des allocutions et des tweets dans le style bien connu de Trump. Même si ces derniers ont eu des conséquences importantes, on ne saurait comparer leurs effets avec les conséquences d’actions tangibles. À présent, Washington joint les actes à la parole et semble se montrer sérieuse, comme l’a prouvé l’affaire des tarifs [douaniers] de mars [2018] sur les importations chinoises.

    « Nous ne savons pas encore si les tarifs [douaniers] punitifs finiront ou pas par s’appliquer aux importations européennes, mais les inquiétudes s’intensifient », explique Gustav Horn.

    On peut s’attendre à ce que, l’économie du continent européen voyant sa croissance décliner, les autres pays européens se retiennent de réagir trop négativement aux décisions de Washington. De nombreux dirigeants européens partagent l’avis de Trump sur le renforcement de l’économie allemande, et sont convaincus que cette croissance s’est faite aux dépens du reste de l’Europe. Il est indéniable que l’économie allemande est la grande gagnante de la création de la zone euro, au sein de laquelle Berlin réalise ses exportations vers des pays très en retard sur le développement économique allemand.

    Donald Trump n’est pas le premier président américain à s’inquiéter, que ce soit du commerce allemand très lucratif (pour les Allemands) ou des mesures d’austérité que Berlin impose à l’ensemble du continent. Barack Obama s’était lui aussi disputé avec Angela Merkel, affirmant que l’Allemagne devrait stimuler sa propre demande intérieure et importer davantage de produits et marchandises d’autres pays européens, au lieu de s’en tenir à renforcer sa propre industrie d’exportation au mépris de ses voisins.

    Au vu de l’environnement observé et sur la base des résultats de leurs études, les analystes de l’IMK exhortent la chancelière à augmenter les dépenses visant à renforcer l’économie domestique allemande, plutôt que de continuer de faire croître ses domaines d’exportation, considérés comme non soutenables. « Il y aurait deux répercussions positives si nous renforcions la croissance domestique en Allemagne et en Europe, déclare Gustav Horn. D’abord, la croissance deviendrait moins sujette aux trous d’air sur les marchés d’exportation mondiaux. Et deuxièmement, cela diminuerait les excédents commerciaux allemands − coupant ainsi l’herbe sous le pied de Trump. »

    Le président Donald Trump rencontre la Chancelière allemande Angela Merkel dans le bureau ovale de la Maison Blanche

    Quoi qu’il en soit, outre les aspirations protectionnistes du président américain, Washington a dévoilé son engagement fort à durcir sa politique de sanctions anti-russes. Les dégâts envers l’industrie allemande pourraient s’élever à des centaines de millions d’euros. Les fabricants automobiles Volkswagen et Daimler, ainsi que l’entreprise Siemens, prendront une nouvelle fois l’impact de plein fouet. Mais, à ce qu’il semble, Angela Merkel a ses propres projets visant à sortir de ce guêpier. Le gouvernement allemand comprend ses responsabilités envers la communauté des affaires, qui a toujours insisté pour pouvoir investir en Russie. Pour cette raison, Berlin va tâcher de tenir bon et de défendre les intérêts de ses entreprises nationales. Mais d’ici à ce qu’un accord constructif soit trouvé avec Washington, ce sont jusqu’aux petites et moyennes entreprises allemandes qui vont se sentir menacées.

    Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker Francophone


  • Les hommes sans poitrine de l’Amérique


    L’attitude volontariste qui ruine notre politique étrangère était prédite par C.S. Lewis il y a plusieurs dizaines d’années.


    Par Paul Grenier – Le 23 avril 2018 – Source The American Conservative

    La manière d’agir de l’Amérique dans le monde, la violence qu’elle fait souvent subir à la vérité quand elle applique sa volonté, ne peut pas s’expliquer en ne prenant en compte que ses prétendus « intérêts ». Les États-Unis agissent comme ils le font en raison de la façon particulière qu’ils ont de comprendre ce qui donne un sens à la vie et aux actes.

    Au cœur de la philosophie américaine se trouve le volontarisme, la justification de l’action basée purement et simplement sur la volonté. La particularité du volontarisme est qu’il donne la place d’honneur à la volonté en tant que telle, à la volonté en tant que pouvoir, à la volonté avant tout le reste, mais surtout avant le bien. La notion de bien est nécessairement inclusive de l’ensemble, de toutes les parties. Se préoccuper exclusivement de soi-même est connu sous un autre nom.

     

    L’explication la plus claire et peut-être la meilleure du volontarisme américain a été exprimée par Karl Rove pendant l’administration de George W. Bush, comme l’a rapporté Ron Suskind dans le New York Times Magazine du 17 octobre 2004 :

    « Nous sommes un empire maintenant, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Et pendant que vous étudiez cette réalité, judicieusement bien sûr, nous continuerons d’agir, créant d’autres nouvelles réalités, que vous pourrez aussi étudier, et c’est ainsi que les choses vont se dérouler. Nous sommes les acteurs de l’histoire… Et vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous faisons. »

    Cette déclaration souvent citée est naïvement supposée être l’expression d’un moment particulier de la politique américaine, plutôt qu’un résumé de son éthique par l’un de ses praticiens, l’un des plus avisés et conscients de lui-même. Le credo de l’attitude volontariste est d’agir, d’imposer sa volonté à la réalité globale par tous les moyens nécessaires. La vérité n’est pas quelque chose à comprendre, ni à saisir, encore moins quelque chose qui devrait conditionner ses propres actions et les limiter de quelque manière que ce soit. La vérité est réductible à tout ce qui est utile pour imposer sa volonté.

    Nous pouvons voir ce volontarisme à l’œuvre chez nos prédécesseurs. L’affaire Skripal en Grande-Bretagne a conduit à une action presque immédiate, l’expulsion de 60 diplomates russes rien qu’aux États-Unis, bien avant que les faits de cet incident douteux, qui a provoqué zéro mort, n’aient pu être établis. Et lorsque le chef du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, a suggéré d’établir d’abord ce qui s’était passé et ensuite seulement d’agir, il a été largement accusé de faiblesse. Quand on est « acteur de l’histoire », l’action ne doit pas être retardée. Voilà le point central du sujet.

    La souffrance des innocents devrait toujours nous concerner. Mais en Syrie, les faits permettant de déterminer qui est coupable, y compris dans le dernier incident d’attaque au gaz à Douma, sont très loin d’avoir été établis. Qui plus est, même quand des enquêteurs réputés comme Hans Blix et Theodore Postol du MIT ont jeté de sérieux doutes sur la fiabilité des preuves reliant de telles attaques au gouvernement d’Assad, le récit officiel aux États-Unis se déroule comme s’il n’y avait pas la moindre controverse à ce sujet.

    Pour l’ordre volontariste américain, la question de savoir si ces événements tels que décrits sont vrais au sens objectif n’a pas plus d’importance que celle de savoir si Saddam Hussein possédait des armes de destruction massive. Vous vous souviendrez que, juste avant l’invasion de l’Irak, la CIA a fait subir 83 fois le waterboarding à Abu Zubaydah afin de l’obliger à avouer un lien inexistant entre l’Irak de Saddam, al-Qaïda et les armes chimiques. Voilà du volontarisme en action. « Nous sommes un empire maintenant et nous créons notre propre réalité. » Mais ce n’est pas un cas isolé. Il est maintenant devenu la norme de s’assurer que les faits sont établis de manière à correspondre à la politique souhaitée.

    Le volontarisme est le fruit d’une anti-civilisation et d’une approche technologique du savoir, comme l’a dit le grand philosophe canadien George Grant, qui ressemble de façon frappante à ce que C.S. Lewis a décrit dans son roman pré-1984 intitulé That Hideous Strength [Cette hideuse puissance]. Dans ce roman, l’institution appelée N.I.C.E., à l’instar de la politique étrangère américaine d’aujourd’hui, est essentiellement une bureaucratie volontariste dirigée par des hommes sans culture, formés aux sciences techniques et en « disciplines » de type sociologique où le « droit » est compris dans un sens purement formaliste, qui supposent que les affaires humaines sont compréhensibles comme des agrégats de faits sans valeur. Ces « hommes sans poitrine » (phrase de Lewis) vivent dans un monde où le bien et le vrai ont été séparés à jamais de leur lien mutuel. Le monde, essentiellement irrationnel, qui en résulte et qu’ils habitent est un monde qui n’a plus qu’une seule logique : celle de la volonté et du pouvoir.

    C’est un empire américain où nous créons notre propre réalité, l’image miroir de nous-mêmes, et c’est précisément hideux. Si les bâtisseurs de l’empire continuent ainsi, il se peut que tout cela se termine de façon assez violente et ignominieuse. Les historiens, s’il en existe encore, seront stupéfaits de notre folie.

    Paul Grenier

    Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.


  • Bonjour, voici la lettre d’information du site « CAPJPO - EuroPalestine » (http://www.europalestine.com)
    Si vous ne visualisez pas cet email lisez-le sur le site
    http://www.europalestine.com

    Publication CAPJPO - Europalestine