• 30/07/18

    Moscou : c’est l’Occident « civilisé » qui a répandu le terrorisme dans le monde musulman

     

    Interview du Ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à la chaîne britannique Channel 4, Moscou, 29 juin 2018 (VOSTFR / sous-titres).


    Transcription :


    Channel 4 : Monsieur le Ministre des Affaires étrangères, le sommet entre le Président russe Vladimir Poutine et le Président américain Donald Trump va bien se tenir à Helsinki. Est-ce là l’ordre mondial « post-occidental » que vous avez évoqué par le passé ? Y sommes-nous déjà ?

    Sergueï Lavrov : Vous savez, je pense que nous vivons déjà dans le monde post-occidental, mais que sa formation n’est pas terminée et sera encore longue. En fait, nous vivons une époque historique. Il est clair qu’après environ cinq siècles de domination de ce qu’on appelle l’Occident collectif, il n’est pas si simple de s’adapter aux nouvelles réalités. A présent, il existe d’autres centres de pouvoir économiques, financiers et politiques : la Chine, l’Inde, le Brésil… De plus, les pays africains joueront un rôle de plus en plus important dès qu’ils auront réglé au moins une partie des conflits sur leur continent.

    Bien évidemment, la Russie veut être un acteur indépendant sur la scène internationale, dans le sens où nous ne voulons violer aucune norme ou loi du droit international, mais nous souhaitons que les décisions qui seront prises sur la base du droit international ne soient plus influencées pas des pressions, de l’argent, des sanctions, des menaces ou quoi que ce soit d’autre. 

    Channel 4 : Et с’est la Russie qui façonne ce nouvel ordre mondial ?

    Sergueï Lavrov : Ce n’est pas la Russie qui façonne le nouvel ordre mondial : ce processus est dicté par l’évolution historique, c’est le développement lui-même. Il est vain d’espérer que les nouveaux acteurs, forts économiquement et financièrement, puissent être contenus. On ne peut pas ignorer leur rôle dans le commerce et l’économie mondiale.Des tentatives sont entreprises aujourd’hui pour ralentir ce processus avec de nouvelles taxes et sanctions qui enfreignent, d’une manière ou d’une autre, les principes de l’OMC. Mais je pense que cette réaction est logique, à savoir s’efforcer de freiner la formation d’une nouvelle réalité objective ne dépendant pas du gouvernement d’un pays en particulier.  

    Channel 4 : Mais l’Europe a du souci à se faire avec l’instauration de l’ordre mondial que vous avez décrit. 

    Sergueï Lavrov : Pardon ?  

    Channel 4 : Ce (nouvel) ordre mondial que vous avez décrit implique différentes types de pays, mais vous n’avez pas dit quelle y serait la place des pays de l’UE : ont-ils des raisons de s’inquiéter de ce nouvel ordre mondial ? 

    Sergueï Lavrov : L’UE fait évidemment partie de l’Occident collectif, ainsi que certains pays membres d’Europe de l’Est. Mais l’UE est indéniablement un pilier très important de tout ordre mondial.

    En ce qui concerne la Fédération de Russie, pour nous l’UE est le plus grand partenaire commercial, et ce malgré tous les événements et la situation regrettable à cause de la mauvaise interprétation de la notion de coup d’État (Crimée). Depuis 2014, les échanges entre la Russie et l’UE ont chuté de 50%, mais ils dépassent tout de même les 250 milliards de dollars. L’Union européenne est notre principal partenaire commercial, si nous considérons tous ses pays comme un ensemble. Mais il est certain que l’UE lutte actuellement pour s’assurer de ne pas être reléguée dans ce nouvel ordre mondial en formation, et ce n’est pas facile, car l’UE compte en grande partie sur les Etats-Unis, et certains membres de l’Union voudraient maintenir cette situation.

    D’autres pays membres pensent que l’UE doit être plus autonome, par exemple sur les questions militaires. Il faut mentionner l’initiative du Président Emmanuel Macron et de l’Allemagne d’envisager un système défensif européen, qui en est une manifestation.

    Jusqu’à présent, je suis de près le sommet de l’UE qui se déroule actuellement, notamment les discussions sur les questions migratoires, qui m’ont donné une idée intéressante concernant les relations entre l’OTAN et l’UE. L’OTAN a activement bombardé la Libye, ce qui l’a transformée en une sorte de « trou noir » d’où des vagues de migrants illégaux se sont précipitées vers l’Europe. Et à présent, l’UE doit recoller les morceaux et faire le ménage derrière l’OTAN donc je pense…

    Channel 4 : Vous avez mentionné les agissements de l’OTAN en Libye, mais qu’en est-il de l’ingérence de la Russie en Syrie ? C’est également la cause de l’exode de millions de migrants. 

    Sergueï Lavrov : Oui, mais je vous rétorquerais que les actions de la Russie en Syrie s’appuient sur la requête officielle du gouvernement légitime du pays qui est reconnu en tant que représentant officiel de la Syrie à l’ONU.

    L’invitation officielle a été formulée en septembre 2015 – quatre ans et demi après le début du Printemps arabe en Syrie. Quand nous sommes venus en aide aux autorités légitimes du pays, la plupart des réfugiés avaient déjà quitté ses frontières.

    Channel 4 : Vous parlez du « gouvernement légitime de la Syrie », mais c’est justement lui qui est responsable d’avoir tué des centaines de milliers de ses citoyens, rendu des millions de personnes sans toit. « Une bête féroce qui tue par le gaz » : c’est ainsi que Donald Trump, votre allié, a qualifié (Bachar al-Assad). Pouvez-vous dormir en paix avec un tel allié ?

    Sergueï Lavrov : Je ne souhaite pas commenter les épithètes utilisées par Donald Trump vis-à-vis de certains dirigeants mondiaux. Ce ne sont pas des mesures concrètes, et de simples avis peuvent évoluer.

    Ce que je veux dire, c’est que c’est une guerre. Une guerre qui a été déclenchée à cause d’erreurs commises par toutes les parties, y compris le gouvernement syrien. Je pense que ces perturbations auraient pu trouver une issue politique à l’étape initiale [Assad était prêt à faire des réformes structurelles, mais dès le début, il s’agissait de renverser le régime par la force].

    Mais ce que nous voyons aujourd’hui est le résultat des tentatives de certaines forces extérieures de profiter de la situation pour redessiner la carte du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, en entrant sur le territoire syrien sans invitation et en y mettant en œuvre leur propre agenda.

    Par conséquent, les efforts entrepris par la Russie avec la Turquie et l’Iran – les forces de ces deux pays sont présentes sur le territoire syrien, celles de la Turquie sans invitation et celles de l’Iran sur invitation officielle du gouvernement syrien – ont permis de lancer le processus d’Astana, le format d’Astana. Étant donné que la coopération de la Russie et de l’Iran avec la Turquie a permis de réduire l’intensité du conflit, le gouvernement syrien a soutenu la création du format de négociations d’Astana, et il y participe, de même que des représentants de l’opposition armée.

    Dans le cadre de ce processus, les parties se réunissent régulièrement pour travailler à la création des conditions nécessaires pour mettre en œuvre la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies (en faveur d’un cessez-le feu et d’une transition politique, à l’exclusion des groupes terroristes).

    Channel 4 : Permettez-moi de reposer une question sur Bachar al-Assad. Beaucoup de personnes se demandent ce que vous aimez chez le Président syrien.

    Sergueï Lavrov : Nous n’aimons (ou n’aimons pas) personne (il ne s’agit pas de savoir si quelqu’un nous plaît ou non). La diplomatie et la politique ne consistent pas en de l’affection ou de l’aversion (personnelles). Cette terminologie relève (exclusivement) de la communication entre les êtres humains en tant que particuliers.

    Le Président Assad défend la souveraineté de son pays. Il défend son pays et, dans un sens plus large, toute la région contre les terroristes qui, en septembre 2015, pouvaient prendre Damas en quelques semaines. Nous ne voulions pas voir se reproduire les tragédies des deux dernières décennies à cause des aventures… Et même plus de deux décennies, car tout cela a commencé vers la fin du siècle dernier en Afghanistan (1979), lorsque les Etats-Unis ont décidé d’apporter un soutien militaire, financier et autre aux moudjahidines qui se battaient contre les forces soviétiques.

    Je ne vais pas m’arrêter en détail sur le fait de savoir pourquoi les forces soviétiques se trouvaient en Afghanistan : elles étaient légitimement présentes dans le pays parce qu’elles avaient été invitées légalement par le gouvernement afghan. Les Etats-Unis ont décidé d’utiliser les moudjahidines pour combattre les troupes soviétiques. Les Américains espéraient qu’après l’accomplissement de leur mission, les moudjahidines pourraient être contrôlés. C’est ainsi qu’Al-Qaïda est apparu et que les Etats-Unis ont complètement perdu le contrôle du « monstre » qu’ils avaient créé.

    Puis a commencé l’aventure militaire des Etats-Unis en Irak, une aventure illégale basée sur un mensonge délibéré, comme tout le monde le sait aujourd’hui – même l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair a reconnu que l’opération était une erreur. Cependant cela ne change pas le fond des choses : de la même manière qu’Al-Qaïda est apparu en Afghanistan à cause de l’activité des Etats-Unis, Daech a été la conséquence de l’intervention en Irak.

    Et dernièrement, la Libye a été envahie, en transgression flagrante de la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, tout comme la Syrie (a été attaquée), et un autre « monstre » est apparu : le Front al-Nosra. Peu importe le changement de nom de cette organisation, son essence terroriste reste inchangée. Toutes les actions de l’Occident «civilisé » au Moyen-Orient et en Afrique du Nord sont en faveur des terroristes.
     
    Channel 4 : C’est un détour très impressionnant dans l’histoire, mais c’est le présent qui m’intéresse, et notamment le Président Assad. Vous dites que la question n’est pas qu’il vous plaise ou non. Est-ce que cela signifie que la Russie est prête à une situation où il quitterait son poste après avoir mené à bien la tâche de mettre fin à la guerre ?

    Sergueï Lavrov : Ce n’est pas la position de la Russie, mais de tout le Conseil de sécurité des Nations unies – une institution approuvée par tous les pays de la planète sans exception. Elle souligne qu’une nouvelle Constitution doit être adoptée et que conformément à celle-ci, des élections libres et justes doivent être organisées sous l’observation de l’ONU, sachant que tous les citoyens syriens, où qu’ils soient, auraient le droit de vote.

    Channel 4 : En d’autres termes, peu importe pour la Russie si Bachar al-Assad part ou reste, ce sera au peuple syrien d’en décider ?

    Sergueï Lavrov : Oui, c’est aux Syriens de décider. Et je pense que cette position, qui était rejetée par certains pays après le début du conflit syrien, est partagée aujourd’hui par de plus en plus de pays.

    Channel 4 : L’important pour vous est (de savoir) quand est-ce que la Russie retirera ses troupes de Syrie. Le Président Poutine a évoqué cette perspective pour la première fois en mars 2016, en déclarant que la Russie avait largement accompli les objectifs de son opération militaire en Syrie. En décembre 2017, nous avons entendu une autre déclaration similaire. Peut-on s’attendre à un retrait de la Russie de Syrie d’ici la fin de l’année ?

    Sergueï Lavrov : Non. Et je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question dont nous puissions parler de manière raisonnable. Nous n’aimons pas les délais artificiels. Cependant, nous réduisons progressivement notre présence militaire en Syrie. Le dernier retrait (partiel) a eu lieu il y a quelques jours, comme l’a dit récemment le Président Poutine : plus de mille militaires, ainsi qu’une partie des avions et du matériel, sont revenus en Russie.

    Tout dépend de la situation réelle sur le terrain. Oui, avec nos collègues, avec l’armée syrienne et avec l’aide de l’opposition que je qualifierais d’ « opposition patriotique », nous avons réussi à empêcher la réalisation des plans de création d’un califat par les terroristes de Daech. Mais certains éléments de Daech restent présents sur le territoire du pays, tout comme des terroristes du Front al-Nosra. Aujourd’hui, ils cherchent à empêcher la mise en œuvre complète de l’accord sur la zone de désescalade au sud de la Syrie. En d’autres termes, une partie des terroristes poursuit son activité.

    De plus, nous avons des sites militaires en Syrie – je ne peux pas les qualifier de bases à proprement parler –, notamment deux sites où sont stationnés des navires de guerre et de l’aviation, et il sera certainement opportun de les conserver pendant un certain temps.

    Channel 4 : Le dossier syrien sera donc de toute évidence à l’ordre du jour du sommet d’Helsinki. Je voudrais maintenant évoquer une série d’autres questions. Par exemple les sanctions, que vous avez mentionnées. Pensez-vous que les sanctions seront levées contre la Russie même si, il y a encore très peu de temps, l’UE évoquait leur prolongation ? Pensez-vous que vous parviendrez à vous entendre avec le Président Trump à ce sujet ?

    Sergueï Lavrov : J’ai mentionné les sanctions uniquement dans le contexte de la détérioration des relations. Nous ne décrétons pas des contremesures pour que les sanctions déjà déployées contre nous soient levées, ce ne sont pas nos affaires. Cette décision doit être prise par ceux qui ont initialement adopté ces sanctions. Ce sont eux qui doivent décider pour eux ce qu’ils veulent : le maintien de la situation actuelle ou la victoire du bon sens.

    Channel 4 : Mais très récemment, le Président (russe) a dit qu’il souhaitait la levée des sanctions (contre la Russie).

    Sergueï Lavrov : Évidemment. Nous ne nous opposons pas à la levée des sanctions. Mais nous pouvons également profiter de l’opportunité qu’elles offrent pour développer nos propres capacités dans les secteurs-clés de l’économie, de la sécurité nationale et dans d’autres domaines essentiels pour un État souverain.

    Ces dernières années, nous avons beaucoup appris, notamment qu’on ne pouvait pas compter sur l’Occident dans ces domaines. On ne peut pas compter sur les technologies occidentales parce que leur fonctionnement peut être suspendu à tout moment, pas plus qu’on ne peut compter sur les produits du quotidien pour la population en provenance de l’Occident parce que les livraisons peuvent être suspendues à tout moment.

    Nous avons tiré de nombreuses leçons précieuses. Cependant, nous ne nous opposerons certainement pas à la levée des sanctions, et si cela arrivait, nous répondrions symétriquement en levant nos contremesures.

    Channel 4 : Quelles concessions la Russie serait-elle prête à faire lors du prochain sommet ? Supposons que Donald Trump dise qu’il souhaite que le lanceur d’alerte de la NSA Edward Snowden soit livré aux Etats-Unis. Êtes-vous prêt à envisager une telle possibilité, à la mettre sur la table ?

    Sergueï Lavrov : Je n’ai jamais parlé d’Edward Snowden avec la nouvelle administration américaine. Le Président russe Vladimir Poutine a exprimé la position de la Russie à ce sujet il y a quelques années déjà : la décision de revenir ou non aux Etats-Unis revient uniquement à Edward Snowden. Nous respectons ses droits et ne pouvons pas simplement l’expulser du pays contre son gré. Edward Snowden s’est retrouvé en Russie sans passeport américain parce que celui-ci avait été annulé au moment de son vol en partance de Hong Kong.

    Channel 4 : Autrement dit, cette option ne sera pas évoquée dans votre…

    Sergueï Lavrov : J’ignore pourquoi tout le monde cherche à poser cette question précise à l’approche du sommet. Seul Edward Snowden peut décider de son propre sort.

    Channel 4 : Pendant le sommet, pouvez-vous – vous ou le Président (russe) – donner des garanties au Président Trump que la Russie ne s’ingérera pas dans les élections intermédiaires au Congrès dans quelques mois, étant donné que les renseignements américains estiment qu’une ingérence a eu lieu durant la dernière élection présidentielle ?

    Sergueï Lavrov : Nous préférerions que des faits soient présentés. Nous ne pouvons pas parler sérieusement de suppositions basées sur des arguments tels que « très vraisemblablement » (verbatim de l’accusation britannique contre la Russie dans l’affaire Skripal).

    Channel 4 : Mais c’est plus que du « très vraisemblablement », il y a eu…

    Sergueï Lavrov : Non, non, absolument pas. Depuis combien de temps dure l’enquête aux Etats-Unis ? Un an et demi ?…

    Channel 4 : L’ex-directeur du FBI Robert Mueller a présenté une accusation sur 37 pages à l’Agence des enquêtes en ligne sur l’ « usine à trolls » russe.

    Sergueï Lavrov : Une mise en accusation (sérieuse) nécessite un procès. Or, si je comprends bien, en ouvrant leur propre enquête, ils ont remis en question plusieurs points qui avaient été utilisés pour formuler l’accusation. Alors n’anticipons pas. J’aime beaucoup Lewis Carroll mais je pense que la logique de la Reine qui dit « D’abord la sentence, ensuite le verdict » est inadmissible.

    A l’heure actuelle, pour tout ce qui concerne la présidentielle américaine, le Brexit, l’ « affaire Skripal » et le crash tragique du Boeing malaisien, le postulat de base est que « L’enquête se poursuit mais vous (la Russie) êtes déjà coupables ». On ne peut pas faire ça.

    Channel 4 : Mais la Russie craint-elle la vérité ? Parce qu’on dirait que chaque fois qu’une organisation qui fait autorité, que ce soit l’ONU ou l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques), cherche à établir des faits, la Russie émet une objection.

    Sergueï Lavrov : Non, je pense que le public et de nombreux journalistes respectables, comme vous, ont été désinformés. L’OIAC doit agir dans le cadre de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) qui prescrit clairement une seule et unique procédure pour établir des faits : d’abord les experts de l’OIAC doivent eux-mêmes, sans déléguer leurs pouvoirs à qui que ce soit, se rendre sur les lieux de l’incident allégué et prélever des échantillons de leurs propres mains, en utilisant leurs propres équipements, et garder en main ces échantillons jusqu’à ce qu’ils parviennent à un laboratoire certifié.

    Dans le cas des derniers événements, notamment de l’incident de Khan Cheikhoun en avril 2017, quand le gouvernement syrien a été accusé d’une frappe aérienne avec l’usage d’armes chimiques, les experts de l’OIAC ne se sont jamais rendus sur place, ils n’ont jamais prélevé d’échantillons eux-mêmes. Quand nous avons demandé où ils avaient trouvé les échantillons, ils ont répondu que c’étaient les Britanniques et les Français qui les leur avaient transmis. Nous avons alors demandé pourquoi ils ne s’étaient pas rendus eux-mêmes sur les lieux, et ils ont répondu…

    Channel 4 : Vous ne faites plus confiance à l’OIAC ?

    Sergueï Lavrov : Attendez une seconde, c’est une information importante, alors n’opérons pas avec des slogans mais avec des faits. Ils ne sont pas allés sur place mais ont dit avoir obtenu des échantillons. Nous avons demandé de qui, ils ont répondu que c’étaient les Britanniques et les Français qui avaient recueilli les échantillons pour eux. Pourquoi ne sont-ils pas allés eux-mêmes sur les lieux ? Ils ont dit que ce n’était pas sécurisé. Nous avons fait remarquer que si les Britanniques et les Français avaient réussi à y aller, c’est qu’ils avaient des contacts qui pouvaient assurer leur sécurité sur place. Pourquoi les représentants de l’OIAC ne pouvaient-ils pas demander à Paris et à Londres d’assurer une visite sécurisée à ses inspecteurs ?

    Nous avons dit la même chose aux Français et aux Britanniques, qui ont répondu qu’ils ne pouvaient pas nous dévoiler comment ils avaient fait. Autrement dit, la procédure de prélèvement n’a pas été respectée, ni celle de transfert et de stockage, car les inspecteurs ne peuvent déléguer leurs pouvoirs à personne pour l’acheminement des échantillons vers le laboratoire. Toutes ces procédures, prescrites et fixées dans la Convention, ont été transgressées.

    Et le rapport sur l’incident de Khan Cheikhoun, présenté par la Commission conjointe en automne dernier, était rempli de formulations du style « hautement probable », « en toute vraisemblance », « il y a des raisons de croire », etc. Nous avons invité les auteurs du rapport à une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir de leur part la moindre information crédible, mais c’était impossible. Ils refusaient et ne cessaient de tergiverser. Nous avons déclaré que poursuivre le travail en violant les procédures de la Convention était impossible. Nous…

    Channel 4 : Vous employez un vocabulaire très fort.

    Sergueï Lavrov : Nous n’avons pas prolongé leur mandat, mais nous avons proposé un nouveau mécanisme en insistant pour qu’il ne bafoue aucune procédure prescrite par la Convention, et que…

    Channel 4 : Faites-vous, comme avant, confiance à l’OIAC ?

    Sergueï Lavrov : Jusqu’à récemment nous lui faisions encore confiance, mais depuis quelque temps, nous constatons de sérieuses manipulations de l’Organisation. Il y a quelques jours, le Royaume-Uni et d’autres pays ont convoqué une réunion spéciale des États parties de la Convention pour voter une décision transgressant tous les termes de la Convention en attribuant au Secrétaire technique – c’est comme ça qu’on le désigne – le droit de désigner les coupables. Je pense que cette démarche était irréfléchie parce que c’est très dangereux.

    Channel 4 : Est-ce que cela représente un danger potentiel pour la Russie ? Parce qu’à présent, l’OIAC peut désigner des coupables, la Russie par exemple. Craignez-vous la vérité ?

    Sergueï Lavrov : Non, je crains pour l’avenir de l’OIAC et de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques.

    Channel 4 : La Russie sortira-t-elle de l’OIAC ?

    Sergueï Lavrov : Si certaines personnes préfèrent enfreindre les termes de la Convention tout en disant que c’est la volonté de la majorité… Pour réunir cette conférence, ils ont utilisé tout un tas de ruses, allant jusqu’à mobiliser les petits pays qui n’ont pas de représentation à La Haye, payer leurs frais de transport et d’hôtel… Nous le savons et tout le monde le sait.

    Quand la Convention est grossièrement enfreinte, cela suscite forcément de l’inquiétude. Nous essaierons de faire annuler cette décision. Mais si… Car cette décision doit encore être examinée par la Conférence des États parties. Mais si elle n’était pas annulée, je pense que les jours de l’OIAC seraient comptés – du moins elle cesserait d’être une organisation internationale.

    Channel 4 : L’OIAC était également chargée de l’enquête sur l’ « affaire Skripal ». Je voudrais vous demander : pensez-vous que l’empoisonnement d’un ex-espion, de sa fille et d’un policier par un gaz neuroparalytique dans une rue de Salisbury soit l’acte d’un État rationnel ?

    Sergueï Lavrov : Rationnel ? C’est tout le contraire. C’est un crime très grave. Et depuis le début, nous avons proposé de mener une enquête conjointe, car il s’agit de citoyens de notre pays – du moins la fille de Sergueï Skripal est une citoyenne russe, et lui-même semble avoir la double citoyenneté russe et britannique. Depuis le début nous avons proposé d’enquêter ensemble sur cet incident.

    Nous avons posé de nombreuses questions, même des questions concernant (le respect des) procédures de la CIAC (Convention pour l’Interdiction des Armes Chimiques). On nous a répondu que les autorités britanniques ne voulaient pas nous écouter parce que nous n’avions qu’une seule chose à faire : dire que c’était Vladimir Poutine qui avait commandité cette attaque chimique ou qu’il avait perdu le contrôle des hommes qui l’avaient fait. C’est tout ce dont les Britanniques voulaient parler avec nous.

    Les contradictions dans l’ « affaire Skripal » sont extrêmement troublantes. Nous n’avons toujours pas eu d’accès consulaire à nos citoyens, en transgression de toutes les conventions internationales régulant les relations diplomatiques et consulaires. Nous n’avons pas reçu la moindre explication crédible qui nous aurait permis de comprendre pourquoi la nièce de Sergueï Skripal s’est vue refuser un visa alors qu’elle voulait rendre visite à sa cousine. Et nous avons également de nombreuses questions liées à l’empoisonnement lui-même.

    Channel 4 : Mais pour quelle raison les autorités britanniques devraient-elles accorder un accès aux dossiers de l’enquête à un pays soupçonné d’avoir organisé cet attentat ?

    Sergueï Lavrov : Savez-vous que l’enquête n’est pas encore terminée ? Scotland Yard a dit qu’elle durerait encore quelques mois. Boris Johnson a récemment expliqué qu’on procédait actuellement à une décontamination des lieux – et ce quatre mois après les faits. Le policier touché s’est miraculeusement remis, tout comme les Skripal qui ont repris connaissance.

    Maintenant on parle de démolir la maison où ils vivaient, ainsi que la maison de ce policier. Tout cela ressemble à une destruction systématique et intentionnelle des preuves physiques. De la même manière, les bancs du parc de Salisbury ont été immédiatement retirés. Sans oublier les enregistrements vidéo où des policiers ou forces spéciales en combinaison  de protection examinent les lieux, avec des gens sans la moindre protection qui les cotoient sur la scène. Tout cela paraît très étrange, vous savez, et…

    Channel 4 : Monsieur Lavrov, accusez-vous le gouvernement britannique de dissimulation (des réalités) de cet incident ?

    Sergueï Lavrov : Je ne l’exclus pas tant qu’il ne nous donneront aucune information… Savez-vous que ces dernières années une dizaine de citoyens russes sont décédés à Londres ? Et dans les dix cas…

    Channel 4 : Pour quelle raison, d’après vous ?

    Sergueï Lavrov : Dans les dix cas, l’enquête sur leur mort a été classée confidentielle. Nous ne comprenons pas pourquoi. Honnêtement, si vous voulez connaître la cause de leur décès, comme le dit le proverbe, cherchez à qui profite le crime. Or, le Royaume-Uni en a clairement tiré un profit politique.

    En y réfléchissant, c’est une situation intéressante : le pays qui s’apprête à quitter l’UE détermine la politique de l’UE vis-à-vis de la Russie. On pourrait rappeler comment les Britanniques ont fait le tour de toutes les capitales de l’UE pour les persuader d’expulser des diplomates russes. La plupart l’ont fait, mais pas tous. Par la suite, nous avons demandé en privé à ceux qui s’étaient joints à cette action des Britanniques s’ils avaient reçu des preuves autres que les déclarations publiques de Londres. Ils ont répondu que non. Mais il leur a été promis que plus tard, au fur et à mesure que l’enquête avancerait, ils recevraient davantage de preuves.

    Channel 4 : Mais vous avez posé la question « A qui profite le crime »…

    Sergueï Lavrov : D’après vous, c’est normal ?

    Channel 4 : Mais vous avez posé la question « A qui profite le crime ». Or beaucoup de personnes en Occident pensent que le chaos est bénéfique pour la Russie – le Brexit, les Skripal, l’élection de Donald Trump…

    Sergueï Lavrov : Vous avez oublié la Catalogne, la Catalogne, la Catalogne ! Et les élections à venir en Suède, comme a dit le Premier ministre (suédois, qui craindrait un hacking russe), la Macédoine, le Monténégro…

    Channel 4 : Laissons de côté tout cela pour l’instant. Nous en parlerons plus tard. Mais le chaos profite-t-il à la Russie, comme le disent certaines personnes en Occident ?

    Sergueï Lavrov : Il faut tenir compte de la chronologie des événements. Pensez-vous que le chaos profite à la Russie à quelques semaines de l’élection présidentielle et à quelques mois de la Coupe du monde de football ? Qu’en pensez-vous ?

    Channel 4 : C’est votre avis qui m’intéresse. Est-ce que le chaos profite à la Russie ? Le chaos dans le monde.

    Sergueï Lavrov : Je voudrais préciser la question. Est-ce que le chaos profite à la Russie à quelques semaines de l’élection présidentielle et à quelques mois du Mondial ? C’est la question que vous me posez ?

    Channel 4 : Mais vous parlez du nouvel ordre mondial qui sera construit, comme vous l’espérez, avec la participation de la Russie. Or il est bien plus facile de construire un nouvel ordre mondial quand le chaos règne en UE, que la Russie joue le rôle d’arbitre au Moyen-Orient et mène la danse en Syrie. C’est potentiellement bénéfique pour la Russie.

    Sergueï Lavrov : Non, c’est absolument faux. C’est une interprétation incorrecte de mes propos. Je n’ai pas dit que la Russie souhaitait façonner un nouvel ordre mondial, …

    Channel 4 : Contribuer à façonner…

    Sergueï Lavrov : J’ai dit que la Russie devait être l’un des acteurs, sur un pied d’égalité (avec les autres pays), pour envisager comment les réalités objectives du monde multipolaire qui se forme sous nos yeux devaient être organisées d’une manière admissible pour tous. Voilà ce que j’ai dit.

    Et les intérêts de ceux qui déterminent en Occident la politique russophobe sont diamétralement opposés. Leur intérêt est de « punir » la Russie, de rabaisser son statut et de maintenir…

    Channel 4 : Pourquoi pensez-vous cela ?

     

    Source :Ministère des Affaires étrangères de la Fédération de Russie

    Révision et sous-titres : http://sayed7asan.blogspot.fr

     

     

    lien : https://arretsurinfo.ch/moscou-cest-loccident-civilise-qui-a-repandu-le-terrorisme-dans-le-monde-musulman/

     

     
    Posté par Jocegaly à - Commentaires [0] - Permalien [#]

  • 30 Juillet 2018

    Publié par El Diablo

    photo d'illustration

    photo d'illustration

    MOTION DE CENSURE

    Vendredi 27 juillet 2018

    Notre pays traverse une crise politique qui révèle des dysfonctionnements graves au sommet de l’État et au cœur des institutions républicaines. Les auditions des commissions parlementaires et les révélations de la presse attestent de la dérive autocratique et du sentiment d’impunité qui prévalent au plus haut sommet de l’État.
    Des employés de l’Élysée, collaborateurs de la Présidence de la République, ont participé à des opérations de police le 1er mai 2018, indépendamment de la hiérarchie préfectorale et policière, en usurpant insignes et fonctions et en faisant preuve d’une violence intolérable à l’égard de citoyens.


    Malgré l’illégalité de ces actes, les responsables informés n’ont pas jugé bon d’en référer au procureur de la République comme le leur impose pourtant l’article 40 du Code de procédure pénale. Il apparaît donc que plusieurs responsables au plus haut niveau de l’État ont tenté de dissimuler volontairement des faits qui auraient dû être signalés à l’autorité judiciaire. Ces faits ne peuvent laisser le Parlement indifférent, au moment où le pouvoir exécutif entend de surcroît diminuer ses capacités d’initiative, d’évaluation et de contrôle. Ces circonstances exceptionnelles soulignent combien la teneur du projet de réforme constitutionnelle défendu par la majorité n’est pas à la hauteur de la crise des institutions de la Ve République.


    Ces faits interrogent les habitudes du président de la République en matière de sécurité, la pratique gouvernementale en matière d’ordre public, et plus généralement une pratique du pouvoir et des institutions. Ils fragilisent l’autorité de l’État. Ils expriment une irresponsabilité assumée du pouvoir alors que le Premier ministre, selon l'article 21 de la Constitution, assure l’exécution des lois et dirige l'action d’un Gouvernement qui comprend le ministre de l'Intérieur.


    Pendant une semaine, le Premier ministre a refusé de s’exprimer devant l’Assemblée nationale, alors qu’il est responsable devant elle selon l’article 20 de la Constitution. Il a notamment décliné les sollicitations émanant des groupes parlementaires, en vertu de l’article 50-1 de la Constitution.


    Enfin, cette crise au sommet de l’Etat a atteint l’Assemblée nationale au lendemain de l’intervention du Président de la République devant sa majorité. Depuis, les députés de la République en Marche ont fait obstruction au bon fonctionnement de la commission d’enquête parlementaire, mise en place grâce au volontarisme des groupes d’opposition.


    Cette commission d’enquête a été verrouillée de telle manière que ses travaux ne permettent pas de faire émerger la vérité.


    La confiance que le peuple doit accorder au Gouvernement et dans ses institutions est donc compromise.


    L’Assemblée nationale doit pouvoir s’exprimer sur la responsabilité du gouvernement et lui retirer la confiance que son comportement a rompue.


    Ils ont menti pour se protéger, nous avons cherché la vérité, ils ont refusé de s’expliquer, il ne nous reste plus qu’un moyen : la motion de censure que nous déposons en vertu de l’article 49-2.

     

    Les signataires :
    André Chassaigne, Jean-Luc Mélenchon, Valérie Rabault, Clémentine Autain, Joël Aviragnet, Ericka Bareigts, Marie-Noëlle Battistel, Huguette Bello, Ugo Bernalicis, Gisèle Biémouret, Christophe Bouillon, Jean-Louis Bricout, Moetai Brotherson, Alain Bruneel, Marie-George Buffet, Luc Carvounas, Éric Coquerel, Alexis Corbière, Alain David, Pierre Dharréville, Jean-Paul Dufrègne, Laurence Dumont, Elsa Faucillon, Olivier Faure, Caroline Fiat, Guillaume Garot, David Habib, Christian Hutin, Régis Juanico, Sébastien Jumel, Marietta Karamanli, Bastien Lachaud, Jérôme Lambert, Michel Larive, Jean-Paul Lecoq, Serge Letchimy, Josette Manin, Jean-Philippe Nilor, Danièle Obono, Mathilde Panot, George Pau-Langevin, Stéphane Peu, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Loïc Prud'homme, Joaquim Pueyo, François Pupponi, Adrien Quatennens, Jean-Hugues Ratenon, Muriel Ressiguier, Fabien Roussel, Sabine Rubin, François Ruffin, Hervé Saulignac, Gabriel Serville, Bénédicte Taurine, Sylvie Tolmont, Cécile Untermaier, Hélène Vainqueur-Christophe, Boris Vallaud, Michèle Victory, Hubert Wulfranc.

     


  • lundi 30 juillet 2018

    Mayotte : le droit du sol à l'Assemblée Nationale

    47 députés mettent à mal l'intégrité républicaine

    assemblee_3

     En pleine période de congés, en présence de 66 députés, avec le soutien du gouvernement et notamment du ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, l'Assemblée Nationale a voté par 47 voix contre 19 un nouveau "droit du sol" soit-disant "adapté" à Mayotte.

    En nouvelle lecture du projet de loi asile-immigration, les députés ont donné leur aval par 47 voix contre 19 à un article introduit au Sénat qui exige pour les enfants nés à Mayotte que l'un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois. 

    Fin juin, lors d'un discours consacré aux Outre-mer, Emmanuel Macron avait soutenu cette démarche. Dans l'hémicycle, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, le lieutenant aboyeur, a défendu à son tour une évolution "nécessaire et équilibrée". Il a eu l'appui des deux députés de Mayotte, Ramlati Ali (LREM) et Mansour Kamardine (LR). 

    Dans les rangs de la majorité, où 9 LREM et 2 MoDem ont voté contre l'article, des voix se sont élevées contre une disposition "mal préparée", notamment Saïd Ahamada (LREM) ou Nadia Essayan (MoDem).  

    "Est-ce qu'on va résoudre des problèmes? La réponse est non", a aussi lancé Sonia Krimi, parmi les élus LREM abstentionnistes en première lecture. La députée, née en Tunisie, a déploré que cela rouvre les débats "sur les +horribles+ étrangers dont je faisais partie" qui "viennent pour profiter". 

    La gauche a aussi fustigé un article qui "va à l'encontre de l'Histoire" (Muriel Ressiguier, LFI), vient "casser encore un peu plus l'unicité de la République" (Pierre Dharréville, PCF) ou "ouvre une boite de Pandore" (Marietta Karamanli, PS).  "Nous ouvrons un biais dangereux en droit", a également estimé Olivier Becht (UDI-Agir), magistrat de profession. 

    Côté LR, Eric Ciotti (LR) a proposé de "généraliser ce principe à l'ensemble du territoire national". Fallait-il donner des gages à l'extrême-droite ?

    assemblee

    mayotte

     
    Posté par jl boehler à - - Commentaires [0] - Permalien [#]
    Tags : ,

  • 30/07/18

    Sale temps pour Emmanuel Macron, l’économie française patine

    18:57 27.07.2018 // SPUTNIKNEWS
     
    Fabien Buzzanca

    Ralentissement de la croissance, baisse du pouvoir d’achat, consommation des ménages en berne, hausse du chômage … Les récents indicateurs économiques français ont de quoi donner des sueurs froides à l’Elysée. L’objectif de 2% de croissance en 2018 ressemble de plus en plus à une chimère.

     
    L'affaire Benalla n'est pas la seule source d'inquiétude au palais présidentiel. Le 27 juillet, l'Insee dégainait sa première estimation pour la croissance au deuxième trimestre. Et les chiffres ne sont pas bons. Le PIB n'augmenterait que de 0,2%. Une donnée inférieure à la prévision donnée le 19 juin qui anticipait une hausse de 0,3%. Le même jour, le pourvoyeur officiel de statistiques français annonçait que la consommation des ménages avait stagné en juin avec une progression d'à peine 0,1%. «A l'exception des achats de biens d'équipement du logement, relativement dynamiques, la consommation est atone», a souligné l'Insee. Auparavant, c'est avec une hausse du chômage qu'a dû composer l'Elysée. Le nombre de demandeurs d'emploi est reparti à la hausse au deuxième trimestre. 6.700 chômeurs (+0,2%) sont venus rejoindre les quelque 3.7 millions de Français en délicatesse avec le marché du travail.

     

    Après le beau temps, la pluie

    Autre mauvaise nouvelle pour les ménages français: la baisse du pouvoir d'achat. Alexandre Mirlicourtois, directeur de la prévision de Xerfi, le leader des études économique sectorielles, s'est ému de cette chute dans une vidéo publiée sur la chaîne YouTube Xerfi Canal. «La claque était attendue, pas sa violence» lance-t-il à la caméra. D'après ses calculs, au premier trimestre, le pouvoir d'achat du revenu disponible brut ajusté par unité de consommation a baissé de 0,5%. Un terme technique que l'on pourrait traduire par «ce qu'il reste aux ménages pour consommer et investir». Alexandre Mirlicourtois affirme qu'il s'agit du premier recul de cet indicateur depuis le deuxième trimestre 2015. Pire, pour constater une baisse plus prononcée, il faut remonter à la fin 2012. Le prévisionniste explique ces mauvais chiffres par un alourdissement de la fiscalité et une hausse des prix à la consommation, le tout dans un contexte de faible augmentation des revenus. «Les hausses du taux de TVA sur le tabac et les différentes taxes sur les carburants ont sacrément gonflé la note», a-t-il souligné.

    Ces récentes déconvenues sur le front économique ternissent un bilan somme toute plutôt positif ces derniers mois. Le dernier trimestre 2017 avait vu la croissance augmenter de 0,7% et avant la dernière hausse, le chômage avait baissé durant deux trimestres consécutifs. 2017 avait dépassé les attentes. L'augmentation du PIB avait atteint 2,3% en données corrigées. Un score largement supérieur aux prévisions. Qu'est-ce qui fait donc dérailler le train économique français?

    Pour Dany Lang, maître de conférences à l'Université Paris XIII et membre des Economistes atterrés, c'est la politique du gouvernement qui en cause. Contacté par Sputnik, il fustige les décisions prises depuis le début du quinquennat d'Emmanuel Macron.

    «Tout d'abord, on a un ralentissement au niveau mondial et la France n'y échappe pas. Mais la deuxième raison est à chercher du côté du gouvernement qui fait tout pour que la croissance ralentisse, notamment à cause de sa politique extrêmement favorable aux ménages les plus aisées. Lorsque vous faites des cadeaux fiscaux aux plus riches, ils ne vont pas contribuer à la croissance mais épargner. Et l'épargne est une fuite du circuit économique. Aujourd'hui, en proportion, c'est "plus vous êtes riches moins vous payez d'impôts et plus vous êtes pauvre plus vous en payer".»

    Dany Lang accuse le gouvernement de compter sur la «théorie du ruissellement économique» en laquelle «même le FMI ne croit plus». Selon cette dernière, l'enrichissement des plus aisés serait bénéfique pour la croissance. Les décisions prises par le gouvernement depuis le début du quinquennat semble indiquer que dans l'entourage d'Emmanuel Macron, on y croit toujours. En janvier dernier, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) publiait une étude qui porte notamment sur les mesures fiscales décidées par le pouvoir. «Les mesures nouvelles pour les ménages en 2018 seront largement au bénéfice des 2 % de ménages du haut de la distribution des revenus, détenant l'essentiel du capital mobilier. Pour les ménages du bas de la distribution, les revalorisations en fin d'année des minima sociaux ne compensent pas les hausses de la fiscalité indirecte», analyse l'étude en précisant que «les 5 % de ménages les plus aisés capteraient 42 % des gains».

    «Ces politiques font plaisir au cœur de l'électorat de Macron, ou en tout cas aux gens qui ont porté sa campagne. Mais ce qui est bon pour une poignée de privilégiés n'est pas forcément bon pour l'économie dans son ensemble», souligne Dany Lang.
    Quid de la hausse du chômage? Pour le maître de conférences, ce mauvais chiffre s'explique par la réforme du marché du travail qui l'a rendu beaucoup plus sensible à la conjoncture économique:

    «Les ordonnances Macron qui visent à flexibiliser le marché du travail vont rendre le taux de chômage plus volatile que jamais. Plus vous faciliter les licenciements, plus le chômage baisse quand ça va bien et augmente quand la conjoncture se dégrade. Ce qui, je pense, est contre-productif, car nous perdrons en compétence.»

    Pas d'effet Coupe du Monde

    Dans ce contexte, le maintien de l'objectif de 2% de croissance en 2018 semble difficile à tenir. Selon l'Insee, l'«acquis de croissance» pour l'année en cours, c'est-à-dire le niveau que le PIB atteindrait si l'activité stagnait d'ici à la fin de l'année, est de 1,3%. L'organisme public prévoit 1,7% de croissance pour 2018. Ce qui est un peu moins optimiste que la Banque de France qui table sur + 1,8%.
    Reste que les deux chiffres sont en dessous des 2% visés par l'Elysée et Matignon. «Ce n'est plus jouable», a affirmé à l'AFP Philippe Waechter, économiste chez Natixis AM. «Pour y parvenir, il faudrait 1% de croissance au troisième et au quatrième trimestre», a-t-il expliqué, misant sur une croissance annuelle autour de 1,5% seulement.

    «Je n'ai pas de boule de cristal mais ça me semble très compromis. Cela aurait été possible avec un gouvernement qui mène une politique économique expansionniste. Or, c'est tout l'inverse qui est fait. Nous avons une politique très restrictive au niveau des dépenses publiques. Aucun effort n'est fait en matière de pouvoir d'achat pour les classes défavorisées et les classes moyennes qui sont majoritaires», explique pour sa part Dany Lang.

     
    Où sont donc les motifs d'optimisme pour le gouvernement? Alexandre Mirlicourtois en voit plusieurs. La suppression progressive de la taxe d'habitation ainsi que l'évolution de l'impôt sur la fortune vers une taxation sur la fortune immobilière pourraient, selon lui, conduire à une hausse du pouvoir d'achat de 0,8% sur l'année 2018. Même s'il reconnaît que ce chiffre représenterait une baisse par rapport aux deux années précédentes.

    De plus, les investissements des entreprises se portent plutôt bien. Ils ont bénéficié ces dernières années de nombreuses mesures favorables et ont accéléré avec une hausse de 1,1% d'un trimestre à l'autre, après seulement 0,1% sur les trois premiers mois de l'année.

    Reste que les ménages français ne voient pas l'avenir d'un très bon œil. S'il est resté stable en juillet, leur indice de confiance demeure à son plus bas niveau depuis août 2016. Les foyers de l'Hexagone sont particulièrement pessimistes en ce qui concerne la situation économique en général.

    Des craintes partagées par Dany Lang:

    «Tant que l'on restera dans ce schéma de baisse de la dépense publique pour baisser le déficit afin de satisfaire à des traités européens, on ne s'en sortira pas. La baisse des dépenses entraîne la baisse du PIB et donc une baisse des rentrées fiscales. C'est l'austérité contre-productive. Il faudrait au contraire appuyer sur l'accélérateur et lâcher la bride pour faire repartir la croissance.»

    D'après l'économiste, le gouvernement ne pourra même pas compter sur un effet «Coupe du Monde». «Il a été complétement annihilé par l'affaire Benalla. De plus, nous ne sommes pas en 1998 quand le gouvernement faisait des politiques plus expansionnistes», analyse l'expert.

    Cette année-là, celle de la victoire de l'équipe de France dans sa Coupe du Monde, le PIB avait augmenté de 3,6% contre 2,3% en 1997. La consommation (+2,1%) et l'investissement (+0,7%) avaient dopé l'économie du pays. Une euphorie dont aurait bien besoin Emmanuel Macron.

     

     


    Le BenallaGate intervient dans les relations franco-russes

    Macron invité à Madrid: «une volonté de l'Espagne d'occuper son rang au niveau européen»


    Macron: la motion de censure ne peut pas «sanctionner le gouvernement d'Édouard Philippe»

     

     

    LIEN : https://fr.sputniknews.com/france/201807271037392610-macron-economie-francaise/?utm_source=https://www.facebook.com/&utm_medium=short_url&utm_content=jhjz&utm_campaign=URL_shortening

     
    Posté par Jocegaly à - Commentaires [0]

  • Mondialisation.ca, 30 juillet 2018
    Vidéo YouTube / Conférence de presse
     
     

    Ahed Tamimi, la jeune palestinienne de 17 ans, incarcérée dans la prison Sharon, en Israël, a été libérée ce matin. Elle avait été arrêtée le 15 décembre 2017 pour avoir giflé un soldat israélien. Sa mère, Narimane, qui aurait osé poster une vidéo de l’altercation, a partagé son sort. Voici « la petite chose » que cette mère a voulu dire au monde une fois rentrée dans son village [NdT].
    _____________________________________

    Bonsoir à tous et merci à tous les journalistes ici présents et à toutes les personnes qui se sont donné de la peine pour nous.
    C’est pour nous une immense fierté que nous soyons solidaires, que nous soyons l’arbre et vous, ses racines.
    Je ne répéterai pas ce que Ahed vient de dire, je vous dirai juste une petite chose.
    Moi, une mère, j’ai une fille qui a été en prison et c’est en prison que j’ai appris l’incarcération de mon fils qui est toujours incarcéré.
    J’adresse mon message à toutes les mères et à tous les pères :

    Nous ne devons pas avoir peur pour nos enfants.
    Tel le sel qui se dissout dans l’eau, nos enfants sont le sel de cette terre.
    Notre force est que nous existons.
    Laissez nos enfants se lancer.
    Laissez nos enfants agir comme ils l’entendent.
    Même à l’intérieur des maisons, nos enfants meurent.
    Et à l’extérieur des maisons, ils meurent aussi.
    Au moins, qu’ils meurent en affrontant cette occupation pour la repousser.
    Notre foi est en eux, dans leur mental.
    [Notre foi est] dans le mental de nos enfants et dans notre cause.
    Notre lutte nationale et populaire est le chemin de notre victoire.
    Merci.

    Narimane Tamimi
    29/07/29

    Source : Vidéo YouTube / Conférence de presse [à 2’12’’]

    Traduction de l’arabe par Mouna Alno-Nakhal pour Mondialisation.ca

    ***


    Voir également la vidéo :

    L’émouvant message au monde adressé par Ahed Tamimi