• Linky

    Capgémini, Juge Et Partie

    Un document que L’âge de faire s’est procuré nous apprend que l’étude qui a permis le lancement de l’opération Linky a été réalisée par Capgémini, une entreprise qui a obtenu des contrats relatifs à ce déploiement.

    Dessin Man, pour L’âge de faire. DR

    Face à la résistance populaire à laquelle se heurte le déploiement du compteur Linky , Enedis a déployé une palette d’arguments pour convaincre les réfractaires. Parmi ces arguments, on trouve en première place celui de la directive européenne du 13 juillet 2009 qui obligerait les pays membres à s’équiper de compteurs communicants. Les Français·es n’auraient pas le choix : en déployant ses compteurs, Enedis ne ferait que se plier aux exigences européennes.

    La directive précise pourtant que «la mise en place de tels systèmes peut être subordonnée à une évaluation économique à long terme de l ’ensemble des coûts et des bénéfices pour le marché et pour le consommateur, pris individuellement». C’est assez clair : si l’opération n’est pas économiquement intéressante, l’État n’est pas tenu de la lancer. C’est pourquoi les Allemand·es, sur la base d’une étude réalisée par le cabinet Ernst&Young, ont décidé de n’installer que 30 % de compteurs communicants. Le Portugal, lui, a tout simplement choisi de ne pas s’en équiper du tout.

    À l’inverse, la France a opté pour la généralisation du Linky à toutes les entreprises et tous les foyers. Avant de faire ce choix, elle s’est pliée au jeu de l’étude technico-économique. Elle a confié cette tâche à Capgémini, le leader français dans le domaine des services du numérique, avec plus de 13 milliards de chiffre d’affaires en 2018 (1).

    En 2011, Capgémini rend sa copie. Verdict : l’opération serait économiquement intéressante. Sur la foi de ce document, la Commission de régulation de l’énergie (Cré) se prononce en faveur du lancement de l’opération. Dans sa délibération du 7 juillet 2011, la Cré précise que «l’analyse technico-économique suggère qu’une généralisation du projet Linky serait globalement neutre du point de vue financier.»

    L’ÉTUDE A « CONVAINCU LA CRÉ DE POURSUIVRE L’OPÉRATION »

    Par un tour de passe-passe, la Cré affirme également que la généralisation de ce compteur «bénéficiera aux consommateurs» (2). Et, ainsi, les rouages démocratiques semblent respectés. Puisque c’est bon pour l’usager·e et pour le distributeur, il faut lancer le déploiement.

    Néanmoins, un élément a visiblement échappé à la Cré : dans le dossier des compteurs communicants, Capgémini n’est pas seulement juge, mais aussi partie. On peut en effet douter de la capacité d’une boîte spécialisée dans les services du numérique à mettre des bâtons dans les roues d’un projet à 5 milliards d’euros qui se trouve précisément dans son champ d’action. L’entreprise ne se targue-t-elle pas, en une de son site internet, d’œuvrer pour «l’automatisation intelligente dans le secteur de l’énergie» (3) ?

    Et cela se vérifie, dans un document interne à l’entreprise, daté de 2011. Capgémini s’y réjouit du lancement de l’opération Linky, signalant que ses propres conclusions «ont convaincu la Cré de poursuivre l’opération sur une échelle industrielle. Sur la base des résultats de l ’expérimentation, le gouvernement a décidé la généralisation du déploiement des compteurs Linky.» Son étude est donc bien l’un des principaux déclencheurs de l’opération.

    On apprend pourtant, quelques lignes plus loin sur ce même «magazine interne d’information», que «Capgémini est associé à ErDF [ex-Enedis, Ndlr], ST-Microelectronics, Sagem-com et Nexans dans la réponse à un appel à manifestation d’intérêt de l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) visant à promouvoir des solutions innovantes pour les réseaux intelligents». En 2011, Enedis et Capgemini travaillaient donc déjà main dans la main au développement de compteurs communicants !

    Et évidemment, ce consortium a remporté l’appel d’offres à travers le projet «Sogrid», qui se donne notamment pour mission de «tester en conditions réelles une architecture de communication CPLG3». Enveloppe accordée au projet : 26 millions d’euros, tout de même.

    CAPGÉMINI EMPOCHE DEUX NOUVEAUX CONTRATS

    Comme si cela ne suffisait pas, Capgmini profite aussi de l’opération Linky en solitaire. Cela est également confirmé par le document, sur lequel on peut lire que «ErDF a confié en 2011 deux nouveaux contrats sur Linky à la division i&d de Capgemini». La boîte s’est notamment vue attribuer «l’assistance à maîtrise d ’ouvrage pour l’architecture du si [système informatique ?, Ndlr] linky» et la «maîtrise d’œuvre du projet sge/linky [système de gestion des échanges ?, Ndlr]».

    De quoi être très satisfait, comme le fait savoir le magazine interne : «Capgémini fait une percée remarquable sur le programme d’ErDF. […] Capgémini témoigne de références solides dans le cadre du déploiement de compteurs intelligents. Nul doute que ces nouveaux contrats ouvrent la porte à Capgémini pour participer de façon déterminante au déploiement des compteurs communicants et au réseau électrique intelligent en France dans les années à venir et pourquoi pas au-delà de nos frontières.» Dire que rien de cela n’aurait peut-être pu se faire si l’étude technico-économique s’était révélée négative… Contactée par L’âge de faire, l’entreprise répond laconiquement que «[son] rôle s’est cantonné à une mission d ’assistance à maîtrise d’ouvrage de cour te durée, en soutien d’Enedis».

    Nicolas Bérard

    …………………………………………….

    1 – Et sans doute plus en 2019, puisque Capgémini a racheté, le 27 juin 2019, l’entreprise Altran pour 3,6 milliards d’euros.

    2 – En arguant notamment que le dispositif permettra « la multiplication des offres tarifaires des fournisseurs pour répondre aux besoins spécifques de chacun ». Ce qui, en réalité, n’assure personne de voir baisser sa facture, bien au contraire.

    3 – Site consulté le 5 juillet 2019.

    Cet article est directement extrait du n° 144 du journal L’âge de faire. Monté en Scop (société coopérative), ce mensuel appartient à ses seul·e·s sept salarié·e·s (pas de Xavier Niel ni de Matthieu Pigasse parmi eux…), refuse la publicité et n’est affilié à aucun parti politique ou autres organisations. C’est cette indépendance qui lui permet de traiter aussi librement le sujet de l’électrohypersensibilité que celui des OGM ou du nucléaire. Pour permettre à cette presse libre et indépendante d’exister, deux possibilités :

    Achetez l’ouvrage Sexy, Linky ?

    Abonnez-vous à L’âge de faire :

    Tagged 


  • Politique américaine envers la Russie : y a-t-il un pilote dans l'avion US ?

     
     
     
    Le G7 fut l'occasion d'une passe d'armes entre le Président américain Donald Trump et une bonne partie des autres pays membres, à l'exception notable de la France, quant à un potentiel retour de la Russie dans ce Club très privé. Qu'un désaccord sur des questions stratégiques ait lieu entre différents pays est chose courante, en revanche le conflit intérieur quant à la ligne politique des Etats-Unis est plus surprenant. L'on peut d'ailleurs se demander s'il y a un pilote dans l'avion US ...
     


    Chacun se souviendra de l'opposition entre Trump et notamment Tusk au G7, au sujet du retour de la Russie, auquel Tusk préférait voir une entrée de l'Ukraine (voir notre texte ici). Si ces oppositions sont normales, les intérêts des uns ne correspondant que très rarement à celui des autres, il est beaucoup plus surprenant de voir la réaction quasi immédiate d'officiels américains, soutenant manifestement beaucoup la position radicale de Tusk que celle rationnelle de Trump, pragmatique, pour qui il est plus facile de résoudre un certain nombre de questions avec la Russie que sans elle.
     
    Pour comprendre la suite, rappelons-nous que le retour de la Russie dans un nouveau G8 est conditionné, pour les Européens, à sa "bonne conduite" sur le dossier ukrainien, ce qui concerne  concrètement la guerre civile (donc ukraino-ukrainienne) du Donbass. Or, pour les Etats-Unis, la question est beaucoup plus large. Alors qu'en France, le porte-parole informel de l'Elysée sur BFM, l'incontournable Barbier déclarait que la Crimée était russe et le restera, le représentant des Etats-Unis en Ukraine, Kurt Volker, conditionne le retour à un G8 à l'abandon de la Crimée par la Russie, dans une interview qu'il donne à une chaîne ukrainienne et que le Département d'Etat américain  twitte en russe, pour être certain d'être compris :
     
     
    Ainsi, la Russie a été exclue du G8 redevenu G7 en 2014 en raison du rattachement de la Crimée à la Russie après un référendum d'initiative populaire d'indépendance de la population locale suite à la révolution du Maidan (les Ukrainiens reconnaissent le caractère révolutionnaire du Maidan). Or, cette révolution a mis fin à l'Etat ukrainien, tel que découlant de la chute de l'URSS, ce qui a permis, dans ce vide, aux Criméens de remettre en cause le contrat social et de demander leur rattachement à la Russie. Sans la révolution atlantiste du Maidan, l'Etat ukrainien aurait continué à exister sans rupture et le contrat social n'aurait pas été remis en cause, ce qui n'aurait pas entraîné la perte de la Crimée et la guerre civile dans le Donbass.
     
    Le Clan atlantiste ne peut effectivement accepter et ni reconnaître les conséquences désastreuses de cette politique expansionniste à coup de révolutions et a sanctionné la Russie, puisqu'il faut bien un responsable. Or, les Etats-Unis ne s'excusent jamais de leurs actions. S'ils ne se sont pas excusés pour les bombes atomiques au Japon, ils ne vont certainement pas se poser de questions, quant aux conséquences désastreuses pour les pays concernés par les guerres et révolutions menées de par le monde. Revenir au G8 est donc inacceptable - et impensable - pour eux dans ce contexte.
     
    L'abandon par la Russie, non seulement de son soutien humanitaire et technique au Donbass, mais surtout de la Crimée est fondamental pour que ce Clan puisse à nouveau respirer et affirmer être le Clan du Bien contre le Mal. Tant que la Crimée reste russe, leur échec est flagrant et leur toute-puissance remise en cause. D'où la sortie de Volker, membre du Clan atlantiste. D'où les déclarations de Bolton à Kiev rappelant son soutien "au peuple" ukrainien, qui s'est battu contre "l'agresseur russe" :
     
     
    Ce que l'on voit parfaitement apparaître ici est la frontière idéologique qui traverse les Etats-Unis. D'un côté, vous trouvez Trump, se battant pour un retour de la Russie dans le Concert des Nations, déclarant vouloir l'inviter en 2020, car la Russie étant redevenue un acteur qui compte, il est impossible de régler les questions internationales sans elle. Position pragmatique. De l'autre côté, le Clan atlantiste se débat dans les décombres de sa toute-puissance, qui sans plus être omnipotent est quand même encore très puissant et ne peut accepter un retour de la puissance russe sur la scène internationale. Position idéologique.
     
    Dans cette cacophonie montante, la Russie reste calme. Tant face à une restauration du G8, le Président Poutine rappelant à juste titre que, sur le plan économique et stratégique, le G20 est plus efficace, car les véritables puissances montantes aujourd'hui y sont représentées. Tant face à l'urgence de Macron et de Merkel d'entraîner la Russie dans un Format Normandie, le ministre russe des Affaires étrangères Lavrov rappelant très justement que ces réunions ne sont pas un but en soi - pourquoi pas, mais il y a des choses - concrètes - à faire avant, choses qui dépendent principalement de l'Ukraine ...
     
    Bref, ce petit combat est celui du Clan atlantiste qui a besoin de faire plier la Russie pour conforter son hégémonie. De son côté, la Russie semble à juste titre assez indifférente : elle n'est pas a piori contre, mais elle n'est pas non plus pressée d'accepter ce qui n'a pas encore été officiellement formulé, car finalement l'important est ailleurs.
     
     
     
     
     

  • 29 Août 2019

    Publié par El Diablo

    image d'illustration

    Tout ce mois d'août, WUD part à la rencontre de ces médecins qui ont poussé un coup de gueule pour faire avancer le système en 2019. Aujourd'hui, le Dr Christophe Prudhomme, médecin urgentiste au CH Avicenne et responsable CGT. Le porte-parole de l'Amuf s’en était pris à la direction de l’hôpital, suite au suicide du Pr Christophe Barrat en février dernier. Le responsable de chirurgie bariatrique et métabolique du groupe hospitalier Paris Seine-Saint-Denis de l’AP-HP s'était donné la mort en se défenestrant du haut de son bureau.

     

    LIRE LA SUITE :


  • 29 Août 2019

    Publié par El Diablo

    source: Rassemblement communiste

    Comme le disait le candidat-escroc Fillon il y a deux ans, lors de son « grand oral devant les patrons » face au Medef, croyant qu’il n’était pas écouté : « Le système de retraite par points, ça permet une chose qu’aucun homme politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année la valeur des points et donc de diminuer le niveau des pensions ». Depuis, il s’est passé tant de choses… que personne n’est plus dupe de la propagande que Macron met en œuvre pour nous faire passer la pilule : la rentrée sera chaude !

     

    Nous avons eu un mouvement historique de résistance syndicale contre la loi El Khomri il y a deux ans. Nous avons eu une mobilisation sans précédent de la jeunesse contre l’apartheid social que crée Parcoursup.

     

    LIRE LA SUITE:


  • 28 août 2019
     

     

     
    Les Ami.e.s du Monde Diplomatique et la Ligue des Droits de l'Homme organisent à la médiathèque M. Crépeau le 18 septembre 2019  une rencontre débat avec Mme Véronique Decker.
    Institutrice puis directrice d'école élémentaire pendant plus de trente ans dans les quartiers populaires de Seine Saint Denis, Mme Decker a publié trois livres où elle mêle souvenirs, scènes de vie et réflexions sur l'école publique. Une expérience et des analyses qu'elle partage avec un nombre toujours croissant de lecteurs et lectrices.  Une rencontre -débat exceptionnelle à laquelle bien sûr nous vous invitons à venir participer . On peut ne pas être d'accord avec Mme Decker mais une chose est sûre elle ne parle pas pour ne rien dire.

     

     
     

    Partager cet article