Les commémorations du 80e anniversaire du début de la Seconde Guerre mondiale ont commencé la semaine dernière. A cette occasion, le président allemand Frank-Walter Steinmeier s’est rendu aux cérémonies organisées en Pologne et a présenté ses excuses aux victimes polonaises.

pologne

Après la visite du président allemand Frank-Walter Steinmeier, le président de la Pologne Andrzej Duda a souligné l’importance de ces déclarations, affirmant l'importance de ces excuses dans l’histoire de l’amitié germano-polonaise - rappelons que la Pologne a perdu 6 millions de citoyens, dont 3 millions de Polonais juifs au cours de la Seconde Guerre mondiale. Toutefois, cette concorde diplomatique n’a duré que le temps d’un claquement de doigt. Le gouvernement polonais a n'a pas tardé à rebondir sur un dossier qui grève les relations entre les deux pays depuis quelques temps : les réparations de guerre dues à la Pologne. 

 Des demandes de réparations astronomiques

En effet, juste après la défaite allemande, des réparations avaient en effet été calculées et versées aux victimes du Troisième Reich, à commencer par celles de la Shoah. Mais pour ce qui concerne la Pologne, c’est l’Union soviétique qui a administré ce dossier. Et ce qui importait à l'époque était l’établissement de bons rapports entre les républiques sœurs de l’Union socialiste : Moscou avait alors orchestré des négociations entre la RDA, l’Allemagne de l’Est et la Pologne. Pour mettre en bon ordre de marche le régime communiste, il faut dépasser le bilan de la Grande guerre patriotique, à commencer par la stabilisation de la frontière germano-polonaise.  Au cours des négociations organisées à Moscou, les Polonais renoncent officiellement à ces réparations de guerre en contre partie de la reconnaissance par la RDA du tracée de la ligne Oder-Neisse, la frontière actuelle, qui leur est favorable. Cette ligne de séparation sera d’ailleurs baptisée "Frontière de la paix". Le dossier est donc classé en 1953 mais mal réglé. La chute de l’URSS et de son ordre géopolitique va faire resurgir les zones d’ombres de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale mises au placard entre temps. Et l’arrivée au pouvoir en Pologne du parti conservateur PIS Droit et Justice va attiser les braises de cet après-guerre réglé à la va-vite.

La semaine dernière, le gouvernement polonais ne s’est pas contenté de déclarations publiques. Une commission parlementaire a été nommée il y a deux ans pour plancher sur le sujet des réparations, c'est à dire sur une nouvelle facture à présenter à l’Allemagne. En fondant leurs estimations sur un rapport soviétique de 1947, les parlementaires qui la composent, tous membres de la majorité gouvernementale, estiment à un peu moins de 800 milliards d’euros les dommages subis par la Pologne du fait de la guerre et de l’Occupation allemande. Une somme astronomique donc. 

 Bientôt un musée de la Seconde Guerre mondiale à Gdansk ?

Selon les spécialistes comme l’historien Robert Traba, les pertes de la Pologne n’ont pas été compensées de manière adéquate. Mais c’est surtout la question du deuil qui est au centre de cette affaire. Si l’on fêtait les 80 ans du début des combats dimanche dernier, le débat autour du bilan et de la mémoire polonaise de cette guerre et de ses atrocités n’a en fait commencé qu’il y a 30 ans, à la disparition de l’Union soviétique. La tutelle de Moscou a longtemps retardé ce travail de deuil psychologique de l’Occupation allemande. 

D’ailleurs, ces demandes de réparations s’inscrivent au programme d’une véritable politique historique du gouvernement polonais. Effectivement, le gouvernement met en place un ensemble législatif pour condamner les historiens ou historiennes dont les travaux vont à l’encontre du patriotisme en vigueur. Jan Gross, attaqué pour ses recherches sur l’antisémitisme polonais, n’est qu’un exemple parmi d’autres. Le clivage intellectuel entre historiens fait rage dans le pays. 

En attendant en Pologne, et plus particulièrement à Gdansk, le gouvernement et la municipalité s’affrontent sur la mise en musée de cette histoire. Un affrontement au long cours qui produit un véritable mille feuilles historique et mémoriel puisqu’un premier musée de la Seconde guerre mondiale désapprouvé par les conservateurs va être corrigé par une annexe pour exposer des thèses plus proches de celles défendues par le gouvernement. (selon Anaïs Kien, "Savoirs, le journal de l'Histoire")