• CATASTROPHIQUE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

    Cyril LAZARO

     
    Samedi 11 août 2012 6 11 /08 /Août /2012 13:32

    Portugal : échange travail contre nourriture

    A la faveur de la crise, de plus en plus de Portugais, dans le besoin, se mettent en situation de semi-esclavage.

    António et Lídia sont de ceux qui échangent leurs bras contre une aide en nature.
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    Dans les petites annonces publiées sur Internet, on voit de plus en plus de gens désespérés demander du travail, en échange de nourriture. Ils sont prêts à tout. "On est en train d'assister à une régression civilisationnelle. Avec la crise, les cas de semi-esclavage augmentent", note Joaquim Dionísio, avocat spécialiste du droit du travail et membre de la direction de la CGTP [le principal syndicat portugais].

    A 24 ans, António Santos a tout perdu. D'abord son emploi, puis le logement où il vivait à Matosinhos [ville située à l'ouest de Porto]. En octobre dernier, il s'est retrouvé au chômage sans droit à une allocation. L'argent économisé lorsqu'il travaillait dans le BTP et la restauration lui a permis de payer cinq mois de loyer. Sans revenus ni aides financières, il a donc dû quitter son appartement en février. Les bons jours, il dort sur le canapé chez des amis, les mauvais dans une cabane en carton.

    "Je fais des choses ici ou là pour ne pas mourir de faim. Mais j'ai vraiment besoin de travailler, même si c'est seulement en échange de nourriture et d'un endroit où dormir", soupire le jeune homme, qui a une formation professionnelle en commerce. C'est ce qu'il a écrit dans les annonces qu'il a mises en ligne en mars sur plusieurs sites. Bien qu'il ait proposé de travailler gratuitement, il n'a reçu aucune réponse. Tout du moins jusqu'à fin avril, la dernière fois qu'il a pu aller sur Internet. "Je n'ai même pas assez d'argent pour aller dans un cybercafé", explique António. Il peut compter pour l'instant sur la solidarité de ses amis qui lui offrent un repas par jour et lui prêtent des habits "pour être plus présentable". Avec l'espoir de trouver un jour un emploi.

    Des situations fragiles qui favorisent les exploiteurs

    S'il n'y a pas de données précises sur le nombre de Portugais prêts à travailler sans être payés en retour, la dernière enquête sur l'emploi de l'INE [l'équivalent de l'Insee] évoque le chiffre de 32.000 travailleurs non rémunérés, pour le premier trimestre 2012. Un nombre qui correspond, uniquement, à ceux qui travaillent de manière informelle, pour un membre de la famille.

    Tous les autres cas échappent aux statistiques, et sont a fortiori illégaux. "Il ne peut y avoir de contrat sans rétribution en argent. Sinon, c'est de l'esclavage. Le Code du travail prévoit l'existence de rétributions en nature mais uniquement si elles n'excèdent pas la part pécuniaire", explique Fausto Leite, spécialiste en droit du travail.

    "Les abus sont quotidiens. Dans la pratique, on trouve de tout. Ces cas sont symptomatiques d'un désespoir criant", ajoute-t-il. Une opinion partagée par Joaquim Dionísio, qui rappelle les milliers de Portugais "vivant dans l'angoisse, sans aucun revenu". Selon les derniers chiffres de la Sécurité sociale, près de 300.000 demandeurs d'emploi n'ont pas d'allocations de chômage. "De nombreux employeurs profitent de cette énorme fragilité pour les exploiter."

    Parmi les gens qui demandent de la nourriture en échange de travail, on ne trouve pas que des chômeurs. Lídia Joaquim, 38 ans, travaille plus de huit heures par jour en faisant des ménages et en prenant soin d'une personne handicapée. Mais les 485 euros mensuels [l'équivalent du smic local] ne suffisent pas. Avec les 300 euros de loyer – un appartement exigu à Ramada [ville dans la banlieue nord de Lisbonne] – et les dépenses en eau, électricité et gaz, il lui reste 30 euros pour nourrir ses deux enfants, âgés de 15 et 18 ans. "On ne fait plus de petit déjeuner ni de goûter. Et si, le soir, le poulet ne suffit pas pour nous trois, je leur donne ma part et je me contente du riz", raconte-t-elle.

    Acheter un cahier... ou du pain

    Par ailleurs, Lídia et ses enfants ont également perdu une partie de la réduction à laquelle ils avaient droit, quand les tarifs dans les transports en commun ont augmenté. Sa fille Mariana doit aller à pied à l'école, soit une heure et demie de marche. L'argent suffit seulement à payer la carte de transport d'Adilson, le plus grand, scolarisé dans un lycée éloigné de l'appartement. "Si j'achète une carte de transport, pas de yaourts. Si j'achète un cahier, pas de pain."

    Arrivée d'Angola il y a dix ans, Lídia est asphyxiée financièrement. Cette situation l'a poussée à publier une annonce en février proposant de s'occuper d'enfants ou de personnes âgées, ou bien de faire du ménage en échange de nourriture. "Si je nettoie des escaliers et qu'on me donne un paquet de riz, je me sentirai mieux. Je pourrais aussi aller voir une association et demander de l'aide, mais je suis en bonne santé et j'ai assez de force pour travailler", explique-t-elle.

    Le président de l'União das Misericórdias [le principal réseau caritatif du pays], Manuel Lemos, comprend le refus de la charité et loue la volonté de travailler. Mais cela ne peut pas se faire en échange de nourriture, selon lui. Des cantines sociales sont présentes dans tout le pays et "ont pour mission de venir en aide à tous ceux qui sont dans le besoin". A l'instar d'António et Lídia.

    CourrierInternational

    Source french.irib.ir

     

    Le premier ministre portugais conseille aux jeunes de partir

    Au Portugal, la crise s'accentue. Le premier ministre, Pedro Passos Coelho, en est venu à appeler ses compatriotes à chercher du travail ailleurs. L'an dernier, plus 120.000 Portugais auraient choisi le chemin de l'émigration.

    La crise au Portugal s'accentue à tel point que le premier ministre, Pedro Passos Coelho, en est venu à appeler ses compatriotes à émigrer! Ils devraient «faire preuve de plus d'effort», «laisser leur zone de confort» en cherchant du travail ailleurs, a-t-il déclaré. Les enseignants incapables de trouver du travail au pays devraient ainsi songer à émigrer en Angola ou au Brésil, les anciennes colonies.

    Partir? Carlos, 48 ans, enseignant vacataire à temps partiel depuis plus de vingt ans, y songe tous les jours. «Si vous me trouvez un travail, en France ou en Angola, je pars demain», dit-il dans son excellent français. Carlos a donné rendez-vous dans un café de la plage de Baleal, à côté de Peniche, un port de pêche situé à 100 km au nord de Lisbonne.

    Sur les longues plages de sable fin de Peniche, les estivants arrivent en nombre. Ici, dans la capitale portugaise du surf, qui dispute le titre européen à Biarritz-Hossegor, le recul de plus de 3% du PIB annoncé pour cette année semble irréel. «Ici, c'est un petit paradis, concède Carlos en buvant un cafezinho face aux rouleaux. C'est moins sinistré que dans les régions agricoles et industrielles au centre du pays ou au sud de Lisbonne.»

    Et pourtant. À entendre le maire, Antonio Correia, le chômage local, à 14 %, n'est pas loin des 15,2 % nationaux. À Peniche, à la crise de la pêche s'est ajouté l'assèchement du crédit bancaire. L'immobilier est aux premières loges des secteurs affectés. Les chantiers sont gelés. Les affiches «à vendre» et «à louer» fleurissent dans la petite cité balnéaire.

    Plus d'un jeune sur trois au chômage

    Les mesures draconiennes d'assainissement des finances publiques - baisse des salaires, des pensions et des allocations - affectent toute la société. Dans une ruelle du vieux bourg, le propriétaire de la petite boutique Baixa Mar (marée basse) d'articles de pêche a fini par craquer. Il a affiché en vitrine le nom de tous les clients qui lui doivent de l'argent. En pure perte.

    Carlos, qui complète son salaire d'enseignant comme correspondant du journal local Gazeta das Caldas, a publié le mois dernier une double page illustrée de photos en petit format de devantures de boutiques fermées. Il en a compté plus de 300 dans la ville de Caldas da Rainha. Crise oblige, son salaire de journaliste a été brutalement coupé, de 800 à 600 euros mensuels.

    Carlos, comme Fernando, chauffeur de taxi qui songe sérieusement à rejoindre l'un de ses fils exilé à Londres, ressent comme une impression de retour en arrière. Un retour à la génération de leurs parents partis en masse en France.

    L'an dernier, plus 120.000 Portugais auraient choisi le chemin de l'émigration, notamment vers les ex-colonies à la croissance dopée par les hydrocarbures. Dans ce pays de la Vieille Europe de 10 millions d'habitants, plus d'un jeune sur trois est au chômage. À 16 ans, le fils de Carlos ne se voit pas d'avenir au pays et n'a pas attendu, lui non plus, l'exhortation désespérée du premier ministre pour rêver d'ailleurs.

    Source lefigaro.fr

     

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