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    En pleine crise sanitaire, Macron dépense des millions d’argent public pour … sa réélection !

    Multiplication de postes de conseillers, explosion du budget des sondages, présidence du conseil de l’UE et opacité du budget alloué au Haut Commissaire au Plan: le pognon de dingue que prépare Emmanuel Macron pour assurer sa potentielle future campagne inquiète les rapporteurs.

    Par Zakaria Arab et Guillaume Quintin

                Dans son ouvrage « Le Grand Manipulateur », Marc Endelweld (Avr. 2019, Ed. Stock) décrivait les moyens qu’a eu Emmanuel Macron à sa disposition pour atteindre le Palais de l’Elysée. On y apprend qu’il se servit des fonds du Ministère de l’économie où il oeuvrait pour financer sa campagne, organisant réunions et rencontres à son profit avec les moyens de Bercy. Cela allait jusqu’à financer directement des enquêtes d’opinions sur le seul nom d’Emmanuel Macron, permettant de prendre la température afin de savoir s’il était judicieux de se lancer ou non.

                Mais un rapport d’enquête enregistré le 8 novembre à la Présidence de l’Assemblée nationale sorti dans la discrétion la plus totale nous autorise à penser que cette stratégie gagnante en 2017 sera reconduite en 2022, avec des moyens cette fois-ci à l’échelle du gouvernement.

                Rédigé à quatre mains par Marie-Christine Dalloz, députée LR du Jura et Laurent St-Martin, député LaREM du Val-de-Marne et rapporteur général du budget, ce rapport consiste à faire état de différentes missions du gouvernement, ainsi que des crédits que ces missions engagent. Il s’inscrit dans l’examen du Projet de loi de finances pour 2021, tel que convenu par l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 et les lois organiques sous-entendus dans ce même article.

                Ce rapport, important en ce qu’il explicite, analyse, détaille et remarque, n’a été repris dans aucun média malgré son importance capitale aussi bien dans l’exercice de la fonction de contrôle parlementaire, qu’en ses informations riches et cruciales pour le peuple, en droit de savoir à quels fins le gouvernement utilise les crédits qui lui sont conférés.

                Au fil de la lecture de celui-ci, on constate que le rapporteur ne manque pas d’égratigner son gouvernement, tant les dépenses peuvent sembler absurdes, tant elles sont gargantuesques par rapport aux buts poursuivis. Le rapporteur le rappelle dès le sommaire : les crédits sont en hausse en 2021, et ce pour différentes raisons.

                Ainsi, le Service d’information du gouvernement, chargé de réaliser à son compte des enquêtes d’opinions, doit être, au moment de la rédaction du rapport, doté d’une enveloppe de 14,2 millions d’euros en dépense du fonctionnement. Au-delà de cette information qui doit déjà nous faire bondir sur l’ahurissant montant déboursé en sondages et enquêtes d’opinions, on y apprend surtout qu’en octobre 2020, le montant déboursé par ce service était de 26,15 millions d’euros, explosant sa dotation prévisionnelle de 184%. Cela peut alerter sur la sincérité qu’a ce gouvernement à concocter un budget, mais surtout nous laisse songeur quant à la nécessité de réaliser tant d’enquêtes d’opinions, si ce n’est commencer à reproduire le schéma établi en 2016 en plus de se montrer incapable de trancher une décision avant d’engager un sondage sur la popularité de telle ou telle mesure.

                Le rapporteur ne se manque pas de rappeler que les dépenses en sondages ne cessent d’augmenter depuis 2017, atteignant chaque année de nouveaux sommets, avec un record pour l’année 2019 où le cumul gilets jaunes, Grand Débat et réforme des retraites à fait monter la somme à 3,37 millions d’euros, chaque sondage pouvant coûter entre 6000 et 35000€.


                C’est pour ces chiffres astronomiques que le rapporteur y va de sa mise en garde, discutant fortement la pertinence de ces recours pour orienter les politiques publiques.

                Au-delà de cette insincérité budgétaire que le rapporteur pointe sur cette question épineuse du Service d’information du gouvernement, il fait également état d’une absence  certaine de transparence quant à la création du Haut-Commissaire au Plan. Ce rôle, taillé sur-mesure pour un François Bayrou chagriné de ne pouvoir profiter de son alliance conclue avec Emmanuel Macron en 2017, ne se voit en effet mentionné nulle part dans les développements du projet annuel de performance de la mission Direction de l’action du Gouvernement consacrés à la justification au premier euro.

                Cela pose des questions quant à cette absence de transparence du gouvernement. Sachant que ce gouvernement, pas plus que ceux d’Edouard Philippe, n’a rien planifié et ne planifie rien (cf sa gestion calamiteuse de la crise du COVID19), et que Bayrou est un atout de poids pour la reconquête du pouvoir en 2022, lésé depuis sa démission forcée du Ministère de la Justice quelques semaines seulement après sa nomination au poste, ce Haut-Commissariat au Plan ne servirait-il pas seulement de pantouflage à un précieux allié ? Le doute est permis, tant rien ne justifie cette absence de précision des coûts.

                Absence de précision qui concerne également la hausse du nombre de conseillers ministériels, qui s’ajoutent aux cabinets de conseils aux coûts pharaoniques. Cette hausse, injustifiée également aux vues du nombre de conseillers nécessaires pour mener à bien l’action publique, suinte également la préparation d’une année charnière pour la réélection du Président de la République.

                2022 sera également l’année de la Présidence française au Conseil de l’Union européenne, qui nécessite de facto d’engager des crédits pour assurer la bonne tenue de cette présidence. En créant par voie règlementaire un secrétariat général relié au Premier Ministre, le gouvernement souhaite reproduire l’expérience qu’il juge « concluante » de la Présidence française de 2008. Concluante ? pas vraiment à en croire la Cour des comptes. Celle-ci a en effet souligné de nombreuses difficultés d’organisation, l’Etat ayant dû supporter des « charges d’utilités publiques variables ».

                Pour cette édition 2022, c’est un coût total de 174,02 millions d’euros qui serait annoncé. Si cette somme généreuse eut pu être déboursée pour améliorer véritablement le quotidien des français, force est de croire que cette budgétisation sur 2021 et 2022 risque de porter préjudice au principe de sincérité budgétaire selon le rapporteur. En effet, la possibilité de report ou d’annulation de crédits en cours de gestion risquent d’affecter grandement cette budgétisation, qui sans surprise pourrait excéder celle prévue initialement.

                Cette présidence française au Conseil de l’Union européenne représente toutefois un gros enjeu pour le gouvernement. résolument européiste, nul doute que cet événement représente une carte majeure pour Emmanuel Macron et sa campagne présidentielle. Un tel budget alloué ne serait-ce que pour l’année 2021 (47 millions d’euros en crédits de paiement) laisse croire que des événements et une communication accrue seront à noter durant l’année.

                Néanmoins, la concentration des crédits se retrouve sur le programme investissement d’avenir (PIA). En lançant le Programme Investissement d’Avenir 4 (PIA 4), qui doit atteindre une taille de 20 milliards d’euros d’ici cinq ans, le gouvernement espère investir dans des secteurs stratégiques parfois confondus avec le fameux plan de relance. Si nous vous invitons à vous renseigner directement sur la nature parfois désopilante des secteurs concernés par ce programmes (« résilience et souveraineté économique », un exemple parmi d’autres), il est intéressant de remarquer que le rapporteur dénote une forme de « débudgétisation » partielle de ce programme. En effet, 0,5 milliards d’euros vont provenir des intérêts générés par les fonds pour l’innovation et l’industrie. Or ces fonds sont de nature instable, et couplés aux autres sources complémentaires du PIA, le contrôle de ce programme par le Parlement sera d’autant plus compliqué. Est-ce ici une volonté d’opacité de la part du gouvernement ? Peut-être, d’autant que la plupart des secteurs visés par ce programme permettent d’abreuver les copains d’argent public…

                Mis bout à bout, les différents éléments qui attirent l’œil du rapporteur dans cette élaboration d’un Projet de loi finances devenu Loi de finances pour 2021 pousse à croire que la Présidence et le gouvernement cherche à reproduire la stratégie gagnante de 2016-2017, à grands coups de sondages, postes aux financements opaques, emploi à des fins politiques des équipes des cabinets ministériels et des institutions européennes, subventions publiques aux financements tarabiscotés, compliquant le contrôle parlementaire.