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    Vendredi 10 août 2012 5 10 /08 /Août /2012 18:36


    Par DESIRS D'AVENIR HERAULT

    L'hôpital sud-francilien taille dans les budgets pour financer la privatisation

    Le centre hospitalier sud francilien (CHSF)

     

    Il n’y a pas que l’industrie automobile et PSA, la rentrée sociale et la rentrée scolaire, qui animeront le mois de septembre. Pris dans des coupes budgétaires toujours plus importantes, le personnel des hôpitaux public pourrait rejoindre la danse. « Le personnel hospitalier se trouve dans une situation de tension importante. Et si les attentes sont déçues, cela pourrait déboucher sur un mouvement de colère », prévient Christophe Prudhomme, médecin urgentiste CGT santé et porte parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF). « Nous sommes en train de réfléchir à des moyens d’action pour la rentrée », confirme de son côté Henri Lelièvre, chirurgien orthopédiste au Centre hospitalier sud-francilien (CHSF) et président de l’association Sauvons notre hôpital public.

    Car « si on vous met dans une situation où vous ne pouvez pas traiter correctement vos patients» c'est certes pénible pour les malades, mais pour les praticiens aussi «c’est dur psychologiquement et les arrêts maladie se multiplient, poursuit le chirurgien se remémorant l'infarctus de son collègue chirurgien orthopédique. C’est le même mécanisme que le harcèlement. Les gens essayent de compenser le manque de personnel en travaillant plus dur. On aboutit à une situation de souffrance aigüe au travail.»

    En juin 2012, le personnel du service orthopédique du CHSF avait déjà sonné la sonnette d’alarme. Tandis que des aides soignantes absentes pour congés ou arrêt maladie n’avaient pas été remplacées et que la direction annonçait que le service orthopédique perdra trois infirmières dès la rentrée, la colère explose et le service se met en grève. Le docteur Lelièvre entame une grève de la faim. Trois heures de jeûne auront suffit pour que le service obtienne le maintien des infirmières, l’ouverture d’un bloc supplémentaire, l’ouverture de 8 lits à la rentrée ainsi que l’embauche de 2 chirurgiens pour novembre. Mais le chirurgien reste sceptique quant à ces annonces.« Pour ouvrir de nouveaux lits, il faut avoir prévu assez d’infirmières ce dont je doute et pour embaucher des chirurgiens, il faut prévoir des salles sinon ils s’en iront, comme d’autres avant », affirme-t-il en précisant que depuis la création du CHSF 9 chirurgiens ont démissionné. « La plupart sont allés dans le privé », déplore-t-il.

    L’engagement du gouvernement pris à la fin du mois de juillet d’allouer aux hôpitaux publics une partie des 10 milliards d'euros du grand emprunt laissés vacants par l’ancien gouvernement ne rassure qu’à moitié. Le montant précis de ce coup de pouce reste à déterminer mais une chose est sûre, il ne saura endiguer les déficits des hôpitaux publics qui ne cessent de se creuser. Ils ont en effet triplé en 10 ans pour dépasser aujourd’hui les 24 milliards d’euros. L’hôpital public a vu son nombre de lits passer de 305 000 en 2003 à 270 000 en 2010, selon les données collectées par l’Insee. En attendant des engagements forts de la part du nouveau gouvernement, le malaise dans la fonction publique hospitalière demeure entier.

    « Le service orthopédie est le service qui ramère le plus d’argent à l’hôpital. Il n’y a même pas d’argent pour les activités qui rapportent de l’argent. La direction y a pourtant intérêt », déplore Henri Lelièvre selon qui « les économies faites ont coûté de l’argent ».

     

    Loyer de l'hôpital: 51 millions d'euros en 2013

    Le cas de l’hôpital sud-francilien, à cheval sur les communes de Corbeil-Essonne et d’Evry, illustre à lui seul les conséquences en terme d’offre de soin des problèmes de financements des hôpitaux publics et de la « privatisation du service public de santé », dénoncé par les syndicats.


    Aujourd’hui, sur les 1000 lits prévus lors de sa construction en 2011, environ 900 sont ouverts et seuls 8 blocs opératoires sur 20 sont en état de fonctionner. Des parties entières de cet hôpital démesuré reste inutilisées alors qu’elles sont déjà équipées. Ainsi, une partie de ce qui devait accueillir le service de radiographie, est actuellement occupée par les permanences syndicales. Selon le docteur Lelièvre, l’ouverture des lits et blocs restant permettrait de générer davantage d’activité et donc de renflouer les caisses de l’hôpital, selon le principe de la T2A (tarification à l’activité). C’est d’autant plus vrai qu’en orthopédie, les opérations sont souvent coûteuses.


    Mais le fiasco de son démarrage est à l'image du gigantisme du projet.


    Flambant neufs, les 110 000 m2 du CHSF se dressent à côté du Génopole d’Evry et couvrent un territoire de santé de 600 000 personnes. Né pour accueillir la fusion des hôpitaux d'Évry-Courcouronnes et de Corbeil-Essonnes, la construction du CHSF s'est fait dans le cadre du plus gros partenariat public-privé (PPP) dans le milieu hospitalier. Signé en 2006 par le ministre de la santé de l’époque Xavier Bertrand, le contrat qui lie l’hôpital au constructeur, une filiale d'Eiffage, prend la forme d'un bail emphytéotique, ce type de baux immobiliers de très longue durée qui confère au preneur, un droit réel sur la chose donnée à bail: Ainsi dans le cas de cet hôpital, le contrat d'origine prévoit que l’hôpital verse, sur son budget de fonctionnement, 30 millions d’euros par an pour le loyer et la maintenance des locaux. Au bout de 30 ans, l’Etat devient propriétaire des lieux.

    Sauf qu’à la livraison en janvier 2011, entre la légionelle retrouvée dans l'eau et les gainages des tuyaux de gaz qui n'avaient pas été séparés, 8000 malfaçons ont été relevées, rendant impossible l’ouverture de l’hôpital au public. Prévu pour l'être au printemps 2011, le CHSF n’a été opérationnel qu’au début de l’année 2012. De nouveaux travaux ont entre temps été effectués, ce qui a engendré un surcoût de 175 millions d'euros répercuté par Eiffage sur le loyer annuel. Ainsi, en 2011, l’hôpital a dû débourser 38 millions d’euros alors que les locaux du CHSF étaient encore vides. En 2012, il s’apprête à payer 46 millions et on parle déjà d’un loyer à 51 millions en 2013. Avec 230 millions euros de budget, l’hôpital, malgré la suppression en cours de route de certains services, comme la radiographie, reste en déficit. Il s’éleverait à environ 20 millions cette année.

    Par ailleurs, le contrat prévoit que ce soit Eiffage qui prenne en charge les travaux et réparations à réaliser dans l’hôpital, sans appel d’offre. Résultat : des prix prohibitifs sont pratiqués et viennent alourdir le loyer en fin d’année. Ainsi, au rez-de-chaussée, les deux fenêtres installées pour donner de la lumière à un bureau de secrétaires ont chacune été facturées 26 000 euros. « Eiffage a déjà la rente sur les autoroutes et maintenant sur les hôpitaux avec des marges honteuses, sur le dos de la sécurité sociale », s’indigne Christophe Prudhomme de la CGT. « Le problème du PPP, est que c’est à la fois un produit construit mais aussi un produit financier qu’il s’agit de rentabiliser », ajoute Claude Combrisson, représentant des usagers au sein de l’association Sauvons notre hôpital public.

    La cour régionale des comptes estime, dans un rapport de septembre 2010, que le PPP coûtera au final 1,188 milliard d’euros, pour un coût de construction de 344 millions.

     

    Interimaires remerciés, salles fermées

    Le docteur Henri Lelièvre explique que la situation financière du CHSF pousse la direction de l’hôpital à « faire des économies de bout de chandelle ». La direction a en effet mené une politique de réduction des dépenses et a ainsi économisé 14 millions d'euros en 2010, 20 en 2011 et 29 en 2012, selon les chiffres de la cour régionale des comptes. Cela s'est traduit par la suppression de 160 postes ces trois dernières années.

    Les économies touchent notamment le service d’orthopédie. A l’heure actuelle, deux chirurgiens se partagent deux blocs opératoires pour 28 lits ouverts (sur 44 prévus lors de la construction) et trois équipes de trois infirmières se relaient en 3x8.

    « Quand il y a eu la fusion des hôpitaux de Corbeil et d’Evry, il devait y avoir trois salles pour opérer, raconte-t-il. C’est ce que l’Agence régionale de santé avait calculé selon l’activité des deux services fusionnés. Il y avait une salle d’opération pour chaque service et nous devions partager une autre salle pour la traumatologie et les urgences. Par la suite, on nous a dit que nous faisions moins d’activité que prévu –forcément avec une salle en moins–, donc la salle n’a pas été ouverte. »


    L’activité de l’orthopédie a subi une autre coup de frein avec la suppression des postes d’intérimaires qui travaillaient dans les blocs opératoires. « Donc à  présent, si vous avez une urgence, comme une péritonite, on se débrouille pour vous trouver une place mais si vous avez une opération considérée comme moins importante, comme une fracture de la jambe, vous n’avez pas de salle », explique Henri Lelièvre.

    Résultats pour les patients, les délais pour se faire opérer s’allongent. « Si on ne peut pas vous donner de rendez-vous au bout de deux jours, la réaction normale c’est d’aller voir les cliniques privées, nombreuses autour du CHSF, affirme Claude Combrisson, le représentant des usagers de l’association Sauvons notre hôpital public. Mais la majorité des gens qui vont à l’hôpital public ne peuvent pas faire autrement pour des raisons financières. Un gouvernement de gauche se doit de faire quelque chose.»


    Les 10 milliards d'euros annoncés seront-ils suffisants ?

     

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