• Présidentielle 2012 : les petits calculs de Jean-Louis Borloo



    "J'y vais, j'y vais pas ? J'y pense (en me rasant ?). Je t'aime (et tu me finances) mais je te quitte ... On se retrouvera de toute façon au 2nd tour ... Je m'appelle centriste mais je roule à droite, car le centre est à droite par nature (comme DSK se proclamait à gauche en se situant plutôt au centre) ..."

    Tels sont les petits jeux de précampagne présidentielle entre Jean-Louis Borloo et Nicolas Sarkozy, qui alimentent la presse et les médias, plutôt que des débats intéressants sur les problèmes de l'emploi, des banlieues, de l'échec scolaire, sur les choix de modèle de société dans la mondialisation, sur la manière de sortir de la crise des dettes européennes, ... qui manquent sérieusement au programme. A dire vrai, cela finit par lasser et risque d'essoufler la campagne avant qu'elle commence et même avant la déclaration officielle des candidatures.

    Alors allons droit au but sur les intentions et sur la posture politique de Jean-Louis Borloo :

    1- Politiquement, son existence se mesure à l'aune de son pouvoir de nuisance ou de challenge sur Nicolas Sarkozy, seule façon pour lui de pouvoir négocier au mieux un poste de 1er ministre et pour les députés qui le suivent, l'assurance d'un mandat législatif au lendemain des présidentielles ;

    2- Le contexte de baisse continue de popularité de Nicolas Sarkozy est favorable à l'émergence d'une alternative à droite, l'UMP étant de plus en plus divisée entre une aile droite populiste, jouant sur le même terrain de jeu que le FN sur les questions sécuritaires et d'immigration, une aile préservant les intérêts des hauts revenus, des plus fortunés, et une autre aile gaulliste ou plus centriste et plus sociale. Cependant, plus il y aura de candidats, moins chacun (notamment Nicolas Sarkozy) a de chance à passer le cap du premier tour de l'élection présidentielle ... D'où le sentiment de puissance du challenger, qui pourra d'autant mieux monétiser son désistement juste avant le premier tour, en fonction des sondages ...

    3- Aucun risque finalement à se déclarer candidat, si ce n'est d'affaiblir Nicolas Sarkozy dans les sondages, tout en lui assurant qu'en fonction des intentions de vote affichées avant le premier tour, Jean-Louis Borloo se désistera bien entendu au bénéfice de Nicolas Sarkozy au cas où la division des voix risque de ne pas permettre à ce dernier d'atteindre le 1er tour (scénario du 21 avril à l'envers). En échange de cette promesse, Nicolas Sarkozy lui garantit encore le financement du Parti Radical jusqu'à cette échéance.

    4- Sauf que ... Autre scénario possible, qu'espère Jean-Louis Borloo : celui de dépasser Nicolas Sarkozy dans les sondages d'intentions de vote à la veille de l'élection, qui lui permettrait peut-être d'atteindre le 1er tour en ralliant d'autres voix du centre, celles de François Bayrou, comptant sur un désistement de ce dernier à son profit ;

    5- Sauf que ... Encore un autre scénario possible : s'il dépasse Nicolas Sarkozy dans les sondages mais reste derrière François Bayrou, c'est ce dernier, déjà légitime représentant du centre, qui devrait bénéficier d'un désistement de Jean-Louis Borloo, au détriment de Nicolas Sarkozy. Dans le cas d'une telle solution de repli, il essaierait de négocier une place de 1er ministre et ses amis députés espèreraient également se voir assurer de mandats législatifs, en reconnaissant soudain toutes les qualités de François Bayrou ...

    Mais tous ces petits calculs sont sans compter sur les incertitudes suivantes :

    - tout d'abord les voix n'appartiennent qu'aux électeurs, pas au candidat. En cas de désistement d'un candidat décidant d'en soutenir un autre, les reports ne sont pas si systématiques. Ainsi, si après avoir critiqué Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Borloo se met à le soutenir, les voix ne vont-elles pas plutôt se reporter sur François Bayrou ? De même qu'après neuf années au gouvernement dont quatre sous la présidence Sarkozy il n'a rien critiqué, il a tout voté, sans jamais émettre de réserve sur la politique du gouvernement : bouclier fiscal et suppression des droits de succession, intégration du commandement de l’OTAN, discours de Dakar, Discours de Grenoble, réforme de l’audiovisuel public, affaire Tapie, affaire Bettencourt, affaire Pérol, affaire Epad/Jean Sarkozy, etc. Où est la crédibilité ?

    - ensuite, comment continuer ainsi à porter des étiquettes en contradiction avec le contenu ? Les Français ne risquent-ils pas de percevoir une imposture ?

    Centriste ? En fait à droite même s'il est plus modéré, il ne le nie même pas et proclame par avance un ralliement. Sinon il irait directement vers François Bayrou, qui a prouvé son indépendance tout en acceptant de dialoguer avec des personnalités politiques d'autres clans.

    Social ? François Chérèque, secrétaire général de la CFDT dit de Jean-Louis Borloo : "Je ne reconnais aucune fibre sociale à une personne qui ne s'est pas exprimée sur le blocage du dialogue social pendant six mois." Ajoutant aussi : "Il était le ministre du travail quand il y a eu le CPE (Contrat de première embauche), donc on a l'habitude de M. Borloo, qui a un double discours, qui ne dit rien alors qu'il a des responsabilités."
    Que dire aussi de l’échec du programme visant à faciliter l’accès à la propriété des gens modestes avait été lancé en 2005 par Jean-Louis Borloo, alors ministre de la Cohésion sociale et du Logement du gouvernement Villepin ? Six ans après, sur les 20.000 logements prévus, seuls 600 sont sortis de terre. Ces "maisons Borloo" annoncées à 100 000 euro, coûtent finalement 150 000 euros aux familles, qui se plaignent de malfaçon et doivent se pourvoir en justice.

    Ecologiste ? D'après l’écologiste Fabrice Nicolino, qui vient de publier "qui a tué l’écologie ?" : "il est arrivé là par hasard en héritant du ministère de l’écologie, mais n’a jamais eu cette sensibilité", le Grenelle de l’environnement a été médiatisé mais a accouché d’une souris, le gouvernement n’ayant même pas mis en place la mesure phare que devait être la taxe carbone, mal ficelée. Capable de signer les autorisations d'exploration de gaz de schiste sans même consulter le premier ministre et de dire ensuite qu'il a manqué de vigilance, il démontre son inconscience écologique et son irresponsabilité. Et qu’a-t-il dit quand le gouvernement a décidé de supprimer une aide fiscale à l’investissement en panneaux photovoltaïques ?

    Enfin, alors que le scandale de l'affaire Tapie va inévitablement ressurgir, impliquant Christine Largarde et éclaboussant le président Sarkozy, Jean-Louis Borloo ne risque-t-il pas de pâtir également de sa proximité avec cet ami bien sulfureux ?

     

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