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    Vendredi 19 août 2011 5 19 /08 /Août /2011 11:36


    Par DESIRS D'AVENIR HERAULT

    Retour du couple franco-allemand: un rideau de fumée pour sauver l'euro

     
    Gilbert Casasus - Marianne | Vendredi 19 Août 2011

     

    Le retour du couple franco-allemand... C'est ce que la rencontre du 16 août voulait laisser paraître. Mais les mesures prises pourront-elle être appliquées? Gilbert Casasus, professeur en études européennes à l'université de Fribourg, explique pourquoi il s'agit surtout d'un écran de fumée...



     
    « Le couple franco-allemand est de retour ». Combien de fois n’a-t-on pas entendu cette rengaine ces derniers jours ? S’il est de retour, c’est qu’il était aussi parti. Mais où ? On ne sait où. Il était peut-être de retour de son escapade du 21 juillet dernier, lorsque les chefs et de gouvernement de l’UE, s’étaient réunis au sein du Conseil européen pour sauver l’euro. Mais peut-être pas assez, du moins pas assez pour la chancelière Angela Merkel et le Président Sarkozy qui se sont à nouveau attelés à l’ouvrage le mardi 16 août. Bref après avoir sauvé l’euro le 21 juillet, il fallait le resauver le 16 août. Et tout ça grâce au « couple franco-allemand » qui pourtant, devait-on le croire, l’avait déjà sauvé il y a moins d’un mois. Maintenant tout est clair : après avoir joué les sauveteurs, Français et Allemands ont resauvé ce qu’ils avaient déjà sauvé quelques semaines auparavant. Quitte à ne plus rien y comprendre, voire à en rire, le message devait être entendu au-delà des lambris de l’Elysée : « le couple franco-allemand est de retour ».

    L’histoire tournerait rapidement au ridicule, si les enjeux n’étaient pas aussi importants qu’ils le sont. Car nul ne peut, et ne doit le nier : si le couple franco-allemand avait été réellement présent sur le devant de la scène dès les premiers signes avant-coureurs de la crise grecque, la crise de l’euro n’aurait pas pris la dimension qu’elle a aujourd’hui. Car qu’on le veuille ou non, qu’on l’admette ou pas, la crise de l’euro, c’est aussi celle du couple franco-allemand. Et quant aux propositions communes faites le 16 août dernier par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, elles n’ont pas vocation à dissiper les craintes que leur gestion de la crise monétaire a fait naître dès le printemps 2010.

    Malgré l’emploi quelque peu impropre du concept de « gouvernement économique européen », l’idée en elle-même n’est pas dénuée de tout fondement. Si elle avait été instaurée à temps, une instance politique chargée de coordonner les politiques économiques des dix-sept pays de l’Euroland, voire des vingt-sept États membres de l’Union européenne, aurait certainement été utile pour juguler la spéculation à laquelle la monnaie européenne n’a que très difficilement su faire face. Mais fidèle au vieil adage selon lequel « il vaut mieux que tard que jamais », l’Union européenne va enfin se doter « d’un véritable gouvernement de la zone euro » (sic !) qui siègera, on n’en demandait pas tant, deux fois par an ! Les esprits chagrins ne manqueront pas d’évoquer en la matière « le modèle belge », en référence à ce royaume qui depuis quatorze mois vit avec un gouvernement sortant démissionnaire. D’autres voix se moqueront non sans tort de cette mesurette, alors que les Européens les plus convaincus ne se laisseront guère berner par ce qu’il faut bel et bien appeler de la poudre aux yeux.

    Fruit d’une logique politique légitime, l’idée de demander aux dix-sept pays de la zone euro d’adopter, avant l’été 2012, ladite « règle d’or » ne paraît pas saugrenue. Bien malin pourtant celle ou celui qui pourra livrer le mode d’emploi clés en main. Dans nombre d’États, il conviendra certainement de réviser la constitution, ce qui expérience faite lors de la ratification du traité constitutionnel ou de celui de Lisbonne, semble être beaucoup plus facile à dire qu’à faire. Idem d’ailleurs pour la meilleure des propositions franco-allemandes, à savoir celle de « déposer sur la table des instances européennes une proposition commune, dès le mois de septembre prochain, de taxe sur les transactions financières ». Sauf que le dépôt d’une proposition ne signifie pas, loin s’en faut, son acceptation. D’ores et déjà, certains autres États ont fait part de leur réticences ou plus encore de leur refus de se plier à cette règle. Ne resterait-il alors plus que la proposition de la création « d’un impôt sur les sociétés commun » en France et en Allemagne ? Prévu à l’échéance de l’exercice 2013, sa mise en œuvre pourrait se heurter aux législations en vigueur qui, dans une France plus centralisée que ne l’est une Allemagne plus fédérale, reposent sur des cultures et pratiques fiscales très différentes les unes des autres. En effet, comment prendre alors en compte les impôts locaux et régionaux dans les deux pays, comment en effet ne pas contrevenir au principe européen de subsidiarité ?

    Que restera-t-il alors de « ce retour du franco-allemand » du 16 août dernier ? Quelques belles déclarations, cela va sans dire. Quelques idées fortes pour l’avenir européen, pourquoi pas. Mais aussi, selon l’avis des observateurs les plus critiques, quelques paroles sans lendemain. Et pourtant, rien n’est moins sûr. Car le principal résultat de la réunion du 16 août 2011, comme celui du sommet du 21 juillet se trouve peut-être ailleurs. Chaque fois, l’Allemagne d’Angela Merkel a parfaitement réussi ce qu’elle voulait : se féliciter de certaines mesures qui ne seront peut-être jamais adoptées et faire passer volontairement à la trappe celles qu’elles refusaient, comme l’atteste son « nein » à la mise en circulation des eurobonds. Est-ce là ce « retour (tant souhaité) du couple franco-allemand » ? Si tel devait être le cas, ce retour aurait alors bel et bien la saveur aigre-douce d’une sauce allemande.

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