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    Jeudi 29 septembre 2011 4 29 /09 /Sep /2011 14:51


    Par DESIRS D'AVENIR HERAULT

    La « prime Sarkozy » fait pschitt

    Le Monde. Michel Noblecourt. 29.09.2011


    Pour tenter de respecter une de ses promesses de candidat en 2007, celle d'être "le président du pouvoir d'achat", Nicolas Sarkozy avait sorti, à la fin du printemps, sa botte secrète. Le président avait évoqué le versement d'une "prime de 1 000 euros" pour les salariés des entreprises de plus de 50 salariés dont les dividendes augmentent par rapport à la moyenne des deux années précédentes. Un moyen habile de lutter contre une morosité sociale nourrie sur le sentiment trés répandu (pas toujours confirmé par les statistiques qui font état d'une progression assez molle en 2011) d'un pouvoir d'achat décidément en berne. Une façon d'introduire aussi un peu d'équité dans un monde, où malgré la crise financière, bonus, primes et dividendes ont continué à afficher des records pour les dirigeants des sociétés du CAC 40. A un mois de la fin des négociations prévues sur cette "prime dividendes", le bilan est bien maigre.


    Unanimes, les syndicats s'étaient insurgés contre le versement de cette prime, "des miettes" à leurs yeux, alors qu'ils attendaient des négociations salariales annuelles obligatoires un rattrapage du pouvoir d'achat. Le patronat, Medef en tête, s'y était aussi vivement opposé jugeant sur la forme que la progression des dividendes n'atteste pas nécessairement la bonne santé de l'entreprise, et pestant sur le fond contre cette nouvelle intrusion de l'Etat dans le jeu social mettant en cause la liberté de négociation. Mais Nicolas Sarkozy avait tenu bon. La loi du 28 juillet 2011 a ainsi fixé les modalités de cette prime.


    Aux termes de la loi, la prime, qui ne pouvait "se substituer à des augmentations de rémunération", devait être instituée par des négociations devant déboucher sur un accord. En l'absence d'accord, "un procès-verbal de désaccord est établi", l'employeur indiquant le montant de la prime qu'il "s'engage à attribuer unilatéralement". Jusqu'à un montant fixé à 1 200 euros par salarié et par an, la prime est exonérée de l'essentiel des charges sociales. La loi donne jusqu'au 31 octobre pour que les négociations entre employeurs et syndicats aboutissent. Le législateur a également pris soin de préciser qu'un bilan des accords et mesures unilatérales devrait être dressé "avant le 31 décembre 2012", une nouvelle loi devant prendre en compte, "au plus tard le 31 décembre 2013",  les résultats d'une négociation nationale interprofessionnelle sur le "partage de la valeur ajoutée".


    Nicolas Sarkozy avait misé gros sur le succès de ce dispositif en espérant que cette prime toucherait 4 millions de salariés. Le ministère de l'économie, qui avait d'abord tablé sur une prime de 1 000 euros, avait anticipé un montant moyen de 700 euros. On en est loin. D'après les premières tendances, seuls 2,3 millions de personnes devraient bénéficier de cette prime, soit environ 10% des salariés. Le cabinet de conseil Deloitte relève que les entreprises de moins de 50 salariés qui pouvaient volontairement  l'appliquer sont restées à l'écart. Selon le Cercle des DRH, qui a interrogé une quarantaine de directeurs des ressources humaines, le montant de la prime "varie de 250 à 700 euros par salarié". D'autres cabinets de conseil avancent des chiffres moyens encore plus modestes tournant autour de 300 à 400 euros.


    Dans ce contexte, et compte tenu de la modestie des sommes proposées, les accords entre employeurs et syndicats ont été rares. Le groupe chimique Rhodia fait un peu exception: il a proposé un accord prévoyant le versement d'une prime de 600 euros brut, non seulement à ses 4 500 salariés français mais aussi aux 9 500 salariés qu'il emploie à l'étranger. La CFDT pourrait parapher le texte, sachant qu'à défaut la prime tombera à 427 euros, tandis que la CGT s'y oppose. Un accord a aussi été conclu dans le bâtiment et les travaux publics entre la direction de Vinci et les syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC, sur une prime de 350 euros. La CFDT du groupe d'aéronautique et de défense Safran assure avoir obtenu une prime de 500 euros. Une prime d'un montant de 600 euros a été rejetée par les syndicats de Sanofi et sera appliquée unilatéralement. Partout ailleurs, les primes annoncées sont plutôt faibles: 100 euros dans le groupe agroalimentaire LDC, 110 euros à Groupama, 150 euros chez Schneider Electric et STMicroelectronics.


    Sous réserve des surprises éventuelles qui peuvent encore surgir d'ici au 31 octobre, la mayonnaise n'a pas pris. Les entreprises, qui ont critiqué la complexité du dispositif et mis en avant leurs propres mécanismes d'intéressement, ont traîné les pieds. Les syndicats ont misé, souvent en pure perte, sur des augmentations de salaires sonnantes et trébuchantes et ne se sont pas battus pour la prime. Les négociations sur le partage de la valeur ajoutée, souhaitées par Nicolas Sarkozy, n'ont pas avancé d'un pouce. En juillet, lors d'une dix-septième... séance sur la modernisation du dialogue social, le patronat a proposé "une trame d'information-consultation" sur la création et le partage de la valeur ajoutée. L'objectif final serait de parvenir, lors de trois réunions prévues d'ici la fin de l'année (3 octobre, 8 et 16 décembre), à un "socle d'information facilitant le dialogue et la négociation dans l'entreprise". Un souci pédagogique qui laisse les syndicats de marbre. Et, de l'avis de 80% des directeurs de ressources humaines de grandes entreprises, consultés par le cabinet Deloitte, la "prime Sarkozy" aura "peu ou pas d'impact" sur le niveau des salaires. En d'autres termes, elle a, pour l'heure, fait pschitt.

     

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