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Mardi 1 novembre 2011 2 01 /11 /Nov /2011 00:46Foyer immigré d'Epinay : des retraités expulsés à la pelleteuse
Avenue de la République, à Epinay-sur Seine. Une allée étroite borde une décharge sauvage et débouche sur un terrain vague où sont plantées quatre vieilles baraques qui constituent le foyer Aftam de travailleurs migrants. D'un côté, le bâtiment dit « des Maghrébins », de l'autre celui « des Africains ». Au centre, un troisième, séparé en deux par une cloison, fait office de mosquée de fortune et de salle polyvalente.
Au fond, les restes de ce qui fut autrefois le troisième dortoir du foyer, marquent la limite du terrain, adossé à la voie de chemin de fer. Les baraquements peinent à tenir debout, tant les conditions d'insalubrité ont fini des les user.
Tôt dans la matinée de jeudi, le bâtiment « des Maghrébins » a été évacué par plusieurs dizaines de CRS, faisant suite à une décision de justice. Construite dans les années 60, la bâtisse avait été déclarée insalubre plusieurs mois auparavant. Quelque trente pensionnaires se sont retrouvés à la rue sans même avoir eu le temps d'emporter leurs effets personnels.
Le ballet des pelleteuses
Une heure à peine après l'expulsion, la petite allée est encombrée de plusieurs camions dans lesquels on charge réfrigérateurs, fours et autres micro-ondes, revendus à la sauvette selon plusieurs témoins.
Dans la foulée, les occupants du bâtiment voisin assistent à un ballet de pelleteuses, venues détruire les plafonds pour s'assurer que plus personne ne puisse s'y installer. Depuis le dortoir est entouré de grilles et gardé 24 heures sur 24 par une compagnie de sécurité.
Parmi les expulsés, une majorité de travailleurs à la retraite, en France depuis plus de trente ans. Mais aussi des plus jeunes, des sans papiers et deux personnes gravement malades. Grâce à la solidarité des leurs « frères » africains, une dizaine de travailleurs expulsés, revenue sur les lieux, a pu passer la nuit de jeudi dans la salle de prière.
L'Aftam, association gestionnaire du foyer, à l'origine de l'expulsion, a reçu vendredi plusieurs associations parmi lesquelles le Collectif pour l'avenir des foyers (Copaf), représenté par Michael Hoare. Ce dernier a tenu a exprimer « le choc ressenti par les résidents » après l'expulsion et a pointé du doigt les « méthodes inhumaines utilisées ». Il précise :
« Le but de cette rencontre a été de trouver une solution rapide de relogement à la fois pour les résidents en situation régulière et pour les sans-papiers. »
Pourtant, l'Aftam, qui promet d'examiner les dossiers des résidants en règle, affirme ne rien pouvoir faire pour les sans-papiers. Le cas du foyer est devenu une « patate chaude » que se renvoient la municipalité, la préfecture et l'association, qui avait fait la promesse aux élus de construire un nouveau centre de 80 places si les moyens lui en étaient donnés.
Une contre-attaque basée sur l'unité
Samedi, réunion au foyer avec les associations de soutien, les « Africains » (pour la plupart originaires du Mali) et quelque-uns des Maghrébins expulsés, présents sur place. L'ordre du jour est simple : trouver une solution pour les « camarades » sans abri en attendant la journée de mobilisation, mercredi, devant la mairie de Saint-Denis, puis à la préfecture, pour « faire réagir les élus ».
La solidarité est de mise vu la situation. Mais les « Africains » ont peur des conséquences, si un incident venait à se produire dans l'espace qui sert d'hébergement provisoire à leurs voisins. Le bâtiment épargné se trouve dans la même situation d'insalubrité que celui des Maghrébins et risque à tout moment de subir le même sort.
Michael Hoare insiste :
« Le foyer est attaqué, il est en lutte et il faut se défendre. La réponse se trouve dans l'union et la solidarité, pour contrer l'Aftam qui cherche à vous diviser. Notre contre-attaque repose sur une stratégie d'unité. »
Finalement, Alpha Camara, délégué du foyer accepte : « Il est important de se serrer les coudes pour traverser cette situation difficile. » Une belle leçon de vie de la part de deux communautés qui cohabitent et se respectent, en dépit des divisions imposées par l'Aftam.
« Les mêmes matelas depuis 1967 »
Dembele, qui vit ici « depuis des années » improvise une visite : « Ici, c'est ma chambre. On est cinq, il n'y a pas de chauffage et les matelas n'ont pas été changés depuis 1967 ! » Il attire mon regard vers le plafond éventré : « Il y a de l'amiante et de l'humidité, c'est horrible ».
Infiltrations, moisissures, murs fissurés font le quotidien des occupants du lieu. La promiscuité est devenue banale pour ceux qui partagent à quatre au minimum une chambre d'à peine dix mètres carrés depuis plusieurs années.
Plusieurs lits pliants jonchent le couloir et sont installés le soir pour dépanner ceux qui n'ont pas eu la chance de se voir attribuer une place. Les radiateurs de la salle de bain débordent de rouille et les plaques du plafond, gorgées d'eau menacent de s'effondrer. Pourtant ici, les sourires sont sur tous les visages et on s'estime heureux d'avoir « un endroit où se retrouver ».
Le comité, constitué notamment de la Copaf, de la CGT et du MRAP a reçu le soutien du député de Seine-Saint-Denis Patrick Braouezec, qui « condamne l'intervention policière dans ce foyer taudis et demande que tous les expulsés soient logés décemment ».
Lundi matin, l'Aftam, qui reste injoignable au sujet de l'expulsion, doit examiner les dossiers de plusieurs ex-pensionnaires en situation régulière. De leur côté, les associations de soutien se donnent rendez-vous mercredi matin à 10 heures devant la mairie de Saint-Denis puis à 16 heures devant la préfecture.
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