• ARTICLE SELECTIONNE PAR LE NOUVEL OBS ,publié sur le blog "REFAIS LE MONDE AVANT QU'IL NE TE REFASSE"

    François Hollande : les raisons du coup de mou

     

    LE PLUS. Il est retombé comme un soufflé. Voilà que le candidat socialiste à l'élection présidentielle dévale tout doucement des sommets de popularité qu'il avait atteints. Pire, on parle même de ségolénisation de François Hollande, ça va mal.

    Philippe Sage

    > Par Philippe Sage Empêcheur de tourner en rond

    Edité par Céline Hussonnois Alaya  

     

    Ségolénisation, ou pire, jospinisation, balladurisation, allez savoir jusqu’où pourrait descendre François Hollande, tant l’histoire des présidentielles regorge de candidats donnés vainqueurs bien avant l’heure et qui, le scrutin venu, n’ont même pas passé le premier tour. Difficile, n’est-ce pas, de ne pas se laisser griser par des sondages flatteurs, d’en faire fi. Car ce sont bien eux, les sondages, qui donnent le "la" à tout point de vue. Qui font que, à un moment donné, le candidat finit par fanfaronner, puis, aux détours d’une visite, lâcher : "Cette élection, j’commence à pas trop mal la sentir".

     

    François Hollande après un discours à Paris, le 22 novembre 2011 AFP/PATRICK KOVARIK
    François Hollande après un discours à Paris, le 22 novembre 2011 (AFP/PATRICK KOVARIK)


    Alors, bien sûr, la campagne, la vraie, n’a pas encore débuté, et sans doute, vaut-il mieux connaître un trou d’air, comme on dit, ou un coup de moins bien (de mou, diront des finauds) que dans les deux derniers mois. Ce sont ces deux-là qui sont déterminants, voire meurtriers. Oui, ce sont dans les deux derniers mois de campagne que l’on peut oser dire alors, mais de préférence en petit comité, loin des micros, des caméras, que "les jeux sont faits". Ou quasiment. Même si, il y a des exceptions. Ainsi en 2007, c’est dans la seconde partie du mois de janvier, quelques jours après son entrée officielle en campagne (le 14 janvier), que Nicolas Sarkozy distançait définitivement Ségolène Royal dans les sondages. A partir de ce jour, plus jamais la candidate socialiste ne sera donnée potentiellement vainqueur.

    Bref, et en d’autres termes, ce coup de moins bien de François Hollande dans les intentions de vote, cette baisse même, autant pour le premier que pour le second tour, et quand bien même garderait-il le leadership, n’est pas (encore) préoccupant. Il le sera si dans les semaines qui viennent il n’arrive pas à endiguer cette mécanique, trouver une stabilité. Reste la raison de cet effritement. Que d’aucuns affirment logique. Logique, car, d’après eux, il semble inconcevable que cette élection se joue à 62/38. Nous étions dans une configuration surréaliste, à les entendre. C’est à croire que 2002 n’a jamais existé…

     

    "Je suis le prochain candidat"

    Or donc, oui, chacun cherche des raisons à cette baisse, et voilà qu’on pointe cet accord EELV/PS, son MOX, ses circonscriptions, son intrusion (Areva). Aussi, un effet primaire qui retomberait, et, nous dit-on, c’est mécanique, logique, attendu. Certes… Mais il y a un autre point. Qui, me semble-t-il, a eu son poids. Négatif.

    Ainsi, quand le 7 novembre dernier, lors d’un entretien accordé au quotidien Libération, François Hollande déclare "Je ne suis pas un contre-président, je suis le prochain", il perd, là, des intentions de vote et tout un paquet de points S'Miles. Car s’il y a une chose que les Français ne supportent pas, c’est bien celle-ci : entendre un candidat se proclamer président. Or donc, devancer le scrutin. Voire, le forcer. Faire comme si c’était déjà fait.

     

    Fanfaronnade et franchouillardise

    D’autant que ce n’est pas une première. Le 18 octobre, au lendemain de sa victoire à la primaire citoyenne, François Hollande s’était autorisé un sonore : "Il est le candidat sortant [Nicolas Sarkozy] je suis le prochain". On pourrait également y adjoindre des extraits tirés de son interview, accordée à Laurence Ferrari, dans le cadre du JT de TF1 en date du 16 novembre dernier. 

     

    François Hollande en conférence de presse à Paris, le 9 novembre 2011 AFP / PATRICK KOVARIK

    François Hollande en conférence de presse à Paris, le 9 novembre 2011 (AFP/PATRICK KOVARIK)

     

    Ce n’est pas la même chose que de dire "cette élection, je commence à pas trop mal la sentir" que "je serai le prochain [président de la République]". Dans le premier cas, c’est de la fanfaronnade de bon aloi, une franchouillardise, ça ne prête pas à conséquence, c’est même, avec le recul, sympathique, humain. Mais dans le second cas, il y a de l’arrogance, même si on peut la comprendre, je veux dire analyser d’où elle vient et pourquoi elle émerge : c’est pour se donner la stature, la carrure, l’imposer ; aussi, conjurer le sort, dix-sept années de disette présidentielle. Certes… Mais comme c’est maladroit. Comme c’est mal connaître l’électeur. Il déteste ça, l’électeur. Il a déjà les sondages qui lui dictent, d’une certaine façon, le scrutin, alors si en plus les candidats se proclament vainqueurs avant que ne vienne le temps de l’isoloir, il s’en trouve considérablement exaspéré et le voilà qui sanctionne l’impétrant.


    Il y a d’autres raisons, bien sûr, à ce rééquilibrage dans les sondages. La crise, la dette, la zone euro, le chômage galopant, tant et autres ; aussi une interrogation qui, peut-être, saisit certains électeurs, interrogation qui ressemblerait peu ou prou à celle-ci : mais quelle(s) différence(s) peut-il y avoir, au fond, entre un Hollande et un Sarkozy, dans un tel contexte ? Dans une Europe où Zapatero (socialiste) fit subir à son peuple ce que même le plus libéral des politiques (Thatcher, par exemple) n’aurait, naguère, même pas imaginé possible ? Bref, qu’est-ce que Hollande, sinon une alternance, et sûrement pas une alternative.

    Quoi qu’il en soit, il serait bien inspiré, Hollande, de revenir sur terre. De faire preuve de plus de modestie. De mesure. 


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