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    Mercredi 17 août 2011 3 17 /08 /Août /2011 18:15


    Par DESIRS D'AVENIR HERAULT

    Les niches fiscales que Sarkozy va épargner

    | Par Mathieu Magnaudeix

     

    Depuis 2007, c'est devenu un rituel. Chaque année ou presque, le gouvernement annonce son intention de «raboter», voire de supprimer certaines exemptions à l'impôt. Pour le chef de l'Etat, mettre en avant la lutte contre les niches fiscales a un avantage: cela lui permet d'éviter de parler de «hausse d'impôts», expression taboue pour Nicolas Sarkozy. C'est pourtant bien de ça qu'il s'agit: les niches fiscales étant un crédit ou une réduction d'impôt, les réduire ou les supprimer revient forcément à augmenter la pression fiscale des ménages ou des entreprises... 


    En cet été de panique boursière, alors que le gouvernement veut faire des économies supplémentaires, revoilà donc les niches et le rabot.


    Avant même la rencontre entre Nicolas Sarkozy et François Fillon, ce mardi (de laquelle rien n'a filtré), les mesures d'économie qui seront annoncées officiellement le 24 août, avaient déjà fuité dans la presse: un impôt exceptionnel pour les très gros contribuables (ceux qui déclarent plus de 1 million d'euros de revenus)... et une longue liste de «coups de rabots»: réduction du dispositif Scellier dans l'investissement locatif, du prêt à taux zéro, de réductions fiscales pour l'investissement outre-mer ou encore remise en cause partielle de quelques dispositions fiscales qui avantagent les grands groupes...


    Objectif: entre 5 et 10 milliards d'euros d'économies supplémentaires en 2011, de quoi satisfaire les agences de notation qui ont mis la dette française sous surveillance, alors que le gouvernement va certainement revoir à la baisse ses perspectives de croissance trop optimistes pour l'année à venir.


    Pourtant, malgré les apparences, les niches fiscales les plus emblématiques du quinquennat, qui sont aussi parmi les plus coûteuses, ne seront pas touchées. En fait, le niveau des niches fiscales est historiquement haut. Et il va le rester. 

    • «Niches fiscales», de quoi parle-t-on?

    Toute dérogation à l'impôt (impôt sur le revenu, TVA, TIPP sur les carburants, impôt sur les sociétés, etc.) est une «niche fiscale». Officiellement, les dérogations fiscales coûtent chaque année 73 milliards d'euros à l'Etat. C'est du moins le chiffre qui figure dans l'annexe au projet de loi de finances 2011 (cliquer ici pour accéder au document). Mais en réalité, ce chiffre est très sous-estimé. Dans un rapport publié en février, la Cour des comptes expliquait qu'il faut ajouter à cette somme 75 autres milliards, ôtés de la liste des niches fiscales depuis 2006 alors qu'ils s'y apparentent beaucoup (lire le rapport annuel 2011 de la Cour des comptes).


    Pour l'essentiel, il s'agit de dégrèvements qui profitent aux entreprises, comme l'intégration fiscale, le régime des sociétés mères-filiales, ou le taux réduit en cas de cession de participation, plus connue sous le nom de niche «Copé», puisqu'elle a été votée en 2004 sur proposition de l'actuel patron de l'UMP.


    Conclusion: «L'enjeu budgétaire global pour les finances publiques représente un montant proche de 150 milliards d'euros», selon la Cour des comptes. Soit l'équivalent des trois quarts du déficit public français (189 milliards d'euros fin 2011)...


    Pour quelle efficacité? Aussi étonnant que cela puisse paraître, personne ne le sait vraiment. La loi de programmation des finances publiques 2009-2012 prévoyait un rapport sur le sujet en juin 2011. Réalisé par l'Inspection générale des finances, ce document qui inclut également les niches sociales est d'ores et déjà sur le bureau de la ministre du budget Valérie Pécresse, mais ne sera pas diffusé avant que le gouvernement n'arrête ses choix budgétaires. Façon, sans doute, d'éviter la polémique au cas où le rapport montrerait l'inefficacité de certaines dispositions introduites par Nicolas Sarkozy...  

    • Un coût exponentiel

    En 2003, on comptait déjà 418 niches fiscales. Depuis, leur nombre a encore crû, rendant encore plus dense la jungle des exemptions fiscales. On en compte aujourd'hui 504. Certaines ne coûtent pas plus de quelques millions d'euros. D'autres sont carrément obsolètes.

    Quant au coût global des niches fiscales, il a explosé de près de 50 milliards d'euros depuis que la droite est aux affaires, creusant d'autant les déficits.... La Cour des comptes estime que leur coût a crû de 10% par an entre 2004 et 2009. Et la crise n'y est pas pour grand-chose: hors mesures de relance consécutives à la crise de 2008, la hausse est quand même de 43%.

     

     50 milliards d'euros depuis 2003 50 milliards d'euros depuis 2003© Cour des comptes

     

    C'est donc à la mesure de ces ordres de grandeur qu'il faut évaluer tout coup de rabot. En 2010, le gouvernement a ainsi lancé une réduction des niches fiscales d'un peu plus de 6 milliards d'euros d'ici 2012. Pas grand-chose au regard de la rapidité avec laquelle il les a multipliées...

     

    TVA restauration, heures sup: pas touche!

    • Les niches fiscales bénéficient d'abord aux grosses entreprises et aux plus aisés

    La Cour des comptes a dressé la liste des niches fiscales les plus onéreuses, en y intégrant celles qui ne sont plus dans la liste officielle depuis 2006. On y trouve pêle-mêle des dispositifs sociaux (prime pour l'emploi), la réduction d'impôt pour les emplois à domicile, différentes exonérations liées à la situation familiale ou aux retraites...

    Mais les niches les plus chères, et de loin, concernent des réductions fiscales pour les entreprises.

    Niches fiscales officielles... et niches cachées Niches fiscales officielles... et niches cachées© Cour des Comptes


    Championne toute catégorie, le régime mère-filiales, qui permet d'éviter la double imposition des dividendes dès lors qu'une société détient plus de 5% de sa filiale. Il a en effet coûté 34 milliards d'euros pour la seule année 2009. La Cour des comptes s'affole régulièrement de son coût «exponentiel», et a proposé des mesures pour en limiter le coût. Pour l'instant, elle n'a pas été entendue.

     

    Le régime d'intégration fiscale, qui coûte plus de 18 milliards d'euros par an, permet à un groupe de payer moins d'impôt si certaines de ses filiales sont déficitaires.


    Enfin, la niche dite Copé, qui coûte 3,4 milliards d'euros, presque aussi cher que la prime pour l'emploi, permet à une dizaine de très grosses sociétés de défiscaliser une partie des plus-values qu'elles réalisent lorsqu'elles vendent des filiales, alors qu'elle ne devait coûter qu'un milliard d'euros selon Bercy... Un véritable cadeau offert aux plus grandes entreprises, qui n'a d'ailleurs pas choqué la gauche au moment de son adoption par le Parlement en 2004. De toute évidence, elle a donné lieu à de nombreux effets d'aubaine – même si elle n'a pas été évaluée.


    Résultat: selon un rapport parlementaire publié en juillet, les grosses entreprises arrivent à payer beaucoup moins d'impôt que les PME. Le taux moyen de l'impôt sur les sociétés payé par le Cac 40 n'est que de 18,6%... contre près de 40% pour les PME (lire le rapport de l'UMP Gilles Carrez ici).


    • Les niches les plus emblématiques ne seront pas touchées

    D'ores et déjà, le gouvernement a exclu de toucher à la niche Copé. Mais il refuse également de supprimer certaines niches décidées en fanfare après l'élection de 2007, malgré leur notoire inefficacité.


    La défiscalisation des heures supplémentaires, dernier vestige de la loi «travail, emploi, pouvoir d'achat» de 2007, qui coûte chaque année 4 milliards d'euros (dont 1,4 milliard de manque à gagner en impôt sur le revenu), reste d'actualité, alors même que toutes les études démontrent qu'elle n'a profité qu'aux salariés les plus aisés, et a d'abord permis de «légaliser» des heures supplémentaires qui existaient déjà mais n'étaient pas déclarées... Mais on ne touche pas comme ça à un symbole!


    La baisse de la TVA sur la restauration (passée de 19,6% à 5,5%), cadeau à une clientèle politique qui la réclamait depuis des années, ne sera pas elle non plus remise en cause. Selon le Conseil des prélèvements obligatoires, ses effets réels sont pourtant «incertains». Traduction: elle profite sûrement bien plus aux marges des entreprises qu'elle ne profite à l'emploi ou au consommateur. Et elle a coûté plus de 3 milliards d'euros à l'Etat en 2010


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