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    Dimanche 28 août 2011 7 28 /08 /Août /2011 00:41

     

    DSK: les féministes redoutent un effet retour

    Les associations craignent que l'abandon des poursuites pénales contre Strauss-Kahn ne décrédibilise la parole des femmes victimes de violences, déjà souvent sujette à caution.

     

    Par CORDÉLIA BONAL / Libération

     
     

    «Nafissatou, on te croit!» La pancarte brandie par une vingtaine de militantes féministes devant le tribunal de New York mardi n’aura de toute évidence pas pesé un gramme dans la décision du juge new-yorkais Michael Obus d’abandonner les charges à l’encontre de Dominique Strauss-Kahn. Mais elle traduit le sentiment d’amertume, sinon d’injustice, ressenti tout au long de l’affaire et plus encore à son issue hier mardi (au pénal du moins) par les féministes des deux côtés de l’Atlantique.

     

     

    (A New York pendant l'audience, mardi. - Photo Jessica Rinaldi / Reuters)

     

     


    Sentiment né tout autant du discrédit tombé d'un seul bloc sur Nafissatou Diallo que des sonores ouf de soulagement poussés à gauche depuis l'épilogue d'hier. «Circulez il n’y a plus rien à voir», a-t-on surtout entendu au PS, du triomphant «la justice américaine a reconnu l’innocence de Dominique» de Jean-Christophe Cambadélis au libéré «je suis très heureuse» de Martine Aubry, en passant pas les pour le moins expéditifs «DSK blanchi».

    Dans ce concert, la voix de Marie-George Buffet (PCF), qui a vu dans la décision de la justice américaine, «en revenant au temps où les victimes de viols étaient à priori coupables», une «mauvaise nouvelle pour la justice et pour les femmes», et celle du NPA, dénonçant «un coup très dur contre le droit des femmes victimes de violences sexuelles, de viols», ont été bien seules.

    Le contentement affiché risque, s'alarment les féministes, de noyer la libération de la parole qui avait émergé au début de l’affaire. «Ce n’est pas parce que la justice américaine a cru bon de prendre la décision qu’elle a prise qu’il faut en conclure qu’il n’y a pas de problème», proteste la présidente du Planning familial Carine Favier. «Cette affaire a levé le voile sur un certain nombre de réalités dont sont victimes les femmes, il serait extrêmement dommageable de faire aujourd'hui comme si rien ne s’était passé.»

    Ce qui s'est passé ? Faute de procès, on ne le saura pas, et c'est bien dans ce défaut de recherche de la vérité que se trouve le problème, réagissent en chœur les féministes. «Il n'y a pas matière à dire qu'on est soulagé du fait qu'il n'y aura pas de procès ni de justice rendue comme je l'entend dire depuis hier soir», dénonce l'antilibérale Clémentine Autain, très remontée. «Il est franchement déplacé que les socialistes applaudissent à une décision qui ne permette pas que justice soit faite!»

    C'est aussi ce qu'écrivent dans une pétition lancée hier en réaction à la levée des charges (texte ici) la psychiatre Muriel Salmona et la journaliste Sandrine Goldschmidt, militantes féministes: «C'est vrai, Nafissatou Diallo n'avait guère de chance de gagner un procès pénal et de convaincre 12 jurés "au delà du doute raisonnable". Cela ne prouve pas que DSK n'était pas coupable. Cela veut dire qu'aujourd'hui, la justice des hommes est bien la justice des hommes.»

    «Suspicion»

    Dès avant l'officialisation de la levée des charges contre DSK, mardi, Osez le féminisme exprimait la même crainte, appelant à la vigilance contre «la tentation (…) dans les prochaines semaines de jeter le discrédit sur l’ensemble des victimes de viol». «Cette affaire a mis en lumière les stéréotypes et la suspicion persistante portée sur les plaignantes, il ne faudrait pas que son issue, aussi médiatique soit-elle, porte préjudice aux victimes», appelle Magali de Haas, porte-parole de l'association.

    Le cas de Nafissatou Diallo est-il de nature à décourager les femmes victimes d'agressions sexuelles d'engager des poursuites ? «J’ose espérer que les femmes sauront faire la part des choses», tempère Magali de Haas, tout en rappelant que la démarche est déjà très difficile puisqu'en France 10% seulement des femmes victimes d'agression sexuelle porteraient plainte, selon l'enquête nationale Enveff (voir ici).

    Car l’affaire aura au moins eu le mérite de montrer le fossé entre les systèmes judiciaires français et américain, ainsi que le souligne Carine Delaby-Faure, pénaliste au barreau de Lille, habituée des affaires de violences sexuelles. «Le système américain considère que s’il y a mensonge sur des éléments annexes la parole de la victime est tellement entachée que l’on ne peut plus l’entendre: le mensonge est jugé presque aussi grave que le viol. Ce n’est pas le cas en France, où une victime de viol sera toujours entendue par la justice, quel que soit son profil.»


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