• EXCELLENT ARTICLE PUBLIE SUR "UMA 76 " =

    http://www.dailyactu.com/wp-content/uploads/2011/11/smic.jpg

     

    Article de Gérard Filoche

     

    De même que la CGT et FO, Gérard Filoche considère que la hausse du Smic de 2% est insuffisante. Il explique pourquoi il est urgent d'augmenter les salaires pour permettre la relance.

     

    Sarkozy avait bloqué le Smic pendant cinq ans, et il envisageait de le supprimer de factopour plaire au Medef qui pousse à l’annualisation du Smic et sa régionalisation (ce qui aurait définitivement pour double effet de le rendre incontrôlable et de le supprimer comme instrument d’une politique nationale des salaires). L’opération se déroulait inexorablement : 

    1. La fixation du taux du Smic a été fixée en janvier au lieu du 1er juillet, visant à peser par le bas sur les négociations de branche ou d’entreprise (NAO) qui ont lieu en début d’année. 

    2. La fixation se fait sur les propositions d’une «commission d’experts» prétendue indépendante selon le souhait de Laurence Parisot. 

    3. Une Commission d’orientation de l’emploi (COE) étudie soit une désindexation du Smic soit une modification du mode d’indexation. 

    4. Le gouvernement a supprimé jusqu’en 2013 les sanctions éventuelles applicables aux entreprises bénéficiant d’exonérations de cotisations (à hauteur de 20 milliards entre 1 et 1,3 fois le Smic) et qui ne respecteront pas le Smic. 

    5. Les branches dont le salaire minima conventionnel est inférieur au Smic ont obtenu l’autorisation d’y rester pendant deux ans (jusqu’en 2013). 

    Aucun de ces cinq points n’a été supprimé par Michel Sapin qui a «consulté» la prétendue commission «d’experts» (experts bidons pro Medef) avant de fixer le nouveau Smic sans changer le calendrier de janvier, sans évoquer les minima conventionnels. Si la revalorisation intermédiaire du 1er juillet 2012 a eu lieu, c’est comme une «avance» sur celle de janvier 2013. L’augmentation n’est donc que de 22 euros en net,  2% dont 1,4 liés à l’inflation et 0,6% liés à un «coup de pouce». Le laxisme de Fillon qui permet aux branches de contourner le Smic jusqu’en 2013 n’est pas supprimé. 

    François Hollande avait annoncé vouloir «rattraper ce qui n’a pas été accordé» durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Le dernier «coup de pouce» au-delà de l’inflation remontait à 2006. Il avait été de + 0,3%. 

    Un peu moins de 10% soit 2,5 millions de salariés (1,6 million dans le privé, 900 000 dans le public) sont actuellement payés au Smic, soit 1398,37 euros bruts pour ceux qui travaillent à temps plein, 151h66 par mois, autour de 1100 euros nets. Avec un «coup de pouce» limité à 0,6% qui n’est qu’une avance sur 2013, seul le Medef s’est réjoui. 

    «La frustration, je peux la comprendre, mais il faut se rendre compte que ce sera la première fois depuis cinq ans […] qu’il y aura un coup de pouce au Smic, il faut aussi savoir que le Smic ne doit pas déstabiliser la hiérarchie des salaires, car sinon, il détruit des emplois», a répondu Pierre Moscovici, ministre de l’Economie. 

    Fillon affirmait dans Nice Matin, le 18 juin 2011 : «Augmenter le Smic davantage que l’inflation serait une faute économique» car «cela écraserait la hiérarchie des salaires et induirait une augmentation du coût du travail, et donc du chômage».

    LES THÉORIES SARKOZY FILLON CONTRE LE SMIC ET SA HAUSSE SONT FAUSSES

    1. Il n’y a pas de lien direct entre coût du travail et chômage de masse : en Espagne où le coût du travail est plus bas, il y a bien plus de chômeurs que dans les pays scandinaves où il est nettement plus élevé. 

    2. C’est le fait de ne pas avoir donné «de coup de pouce» au Smic depuis cinq ans qui a justement écrasé la hiérarchie des salaires, accompagnée d’une hausse du chômage qui atteint tous les records historiques. 
    Aujourd’hui, sur les 175 branches de plus de 5000 salariés, 48 d’entre elles, couvrant 2 410 000 personnes soit 27% du total, ont un premier coefficient salarial inférieur au Smic : un salarié sur quatre. 

    Comment est-ce possible ? Parce que les employeurs refusent de négocier les salaires avec les syndicats et leurs salariés. Alors quand le Smic n’augmente que très peu par la loi, ils ne se sentent pas obligés d’ajuster les minima conventionnels. C’est cela qui aboutit à un phénomène d’écrasement des rémunérations. L’immense majorité des salaires français, 98%, est inférieure à 3200 euros nets. En quarante ans, la masse des salaires a été compactée : alors que l’écart était de 1 à 6 entre la moyenne des salaires des cadres et celle des employés et ouvriers, il s’est réduit à 2,3 aujourd’hui. 

    Avec un Smic réajusté seulement de 2% le 1er juillet, mécaniquement, 78 nouvelles branches rejoindront les 48 qui étaient dans le rouge, rattrapées faute d’une marge suffisante dans leur dernière négociation. 126 branches, 75% des branches, seront alors en infraction et couvriront alors 8,5 millions de salariés. 

    D’autant que Fillon a également suspendu pour deux ans, au 1er janvier 2013, les sanctions prévues par la loi pour ces branches en infraction. 

    Le gouvernement aurait dû lever cette «suspension» et faire appliquer la loi en la précisant : «tout minima conventionnel inférieur au Smic doit être interdit».

    URGENCE DES BESOINS SOCIAUX

    Parce que nous sommes socialistes, nous ressentons dans notre chair, l’urgence des besoins sociaux, chez ceux qui n’ont pas de travail, ou qui ont des salaires si bas qu’ils mangent des nouilles à partir du 10 du mois et de la viande à peine trois fois le mois. Le Smic a été bloqué pendant cinq ans pour 2,5 millions de salariés, 1,6 million dans le privé et 900 000 dans le public. Qui peut vivre décemment avec moins de 1100 euros nets ? Les profits ont pris 8 points aux salaires : c’est énorme et quand on y réfléchit c’est la base de toute la crise actuelle. Le salaire médian est si bas que 50% des salariés gagnent moins de 1580 euros nets. Les minima sociaux n’ont même plus à voir avec une assistance légitime, ils sont au niveau de l’aumône. Nous ressentons ce que cela veut dire de ne pas gagner assez pour faire vivre sa famille, lui donner un toit décent, éduquer nos enfants, bénéficier d’un minimum de bien-être. 

    «Pour la CGT, la hausse du Smic à 1700 euros bruts n’est pas seulement légitime, elle est réaliste. Elle doit encourager une dynamique de revalorisation de l’ensemble des salaires, des retraites, de minima sociaux et des revenus des privés d’emploi.» 

    La CGT ne saurait admettre que le chômage serve de prétexte pour porter atteinte au Smic ou freiner son évolution tant il est vrai que le Smic est une garantie essentielle de respect de la valeur du travail dans notre pays. Elle réfute de la façon la plus nette l’assertion selon laquelle l’élévation du pouvoir d’achat du Smic serait destructrice d’emploi. L’emploi est avant tout lié à la croissance, et l’augmentation du Smic y contribue de façon significative. 

    Pour s’opposer à la revalorisation du Smic, l’argument tiré de la concurrence internationale est tout aussi fallacieux. On sait, en effet, que les secteurs les plus concernés par le Smic ne sont pas ceux qui sont le plus exposés à la concurrence internationale, comme les services aux personnes, les cafés restaurants, ou encore les branches du commerce. 

    Quant aux petites entreprises, là où se posent déjà des problèmes de recrutement liés aux mauvaises conditions salariales, elles ont au contraire tout intérêt à une hausse du Smic et des garanties salariales qui égalisent les conditions de la concurrence et leur permettent de faire valoir auprès de leurs donneurs d’ordre les exigences du respect du droit du travail.

    LA HAUSSE DU SMIC EST LÉGITIME

    Avec un Smic net qui se situe à moins de 1100 euros par mois, une hausse de 2% incluant l’inflation et un «coup de pouce» qui serait une «avance» sur la hausse annuelle de janvier 2013, c’est décevant pour les salariés, impossible à vivre et donc nettement insuffisant aux yeux des syndicats. 

    On ne peut que s’indigner des réticences à l’augmentation du Smic qu’expriment les milieux patronaux quand les rémunérations de certains dirigeants se comptent en dizaines de millions d’euros par an. Pour 12 dirigeants de sociétés du CAC 40 déjà en poste en 1999, on a pu calculer que la moyenne de leur salaire est passée entre 1999 et 2004 de 744 000 euros (59 fois le Smic) à 3 235 000 euros (221 fois le Smic). Les hausses qu’ils se sont octroyés sont 20 fois supérieures à celle du Smic, mais selon eux c’est pourtant la hausse du Smic qu’il faudrait freiner. 

    L’appauvrissement du salariat est une réalité et les inégalités ne cessent de se creuser. Les enquêtes mesurant l’évolution des salaires négligent la partie du salariat la plus défavorisée : salariés des entreprises de moins de 10, salariés à temps partiel, en situation de précarité… 

    Les évolutions sont calculées par rapport à l’indice des prix de l’Insee qui ne reflète pas la réalité de l’évolution du coût de la vie, telle qu’elle est vécue. L’exemple des loyers est significatif. Alors que cela représente souvent plus de 30% d’un budget de salarié, le loyer n’intervient que pour 6,10% dans la pondération de l’indice Insee. Un grand nombre de postes de dépenses auxquelles on ne peut pas échapper ont connu de très fortes hausses. Ainsi, le fioul domestique, le gaz, les carburants, l’eau, les médicaments non remboursés – qui sont de plus en plus nombreux et coûtent de plus en plus cher. 

    L’écart entre les hausses mesurées par l’Insee et le vécu des salariés est considérable. Ceux qui prônent une limitation de l’évolution du Smic feraient bien de s’interroger sur les conditions de vie de ces 3 millions de salariés contraints de se contenter de moins de 1100 euros par mois, et sur les conséquences catastrophiques qui en découlent, du point de vue de la cohésion sociale, de la considération dont peut encore jouir le travail et de la motivation des salariés. 

    La hausse du Smic doit être plus forte et ne doit pas être une mesure isolée Elle ne règlera pas à elle seule l’ensemble des problèmes salariaux. Mais elle doit créer une dynamique. 

    1. La hausse du Smic doit s’accompagner d’une mesure significative de relèvement des retraites, des pensions, des minima sociaux et de revenus de remplacements. 

    2. Parallèlement, elle doit trouver son prolongement dans les négociations salariales de branches et d’entreprises, afin notamment de caler les grilles de salaires et métiers, des coefficients, niveaux, qualifications, sur la nouvelle valeur du Smic. 

    3. La situation des salariés en situation de précarité nécessite des mesures particulières. Par exemple, les salariés contraints au travail partiel doivent pouvoir accéder au temps plein. À défaut, le temps non travaillé doit leur être indemnisé. 

    4. La réforme des cotisations sociales doit s’accompagner d’une modification en profondeur des relations donneurs d’ordre/sous-traitants pour permettre aux petites entreprises d’offrir à leurs salariés des conditions sociales équivalentes à celles existant chez les entreprises donneuses d’ordre.

    DE QUEL NIVEAU LE SMIC ? 1700 EUROS BRUTS ? 1340 EUROS NETS ?

    C’est une question qui regarde la négociation avec les syndicats et le patronat qui doit être tranchée par le gouvernement pour de raisons politiques et sociales. Cela relève toujours d’un choix de société, pas de considérants «économiques». C’est d’abord une question de volonté et de rapports de force. 

    Les hausses du Smig (33%) et du Smag (55%) en juin 68, qui ont créée le SMIC, n’ont fait fermer aucune entreprise. Au contraire, elles ont stimulé l’économie, des millions de salariés ont pu mieux vivre, acheter des laves linges ou envoyer leurs enfants à l’université, partir en vacances. Semblable hausse aujourd’hui porterait le Smic à près de 1900 euros !

    AUGMENTER LES SALAIRES POUR SAUVER LES ENTREPRISES

    Augmenter les salaires, ce n’est pas mettre en péril les entreprises, c’est les sauver ! Ce n’est pas une «charge», c’est un sauvetage. 

    Ce n’est pas mettre le restaurateur en difficulté parce qu’il augmentera sa dizaine de salariés, c’est remplir sa salle et sa terrasse. Ce n’est pas gêner l’artisan qui devra mieux payer son compagnon, c’est donner de l’argent à ses clients qui pourront enfin faire réparer leur gouttière. Ce n’est pas embarrasser le petit éditeur qui va augmenter ses 15 salariés, mais c’est lui permettre de vendre davantage de livres. 

    Si nous sommes talonnés par la récession, c’est parce que les salariés ne peuvent pas consommer, et parce qu’ils sont alors livrés au crédit sur lequel les banques spéculent sans limites et sans contrôle. Augmenter nos salaires aura d’abord un effet positif sur la consommation intérieure, nos concitoyens les plus démunis pourront à nouveau manger de la viande, acheter des livres, partir en vacances, faire rénover leur logement, se soigner. Et toutes les entreprises en profiteront, de la plus petite à la plus grande. C’est aussi remplir les caisses de protection sociale.

    AUGMENTER LES SALAIRES POUR PERMETTRE LA RELANCE

    Il ne faut pas attendre la relance pour augmenter les salaires, mais il faut les augmenter pour permettre la relance. 

    Une grande «conférence sur les salaires» implique une vraie négociation. Pas seulement un «dialogue social». Ça, «le dialogue», Sarkozy savait faire, il recevait, n’écoutait pas et imposait sa volonté. Une «négociation» est soumise à des règles ou ceux qui sont autour de la table, font s’entendent et font des pas les uns vers les autres. 

    La revendication de la CGT est de 1700 euros brut, celle de FO est de «80% du salaire médian», ce qui ferait un salaire minimum net de 1340 euros, au lieu des quelque 1100 euros actuels. D’autres organisations syndicales (FSU, SUD, UNSA) ne fixent pas précisément, mais exigent une hausse substantielle. Seule la direction de la CFDT semble «approuver» cette faible hausse gouvernementale (mais ses adhérents ?).
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     


    Tags Tags : , , , ,