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    Grèce : Les Abandonnés

    Acropole d'Athènes - cc LouisVolant

     

    Au pied de l’Acropole, cette colline que le monde entier nous envie, les monuments de marbre, à la ligne parfaite, immuable, dominent une ville enfiévrée. Hier, la concierge m’a demandé, craintivement “Christina, c’est la guerre ?”.

     

    La guerre ? Oui, on peut le penser. Les manifestations se succèdent, les pierres volent. Athènes de bruit et de fureur. Athènes étranglée par son élite. Athènes abandonnée de tous.

    Oui, nous sommes les abandonnés. 

     

    D’une Europe qui n’a jamais vraiment voulu de nous. Qui nous a toujours regarde comme des mangeurs de fromage et d’oignons. Un peuple ? Quel peuple. À leurs yeux, nous ne sommes qu’une bande de paysans et d’éleveurs de brebis, dont certains ont pu sortir de leur crasse et construire des super tankers. Et si le monde entier nous envie Socrate et loue notre si belle civilisation, ça n’est pas de nous dont ils parlent, mais des livres d’histoire et de philosophie. Nous sommes désincarnés. Nous, les grecs modernes, machine à touristes et à îles paradisiaques.

     

    Abandonnés par nos  gouvernants, la droite comme la gauche.

     

    Nous avons subi la botte des colonels et la médiocrité, la fraude, la voracité des gouvernants qui se sont succédés, des dynasties entières, qui se lèguent le pouvoir comme on transmet son champs d’oliviers.

    Fraude, comptes maquillés, marchés douteux, services publics en coupe réglée, sur protection des plus puissants, système ” démerde toi ” des plus petits. 

     

    Ah oui, on peut nous épingler pour notre évasion fiscale, notre argent au noir et notre façon systématique de contourner les lois. Mais qui peut survivre sans cela dans un pays où depuis toujours l’argent va à l’armée et où le clientélisme et l’élitisme sont rois.

     

    Abandonnés enfin par nous même.

     

    Oui, les grecs ont renoncé à redresser la tête, fatigués qu’ils sont d’être jugés, trahis, étouffés, par le FMI, l’Europe, les banques, les Etats.

     

    Nous avons lancés tous les appels aux secours, depuis 2010. Nous avons alerté. Personne n’a voulu entendre. Tout le monde à ferme les yeux en se disant : après tout ça n’est que la Grèce. Tout est dans ce “que”, cette humiliation quotidienne de tout ce que nous sommes de notre histoire de nos valeurs, de nos vies, tout simplement, une vie valant autant que la vie d’un allemand, d’un danois ou d’un espagnol.

     

    Cette façon de nous traiter, de parler de nous, de nous imposer une purge dont tout le monde savait que nous ne pouvions y survivre, tout cela nous a amène à nous abandonner nous même, à ne plus nous respecter. À casser, à mettre le feu. À nous battre.

    Athènes flambe…

     

    La jeunesse est en colère. Elle veut casser, casser, comme on tape sur un mur avec les poings de l’impuissance. Face à nous, les flics, les soldats, casqués mais qui derrière leur casque, pensent comme nous, vivent aussi mal que nous.

    Un peuple abandonné à son désespoir.  

     

    Vous serez comptable de la suite. Tous.

     

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