• EXTRAIT DU BLOG D'ARTEMIS , DROIT EVOLUTIF/DROIT VIVANT......

    mardi, 28 juin 2011

    Salariés vous pourrez bientôt être prêtés à une autre entreprise par votre employeur !

    Alors que nombreux d'entre vous préparent leurs congés , les  sénateurs viennent d'adopter  la proposition de loi pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

    Ce texte  ,sur lequel je reviendrai de manière  détaillée,    contient des mesures qui visent à sécuriser la pratique du prêt de main-d'œuvre .Article 10 ter (nouveau)

    Cet article  qui n'existait pas dans le projet initial a été ajouté  par  les sénateurs.811949702.jpg

    Avec cette nouvelle disposition  , le législateur coupe l'herbe sous les pieds de la Cour de cassation , qui avait durci sa  position en matière de prêt de main d'oeuvre.

    En effet dans un arrêt du 18 mai 2011,  la Cour de cassation  a estimé à but lucratif donc de ce fait illicite , le prêt de main d'oeuvre  qui permet un accroissement de flexibilité dans la gestion du personnel et  l'économie de charges .


    Dans cette affaire, le salarié avait été mis à disposition d'une filiale par la société mère. La filiale ne supportait aucun frais de gestion de personnel hormis le strict remboursement du salaire et des charges sociales. Par ailleurs le salarié perdait le bénéfice d'heures supplémentaires car on lui avait maintenu la convention de forfait-jour prévue par la convention collective applicable au sein de la société-mère, mais non prévu par celle applicable dans la filiale.

    le texte voté par les sénateurs condamne  cette jurisprudence car   le prêt de main d'oeuvre  est admis dès lors que l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition.

    Le texte  voté par les sénateurs  donne en fait une base légale à l' ANI du 8 juillet 2009 / Accord national interprofessionnel « sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l'emploi » qui consacre son titre II (art. 7 à 12) au prêt de main-d'œuvre, avec la volonté affirmée de sécuriser cette opération pour toutes les parties concernées.

    Cet accord a été déposé le 12 octobre 2009. Il s'applique pour le moment qu'aux seules entreprises adhérentes (directement ou par le biais d'une fédération patronale) à l'une des 3 organisations patronales signataires de l'accord (Medef, CGPME et UPA).

    L'article 12 de l'accord précité prévoit que  la convention de prêt de main-d'œuvre entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice doit préciser, pour chaque salarié :

    — la durée prévisible du prêt de main-d'œuvre ;
    — l'identité et la qualification du salarié mis à disposition ;
    — le travail confié au salarié par l'entreprise utilisatrice ;
    — la durée et les horaires de travail en vigueur dans l'entreprise utilisatrice ;
    — le ou les lieux d'exécution du travail ;
    — les caractéristiques particulières du poste de travail à pourvoir, et, le cas échéant, l'indication qu'il figure sur la liste des postes présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés prévue à l'article L. 4154-2 du code du travail ;
    — la nature des équipements de protection individuelle que le salarié doit utiliser ;
    — l'accès dans l'entreprise utilisatrice aux moyens de transport collectifs et aux installations collectives, notamment de restauration, dont bénéficient les salariés de l'entreprise utilisatrice ;
    — les salaires, les charges sociales et frais professionnels, concernant le salarié mis à disposition et qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse.

     

    L'accord prévoit également que les informations des points 1 à 8 devront être communiquées par écrit au salarié dans un document qui rappelle par ailleurs, que, à l'issue du prêt de main-d'œuvre, le salarié retrouvera son poste de travail dans l'entreprise prêteuse sans que son évolution de carrière et de rémunération soit affectée par la période de prêt.
    L'article 11 (Titre II) prévoit que lorsque le prêt de main-d'œuvre conduit à la modification de l'un des éléments du contrat de travail, ou si sa durée est supérieure à 8 mois, il est soumis à l'accord exprès et préalable du salarié. Dans ce cas, le refus, par le salarié, du prêt de main-d'œuvre, ne constitue pas une cause de sanction ou de licenciement.

    Le texte de loi  est plus restrictif que l'accord car il prévoit , dans tous les cas ,  l'accord du salarié et la signature d'un avenant à contrat de travail.

    Pour le reste,  les principales dispositions de l'accord sont reprises.

    En revanche, ni le texte de loi ,ni  l'ANI  ne limitent  la durée d'une opération de prêt de main-d'œuvre.


    « Le prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :

    « 1° L'accord du salarié concerné ;

    « 2° Une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise emprunteuse qui définit la durée, l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ;

    « 3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

    « À l'issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail dans l'entreprise prêteuse sans que l'évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

    « Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l'entreprise utilisatrice.

    « Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

    « La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d'un mandat représentatif.

    « Pendant la période de prêt de main-d'oeuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu, ni suspendu. Le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l'ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s'il avait exécuté son travail dans l'entreprise prêteuse.

    « Le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise prêteuse sont consultés préalablement à la mise en oeuvre d'un prêt de main-d'oeuvre et informés des différentes conventions signées.

    « Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de l'entreprise prêteuse est informé lorsque le poste occupé dans l'entreprise utilisatrice par le salarié mis à disposition figure sur la liste de ceux présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité des salariés mentionnée au second alinéa de l'article L. 4154-2.

    « Le comité d'entreprise et le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, les délégués du personnel de l'entreprise utilisatrice sont informés et consultés préalablement à l'accueil de salariés mis à la disposition de celle-ci dans le cadre de prêt de main-d'oeuvre.

    « L'entreprise prêteuse et le salarié peuvent convenir que le prêt de main-d'oeuvre est soumis à une période probatoire au cours de laquelle il peut être mis fin au prêt à la demande de l'une des parties. Cette période probatoire est obligatoire lorsque le prêt de main-d'oeuvre entraîne la modification d'un élément essentiel du contrat de travail. La cessation du prêt de main-d'oeuvre, à l'initiative de l'une des parties, avant la fin de la période probatoire, ne peut, sauf faute grave du salarié, constituer un motif de sanction ou de licenciement

     

    Avec  ce projet les salariés échappent  au  projet de loi en instance  au sénat et dont j'avais fait une sévère critique dans mon article "salariés flexibles ou contorsionnistes"  .

    " proposition de loi pour faciliter le maintien et la création d'emplois " .
    Cette proposition de loi de M. Jean-Frédéric POISSON et plusieurs de ses collègues pour faciliter le maintien et la création d'emplois a été  déposée le 8 avril 2009 et adoptée en 1ère lecture par l'Assemblée nationale le 9 juin 2009 , elle a été renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales..

    Mais sont- ils pour autant  garantis contre les dérives ou les abus d'employeurs peu scrupuleux ?



     
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    Le projet  précise  "Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition  de mise à disposition."

    Cette disposition constitue t-elle une véritable protection des salariés?

    A la lecture du texte voté,  tout refus de proposition de mise à disposition qu'elle affecte ou non un élement  du contrat de travail ou les simples conditions d'emploi ne peut pas être santionné.

    En d'autres termes,  un employeur ne peut pas invoquer dans une lettre de licenciement  pour motif disciplinaire ou économique  " le refus de la mutation".

    Il s'agit là d'une protection bien théorique car  dans une entreprise il y a mille moyens de sanctionner un salarié qui va se montrer récalcitrant aux mises à disposition.

    Rien n'empêchera l'employeur de mettre le salarié au chômage partiel pour manque de travail.

    Rien ne l'empêchera de supprimer à terme le poste de travail et/ou de faire des réorganisations , de licencier non pas pour refus de prêt mais par nécessité économique.....

    Rien de l'empêchera de  redéfinir les tâches du salarié  de manière à ce que le salarié soit en difficulté pour ensuite pouvoir le licencier pour incompétence etc...

    Sans compter  les pressions qui pourront être exercées de diverses manières.

    En cas de litige avec l'employeur, il incombera au salarié  de prouver devant les tribunaux que le motif de  son licenciement repose sur son refus  de se soumettre à une ou plusieurs mutations.

    Une preuve qui  ne sera pas facile à apporter ....

     

    La protection reste donc toute théorique car elle va se fracasser contre  la dure réalité économique.

    Ce texte participe, comme d'autres récemment votés ,  à un détricotage progressif  des garanties des salariés.

    Toujours plus de flexibilité  sans véritable contrepartie !

    Je me demande comment les centrales syndicales peuvent encore signer  de tels accords !

    En signant de  tels accords elles donnent une légitimité  aux textes de loi   qui   vont briser le collectif de travail .

    On parle en ce moment de souffrance au travail  et de lutte contre les risques psychosociaux  qui commencent  à peser lourd sur les finances publiques !

    Le gouvernement actuel en a fait une priorité nationale , le législateur  s'en préoccupe en créant des commissions d'enquête , les syndicats sont également  sur le front .....

    Alors   je m'adresse à vous  tous  :

    Ne pensez vous pas  que le prêt de salarié  participe à  cette souffrance au travail  en ajoutant à  la flexibilité des salariés  qui à terme ruine  la santé et la vie familiale .... ?

    Soyez flexibles car c'est la potion magique anti chômage .

    Salariés voici ce qui vous attend... exercez vous  pendant vos congés !!!

     

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    12:12 Ecrit par Artémis dans PROJETS ET LOIS


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