• Publié par le FRONT SYNDICAL DE CLASSE =

    Publié dans : Luttes, actualités

     30 août 2013 source Libération

    Interview Leader de la lutte des «Conti»,

    Xavier Mathieu reconnaît l'importance «psychologique» du jugement, mais refuse tout triomphalisme.

    Recueilli par Dominique ALBERTINI de Libération

    Nulle euphorie chez Xavier Mathieu après la décision des prud'hommes de Compiègne.

    Leader emblématique des «Conti», le délégué CGT ressent d'abord «l'amertume» de voir reconnue trop tard la justesse de son combat. Et dresse un sombre bilan humain des 1 120 licenciements de 2010. Comment réagissez-vous à ce jugement ?

    Xavier Mathieu :

    "Quand vous perdez un proche, même la condamnation de son assassin ne vous le rendra pas. L'image n'est pas exagérée, même si ce jugement est une sorte de rémission pour les gens.

    Psychologiquement, ils avaient besoin de voir leur bourreau condamné. A titre personnel aussi, moi qui en ai pris plein la gueule. Beaucoup de gens n'ont jamais retrouvé de travail. Il y a eu des dépressions, des suicides, on s'est fait traiter de voyous.

    C'est donc une victoire, mais avec un sacré paquet de cadavres.

    On est d'autant plus amers que, si la loi donnait la possibilité aux ouvriers d'aller devant la justice pour contester un plan social avant les licenciements, l'usine serait encore là.

    En réalité, l'actuel gouvernement a fait tout l'inverse avec l'ANI [Accord national sur l'emploi signé en janvier puis transcrit dans la loi, qui limite les possibilités de recours contre les plans sociaux, ndlr].

    C'est une attaque inédite contre le code du travail, et c'est un gouvernement de gauche qui l'a fait ! Que vont recevoir les salariés ? L'usine ne va pas rouvrir, mais ils vont recevoir des indemnités, entre deux et quatre ans de salaires selon les cas, soit entre 40 000 et 70 000 euros environ.

    L'enveloppe globale approchera les 80 millions d'euros. C'es la moindre des choses vu les conséquences sociales de cette histoire. Sur les 1 120 personnes, seules 300 sont aujourd'hui en CDI, et entre 600 et 500 sont inscrites à Pôle Emploi.

    Le plan de reclassement n'étais pas à la hauteur, ni le gouvernement ni Continental n'ont mis les moyens. Les cabinets de reclassement, les «plans de sauvegarde de l'emploi», ça allait encore il y a quarante ans, avec le plein emploi. Plus aujourd'hui."

    Etait-il important pour vous de voir la société mère allemande condamnée ?

    Xavier Mathieu 

    "Oui, c'était même le but de la procédure. C'est trop facile pour une multinationale qui fait des milliards de bénéfice de fracasser ses usines dans un pays avant de s'abriter derrière la filiale, soi-disant moins rentable.

    C'est au niveau des groupes, pas des filiales, qu'il faut apprécier les motivations économiques d'un plan social. Quel sentiment domine parmi les ex-salariés ?

    L'amertume dont je vous parlais, car cela prouve juste que l'usine n'aurait jamais dû fermer. Et la prudence, car Continental a encore la possibilité de faire appel. Il y a quelques mois, au même endroit, je jubilais d'avoir gagné mon procès contre mon refus de prélèvement ADN.

    Quelques mois plus tard, j'étais condamné par le tribunal d'Amiens. J'espère simplement que Continental aura la décence de ne pas faire durer l'affaire."