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    Mardi 24 janvier 2012 2 24 /01 /Jan /2012 11:45

    A l'Elysée et dans les cabinets ministériels, c'est la saison des transferts vers l'administration ou le privé. Par peur d'une défaite de Nicolas Sarkozy ?

    Le mouvement s'est enclenché un an avant la présidentielle. Depuis mai, 61 collaborateurs ont quitté les ministères et l'Elysée, pour se recaser dans l'administration ou le privé – notre décompte n'inclut pas les départs liés aux remaniements partiels du gouvernement.


    François Molins à l'aéroport du Bourget le 28 décembre 2007 (Antoine Gyori/Reuters)

    Certains de ces recasages ont fait du bruit, relançant le débat sur les nominations politiques ou le pantouflage :

    Frédéric Mitterrand, champion du turn-over

    Ces cas médiatisés cachent une tendance de fond. Certains cabinets affichent même des taux de turn-over importants depuis le printemps dernier :

    • cinq départs depuis mai chez Frédéric Mitterrand (Culture), soit un quart de son équipe, et autant chez Nadine Morano (Formation professionnelle) ;
    • quatre départs chez Xavier Bertrand (Travail), Eric Besson (Industrie), Luc Chatel (Education), Claude Guéant (Intérieur) et Valérie Pécresse (Budget), soit 20% de leur staff.

    Nicolas Sarkozy lui-même n'y échappe pas, avec six départs depuis le printemps (sur un cabinet qui réunissait 46 personnes en début d'année). Ses conseillers ont obtenu de belles promotions.


    Catherine Pégard à l'Elysée, le 30 août 2011 (Philippe Wojazer/Reuters)

    Outre Catherine Pégard, Joël Bouchité, conseiller sécurité et ancien patron des Renseignements généraux, a été nommé préfet de l'Orne. François Richier, membre de la cellule diplomatique, est devenu ambassadeur en Inde.

    Cet ancien grand flic et ce diplomate font partie des 47 hauts fonctionnaires partis depuis le printemps. Leur statut leur garantissait de pouvoir retrouver un poste dans l'administration. Ce n'est pas le cas des « contractuels », ces conseillers issus du privé ou de la politique.

    « Il y en a plein qui rament à la sortie »

    Si la gauche arrive au pouvoir, ceux-ci ne pourront compter que sur leurs réseaux personnels... et sur l'allocation chômage versée par leur ancien employeur. L'Elysée a d'ailleurs pris ses précautions : comme en 2007, son budget inclut une « provision pour risques » – trois millions d'euros sur trois ans – pour les conseillers qui se retrouveraient sur le carreau.

    Mieux vaut donc préparer sa reconversion bien avant la présidentielle. « Ce n'est pas parce qu'on est en cabinet qu'on trouve un job en trois semaines, il y en a plein qui rament à la sortie », explique Jean-Marie Caillaud, conseiller spécial de Nathalie Kosciusko-Morizet à l'Ecologie. A 39 ans, il a enchaîné les postes en cabinet. Il résume ses options en cas d'alternance politique :

    « Soit je suis nommé dans la fonction publique, soit j'ai trouvé un super plan dans le privé, soit je serai chômeur. »

    Le recasage de contractuels dans la haute fonction publique a d'ailleurs commencé, via des nominations au tour extérieur. Et avec un débouché privilégié : les corps d'inspection de l'administration.

    Jean-Philippe Pierre, chef de cabinet de Frédéric Mitterrand, a rejoint le Contrôle général économique et financier, à Bercy. Jérôme Peyrat, conseiller de NKM, a été nommé à l'Inspection générale de l'administration du développement durable. « Ce n'est pas si simple », défend Jean-Marie Caillaud, son ancien voisin de bureau :

    « Les corps [de hauts fonctionnaires, ndlr] ont leur mot à dire. Ce n'est pas le fait du prince, il faut montrer qu'on a une certaine valeur. Quand on a de l'expérience en cabinet, en quoi est-on moins légitime qu'un énarque de 25 ans ? »


    Le gouvernement dans la cour du ministère de l'Intérieur après le petit déjeuner de début d'année, le 4 janvier 2011 (Benoît Tessier/Reuters)

    Réseauter pour se recaser

    Pour se recaser, les réseaux font souvent la différence. Surtout lorsqu'on ne bénéficie pas de ceux des grandes écoles comme l'ENA.

    Les chefs de cabinet – qui gèrent l'agenda de ministres – ont ainsi leur amicale, dont Jean-Marie Caillaud est un des fondateurs. Son nom ? La Griffe, en référence à l'instrument utilisé pour signer à la chaîne les circulaires et le courrier du ministre. L'association réunit près de 200 anciens ou actuels « chefs de cab » :

    « L'objectif est essentiellement amical. Pour les contractuels qui sont dans la difficulté, c'est aussi un matelas d'aide. Il y a des anciens dans les entreprises publiques ou privées, dans les collectivités. C'est un vivier de contacts potentiels. »

    Les conseillers parlementaires – chargés des relations avec les élus – ont aussi leur association, Connexion Parlementaire. Utile pour « nouer des liens » et se recaser, admet son président, Xavier Taquillain.

    A 29 ans, son parcours reflète celui de beaucoup de contractuels. Il a commencé comme stagiaire auprès de Jean-François Copé, au ministère du Budget. Collaborateur du groupe UMP à l'Assemblée nationale, il a suivi en juillet Jean Leonetti, nommé ministre des Affaires européennes.

    Selon lui, ce n'est pas – ou pas uniquement – le risque d'une défaite qui explique cette vague de départs. Il préfère souligner le rythme de travail « colossal » :

    « On ne compte pas nos heures, parce qu'on est au service d'un patron. Il y en a peut-être qui ont peur de perdre, mais il y a des gens qui ont envie de penser à eux, qui ont des enfants, qui se retrouvent devant des propositions intéressantes dans le privé... »

    Dans le privé, consulting et lobbying

    Cette tentation du privé concerne autant les contractuels que les hauts fonctionnaires. Les directeurs adjoints de cabinet de François Baroin et Xavier Bertrand viennent ainsi, respectivement, de partir chez Sogetien, filiale du groupe de consulting Cap Gemini, et chez Barthélémy Avocats, cabinet spécialisé dans le droit social.

    Ces choix le confirment : le conseil aux entreprises est une voie toute tracée pour se recycler. C'est celle qu'a suivie Olivier Pagezy, conseiller spécial de Valérie Pécresse au Budget, parti au cabinet Ricol Lasteyrie. De son côté, Julien Vaulpré, chargé des sondages à l'Elysée, a créé un cabinet avec Raymond Soubie, l'ancien conseiller social du président.

    Autre débouché naturel : le lobbying, permettant de rentabiliser sa connaissance du pouvoir et son carnet d'adresses. Cette mission se cache sous des intitulés comme « directeur des affaires publiques » (comme Jacques Géraud, le « dir cab » de Gérard Longuet à la Défense, recruté par Areva) ou des « affaires institutionnelles » (comme Saïd Rahmani, conseiller énergie d'Eric Besson à l'Industrie, parti chez une filiale de General Electric).

    « Dans toutes les grandes entreprises, ils ont besoin d'avoir des liens avec les pouvoirs publics », résume Xavier Taquillain. Ce marché de l'emploi qui risque pourtant d'être embouteillé en cas de défaite de Nicolas Sarkozy.

    Le jeune conseiller du ministre des Affaires européennes, qui exclut l'hypothèse de la défaite, est pourtant optimiste sur les éventuels recasages dans le privé. Logique, explique-t-il :

    « Il y aurait beaucoup de conseillers des cabinets sur le carreau, mais il y aurait aussi des postes dans les entreprises qui se libèreraient : les gens de gauche qui avaient quitté les cabinets pour le privé reviendraient au gouvernement... »

    source rue 89

    Dessin de Baudry

     

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