• Lundi 12 mai 2014 1 12 /05 /Mai /2014 08:14 - Communauté : Les blogs républicains

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    SI VOUS CROYEZ QUE VOUS ALLEZ ÉLIRE LE PRÉSIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE, VOUS ALLEZ ÊTRE DÉÇU

    L’argument massue du PS est bidon.

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    Vous n’en pouvez plus de l’austérité? Attention à ne pas vous «tromper de colère», conjure Jean-Christophe Cambadélis. Le «problème», ce n’est pas la courageuse politique menée à Paris, c’est l’odieuse mainmise des conservateurs sur l’Europe, explique doctement le premier secrétaire de PS.

     

     

    Par chance, la solution est d’une simplicité biblique. Il suffit de voter socialiste le 25 mai pour que la gauche devienne majoritaire au Parlement européen. Le PSE propulsera alors son candidat, Martin Schulz, à la présidence de la Commission européenne et l’on pourra enfin «en terminer avec cette politique d’austérité qui mine les peuples».

     
     

    Cet axe de campagne des socialistes français pour le prochain scrutin a le mérite de se greffer sur le réflexe à pointer Bruxelles comme origine de tous nos maux. Mais il a l’inconvénient de traiter avec la plus grande légèreté les dures réalités européennes, qu’elles soient politiques ou institutionnelles.

    Un vote indicatif

    Il est exact que le renouvellement du Parlement européen de mai 2014 prend un sens nouveau depuis la mise en oeuvre du traité de Lisbonne. Les chefs d'Etat et de gouvernement doivent désormais proposer un candidat à la présidence de la Commission «en tenant compte des élections au Parlement européen», ce dernier devant par la suite approuver leur choix.

     

    D’aucuns en ont conclu un peu rapidement que le Conseil européen serait obligé de proposer une personnalité appartenant au parti arrivé en tête aux élections européennes. C’est la lecture que s’efforcent d’imposer les «partis» européens qui ont désigné des candidats à la présidence de la Commission qui battent campagne: Jean-Claude Juncker pour le PPE (Parti populaire européen) et Martin Schulz pour le PSE (Parti socialiste européen).

     

    Tout le monde, c’est le moins qu’on puisse dire, ne l’entend pourtant pas de cette oreille. Angela Merkel, qui a son petit mot à dire sur le sujet, ne cache pas qu’elle ne considère nullement le vote des Européens comme décisif pour la désignation du futur président de la Commission.

    Les décideurs et les électeurs

    Herman Van Rompuy vient de mettre les pieds dans le plat dans une interview au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung. Le président du Conseil européen observe, avec un zeste de mépris, que le résultat des votes de mai «dépend de beaucoup d’autres facteurs, de sensibilités nationales qui n’ont rien à voir avec l’Europe ou avec les meilleurs candidats».

     

    Au demeurant, à l’écouter, les Européens –qui s’abstiennent de plus en plus de participer à ce scrutin– ne seraient pas dupes:

    «La différence entre le Parlement et ceux qui décident vraiment est très claire pour les citoyens.»

     

    Les chances de voir le Parlement européen imposer ses volontés au Conseil sont encore amoindries par sa configuration probable. A en croire les projections réalisées sur la base des sondages, le PPE et le PSE ne devraient pas être séparés par un grand écart. Le camp arrivé en tête –les conservateurs semblant tenir la corde– ne pourra guère se prévaloir d’une position de force.

     

    D’autant plus que la poussée prévisible des forces contestant, sur la droite comme sur la gauche, les deux courants dominants produira un émiettement de la représentation parlementaire européenne. Une situation qui offrira une belle marge de manœuvre aux chefs d’Etat et de gouvernement.

    Une fausse alternance

    Cambadélis va également un peu vite en besogne lorsqu’il qualifie la Commission de «sorte de gouvernement de l’Europe». L’Union n’étant pas de structure fédérale, le vrai pouvoir reste celui du Conseil. Qui plus est, le social-démocrate Schulz ne représente pas vraiment une alternative de fond aux politiques actuellement menées en Europe.

     

    Le président du Parlement européen, en meeting à Paris le 17 avril, a cru bon d’imiter l’anaphore de François Hollande dans son débat avec Nicolas Sarkozy de 2012 pour lancer à plusieurs reprises:

    «Moi, président de la Commission...»

     

    On ne pouvait mieux signifier que les promesses énoncées relevaient d’un propos de campagne.

     

    Sur le fond, Schulz a toujours soutenu le cours actuel de la construction européenne. Il a voté les mesures renforçant les règles de discipline budgétaire des Etats membres, tout comme la baisse du budget pluriannuel de l’UE pour la période 2014-2020.

    Contradiction sur les 3%

     

    La contradiction est patente entre Cambadélis et lui-même sur la fameuse règle des 3% de déficit. Appelant à une «autre logique», le socialiste français affirme que «les critères de 3% qui ont été adoptés dans un temps ne peuvent pas être aujourd’hui appliqués dans le moment de la crise que nous vivons». Le même jour, Schulz a déclaré l’inverse dans une conférence de presse:

    «Le traité est là et je ne vais pas changer le traité (…). Les critères sont clairs.»

     

    Grimer Schulz en champion d’une réorientation majeure des politiques européennes suppose encore d’oublier que son parti participe au gouvernement d’Angela Merkel. Et pas à n’importe quel niveau puisqueSigmar Gabriel (SPD) est vice-chancelier et ministre de l’Economie et de l’Energie.

     

    Les débats entre Juncker et Schulz se révèlent d’ailleurs plutôt consensuels«Je constate que M. Juncker me donne raison et est très proche de mon programme», est contraint d’ironiser le candidat socialiste. Le candidat conservateur n’a pas tort de ne «pas croire» qu’il existe une réelle différence entre droite et gauche européennes en matière économique. Le PPE et le PSE continuent largement à cogérer le Parlement européen. C’est avec le soutien des conservateurs que Schulz en est devenu le président en 2012.

     

    L’argument du changement par la tête de la Commission européenne a peu de chances de convaincre beaucoup d’électeurs. Aux prises avec l’impopularité de leur propre politique, les socialistes français ne peuvent aussi facilement botter en touche. C’est n’est tout de même pas José Manuel Barroso qui a imposé les modalités du «Pacte de stabilité» à François Hollande.

     

    Eric Dupin

    SOURCE: SLATE.FR


  • Le 12 mai 2014.

     

     

     

     

    Un article d’une remarquable limpidité de Robert Charvin, Professeur Émérite de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis et Doyen Honoraire de la Faculté de Droit et de Science Politique de Nice, permettant même aux non initiés, de comprendre qu’on ne peut “exporter la démocratie” par la force, destituer des présidents élus, ni faire des coups d’état, sans conséquences sur le plan juridique. Ce qui implique que même si le coup de force est passé, même s’il est escamoté voir dénié, il ne devient pas pour autant légitime. Non seulement parce qu’il n’émane pas d’un choix du peuple souverain, mais aussi parce qu’il participe de la déconstruction de l’ordre juridique international, garant de la paix et du dialogue serein entre les États.
     

    Le droit international est le plus souvent passé sous silence, parce qu’il entrave une puissance politique ou privée. Lorsqu’il est invoqué, c’est parce qu’un État y trouve un intérêt. Les États-Unis, tout particulièrement, qui se refusent à la plupart des engagements multilatéraux, n’y font référence qu’à titre exceptionnel. C’est le cas à l’occasion de la crise ukrainienne, contrairement à la crise irakienne : les États-Unis s’étaient dispensés d’obtenir l’autorisation du Conseil de Sécurité pour recourir à la force armée, en violation d’une disposition majeure de la Charte des Nations Unies.

     

    Les États occidentaux, s’arrogeant la qualité de seuls représentants de la « communauté internationale », se sont fait aussi une spécialité d’interpréter avec mauvaise foi les résolutions du Conseil de Sécurité afin de légitimer leurs politiques d’ingérence : ce fut le cas pour la Libye, par exemple. La France et l’OTAN sur la base d’une simple décision du contrôle de l’espace aérien en sont arrivés, après huit mois de guerre, à la liquidation du régime de Tripoli et à l’exécution de son leader.

     

    De plus, la pratique de quelques puissances occidentales, désireuses de produire à elles seules un « droit coutumier » utile pour leurs intérêts, devient une source fondamentale du droit international, en lieu et place de l’accord entre États et des dispositions de la Charte des Nations Unies. Les fondements du droit international sont ainsi balayés : c’est le cas de « l’égale souveraineté des États » laissant place à une hiérarchie de fait entre les États dits « démocratiques » et ceux qui ne le seraient pas, seuls les premiers étant éligibles au droit international, liquidant ainsi l’universalisme des droits et obligations internationales. C’est aussi le cas du principe de « non ingérence », transformé en son contraire au nom d’un « humanitaire » réinterprété à l’occidentale, particulièrement négligeant vis-à-vis des droits économiques et sociaux.

     

    Par ailleurs, de nombreuses « ONG » et autres « Fondations », préfabriquées dans les officines des pouvoirs publics et privés des États-Unis et d’Europe, participent activement au financement, à la formation des « activistes », à la diffusion « d’informations », dans les pays dont la politique n’a pas l’approbation occidentale. Elles ont été en pointe dans les diverses pseudo « révolutions » qui se sont déroulées dans certaines des ex-Républiques soviétiques, comme en Afrique ou dans le monde arabe, en collaboration, si nécessaire, avec des forces ultra-religieuses (avec les Frères Musulmans ou les Salafistes, par exemple) ou néofascistes (dans les pays proches de la Russie). On a ainsi assisté à « la révolution des roses » en Géorgie, à celle des « Tulipes » au Kirghizistan, à la « révolution orange » en Ukraine, renouvelée en 2014.

     

    Grâce à ces forces téléguidées, les inévitables mécontentements populaires, de type social, se trouvent canalisés afin d’intégrer les peuples dans l’orbite occidentale économique et militaire, dont il est difficile de sortir en raison des rapports de forces globaux.

     

    Les justifications fournies par les Occidentaux se contredisent et varient d’un cas à l’autre. Loin de s’enfermer dans le cadre de la légalité, trop rigide, elles se fondent souvent sur une « morale » internationale très proche de celle du XIX° siècle. Le paradigme le plus usité, parce que très instrumentalisable, est celui des « droits de l’homme »1. Il vise à légitimer toutes les activités proclamées « humanitaires » par-delà des normes juridiques qui tendent à se dissoudre dans la confusion et à sensibiliser une opinion internationale formatée au « droitdel’hommisme » stimulée par un « american way of life » illusoire mais attractif !

     

    En raison d’un procès (facile) pouvant être fait au monde occidental, responsable dans l’Histoire de la colonisation puis des guerres de décolonisation, de nombreuses interventions armées (par exemple, celle des États-Unis en Asie et en Amérique du Sud ou de la France en Afrique) et de multiples violations des droits de l’homme, les Puissances occidentales tendent (et réussissent souvent grâce à la force de leurs médias) à imposer à l’opinion internationale une vision cohérente de leur pratique politique et juridique grâce à une fragmentation de l’Histoire en séquences courtes.

     

    Ainsi, selon elles, à l’origine, le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’a concerné que des États constitués (il s’agissait de consacrer la liberté recouvrée des peuples victimes du nazisme et du militarisme japonais), sans s’appliquer aux colonies. Lorsque, logiquement, les peuples colonisés ont entendu s’appuyer sur ce principe pour accéder à l’indépendance, la doctrine occidentale a tendu à en nier la positivité. Dans le troisième temps actuel, le même principe, selon les Occidentaux, doit s’appliquer non plus dans les rapports internationaux, mais pour fonder des implosions internes, légitimement « stimulée » de l’extérieur, afin qu’une partie de la population d’un État s’en écarte pour constituer un autre État. Cette multiplication d’entités politiques (souvent très petites et à peine viables) dans l’ordre international, due à une volonté occidentale d’affaiblissement de certains États d’une certaine importance (par exemple, l’émergence de l’État Sud-Soudanais ou le démantèlement de la Fédération de Yougoslavie) correspond parfaitement aux intérêts des « mondialisateurs », partisans d’une « globale gouvernance », maîtrisant les acteurs étatiques à la souveraineté limitée.

     

    Une autre falsification de la légalité concerne le principe fondamental de l’interdiction du recours à la force, sauf cas de légitime défense, l’objectif étant le maintien de la paix : le recours à la force contre des États souverains est, pour les Occidentaux, concevable s’il s’agit de faire cesser des atteintes au droit humanitaire, c’est-à-dire pour des considérations d’ordre interne !

     

    Les États-Unis (et Israël) vont plus loin encore dans leurs « interprétations » du droit en adhérant à la notion de « légitime défense préventive » qui n’est en réalité qu’une assimilation – paradoxale – de la légitime défense et de l’agression (dont par ailleurs on refuse la définition donnée par l’Assemblée Générale des Nations Unies) ! L’OTAN, en particulier, se considère aussi comme un substitut au Conseil de Sécurité de l’ONU, doté d’un « droit d’action autonome », (voir le concept stratégique de l’Alliance Atlantique adopté les 23-24 avril 1999).

     

    Les pratiques politiques occidentales déconstruisent ainsi le droit positif en les justifiant doctrinalement a posteriori, au cas par cas. Pour être plus facilement acceptées ou tolérées, les Occidentaux considèrent qu’il y a « plusieurs âges du droit international qui s’affrontent »2 !!! Sans cesse, il y aurait déconstruction et reconstruction du droit et chaque étape serait brève : les principes et les interprétations du droit de l’étape « ancienne » ne seraient plus pertinents pour l’étape « nouvelle » !

     

    Il n’y aurait donc pas violation de la légalité par les Puissances occidentales, mais effort de transition et de reconstruction d’un droit plus ajusté aux besoins et aux réalités internationales. En réalité, il y a recherche permanente et souvent dans l’urgence d’une adaptation aux besoins de la mondialisation néolibérale menacée par le multipolarisme en voie d’édification. C’est ainsi que la Charte de l’ONU lors de son adoption visait essentiellement au maintien de la paix ; aujourd’hui l’OTAN « interprète » cette Charte comme devant assurer le primat des droits de l’Homme et du droit humanitaire, y compris au risque de conflits armés.

     

    Certains juristes occidentaux vont jusqu’à dénoncer ce qu’ils appellent le « droit classique » (par exemple, en ironisant sur la réaction de la Yougoslavie, agressée par l’OTAN, invoquant sa souveraineté, le non-ingérence et saisissant la Cour internationale de justice !). Et plus la séquence historique mise en scène est courte, plus, évidemment, les conceptions occidentales semblent cohérentes !

     

    La crise ukrainienne

    La crise ukrainienne et la révolte de Kiev sont imputables à des causes avant tout sociales : les manifestants contestataires ont dénoncé la mauvaise gestion d’instances présidentielle, gouvernementale et parlementaire incertaines. La protestation populaire s’est cependant retrouvée rapidement encadrée par des cadres « entraînés » et financés par l’Occident et les activistes néonazis et néofascistes de « Secteur Droite » et de « Svoboda » (dont l’un des dirigeants occupe actuellement la fonction de vice-Premier Ministre et Ministre de la Défense, et un autre celle de Procureur Général). Les États-Unis et l’Union européenne ont ainsi tenté de se positionner encore plus près des frontières russes, y compris au détriment des intérêts économiques de l’Ukraine. La crise ukrainienne n’est qu’une composante d’une politique globale de « refoulement » de la Russie et de la liquidation des liens qu’elle peut nouer avec les États voisins, autrefois intégrés dans l’Union Soviétique. Elle est indissociable d’une volonté occidentale affirmée d’interdire à la Russie de prendre toute sa place dans le concert des nations, ce qui est évidemment le droit de tous les États « également souverains ».

     

    Au-delà du discours anti-russe traditionnel, dont le style et les thèmes n’ont pas fondamentalement changés depuis la fin de l’URSS, le monde occidental, particulièrement les États-Unis et la France3, dénonce la violation par la Fédération de Russie de la légalité interne à l’Ukraine et du droit international.

     

    La position des nouvelles autorités installées à Kiev est de s’afficher comme les défenseurs de la légalité constitutionnelle ukrainienne, ce qui est un paradoxe pour ceux qui viennent de faire ce qu’ils appellent une « révolution ». En effet, l’insurrection qui s’est produite à Kiev n’a manifesté aucun respect pour la Constitution de 1996, révisée en 2004, révision dont les amendements ont été annulés par la Cour Constitutionnelle en 2010. Sous la pression de la rue, une nouvelle procédure de révision a été entamée le 21 février 2014 rétablissant les amendements de 2004. Mais l’absence de promulgation invalide cette révision. Dans la confusion, le Parlement a voté la destitution du Président qualifié de « pro-russe » par l’Occident. Cette destitution est possible en raison de l’article 108 de la Constitution à l’issue d’une procédure d’impeachment (article 111). Cette procédure exige une enquête par une Commission dont les conclusions sont déposées devant le Parlement qui peut, après examen de la Cour Constitutionnelle, voter la destitution par une majorité des ¾. Celle-ci n’a pas été atteinte : l’impeachment a été voté par 328 voix, au lieu des 337 nécessaires. La destitution telle qu’elle a été prononcée est illégale : en droit, le Président n’est pas déchu de sa fonction, et son appel à l’assistance de la Russie est fondé. D’autres dispositions de la Constitution ont été violées (les articles 126 et 149) : c’est ainsi que la Cour Constitutionnelle a été « épurée » de cinq de ses juges dont le Président, pourtant bénéficiaires d’immunités.

    Les nouvelles autorités de Kiev ne peuvent donc pas se prévaloir d’une légalité dont ils ont balayé les fondements constitutionnels. Elles constituent simplement un pouvoir de fait, quelles que soient les relations externes qu’elles ont nouées avec des représentants occidentaux avec lesquels les liens étaient, il est vrai, très antérieurs.

     

    Ces Ukrainiens qui se veulent si proches de l’Europe occidentale doivent se remettre en mémoire l’adage latin : « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans ». Ce vieux principe général du droit leur rappelle que « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ». Ils ne peuvent à la fois violer la loi fondamentale de leur pays et l’invoquer ensuite pour servir leur cause.

     

    La question de la Crimée

     

    L’initiative prise par les autorités de la République autonome de Crimée d’organiser un référendum pour ou contre le rattachement à la Fédération de Russie a provoqué de la part des États-Unis et des États de l’Union européenne une réaction « légaliste », alors qu’ils soutenaient jusque-là une rébellion s’achevant par un coup d’état.

     

    Le monde occidental et leur nouvel allié de Kiev dénoncent avant tout « l’intervention de la Russie » en Ukraine, et particulièrement les mouvements de troupes en Crimée. La Russie menacerait l’intégrité territoriale de l’Ukraine et l’intangibilité de ses frontières. Le référendum d’autodétermination en Crimée du 16 mars serait illicite : il ne pourrait être légal que dans le cadre constitutionnel ukrainien (la Constitution, d’ailleurs, ne reconnaît pas le « droit de sécession »). Enfin, un peuple ne s’auto-définit pas : le « peuple » de Crimée n’existerait pas.

     

    Ces arguments, qui semblent appartenir au droit international « classique », par ailleurs si souvent critiqué par les « Occidentalistes », peuvent être réfutés avec des moyens relevant eux-mêmes des principes les plus « classiques ».

    Il n’y a pas « intervention » militaire russe illicite en Crimée. Deux accords régulièrement conclus entre la Russie et l’Ukraine (accords du 31 mai 1997 et pacte de Kharkiv du 21 avril 2010) autorisent la présence de troupes russes en Crimée (une base maritime et deux bases aériennes) jusqu’en 2042 (en échange de livraison de gaz à tarif préférentiel). De plus, rien n’empêche en droit les autorités de Crimée de constituer des groupes « d’autodéfense », comme il en existent aussi à Kiev à l’initiative des « révolutionnaires ».

     

    La disparition des autorités constitutionnelles à Kiev au profit d’un pouvoir de fait ouvertement antirusse justifie les mesures prises pour assurer le respect des accords conclus (pacta sunt servanda), y compris à l’encontre des garnisons de l’armée ukrainienne et pour protéger les civils russes et russophones.

     

    Cette protection des civils, très fréquemment invoquée par les États occidentaux dans leurs relations internationales et servant de justifications à leurs ingérences4, s’impose par diverses mesures prises par Kiev à l’encontre des intérêts des populations russes et russophones : suppression de la langue russe en tant que langue légale, mesures discriminatoires à l’encontre des russophones, agressions physiques à Kiev et dans différentes régions de l’Ukraine. L’argument selon lequel les « révolutionnaires » de Kiev ont été victimes d’une répression brutale source de nombreuses victimes mériterait par ailleurs une enquête objective : les membres des forces de l’ordre tués sont nombreux et nul ne peut attester de l’origine des snipersqui ont tiré sur la foule5.

     

    Il n’y a pas de fondement à refuser l’argument humanitaire invoqué au profit des minorités (majoritaires en Crimée) placées dans une situation d’insécurité, source de menace, en raison de la déstabilisation de toute l’Ukraine.

     

    Kiev et les États occidentaux ne peuvent non plus faire le procès d’une « intervention » russe, alors que les ingérences occidentales multiformes se sont multipliées pour obtenir que Kiev prenne ses distances vis-à-vis de la Russie. Les principe légal est celui de la « non-ingérence », par quelque moyen que ce soit : or les révoltes qui ont bouleversé de nombreux pays, ces dernières années, ont été « animées » selon des méthodes et par des groupes (armés ou non) financés et organisés par les États-Unis et leurs alliés.

     

    Croire à la spontanéité des masses populaires, à leur libre capacité d’organisation et à leur persévérance (la révolte s’est prolongée plus de trois mois à Kiev) relève de la naïveté, quelles que soient les raisons légitimes de contestation de la gouvernance ukrainienne6Cette prétendue « aide à la démocratie », financée essentiellement par les États-Unis, viole l’esprit et la lettre du principe de non-ingérence, y compris si elle n’utilise pas ouvertement la force armée.

     

    Pour le moins, s’interroger sur le contenu de la notion « d’ingérence » et « d’intervention » est une exigence pour la question ukrainienne, comme pour toutes les interventions occidentales qui se sont multipliées depuis la disparition de la bipolarité Est-Ouest. A défaut, une seconde « guerre froide » risque de se développer au détriment des intérêts de tous.

     

    Référendum de Crimée et droit international

     

    L’organisation d’un référendum sur l’adhésion de la Crimée à la Fédération de Russie, après que le Parlement de Crimée ait proclamé l’indépendance, ne serait illégal que dans la mesure où l’ordre constitutionnel ukrainien aurait encore une existence ou si un cadre supranational s’était établi pour administrer la Crimée. Le fait que la Constitution ukrainienne ne prévoit pas le droit à la sécession n’apporte rien à la controverse : encore faut-il en effet que cette Constitution ait encore une quelconque validité. Les autorités de Kiev ne sont pas fondées à arguer de certaines dispositions constitutionnelles tout en ne respectant pas les autres !

     

    Au contraire, les instances légales de Crimée comme l’État russe sont fondées à considérer qu’elles sont en droit de ne plus collaborer avec ceux qui ont renversé par un coup de force le gouvernement légal. Elles peuvent invoquer différentes décisions d’organisations internationales reconnues.

     

    L’OSCE (Organisation de la Sécurité collective en Europe) a condamné, peu après la tentative de coup d’état contre M. Gorbatchev de 1991, toute tentative ou tout renversement par des moyens antidémocratiques d’un gouvernement légal.

     

    L’OEA (Organisation des Etats américiains) a fait de même en 1992 en adoptant un nouvel article 9 de sa Charte constitutive, permettant la suspension au travail de l’organisation de la participation des représentants d’un État victime d’une « interruption inconstitutionnelle » de son système de gouvernance.

     

    L’OUA (Organisation de l’Unité africaine) a aussi en 1999 proclamé que les coups d’état n’étaient pas admissibles et l’Union africaine a mis l’accent sur l’exigence de « légitimité constitutionnelle » pour ses membres, tout comme l’Organisation internationale de la Francophonie (Déclaration de Bamako en 2000) que la France semble avoir « oubliée » !

    Il est plus remarquable encore que le Conseil de Sécurité de l’ONU se soit référé à ces dispositions dans sa résolution 1497 (2003) relative aux changements anticonstitutionnels de gouvernement.

     

    Le discours consistant à légitimer les coups de force (internes ou externes) par une finalité « pro-démocratique » n’a pas de fondement juridique. Certes, les États-Unis ont expressément fondé leur intervention militaire contre La Grenade en 1983 sur cette base. Cette position a été jugée dès 1986 sans validité par la CIJ (Cour internationale de justice) (Affaires des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua). La notion de « guerre juste » n’a plus aucune dimension juridique aujourd’hui, quoique puissent souhaiter certaines ONG et déclarer certains États occidentaux.

     

    De même dans l’ordre intérieur, la « légitimation », par-delà la légalité, des actions menées « au nom de la démocratie » n’est qu’un retour à l’archaïque conception du « droit public de l’Europe » de la fin du XVIII° siècle et du XIX° siècle, qui n’était que celui des « nations civilisées » dont seraient exclue la Russie et une partie de la population ukrainienne !

     

    Au contraire, la nature démocratique du référendum d’autodétermination dans une région ayant échappée à la désorganisation générale d’un pays doté d’un pouvoir issu d’une rébellion soutenue de l’extérieur, est peu contestable. Il suffit que, conformément aux recommandations de la Commission de Venise du Conseil de l’Europe (2005), les questions posées soient claires, qu’il se déroule sans irrégularité et que la participation soit de plus de 50% des inscrits, avec une réponse à plus de 55% de majorité7.

     

    La France, quant à elle donneuse de leçons de démocratie, n’a pas été très rigoureuse lorsqu’elle a organisé en 1974 un référendum concernant l’accès à l’indépendance des Comores sans le moindre respect de leur intégrité territoriale : a posteriori, la France a en effet déclaré que les résultats devaient être appréciés « île par île », ce qui a conduit malgré la très large majorité globale des voix en faveur de l’indépendance, à détacher Mayotte, l’une des quatre îles, pour en faire ensuite (en 2009) un département français, et ce malgré un avis contraire des Nations Unies et le refus du gouvernement comorien.

     

    Le principe de l’intégrité territoriale et de l’intangibilité des frontières a été mis à mal par les puissances occidentales qui ont vu dans l’implosion de l’URSS, notamment, un moyen d’affaiblir et d’isoler la Russie8. La multiplication de micro-Etats (par exemple, le Sud-Soudan), résultat de diverses revendications plus ou moins fondées, apparaît aussi comme un outil favorisant une « globale gouvernance » dans un système unipolaire, dominé par les États-Unis.

     

    La construction occidentale du Kosovo réalisée par la force militaire de l’OTAN en 1999, puis l’administration conjuguée des Nations Unies, de l’OTAN et de l’Union européenne, au nom de droits des populations albanaises et des droits de l’Homme, avant la reconnaissance d’une indépendance formelle, a créé un précédent que les puissances occidentales et les autorités de fait de Kiev ne peuvent rejeter par une formule simpliste « la Crimée n’est pas le Kosovo » !

    L’OTAN dans l’affaire du Kosovo a usé unilatéralement de la force armée. Elle n’a pas tenu compte de la « protection » des civils en arguant simplement des inévitables « dommages collatéraux », comme en Irak ou en Libye. La Constitution serbe n’a pas été respectée, tout comme les droits de la minorité serbe au Kosovo (dont 250.000 se sont réfugiés définitivement en Serbie). Le fondement de cette pratique occidentale s’est limité à l’affirmation d’un droit à la sécession « moralement » justifiée !

     

    Ces illégalités flagrantes ont été néanmoins « couvertes » par l’ONU (dont la Charte ne prévoit pas le droit de sécession), qui s’est chargée, pour partie, de l’administration provisoire du Kosovo, alors qu’elle résultait d’une intervention armée illégale, et par la reconnaissance par tous les États occidentaux et par nombreux autres lorsque le Kosovo a été qualifié « d’État souverain ».

     

    L’UCK, qui avait été créée opportunément en 1997-1998, « force de frappe » des Albanais pro-occidentaux, responsable de nombreuses exactions anti-serbes, et qui s’est avérée ensuite être une organisation de type mafieux, n’a pas été condamnée à ce titre (à la différence des personnalités transférées à la CPI (Cour pénale internationale) lorsqu’il s’est agi de dirigeants opposés aux intérêts occidentaux). Enfin, l’avis sur le Kosovo, rendu par la CIJ, n’a pas infirmé la sécession kosovare.

     

    Pire, la doctrine juridique occidentale dominante ne s’est pas manifestée : le professeur S. Sur, par exemple9, très représentatif de la doctrine française dominante, semble convaincu que la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité sur le Kosovo, permet une « opération de reconstruction de la paix » et « résorbe l’anomalie » de l’intervention militaire10 ! Le Conseil de Sécurité a ainsi tiré les conséquences d’une violation de la légalité, sans l’approuver ni la désapprouver, à la satisfaction des juristes !! Néanmoins, le professeur Sur manifeste une certaine « inquiétude » devant l’absence de « justification convaincante » à l’usage de la force dans l’affaire du Kosovo. Mais, pour le professeur S. Sur, « de la déconstruction peuvent sortir des créations nouvelles, bien que les pratiques (sous-entendues occidentales)cherchent encore leur doctrine ».

     

    Le retour vers l’Ouest du balancier de l’autodétermination

     

    A l’issue de ce processus global et des différentes crises qui se sont produites ces dernières années, c’est le monde occidental et ses alliés qui, aujourd’hui, voient se retourner à leur encontre des revendications fondées sur le droit à l’autodétermination au nom, selon l’expression d’un courant doctrinal nord-américain, d’une « souveraineté méritée » au bénéfice des peuples sous « domination aliénante »11.

     

    C’est le cas de la Catalogne en Espagne, de l’Écosse en Grande Bretagne, de l’Italie du Nord (contre le Centre et le Sud), des peuples autochtones en Amérique du Nord et du Sud, et de différents mouvements religieux et ethniques dans le monde arabe et africain, sources souvent de dissolution généralisée (Yémen, Somalie, Centre Afrique, Mali, etc.).

     

    Le processus de mondialisation néolibérale, en effet, favorise un repli identitaire qui peut conduire à des « sécessions remèdes ».

     

    A ce propos, les Puissances occidentales, prises « à contre-pied », n’ont pour défense que d’abandonner tous les principes généraux, de quitter le domaine juridique et d’opter pour le « cas par cas » : « chaque cas devenant un cas « d’espèce »12 !

     

    L’ « exemple » donné par l’OTAN avec l’acceptation de la survie artificielle de la République turque de Chypre (reconnue seulement par la Turquie, le Pakistan et le Bangladesh), du maintien de la division de la Corée sans le moindre appui à une politique de réunification respectueuse des deux parties, ou de la politique de l’Union européenne « fabriquant » par étapes le Monténégro jusqu’en 2006, pour le dissocier de la Serbie, alors que dans le même temps on condamne les Tamouls au Sri Lanka comme sécessionnistes13, tout en abandonnant les Palestiniens au pouvoir israélien, s’avère à terme dangereux pour les États occidentaux eux-mêmes et désagrégateur pour l’ordre mondial très fragile.

     

    Les États occidentaux (particulièrement les États-Unis) et leurs juristes manifestent une incohérence profonde. Ils utilisent de plus en plus des notions indéfinissables, telle l’oppression « grave », évidemment non mesurable, condition pour admettre le droit à la sécession ; la souveraineté « méritée », non susceptible d’être distinguée de celle qui ne le serait pas ; la notion de « civil » qui alors même qu’ils sont armés doivent ne pas être traités comme combattants ; de « droits de l’Homme », amputés néanmoins des droits économiques, sociaux et culturels ; de « démocratie », sans aucune définition précise ayant validité universelle ; « d’humanitaire » sans dissociation du politique, etc.

     

    Le chaos conceptuel à la lumière de la crise ukrainienne

     

    La crise ukrainienne met en lumière ce chaos conceptuel plaçant le droit international dans une situation de confusion extrême. Le comble des paradoxes est que l’Occident fait le procès de la Russie, qui reprend pourtant à son compte, outre les principes du droit international classique, des arguments juridiques souvent utilisés par ailleurs par l’Occident. Pour paraphraser le Président Obama, mais en retournant contre les États-Unis et leurs alliés sa formule : « L’Occident est (de plus en plus) du mauvais côté de l’Histoire ». Il n’est plus en mesure, comme l’a souligné le Président Poutine, de stopper par n’importe quel moyen la reconstruction légitime de la puissance russe et de sa collaboration avec de nombreux États non occidentaux dont le développement économique est très rapide, sous forme d’accords bilatéraux ou d’Union douanière14.

     

    Les juristes occidentaux devraient s’interroger davantage sur l’utilité d’une authentique multipolarité (en lieu et place des prétentions à l’hégémonie que manifestent encore les États occidentaux) pour garantir les objectifs de la Charte des Nations Unies, c’est-à-dire le maintien de la paix et le développement.

     

     

    Robert Charvin

     

    Professeur Émérite de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis, Doyen Honoraire de la Faculté de Droit et de Science Politique de Nice (France)

     

    Source LaPenséeLibre.org via blog Mediapart

     

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  • Ce matin en bref // 2014-05-12 // Lundi 12 mai 2014

    ce matin en brefLe gouvernement de Manuel Valls a décidé de réduire encore les dépenses publiques de 4 milliards supplémentaires dans le collectif budgétaire de juin 2014 dont 1,6 milliard pour la fonction publique d’Etat sous forme d’annulation de crédits. Par ailleurs, ce week-end, le gouvernement a envoyé aux ministres les lettres de cadrage qui fixent les dépenses pour les trois prochaines années; de tout ceci, le Premier ministre n’en a pas dit un mot lors de son intervention dimanche soir sur TF1.
    Balladur dans le Journal du Dimanche (JDD) demande au gouvernement, pour éviter une révision de la constitution, de revenir à la loi territoriale votée en 2010 sous Sarkozy qui prévoyait déjà l’élection de conseillers territoriaux pour gérer les départements et régions, la fusion de certaines régions, la création de grandes métropoles, la suppression de la clause de compétence générale.
    Pierre Gattaz (Medef) dans le JDD déclare que "les hausses de salaire ne doivent pas s’éloigner de 1%" et demande "l’ouverture des commerces le dimanche et au delà de 21 heures en semaine" en application du Pacte de responsabilité.
    Claudy Lebreton président PS de l’Association des départements de France a déclaré le 6 mai: "je plaide pour une école territoriale. Il s’agit certes de l’école de la République, mais elle devrait plus tenir compte des réalités locales et de la communauté éducative".
    Gérard Schröder dans le journal Wet am Sonntag estime que l’Union européenne (UE) est la principale responsable de la crise ukrainienne: "l’erreur fondamentale vient de la politique de l’UE en faveur du traité d’association" que Bruxelles voulait signer avec l’Ukraine.


  • Dimanche 11 mai 2014 7 11 /05 /Mai /2014 10:24

    DEUX ANS DE HOLLANDE ! Célébrés en vers, c'est mieux!

    DEUX ANS DE HOLLANDE !

     
    Soyons brefs.....

    Ce vote avait deux ans,  fallait que l'autre parte
    Pourtant dès ce moment, ce n'était pas d'la tarte.
    Un simple descendant de hobereau hongrois
    Fit place au hollandais, Rouennais de surcroit.

    Depuis lors, sans cesser, prolongeant son mentor,
    L'ancien  maire de Tulle a bouté son effort.
    L'insupportable ancien vit ses vœux exaucés
    Et le sort citoyen fut encore plus bafoué.

    En deux ans, le nouveau locataire du Palais
    A simplement vécu, bravant les quolibets,
    De ses secrets d'alcôve empli les quotidiens,
    Mais le sac du pays continuait vraiment bien.

    De chômage en reculs, de promesses en déroutes,
    De grands mots en silences, des espoirs vinrent les doutes,
    La confiance en lui en vain s'effilocha,
    La République en ruine à la fin s'écroula.


    Dernier sondage : 86% ne font plus confiance, dont 51% pas du tout.


     

  • Dimanche 11 mai 2014711/05/Mai/201411:29

    Les "observateurs de l'OSCE", n'étaient ni des observateurs, ni de l'OSCE. Publication du Parti de Gauche, enfin !

    Mercredi 7 Mai 2014 

    Les "observateurs de l'OSCE", n'étaient ni des observateurs, ni de l'OSCE (OSCE = Organisation de Coopération et de Sécurité en Europe) par Djordje Kuzmanovic, (membre du bureau national du Parti de Gauche, président de la commission défense, co-référent pour la Russie et l'Ukraine

    Les médias français de masse, dans leur vaste majorité et à quelques notables exceptions près (l'Humanité, Le Monde Diplomatique, quelques journalistes de Marianne, rue89 et Mediapart.), font malheureusement preuve d'un atlantisme débridé que même la plus élémentaire compassion ou tout simplement la vérité ne détournent pas de leur travail de manipulation des consciences. Le cas de l'Ukraine est une anthologie de propagande éhontée.

    L'histoire des "membres de l'OSCE pris en otages" en est un exemple saisissant. Nos médias aux ordres de Washington l'ont répété à l'envie : "des membres de l'OSCE ont été pris en otages". Ces dizaines de journalistes sur qui repose l'information de millions de citoyens ne se sont même pas donné la peine de vérifier sur le site de l'OSCE si ces "otages" étaient bien membres de l'OSCE.Or en fait de membres de l'OSCE, il s'agissait de militaires allemands et européens travaillant pour la Bundeswher (armée allemande) dans le cadre d'un partenariat bilatéral signé avec les nouvelles autorités de Kiev. Les présenter à longueur d'article comme des membres de l'OSCE relève au mieux de l'incompétence crasse, au pire, c'est un mensonge volontaire et collectif grave.

    Le récit d'un mensonge. Le 25 avril, on annonçait dans les médias que plusieurs "membres de l'OSCE" avaient été pris en otage à Slaviansk par les "pro-Russes" : huit "observateurs européens" et leurs quatre accompagnateurs ukrainiens. Huit jours plus tard, le 3 mai 2014, les mêmes médias annonçaient en chour la "libération des membres de l'OSCE et de leurs accompagnateurs ukrainiens pris en otage" et se félicitaient de leur bonne santé en les élevant au rang de héros. Pendant plus d'une semaine, cette histoire sera l'occasion pour la vaste majorité des médias de laisser comprendre que les "pro-Russes" de l'est de l'Ukraine avaient séquestré des membres d'une organisation internationale faisant leur légitime travail. Il a été fortement insinué que la Russie avait une responsabilité importante dans cette "prise d'otage". Le récit a été répété ad nauseam dans le cadre d'une vaste campagne de propagande anti-russe et de légitimation du sulfureux gouvernement de Kiev.

    La vérité derrière le récit médiatique Le problème, c'est que dès le 25 avril au soir, jour de "la prise d'otage des membres de l'OSCE", Claus Neukirch , directeur adjoint du Centre de prévention des conflits de l'OSCE - un diplomate de premier plan de l'OSCE donc - tenait les propos suivants sur la première chaîne autrichienne, l'ORF : "Les personnes retenues n'étaient pas membres de l'OSCE". Compte tenu du fait que ce ne sont pas des membres de l'OSCE, celle-ci ne négocierait pas leur libération L'OSCE n'avait fait aucune estimation des risques encourus pour cette mission puisque. ce n'était pas une mission de l'OSCE (la journaliste semblait, déjà, avoir du mal à comprendre). Il s'agissait d'observateurs militaires européens ouvrant dans le cadre d'une mission militaire bilatérale entre l'Allemagne et l'Ukraine pour le compte d'une branche des forces armées allemandes, la "Zentrum für Verifikationsaufgaben der Bundeswehr" (Centre de vérification de la Bundeswehr). Fort logiquement, les négociateurs étaient les autorités allemandes. La vidéo originale de l'interview de M. Claus Neukirch était visible directement sur le site de l'ORF, mais le lien y a été supprimé.

    Le maintien d'une fausse version malgré le démenti officiel Et pour cause : suite à ce démenti de bonne foi fait dans l'immédiat face à des propos erronés tenus par un journaliste, il n'y en aura plus d'autres. Pas de démentis formels de la part de l'OSCE, de l'OTAN ou d'une quelconque chancellerie occidentale. Seul le site du ministère des affaires étrangères russe indiquait qu'il ne s'agissait pas de membres de l'OSCE. Les médias auraient pu aisément vérifier cette affirmation. Mais là encore aucune enquête sérieuse de la part de journalistes. Le récit mensonger était lancé, il pouvait continuer son ouvre, parmi tant d'autres récits de propagande bellicistes qui risquent de détruire les dernières chances de résolution pacifique du conflit.

    Un travail journalistique honnête aurait pu permettre de constater que sur le site de l'OSCE on ne trouvait rien sur cette prise d'otages.

    Etonnant pour une organisation comme l'OSCE de ne pas communiquer sur une prise d'otages potentiellement dangereuse pour la vie de ses membres. Un document interne et public de l'OSCE, "OSCE monitoring mission to Ukraine: The facts" en date du 28 avril, rédigé donc après la prise d'otages, ne fait aucune mention de quelconques otages de l'OSCE retenus en Ukraine. Une telle omission dans un document officiel traitant des "faits de la mission de surveillance de l'OSCE en Ukraine" rédigé trois jours après la date de "la prise d'otage" serait le moins bizarre. Pendant la semaine qui suivra le 25 avril, pas une ligne sur d'éventuelles négociations, ni commentaires sur l'état des otages. Le 3 mai, rien non plus sur la libération de ces "otages". Etonnant. les organisations internationales, les grandes ONG ou les medias communiquent fortement lorsqu'ils récupèrent leurs membres pris en otages.

    En fait si, on pouvait trouver ce communiqué : "OSCE Chairperson-in-Office and Swiss Foreign Minister Didier Burkhalter expressed his gratitude to all participating States involved in the efforts for the release of the seven military inspectors and their Ukrainian hosts who were detained in Sloviansk by a group of armed individuals" (Le Président en exercice de l'OSCE et ministre des Affaires étrangères suisse, Didier Burkhalter, a exprimé sa gratitude à tous les Etats participants impliqués dans les efforts pour la libération des sept inspecteurs militaires et leurs hôtes ukrainiens qui étaient détenus à Sloviansk par un groupe d'individus armés) ; là encore, aucune mention de leur appartenance à l'OSCE.

    Le mandat de l'OSCE était d'envoyer des observateurs civils, pas des militaires Et pour cause : dans un autre document de l'OSCE, en date du 21 mars 2014, "Décision N° 1117 Déploiement d'une mission spéciale d'observation de l'OSCE en Ukraine", soit le mandat de la mission de l'OSCE en cours au moment des faits, il est précisé dans l'article 6 que ce sont 100 observateurs civils qui seront déployés en Ukraine ; il n'est aucunement question d'observateurs militaires. 6. La Mission spéciale d'observation sera constituée dans un premier temps de 100 observateurs civils qui travailleront, le cas échéant, 24 heures sur 24 et sept jours sur sept en équipes. L'observateur en chef informera la Présidence, le Conseil permanent et le pays hôte des modalités concrètes, en fonction des besoins sur le terrain. Selon qu'il conviendra et en fonction de la situation, les effectifs de la mission pourront être augmentés de 400 observateurs supplémentaires au total. Les observateurs seront déployés initialement à Kherson, Odessa, Lvov, Ivano-Frankivsk, Kharkiv, Donetsk, Dniepropetrovsk, Tchernivtsi et Louhansk. La mission sera basée à Kiev. Tout changement au niveau du déploiement fera l'objet d'une décision du Conseil permanent. Notons enfin, que seul EuroNews fournira une information précise le jour de la libération des "otages", et encore, sur le prompteur en bas de l'écran : "L'OSCE se félicite de la libération des observateurs militaires européens" ("European military observers") sans jamais mentionner qu'ils sont membres de l'OSCE.

    On pourrait se dire à la lumière de la sociologie des médias qu'il s'agit là d'une malheureuse erreur : les médias voient leurs crédits coupés, en particulier pour les enquêtes longues portant sur les questions internationales, et sont enjoints à produire des nouvelles toujours plus vite dans un environnement hautement compétitif, d'où une forte tendance à se copier les uns les autres pour le bon comme pour le moins bon, les stagiaires et pigistes mal payés y sont surreprésentés, etc., etc. Même si c'était le cas, constatons alors que "l'erreur" se transforme en une propagande répétée massivement pour convaincre le citoyen de suivre les ordres du bon maître, le persuader que le coupable et donc le mal dans tous les événements d'Ukraine serait la Russie et que le bien et la vertu seraient incarnés par l'Occident sous le drapeau de l'OTAN, et par son guide suprême : les Etats-Unis. Et malheureusement ça marche. Comme l'écrivait Aldous Huxley dans Le Meilleur des mondes, "64 200 répétitions font la vérité". C'est de la criminalité de clavier, car cette propagande a des conséquences lourdes : elle attise les haines, tend des situations déjà difficiles, crispe les camps sur leurs positions. Comment d'ailleurs les "fédéralistes" et "pro-Russes" d'Ukraine de l'est pourraient-ils percevoir autrement cette histoire des "otages de l'OSCE" sachant bien qu'il ne s'agit pas de membres de cette organisation ? Ils ne peuvent que se sentir visés par une campagne de désinformation coordonnée et délibérément orientée contre eux. Comment les vrais et nécessaires observateurs de l'OSCE pourront-ils demain travailler sereinement sur le terrain ? Ce mensonge ne les met-il pas en danger ?

    Le plus grave, c'est que le mensonge ici décortiqué n'est qu'un exemple parmi tant d'autres. Comment, alors qu'on travaille ainsi à diaboliser systématiquement les contestataires de l'est de l'Ukraine, pourra-t-on restaurer la confiance entre différentes populations de ce pays, sans laquelle il n'est pas de destin commun possible ? Cet épisode rappelle le devoir de chaque citoyen tel que le formulait dans son discours à la jeunesse le grand Jaurès assassiné il y a 100 ans : "le courage c'est de chercher la vérité et de la dire ; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ".

     

     

     

    Par lucien-pons - Publié dans : Ukraine - Communauté : La communauté des Gaullistes .  

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