• TRES BON ARTICLE PUBLIE PAR CAP 21 =

     

     

    grippe.jpg En trente ans, les populations d'oiseaux des champs ont chuté de près de moitié, selon une étude européenne

    la future politique agricole commune (PAC), dont la réforme devrait entrer en vigueur en 2014, parviendra-t-elle à être plus verte ? Rien n'est moins sûr. Les associations de défense de l'environnement sont sorties passablement découragées de la conférence organisée, mi-juillet, par la Commission de Bruxelles et la nouvelle présidence chypriote de l'Union européenne (UE), dont l'objet était de « faire le point » avec la société civile sur l'état des négociations entre les Etats membres.

    Alors que les mesures agro-environnementales proposées par la Commission sont déjà considérées par ces ONG comme insuffisantes, elles pourraient bien, au fil des discussions menées au sein du Conseil et du Parlement européens, se retrouver en partie vidées de leur substance. Une évolution d'autant plus préoccupante qu'une récente étude révèle un déclin vertigineux des populations d'oiseaux des champs, indicateurs cruciaux de la biodiversité.

    Elément-clé de cette « réforme verte », l'obligation pour les agriculteurs de consacrer 7 % de leurs terres à la préservation de haies, de bocages, de petites mares ou de zones tampons, se heurte à de violentes oppositions de la part de la commission de l'agriculture du Parlement et de plusieurs Etats membres. Il en va de même pour la diversification des cultures, qui leur imposerait au moins trois variétés de récoltes et pas plus de 70 % d'une même culture.

    « La proposition sur laquelle nous travaillons est déjà extrêmement faible, et le peu d'éléments concrets qu'elle contient sont l'objet d'attaques virulentes de la part du lobby agricole. Tout changer pour que rien ne change : c'est cette vision à court terme qui en train de gagner », se désole Ariel Brunner, responsable des politiques européennes à l'association Birdlife.

    « Engrais et pesticides »

    Les associations de protection des oiseaux ne sont pas les seules à défendre un verdissement de la PAC. Mais elles ont de bonnes raisons de se mobiliser plus que d'autres. Toutes ont en tête les chiffres catastrophiques récemment publiés par le programme paneuropéen de suivi des oiseaux communs. Selon cette étude, 297 millions d'oiseaux représentatifs des milieux agricoles ont disparu au cours des trente dernières années. Ils étaient environ 600 millions en 1980. C'est donc près de la moitié de leurs effectifs qui s'est évanouie, quand les oiseaux forestiers, eux, n'ont subi qu'une perte de 2 %.

    Les chercheurs ont combiné, dans 23 pays de l'UE, les tendances globales des populations de 37 espèces classées en tant qu'oiseaux des champs. Parmi elles, 22 sont en déclin : 39 millions d'oiseaux ont disparu pour l'alouette des champs, 12 millions pour le pipit farlouse, 25 millions pour la linotte mélodieuse, 21 millions pour le bruant jaune...

    La Grande-Bretagne figure parmi les pays les plus touchés par cette perte de biodiversité. Alors que la population de perdrix grises est passée en trente ans de 13,4 millions à 2,4 millions (soit moins de 82 %) sur l'ensemble de l'Europe, la perte atteint 91 % au Royaume-Uni. Et il ne s'agit que d'un exemple. On note un moindre déclin de certaines espèces dans les pays qui ont adhéré récemment à l'UE, et dont les systèmes agricoles sont restés plus traditionnels. Mais il ne s'agit peut-être que d'un répit.

    Les causes de cette hécatombe généralisée ? Elles sont, hélas, connues de tous. « La recherche est prolifique dans ce domaine, et elle montre sans ambiguïté que ce déclin provient principalement des changements agricoles : l'évolution vers des méthodes intensives et spécialisées, la perte des haies et des jachères, l'utilisation accrue d'engrais et de pesticides », résume Richard Gregory, directeur de projet à la Royal Society for the Protection of Birds (RSPB) et premier signataire de ces travaux.

    Toutes les espèces ne pâtissent pas des mêmes maux. Ainsi la perdrix grise a-t-elle surtout été victime de la réduction des insectes dont elle se nourrit, quand le vanneau huppé, espèce limicole vivant pour l'essentiel en prairie humide, a souffert avant tout de l'assèchement des marais et des berges. Mais tous ces changements, qui touchent bien d'autres espèces, doivent beaucoup à la PAC, mise en place en 1962 dans un climat d'après-guerre hanté par les pénuries alimentaires.

    « Nul ne peut contester que la production et la sécurité alimentaires sont importantes, mais avoir perdu 300 millions d'oiseaux des champs prouve que l'équilibre actuel est mauvais », insiste M. Grégory, pour qui « nous ignorons le déclin de la biodiversité à notre propre péril ». Une opinion partagée par la Ligue française de protection des oiseaux (LPO). Estimant que cette étude doit aider à « recentrer le débat sur les priorités », elle demande aux décideurs d'avoir « la volonté politique d'inverser la tendance pour la biodiversité des milieux agricoles ». Un vœu pieu dans l'état actuel des forces en présence.

    Catherine Vincent

    Article paru dans Le Monde du 26 juillet 2012

     

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