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    Vendredi 10 février 2012 5 10 /02 /Fév /2012 18:31


    Par DESIRS D'AVENIR HERAULT

    Radiographie des propositions de François Hollande pour l'école

    Libération. 10.02.2012 . Véronique Soulé


    Hollande devant le lycée Jean Zay d'Orleans le 9 fev 2012(C. Platiau, Reuters)

     

    De la scolarisation des enfants de deux ans jusqu'au retour de l'histoire en terminale S, François Hollande a exposé son programme sur l'éducation jeudi à Orléans. Retour sur des mesures balançant entre prudence et hardiesse, soigneusement préparées pour ne pas heurter un milieu fatigué des réformes en cascade.


    Le candidat socialiste à la présidentielle part d'un axe fort: on ne peut plus admettre le "gâchis national" que représente l'échec scolaire, particulièrement lourd en France. En effet, 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. Et beaucoup iront ensuite grossir le rang des chômeurs et des précaires.


    Deuxième constat de départ: c'est dans les petites classes que tout se joue, à partir de la grande section de maternelle où l'on prépare les enfants à l'apprentissage de la lecture. Les élèves qui redoublent en primaire sont souvent ceux qui échouent au collège. 


    Logiquement, François Hollande en tire la conclusion que la grande priorité doit être le primaire. Et il annonce toute une série de mesures qui devraient être plutôt bien accueillies:

    - un renforcement de l'encadrement, avec le principe dit "de plus d'enseignants que de classes". La France dépense près de 15% en moins par élève que la moyenne de l'OCDE. Une partie des 60 000 postes que le candidat promet de créer dans l'éducation durant son quinquennat devrait être consacrée à ce rattrapage.


    - un renforcement aussi des autres personnels. François Hollande promet ainsi de rétablir les Rased, ces réseaux d'enseignants spécialisés dans la difficulté scolaire qui ont été la cible privilégiée des suppressions de postes, mais aussi plus d'AVS (auxiliaires de vie scolaire) pour accompagner les enfants handicapés, et aussi des psychologues, des médecins scolaires, etc.


    - une reprise de la scolarisation des enfants de deux ans, notamment dans les milieux défavorisé où une scolarisation précoce a montré son efficacité. Depuis 2000, essentiellement pour des raisons d'économie, cette scolarisation a chuté de 35% à 13%.


    - une meilleure considération de l'école maternelle, moquée par Xavier Darcos, le précédent ministre de l'Education qui trouvait que les enseignants de maternelle passaient l'essentiel de leur temps "à changer  des couches"...


    - la "fin des évaluations permanentes qui accablent les professeurs", et qui stressent parents et enfants.


    - une réforme des rythmes scolaires et la fin de la semaine de quatre jours généralisée en 2008 par Darcos, et très critiquée pour ne pas respecter les rythmes de l'enfant. François Hollande veut rallonger la semaine ainsi que l'année scolaire afin que les heures de cours soient mieux réparties, mais sans plus de précisions. Le sujet est très délicat car il met en cause de multiples iintérêts - des communes, des régions, des profs, des parents, etc. Pas fou, Luc Chatel a finalement préféré ne rien décider. François Hollande ira-t-il jusqu'au bout ?


    Sur le secondaire, le candidat socialiste redit son attachement au collège unique. Et il dénonce la tentation de l'UMP de revenir à une orientation précoce, avec des orientations vers le professionnel dès la fin de la cinquième. 


    Mais le sujet est sensible. Et François Hollande avance prudemment. Il défend le principe du Socle commun de connaissances et de compétences selon lequel un élève ne doit pas acquérir seulement des savoirs à l'école mais aussi des aptitudes et des savoir-faire. Ce socle est dénoncé par plusieurs syndicats comme un rabaissement des exigences et un enseignement au rabais.


    Ensuite, le candidat reste vague: il faudra revoir les programmes du primaire et du collège à l'aune du socle, dit-il, mais aussi "repenser" ce socle et assurer une meilleure articulation primaire-collège ...


    Il promet par ailleurs de "relancer une politique d'éducation prioritaire sérieuse" avec de vrais moyens - une partie des 60 000 postes devrait y être destinée. Derrière se profile l'abandon du très contesté dispositif Eclair  destiné aux établissements difficiles, où les principaux recrutent leurs profs tels des patrons.


    Au lycée, François Hollande veut faire porter l'effort sur la voie professionnelle, très dévalorisée, où l'on envoie les "mauvais" élèves qui souvent ne peuvent même pas  choisir leur spécialité. Il propose d'en faire une "filière d'excellence". Mais au delà des belles intentions, on aimerait savoir comment. 


    Pour les bacheliers pros qui souvent échouent à l'université, il veut que les formations courtes qui leur étaient initialement destinées - les BTS (Sections de technicien supérieur) ou les IUT (Instituts universitaires de technologie) - leur soient à nouveau réservées. Cela risque de se heurter à de multiples résistances - venant des familles, de proviseurs ayant des BTS et préférant accueillir des bacheliers généraux, etc.

      

    A propos du lycée, François Hollande avait réservé à Orléans une petite surprise qui ne figurait pas dans la première version de son discours. Il a annoncé vouloir rétablir l'histoire en terminale S - devenue une option avec la réforme du lycée. On regrettera qu'il ne s'intéresse pas aussi à l'absence de l'histoire en terminale dans plusieurs grandes séries technologiques - moins prestigieuses que la S.


    Enfin sur le métier enseignant, le candidat se montre extrêmement prudent. Il pense que le métier doit évoluer - ce qui ne mange pas de pain, le monde évoluant -, loue le travail en équipe, les pédagogies nouvelles, la recherche en éducation ... 


    Mais il ne dit pas comment redéfinir ce métier, renvoyant à de futures négociations. Il indique seulement qu'il ne veut pas se focaliser d'emblée sur le statut des enseignants - le décret de 1950 fixant à 18 heures hebdomadaires le temps de service d'un prof certifié et à 15 heures celui d'un agrégé. Cela devrait rassurer les syndicats.


    Sur ce sujet, on peut attendre une confrontation avec le candidat-non-déclaré. Nicolas Sarkozy veut faire travailler davantage les profs, et notamment leur fixer des heures de présence dans l'établissement.


    Sur la réforme de la formation des enseignants, grand ratage du quinquennat, le candidat socialiste confirme qu'il veut rétablir l'année de stages. Les jeunes profs qui viennent de décrocher le concours ne seront ainsi plus mis directement devant des élèves sans y avoir été préparés. 


    Il innove aussi: il transforme les IUFM (Instituts universitaires de formations des maîtres) en Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation. Tous les futurs profs, de la maternelle à l'université, devront y passer afin, notamment, de s'initier à la pédagogie. Ce qui ne devrait pas faire plaisir à tout le monde


    Pour finir, on relèvera deux thèmes absents. François Hollande ne dit rien de la carte scolaire. Sa suppression avait été une promesse de Nicolas Sarkozy, comme souvent abandonnée à mi chemin. Le candidat socialiste préfère ne pas s'aventurer sur un terrain glissant - le choix d'un "bon" établissement qui angoisse tant les parents.


    Il ne dit pas un mot non plus de la revalorisation. Les enseignants ne sont pas intéressés par l'argent, assure son entourage. Sans doute ont-ils une grandeur d'âme. Mais si l'on veut attirer les profs les plus expérimentés dans les établissements les plus difficiles, il faudra bien prévoir des incitations, de tous ordres.


    Crédit photo: Hollande devant le lycée Jean Zay d'Orléans le 9 février 2012 (Charles Platiau, Reuters)

     

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