• TRES INTERESSANT =

    profencampagne

     
    Jeudi 29 mars 2012 4 29 /03 /Mars /2012 17:15

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    Karine Bugeja va régulièrement dans les maternelles du quartier pour convaincre les parents de ne pas fuir l’école primaire dont ils dépendent, qui souffre d’une mauvaise réputation exagérée. «D’autres se rendent dans les crèches et les jardins d’enfants pour encourager les parents à mettre leurs enfants dans les maternelles proches, dit-elle, les contournements commencent dès ce niveau-là».

    Karine Bugeja, mère de deux enfants en CE1 et en CM1, habite dans le XIXe arrondissement de Paris. Elle fait partie des «parents solidaires», un mouvement formé autour d’ATD Quart Monde, une association qui travaille avec des familles dans la précarité. A ce titre, elle se bat pour que les familles de milieux favorisés cessent de fuir les établissements de leurs secteurs, jugés problématiques en raison d’un public pauvre et mal préparé à l’école. Elle-même a laissé ses deux enfants dans l’école du quartier, très mélangée.

    «Richesse».«Les parents ont des stratégies à long terme, explique-t-elle, pour éviter que leurs enfants aillent dans le "mauvais" collège du quartier, ils tentent de les inscrire dans une maternelle plus huppée, ou vont dans le privé, voire le privé hors contrat». Lors des réunions dans les maternelles, la question qui revient le plus souvent est : «Combien y a-t-il de non-francophones ?»«Pour rassurer, il faut donner un maximum d’informations, explique Karine, je précise que cela n’empêche pas d’avoir de bons lecteurs en CE1, grâce aux nombreux dispositifs dans l’école comme les "ateliers coup de pouce" pour les CP.»

    D’après elle, dans le quartier, 20% des familles évitent la maternelle de secteur, et 40%, la primaire. «Ils ont peur du niveau au CP et de la violence après, dit-elle. Je leur réponds que je ne laisserais pas mes enfants si c’était le cas et que c’est une richesse pour eux : ils sont à l’aise avec tout le monde, discutent avec des copains athées, musulmans ou cathos, comprennent ce qu’est une autre langue dont le pluriel se forme différemment… On construit ainsi une meilleure société.» En tant que «parent solidaire», Karine accompagne aussi des mères dans la précarité lors de leur rendez-vous avec les profs. Assez libre car elle travaille chez elle, elle prend régulièrement deux-trois copains de ses enfants pour le goûter et les devoirs, qu’ils font en commun.

    A Bron, près de Lyon, Jacques et Florence Miquet, des «parents solidaires», sont partis en campagne dès leur arrivée en 2000 dans un quartier ni chic ni pauvre. «A l’époque, notre aîné était en CM2, et seuls trois élèves allaient dans le collège du secteur, de l’autre côté du périphérique, au pied de tours, explique Jacques. Or, fallait-il en avoir peur ? Coup de chance, on était plusieurs parents à s’interroger. On est allé voir l’équipe du collège, très chouette. Il y avait bien eu du bazar, mais c’était vieux de dix ans. Alors, à quatre-cinq, on a inscrit nos enfants».

    Pour convaincre les autres familles, les Miquet ont organisé des réunions à l’école et des visites du collège. Aujourd’hui, plus de la moitié des CM2 y vont. Les quatre enfants Miquet l’ont fréquenté. Cela n’a pas empêché les deux grands de faire de brillantes études. «L’aîné a des copains normaliens et des copains du quartier - des maçons, des intérimaires», souligne Jacques. Mais rien n’est acquis : «Il suffit d’une rumeur, d’une équipe qui change et l’image du collège se dégrade, il faut tout ref.»

    «Brassage». Anne de Chambost a choisi de laisser ses trois enfants dans l’école de secteur, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) : «Pour moi, l’école n’a de sens que si c’est celle du quartier, où l’on apprend à vivre ensemble, car c’est l’un des derniers lieux de brassage social avec l’hôpital.» Elle encourage les liens de ses enfants avec des camarades en difficulté. Représentante de parents d’élèves, elle se bat pour que chacun ait accès à la cantine. Elle propose aussi des achats groupés de fournitures qui profitent aux parents dans la précarité.

    Franck Mathieu, père d’une petite fille à Arpajon (Essonne), a organisé des ateliers le samedi matin dans l’école, un pédibus - des parents qui ramassent le vendredi les enfants pour les emmener à l’école - et prépare un projet de bourse des savoirs sur le mode : «Je peux expliquer le fichier Excel et je voudrais apprendre à faire des nems.» Il définit les parents solidaires comme «des parents qui ne pensent pas d’abord à eux dans l’école et qui arrivent à se mettre ensemble».

    Véronique Soulé

    http://www.liberation.fr/societe/01012398474-l-ecole-un-des-derniers-lieux-de-brassage-social

     

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