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    Jeudi 12 juillet 2012 4 12 /07 /Juil /2012 15:23


    Par DESIRS D'AVENIR HERAULT

    La marche noire des mineurs espagnols : «Madrid brûle!»

     

    mediapart

    La Marche noire des mineurs s'est achevée mercredi soir, à Madrid, par des affrontements. Selon les services d'urgence cités par le quotidien El Pais, il y aurait 76 blessés dont 8 ont dû être transférés à l'hôpital. Les manifestants comptaient dans leur rang 42 blessés et les forces de l'ordre, 33. Le dernier est un photographe de presse. Sept personnes ont par ailleurs été arrêtées, toujours selon El Pais.

     

    On les croyait disparus avec le tournant du siècle, figures d'un autre temps englouties par les vagues de désindustrialisation, comme presque partout ailleurs en Europe. Mais les mineurs espagnols sont bien vivants, et ont pris la tête, en quelques semaines à peine, de la contestation contre les plans d'austérité du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.

    Partis à pied, le 22 juin, des Asturies, de Castille et Léon ou d'Aragon, dans le nord de l'Espagne, ils sont un peu plus de 200 à avoir atteint, mardi aux alentours de minuit, la place Puerta del Sol, en plein cœur de Madrid. Une « marche noire » longue de 400 kilomètres, pour faire entendre un seul mot d'ordre : le maintien des aides publiques à ce secteur en crise. « Si l'on ne trouve pas de solution, ce sera la guerre, la guerre, la guerre », chantait l'un des deux cortèges, mardi en fin d'après-midi, aux alentours du palais de la Moncloa, la résidence du chef du gouvernement, selon un journaliste d'El Pais sur place. « Madrid brûle ! » ou « Ils veulent tout nous couper ! » figuraient aussi en bonne place, parmi les slogans des marcheurs.

    Ces mineurs seront les héros d'une manifestation, mercredi dans les rues de la capitale, qui doit les conduire jusqu'aux bâtiments du ministère de l'industrie, où ils espèrent être reçus. Les syndicats tablent sur la participation de 25 000 Madrilènes. Des élus du Parti socialiste ou de la Gauche unie (les écolos communistes de IU) devraient être présents, tout comme les « indignés » du 15-M, qui ont prévu de s'y rendre intégralement vêtus de noir, couleur de la houille. Dès mardi soir, des activistes présents à Sol avaient apposé des lampes de mineurs sur leurs masques d'Anonymous, en signe de solidarité (suivre le hashtag #nocheminera sur Twitter).

    Austérité oblige, le gouvernement espagnol a décidé de réduire de 63 %, cette année, le montant des subventions qui permettent à l'industrie minière de survivre. L'enveloppe, adossée à un fonds européen, a fondu de 300 à 110 millions d'euros. D'après les syndicats, pas moins de 25 000 emplois, directs et indirects, seraient menacés. Le nombre de mineurs oscille, selon les estimations, entre 4 000 et 9 000, sur une quarantaine de sites. Ils étaient 50 000 il y a 25 ans. « Nous nous battons pour quelque chose de juste : on est juste venus réclamer notre dû », explique à l'AFP Manuel Cinoceda, mineur de 55 ans venu de Teruel (Aragon).

    Au fil de son trajet, cette « marche noire » a recueilli la sympathie de bon nombre d'Espagnols, solidaires avec les mineurs (voir la vidéo plus haut). Mais elle n'est qu'une facette de la contestation qui secoue le nord du pays depuis la première journée de grève générale fin mai. Certains se sont enfermés dans leur mine plusieurs jours, pour attirer l'attention des médias. A la manière des piqueteros argentins, d'autres ont bloqué plusieurs heures par jour des axes routiers. Les affrontements avec les forces de l'ordre se sont aussi radicalisés, et des émeutes ont éclaté dans des villages retirés. La presse espagnole de droite, ABC en tête, n'a pas hésité à dénoncer une « guérilla minière ».

     

    Déjà un casse-tête sous Zapatero

    Comme le raconte ce long article historique d'El Pais publié mi-juin, cela fait 90 ans que le secteur minier est menacé en Espagne. Il fut le théâtre, depuis les années 1930, d'innombrables mobilisations populaires. Mais cette fois, à l'heure des « indignés », la configuration serait nouvelle : « C'est la dernière – ou, grand maximum, l'avant-dernière – bataille pour la survie du secteur qu'ils sont en train de livrer », écrit le quotidien. D'autres insistent sur le parallèle entre les événements des dernières semaines, et l'une des grèves les plus longues du secteur, il y a exactement 50 ans, lorsque des centaines de mineurs avaient résisté près de cinq mois, malgré la violente répression du régime de Franco.

    Jusqu'à présent, le gouvernement de Rajoy s'est montré intraitable. Il semble peu probable qu'il accepte de faire marche arrière, alors qu'il doit muscler un peu plus sa politique d'austérité dans les mois à venir. Madrid s'apprête par exemple à relever sa TVA, en réponse aux injonctions de Bruxelles. Mais une fois encore, le sentiment d'un deux poids, deux mesures, fait des ravages auprès de la population : pourquoi retirer 190 millions d'euros d'aide aux mineurs, quand Madrid, au même moment, vole au secours de Bankia, géant financier du pays, en injectant 23 milliards d'euros ? Dans la manifestation mercredi, les « indignés » du 15-M ne manqueront pas de réclamer, par opposition aux plans de sauvetage du secteur financier, un « plan de sauvetage citoyen », pour tenter d'inverser l'ordre des priorités.


    Les aides publiques au charbon sont en fait un vieux serpent de mer en Espagne. Alors que la consommation d'énergies renouvelables explose en Espagne, grâce en particulier à l'essor des éoliennes, elles représentent, aux yeux de beaucoup, une absurdité. Les spécialistes rappellent aussi que le charbon venu du Canada ou d'Australie est non seulement moins cher sur les marchés, mais aussi de bien meilleure qualité. Madrid est d'ailleurs l'une des toutes dernières capitales d'Europe à subventionner son charbon.

    Le prédécesseur socialiste de Rajoy, José Luis Rodriguez Zapatero, avait choisi, coûte que coûte, de continuer à maintenir le secteur sous perfusion. Originaire de Leon, Zapatero n'avait pas plié, face aux pressions des écologistes, comme de Bruxelles, qui veulent en finir avec ce qu'ils considèrent comme un anachronisme. Après de longues négociations, le socialiste avait ainsi obtenu, en 2010, la prolongation de ces aides d'abord jusqu'en 2014, puis jusqu'en 2018. Revers de la médaille : ces subventions, qui doivent aussi préparer à la reconversion de ces sites, sont censées baisser en volume d'année en année. A son arrivée, Rajoy a décidé d'accélérer violemment le calendrier.

     

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