• Une excellente analyse =

    Municipales, la grève des électeurs, la défaite de Macron

     

    La tendance à l’abstention se confirme. C’est une tendance lourde qu’on a repérée bien avant la crise du CIOVD-19. Elle enlève forcément sa légitimité aux élections, quelles qu’elles soient. Les écologistes de EELV fanfaronnent parce qu’ils ont remporté des villes importantes. Mais chaque fois vu le taux d’abstention, on se demande bien comment ils vont faire pour faire accepter leurs mesures. A Bordeaux par exemple seuls 38% des électeurs se sont déplacés et la liste EELV adossée à une union de la gauche fait 46% des suffrages exprimés, soit un peu plus de 17% des électeurs inscrits. Cette ville est emblématique, Florian le successeur de l’ignoble Juppé n’arrive pas à l’emporter malgré une alliance de dernière minute avec la droite macronienne, et malgré les efforts du sinistre Poutou pour torpiller l’union de la gauche. Ce résultat que les médias dominants nous présentent comme une déferlante verte n’est que le résultat d’une vague tambouille peu ragoûtante. Macron s’est dit inquiet de cette désaffection. Il oublie qu’il a été élu lui-même grâce à un Front républicain avec 51% d’abstention et 66% des suffrages exprimés, ce qui veut dire qu’il a réuni sur son nom pour faire barrage au fascisme à peine un tiers des électeurs. Or, depuis son élection il a les pires ennuis, parce que les Français contestent sa politique en permanence dans la rue. On peut dire que la source des désordres en France provient de l’illégitimité de l’élection de Macron et de ses Playmobils qui votent n’importe quelle loi sans réfléchir, simplement parce qu’on le leur demande. C’est un problème dans les régimes post démocratiques qui ont choisi de se conformer à la doxa libérale dominante. C’est problème créé par les gens comme Macron qui mènent des politiques en faveur de leurs sponsors et non dans l’intérêt général. Ce sont des gens comme ça qui à travers des fausses alternances ont dégouté les électeurs qui ne voient pas comment un bulletin de vote puisse changer quoi que ce soit. 

     

    Michèle Rubirola annonce sa victoire à Marseille 

    Prenons le cas marseillais, où l’abstention a été de plus de 60%, Rubirola arrive largement en tête devant Vassal, mais le fait que Ravier, le candidat du Rassemblement National ait été battu dans son secteur permet de penser que la mairie pourrait lui échapper. Jean-Claude Gaudin a déjà annoncé qu’il allait s’y employer et il pourrait bien y arriver. Le vieux maire de Marseille, détesté des Marseillais eux-mêmes est un spécialiste de la tambouille électorale. On se souvient qu’il s’était lui-même allié à l’extrême-droite et à Jean-Marie Le Pen pour conserver en 1986 son siège de président de la région PACA. Il se pourrait que ça marche encore cette fois ci car une partie du Rassemblement National vise une alliance avec les Républicains pour les élections de 2022, et Ravier qui vient de se faire débarquer de la mairie du secteur risque d’avoir besoin qu’on passe l’éponge sur ses turpitudes. Vous me direz que tout cela est de la tambouille électorale ordinaire, et qu’il n’est pas certain que Gaudin arrive à faire passer Vassa, bien que celle-ci, via le Conseil général possède des moyens de pressions sur les élus. On voit ainsi la fragilité de ce type de résultat : même avec 10 points d’avance sur Vassal, Rubirola risque d’être privée de sa victoire[1]. Est-ce que ça changera quelque chose ? Probablement. Marseille est aujourd’hui une ville sinistrée, à moitié détruite par la gestion affairiste autant que calamiteuse de Gaudin et de ses affidés. L’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne en novembre 2018 n’est qu’un des exemples de cette gabegie. Le délabrement général des écoles est un autre signe de cette décomposition avancée. La ville est tellement endettée, la ville est tellement appauvrie, qu’on se demande comment le futur maire va faire même s‘il coupe les crédits de tous les parasites qui tripatouillent dans le BTP et l’aménagement urbain. Evidemment Marseille n’est pas la seule ville très endettée, il y a aussi le Havre, ce qui n’a pourtant pas empêcher le méchant barbu de se faire réélire ! La dette est l’arme fatale pour bloquer toute évolution possible, tant au niveau national qu’à l’échelon local. 

     

    Une des raisons qui dissuadent le peuple d’aller voter c’est que les idées dites de gauche sont complètement moribondes. Ici et là on ressuscite l’union de la gauche matinée d’écologistes EELV qui temps à autre pratique le en même temps macronien et viennent au secours de la droite ordinaire. Certes il est peu probable que EELV s’allie directement à Macron avant 2022, car cela les empêcherait de jouer leur carte pour les présidentielles. Mais après, on verra. Dimanche soir tous les partis avançaient qu’ils avaient gagné quelque chose. Mais il y a de vrais perdants. D’abord LREM qui espérait gagner Strasbourg, Paris, Aix-en-Provence et qui se retrouver à poil. L’ignoble Edouard Philippe est bien réélu au Havre, mais sans l’étiquette LREM, comme Darmanin d’ailleurs. Macron est donc le plus grand perdant. Les Républicains et les socialistes sauvent les meubles, notamment à Lille où les EELV avaient vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Il fallait voir avec quelle gourmandise les chaînes d’information en continu se délectaient d’avance de cette défaite. N’allez pas croire que je sois devenu aubryiste ! Mais je n’ai guère de sympathie pour les EELV, notamment parce que je considère qu’ils ne sont pas écologistes, étant d’abord européistes.  La déconfiture de LREM à Lyon est la preuve de l’incapacité politique de Macron à arrondir les angles. Cette ville n’aurait jamais dû être perdue, et pourtant… on note également la défaite de Florian à Bordeaux. Le successeur de Juppé a sans doute écouté son mentor. Mais en s’alliant avec LREM il s’est suicidé littéralement. LREM apparait ainsi comme un porte-poisse dont il faut éviter le contact à tout prix. Cela va avoir des conséquences à long terme. En effet les Républicains hésitent à l’heure actuelles sur leurs futures alliances. Ils ont le choix de se rapprocher du Rassemblement National. Mais ce parti étant plus puissant que le leur, ils risquent de disparaitre. Ou alors ils peuvent se tourner vers Macron, mais dans ce cas ils n’ont plus aucune chance d’obtenir la présidence de la République. La déroute de LREM va certainement redonner du cœur à la première tendance. Après tout, Chirac aussi avait passé des accords avec le FN, sauf qu’à l’époque le RPR était plus puissant que le parti de Jean-Marie Le Pen. Si LREM avait eu quelque succès, encore ils auraient pu vouloir imposer une alliance avec les vieux apparatchiks Républicains comme Larcher ou Jacob. Mais ce n’est pas le cas. Songez qu’à Aix-en-Provence, ville très bourgeoise, Maryse Joissains, condamnée de multiples fois dans des affaires louches, bat très facilement la candidate LREM, l’obscure Anne-Laurence Petel, comme si le simple fait de se réclamer de Macron était une marque d’infamie.  Indirectement, la déroute de LREM ne facilite pas les choix douloureux des Républicains. 

     

    L’autre vaincu des élections municipales c’est la France Insoumise de Mélenchon. A Paris la liste de Danielle Simonnet qui a joué sur le cosmopolitisme de la ville et a perdu dans les grandes largeurs. Il n’y a que dans les cas où la France Insoumise se raccroche à l’Union de la gauche qu’elle arrive à faire un score honorable. C’est un très mauvais signal pour 2022. Nous avons signalé ici et plusieurs fois que la voie du cosmopolitisme culturel, la défense de l’Islam et des sans papiers était un terrain de jeu réservé aux groupuscules trotskistes, voire aux organisations communautaristes, mais c’est une impasse pour des partis qui voudraient jouer un autre rôle que celui de la mouche du coche. L’échec de le France Insoumise aux municipales risque d’enkyster durablement le parti de Mélenchon et d’en accélérer l’éclatement programmé depuis que la tendance souverainiste représentée par Kuzmanovic s’en est éloigné. Il va être très difficile à Mélenchon de se présenter en 2022 comme le rassembleur de la gauche. 

     

    Il est de bon ton dans les rédactions ou dans les états-majors des partis politiques de se lamenter sur la grève des électeurs. Mais ni les médias, ni les partis ne prennent acte du fait qu’ils y sont pour quelque chose. Cette abstention massive qui s’accroit d’élection en élection, n’est pas spécifique aux municipales, c’est une tendance lourde. Elle est d’abord et principalement le fait des classes pauvres : plus l’abstention est forte et plus les classes pauvres sont sous-représentées. Ce qui assure mécaniquement la surreprésentation de la petite et moyenne bourgeoisie, très sensible à la propagande néo-libérale. Et c’est donc ce qui explique que les écologistes fassent un score apparemment confortable. Si je regarde les graphiques ci-dessous, je me rends compte que l’abstention progresse d’une manière sérieuse clairement à partir du deuxième mandat de François Mitterrand, c’est-à-dire quand ce dernier se coule dans le moule de la fausse alternance gauche-droite et adopte une politique économique et sociale sous la tutelle de l’Union européenne. L’abstention atteint des niveaux encore plus haut avec l’arrivée de Macron, plus de la moitié des Français refuse de participer à cette farce. D’une manière symétrique, plus l’abstention augmente, et plus les manifestations de rue deviennent importantes. Depuis l’élection de Macron, ça n’arrête pas. Autrement dit aujourd’hui nous avons deux moyens d’expression politique : le bulletin de vote réservé à la petite et moyenne bourgeoisie, et la rue qui exprime la colère des classes pauvres.  

     

    On peut regretter que les municipales n’intéressent pas plus les électeurs. En effet on a vu depuis plusieurs mois que les maires sont les premiers opposants aux diktats des préfets en matière d’environnement pour l’épandage des pesticides et des glyphosates, mais ils se sont opposés aussi sur la question de la réouverture des plages ou des écoles suite au déconfinement. Sans doute le fait que les maudits préfets se soient, sur ordre de Macron, opposés systématiquement aux maires en matière d’environnement explique aussi pourquoi on vote moins aux municipales, comme si le maire n’avait plus de pouvoir, mais ne représentait plus rien. Prenons le cas du Havre, ville maudite s’il en est, le candidat à la barbe mitée est élu avec 58% des voix. Les médias et lui-même présentent cela comme un triomphe et le voient tout de suite comme un présidentiable possible. Mais l’abstention est de 58%, ce qui veut dire qu’il n’a été élu qu’avec un peu moins du quart des électeurs. Les élections loin de rassembler, maintenant divisent. On pourrait penser que nous sommes pour cette raison dans une période pré-révolutionnaire ouverte par les Gilets jaunes qui ont été les premiers à dénoncer des institutions qui ne fonctionnent plus malgré leur solidité apparente. Si les électeurs se détournent des élections, c’est à la fois parce que l’offre du moment ne les séduit pas, mais aussi parce qu’ils se méfient des politiciens de profession. Il semble que nous soyons au bout d’un long processus de décomposition, et pas seulement en France, il est temps que les électeurs se prennent en charge par eux-mêmes. C’était là une dimension majeure de la lutte des Gilets jaunes, mais aussi de manière plus lointaine de Mai 68 et en règle générale de toutes les périodes éruptives qui ont marqué l’histoire du mouvement ouvrier. La morosité de l’époque ne rend pas compte de ce phénomène qui fait que derrière ce mouvement de méfiance, il y a l’idée latente d’une forme de renouveau de la vie politique. Macron tente de contourner ce problème à son profit. Emmanuel Macron s’est engagé à mener deux référendums sur l’environnement.

    Un premier référendum devrait avoir lieu "d’ici à 2021" et portera sur l’introduction des notions de "biodiversité, d’environnement, de lutte contre le réchauffement climatique" dans l’article 1er de la Constitution.

    Macron s’est aussi engagé à "laisser ouverte la possibilité de conduire dès 2021 un référendum sur la base de l’article 11 de la Constitution, sur un ou plusieurs textes de lois" reprenant les propositions de la convention citoyenne. S'il n'a pas dit quelles mesures pourraient être soumises au vote des Français, un projet de loi spécifique intégrant plusieurs dispositions sera présenté "à la fin de l’été". Pour l’instant les contours de tels référendums sont bien trop flous pour qu’on soit capable de dire si cela constituera une avancée ou non. Il semble pour le moment qu’il cherche plutôt à vide le contenu de la Convention citoyenne sur le climat de son contenu pour éviter de modifier les règles qui pèseraient sur l’appareil productif. Il a donc tout naturellement réfuté le terme d’écocide, refusant de toucher à la Constitution au nom des libertés publiques.

      

    « Vous proposez de réécrire le préambule de la Constitution en plaçant l'environnement au-dessus de nos valeurs, de nos autres valeurs fondamentales. Or, tel que proposé, la rédaction, le préambule menace de placer la protection de l'environnement au-dessus des libertés publiques, au-dessus même de nos règles démocratiques, et c'est pourquoi je ne souhaite pas reprendre cette proposition, parce que je considère qu'elle serait contraire à notre texte constitutionnel, à l'esprit de nos valeurs.  (…) Il est essentiel de le mettre au bon niveau, mais de ne pas mettre un droit de la nature au-dessus des droits humains, parce que je crois que ce n'est pas cohérent avec le projet et la philosophie des Lumières qui porte notre République » a-t-il dit au lendemain de la débâcle électorale de son parti.  C’est évidemment un casse-tête pour lui que de faire semblant de tenir compte de l’expression des citoyens, tout en vidant leurs propositions de leur contenu à l’aide d’un référendum ou de plusieurs. Le degré de méfiance est tel aujourd’hui que toute proposition de référendum qui n’émane pas directement de la volonté populaire sera considérée comme suspecte. Mais entre-temps, il va y avoir du changement au gouvernement, et on ne sait pas si Edouard Philippe voudra mener des référendums vaseux sur l’écologie de peur de se griller auprès de la droite qu’il prétendra rassembler en 2022.