LE NATIONALISME A PARFOIS .... DU BON !

Face à la multiplication sur les routes européennes des poids lourds immatriculés dans les anciens pays de l'est, les transporteurs belges parviennent à garder la tête au-dessus de l'eau. La concurrence des nouveaux membres de l'UE aux modestes salaires et aux conditions de travail difficiles a, certes, porté un rude coup aux camionneur du royaume.
Le parc de poids lourds roulant avec une plaque belge est ainsi passée de 71.451 à 55.489 véhicules ces dix dernières années, mais le nombre d'entreprises dans le transport routier a beaucoup moins reculé pour atteindre 8.733 sociétés en 2010 contre 9.427 sept ans plus tôt. Ce secteur emploie ainsi encore plus de 88.000 salariés contre 93.300 en 2008.
Pour tenter d'enrayer cette chute, la fédération royale belge des Transporteurs et des Prestataires de services logistiques (Febetra) a demandé en décembre à la Commission européenne de "sanctionner plus sévèrement et plus rapidement les Etats membres qui négligent de transposer correctement la réglementation européenne dans leur législation nationale". Cette association patronale souhaite aussi "que l'on renforce les différents services d'inspection et que l'on améliore leur coordination (en développant) des banques de données européennes". Mais pour dire la vérité, les routiers belges sont bien mieux lotis que la plupart de leurs rivaux d'Europe occidentale.
"La Belgique est bien plus nationaliste et protectionniste que la  France, remarque Xavier Cheutin, le président de la société de banlieue parisienne Cheutin Transport Logistique (CTL).Les clients belges sont ainsi prêts à payer un peu plus cher pour travailler avec un transporteur basé dans leur pays, ce qui n'est pas le cas dans l'Hexagone."    
Les logisticiens en Europe de l'ouest ne peuvent en effet pas concurrencer leurs rivaux polonais ou tchèques en matière de prix. "Les salaires de leurs routiers sont parfois trois fois inférieurs aux nôtres et ils peuvent rouler presque sans s'arrêter pendant trois semaines alors que nos chauffeurs n'ont pas le droit de rouler plus de 208 heures par mois", regrette Cheutin. La législation est pourtant supposée être la même dans toute l'UE. "Mais quand ils se font prendre par la police, nos rivaux de l'est se contentent de payer une amende alors que nous risquons de perdre notre licence d'exploitation lorsque nous sommes pris la main dans le sac",  ajoute le patron de CTL. Ces dés un rien pipés ont permis aux transporteurs d'Europe de l'est d'écraser la concurrence ces dernières années.

Si les camionneurs allemands assuraient encore 17,6% du transport routier de marchandises en 2010, ils sont désormais talonnés par les poids lourds polonais (11,8%).   
Dans les échanges entre pays tiers, les cinq premières places du classement établi par Eurostat sont, quant à elles, toutes occupées par des pavillons de nouveaux états membres de l'UE (Pologne, République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Lituanie).

L'Allemagne, longtemps leader, figure aujourd'hui à une bien modeste 7ème place loin devant la Belgique et la... France (22ème). "A l'international, le pavillon français a disparu puisqu'il a perdu 67% de ses parts de marché en quelques années",  se lamente Nicolas Paulissen, le porte-parole de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR). "Vous ne voyez plus un camion français sur les routes qui vont vers Rotterdam ou Anvers".
Pour survivre face à la concurrence des pays de l'Est, les grands transporteurs d'Europe occidentale ont tous ouvert des filiales en Pologne (Norbert Dentressangle...) ou en Roumanie pour profiter des conditions de travail "clémentes" offertes par la législation locale.

La "guerre" actuelle n'a néemoins pas fini de faire des victimes. "Les prochaines années seront cruciales. Si l'harmonisation européenne dans le domaine du transport routier n'est pas mieux ficelée, de très nombreux transporteurs ne survivront pas", prévient Paulissen.
                                                                   Frédéric Therin à Munich pour
                                                                         http://www.lecho.be