• Dimanche 1 décembre 2013 7 01 /12 /Déc /2013 09:37 - Communauté : les anti-capitalistes

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    «Depuis des années j’anime des interventions sur l’évolution politique du département. A la longue j’ai eu l’idée de tout condenser dans un ouvrage». Roger Eymard, l’un des fondateurs de Peuple et Culture en Corrèze, connaît bien le territoire et ses élus puisqu’il a été  inspecteur et directeur départemental de la Jeunesse et des Sports pendant trente ans. Il vient de publier avec Peuple et Culture «Terres rouges, luttes populaires en Corrèze au XXe siècle, 1900-2000». Une somme qui sort de l’oubli un siècle de combats politiques et sociaux. Car rien n’a été écrit auparavant sur la plus grande grève des cheminots en mai 1920, ni sur les émeutes paysannes de Vazeilles et de Bourdarias, ni sur les manifs de mai 1968. Qui se souvient des manifestations unitaires de février 1934 qui rassemblèrent à Tulle 8.000 puis 12.000 personnes ? Elles se déroulèrent en réaction aux émeutes du 6 février à Paris menées par l’extrême droite.
     

     

     

     

    «La rédaction de ce livre est partie d’une observation», explique l’auteur. «Avant la première guerre mondiale, du côté d’Egletons, de Meymac, Bugeat, Sornac et un peu La-Roche-Canillac, la SFIO recueillait 25% à 45% des voix».
    «Comment se fait-il qu’une population de paysans propriétaires à plus de 50% et réputés individualistes, vote pour un parti adepte de la collectivisation des moyens de production? Dans un département dominé par les radicaux, comment peut-on expliquer qu’il existe une zone où le courant socialiste soit aussi fort? Pourquoi des terres soi-disant reculées et arriérées plébiscitent-elles des idées neuves venues d’ailleurs?», s’interroge-t-il.
     

     

     

     

    La réponse se trouve dans les migrations vers les grandes villes. Paris principalement, Lyon aussi. Pour gagner un peu d’argent, les gens du plateau s’exilent à la capitale pendant la morte saison. Ils y vont à pied, puis en train pour travailler comme porteurs d’eau, cochers de fiacre, ouvriers du bâtiment. «Il ne faut pas oublier les toucheurs de bœufs qui depuis la nuit des temps accompagnaient leur bétail à Paris en suivant une route vers Aubusson». Ils traversaient la Creuse, pays de maçons et de Pierre Leroux. Ce dernier a connu Blanqui, Proudhon, Fourrier, Cabet, Hugo, Ledru-Rollin. «Typographe, autodidacte éclairé et curieux, il s’installe en Creuse dans les années 1840 et fonde une communauté de travail et de vie proche de George Sand», indique Roger Eymard.
     

     

     

     

    En 1832, il écrit un premier traité sur le socialisme. Neuf ans plus tard dans une autre publication, il évoque, bien avant Karl Marx, les bourgeois, les prolétaires, les classes et prône l’éducation comme remède aux problèmes sociaux.
     

     

     

    «Les Corréziens côtoient les Creusois sur la route et à Paris. Pendant la Commune, ils sont 3.000 à œuvrer dans le Bâtiment. Entre 700 et 800 d’entre eux seront interpellés, déportés ou tués (contre 3.000 creusois)». Lorsque les migrants retournent sur leurs terres, ils ramènent dans leurs valises des idées neuves. «A la veillée, ils racontent les barricades, les massacres, le mur des Fédérés, Thiers, «le fusilleur de la Commune». Pendant des décennies, les gamins du Plateau en entendront parler». L’arrivée du train dans les années 1880 va faciliter les trajets vers le Nord. «On recensait 300 cheminots à Eygurande-Merlines, 600 à Ussel. De Bugeat, on montait plus facilement à Paris pour travailler dans le Bâtiment, le métro, les postes».
     

     

     

     

    Les idées rouges ont fait leur chemin. En 1935, les listes d’union de la gauche remportent de nombreuses municipalités aux élections. Le Parti Communiste compte alors 115 cellules et 2.650 adhérents. Du côté de Saint-Salvadour, Antoine Bourdarias, paysan, marchand de peaux de lapins et chiffonnier, bat le notable tulliste, Félix Vidalin, aux élections cantonales. «Tout le département célèbre «lo pilhiaire qui o battu lo Mossur»», s’amuse Roger Eymard.
     

     

     

    La carte politique est remodelée par Pétain quelques années plus tard. On destitue les maires et conseillers municipaux du Front Populaire pour les remplacer par des «délégations spéciales» dévouées à Vichy. «Sur les Terres rouges, les Juifs seront assignés à résidence. Ils viennent de Paris et du midi. Arrestations et rafles se dérouleront en 43 et 44 sur Egletons, Bugeat et Meymac.
     

     

     

     

    Après la guerre, la vie politique s’articule majoritairement autour du Parti Communiste. Il compte désormais 423 cellules et 11.231 adhérents.
     

     

     

    Aujourd’hui, la Corrèze a changé. Les musées ont remplacé les grosses usines, les paysans ne sont plus que 2.000 contre 70.000 en 1900. «Il y a autant, sinon plus de maisons de retraite que d’écoles. Le département est passé d’un horizon politique généreux centré sur les luttes contre l’exploitation et la domination avec des partis et syndicats puissants au recours aux hommes providentiels pour les sous et les plaçous». Pas de gouvernement sans corréziens sous la Ve République. «Mais un record en cache un autre, celui de la fuite des cerveaux. Quand dix jeunes ont le bac, dix ans plus tard, un seul travaille en Corrèze».

    Karène Bellina

    source: L'ECHO

     

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  • le blog de corinne morel darleux

     

    Pacte d'avenir Bretagne, insuffisant et dangereux

    Posted: 30 Nov 2013 01:56 AM PST

    Déclaration du Parti de Gauche


    Le gouvernement de François Hollande propose un "pacte d'avenir" pour la Bretagne qu'il annonce discuté avec les acteurs économiques, sociaux et politiques. On nous explique que ce pacte serait une réponse à la crise de l'agro-alimentaire qui secoue la Bretagne. Mais ce pacte est jugé insuffisant tant par les syndicats que par les associations de défense de l'environnement.

    Pour le Parti de Gauche, non seulement il est insuffisant, mais ce pacte est dangereux. En visant à remettre en cause la réglementation nationale en matière sociale et écologique, ce « pacte » est un cheval de Troie libéral et productiviste. En ne tenant aucun compte des enjeux écologiques, sociaux et économiques, il propose les vieilles recettes qui ont conduit à la crise que la Bretagne connaît actuellement.

    Ce pacte ne répond pas aux situations d'urgence des salariés. Il n'assure pas le maintien transitoire de l'activité des entreprises. Il ne permet pas, non plus, une réelle reconversion professionnelle des salariés, la durée d'un an des CSP est tout juste bonne à défaire les collectifs de lutte des travailleurs et mettre leur détresse à distance des médias. Enfin, rien sur les possibilités de reprise des entreprises par les salariés sous forme coopérative ou sur des aides publiques d'Etat via une banque publique à direction des PME et artisans.

    Nous dénonçons aussi l'impasse dans laquelle nous mène ce pacte. En choisissant de maintenir le modèle agro-alimentaire intensif, à faible valeur ajoutée, visant  la « compétitivité » à tout prix et créant une concurrence insupportable de produits à bas prix pour les paysans du Sud sur leurs propres marchés nationaux, il aggravera encore la dégradation de l'environnement et des conditions de travail. Il promet de nouvelles crises encore plus graves que celle que nous traversons.

    En réalité, ce sont les "bonnets rouges" et leurs leaders patronaux et libéraux qui, après avoir imposé leurs mots d’ordre, essayent d’imposer leurs solutions mortifères.

    Pour répondre à l’urgence sociale, nous demandons un moratoire sur tous les plans de licenciements avec le maintien transitoire des activités économiques des entreprises en difficulté. Nous proposons un droit de véto aux salariés, la mise sous tutelle et la recapitalisation éventuelle par l'État, la facilitation des reprises par les salariés sous forme coopérative, et un réel plan de reconversion professionnelle pour les salariés.

    Pour créer des emplois ici et là-bas, la Bretagne a la possibilité de relocaliser et réorienter son agriculture sur un modèle respectueux des personnes et de leur environnement. Pour cela il est nécessaire de soutenir, structurer et développer :

    • les coopératives paysannes, ouvrières et de consommateurs,
    • l'agriculture biologique,
    • la relocalisation des productions fourragères, et notamment de la production de protéines végétales (en alternative au soja OGM)
    • les circuits courts de qualité permettant une juste rémunération du travail paysan et des salariés, notamment par les commandes prioritaires de la restauration collective,
    • la production d'énergies à partir de sous-produits ou de déchets, méthane, bois...,
    • des mesures d’inversion de la concentration de la production (abaissement du seuil des élevages porcins, superficie maximale d’exploitation, taille maximale des élevages) permettant l'accès aux terres pour les nouveaux agriculteurs,
    • les abattoirs locaux et entreprises de transformation secondaire (charcuterie, produits laitiers, boissons…).

    Il est également indispensable que le gouvernement et le Ministre de l'agriculture agissent beaucoup plus fortement en faveur de la réorientation des aides de la politique agricole commune (PAC) au niveau européen afin que celles-ci aillent en priorité à ceux qui en ont le plus besoin.

    Avec 5% d'agriculteurs et un tiers de salariés de l'industrie travaillant dans l'agro-alimentaire, la seule reconversion écologique de l'agriculture ne sera cependant pas suffisante pour permette le travail pour tous. La Bretagne doit aussi prendre pleinement conscience de la richesse de son territoire maritime. Encore une fois sur ce point le pacte est insuffisant et incohérent en ne proposant que des mesurettes de circonstance. La France est le deuxième territoire maritime du monde, la Bretagne représente un tiers du littoral français ! De plus la région dispose de hauts niveaux de savoir-faire et connaissances en la matière. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités et défendre l’intérêt général, sans se réfugier derrière le secteur privé ou les partenariats public-privé. Il doit élaborer un plan mettant en dynamique l'ensemble des enjeux de la mer, en coordination et cohérence sur l'ensemble du territoire, DOM TOM inclus.  Nous avons la possibilité d'être leader mondial sur les filières maritimes et de défense de l'écosystème marin, et de créer ainsi de nombreux emplois. Pour cela il est nécessaire de :

    • développer les formations qualifiantes,
    • intensifier la recherche publique,
    • valoriser la richesse de l'écosystème notamment par l'exploitation des algues en matière énergétique, alimentaire, pharmaceutique…
    • défendre et préserver le littoral, et développer l'écotourisme sur nos côtes,
    • développer des bases portuaires de différentes tailles pour permettre notamment le cabotage à la voile,
    • développer la multimodalité du transport de marchandises par l'aménagement portuaire,
    • établir un plan massif d'investissement en recherche et construction pour les énergies marines renouvelables,
    • valoriser la construction / déconstruction et la réparation navale civile,
    • réorganiser la filière pêche au profit des petites exploitations respectueuses de l'environnement, dans un milieu protégé par la rotation des zones de pêche.

    Enfin il est important de souligner que la filière agricole sera très lourdement affectée par les accords de libre échange, comme celui entre l'Union européenne et le Canada ou le grand marché transatlantique en cours de négociation avec les États-Unis dont nous demandons l'abandon.

    En conséquence, nous demandons la mise en place immédiate de réelles mesures d'urgence sociale et à refuser de signer ce « pacte ». Le report de celui-ci doit permettre au gouvernement Ayrault de prendre ses responsabilités et de mettre autour de la table les syndicats, les associations de défense de l'environnement, les représentants du monde rural et paysan, la chambre régionale de l'économie sociale et solidaire, les représentants de la ruralité et les acteurs économiques et politiques pour construire un véritable pacte écosocialiste pour la Bretagne.

    Si il ne sait pas le faire, nous on peut !

    Mathieu Agostini, Julien Delbende, Laurent Levard, Corinne Morel Darleux