• Accord Chine-Inde-Plus-Un : vers une convergence d’OBOR et d’AAGC en Afrique ?


    Pékin propose le format « Chine-Inde-Plus-Un » pour les coopérations avec New Delhi en Afrique.


    Par Andrew Korybko – Le 7 août 2018 – Source orientalreview.org

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    Geng Shuag, ministre chinois des Affaires étrangères, a dévoilé la semaine dernière ce cadre de travail, en annonçant : « Nous espérons que la C/2018/08/07/china-india-plus-one-could-see-obor-and-the-aagc-converge-in-africa/chine et l’Inde vont activement développer une coopération Chine-Inde plus un, ou Chine-Inde-X, conformément au consensus atteint par les deux pays. Nous en tirerons des bénéfices mutuels, et une coopération gagnant-gagnant entre la Chine, l’Inde et d’autres pays », clairement en écho aux visites officielles chinoises et indiennes récentes et conjointes sur le continent africain, en préparation du 10e sommet des BRICS à Johannesburg. 

    Longtemps considérées comme rivales, en particulier au travers de la dualité route de la soie [« One Belt One Road » – OBOR, NdT] – couloir de développement Asie-Afrique [« Asia-Africa Growth Corridor », AAGC, NdT], les deux grandes puissances ont à présent la possibilité de coopérer l’une avec l’autre en Afrique de manière constructive, afin de profiter de leurs complémentarités développementales dans la construction d’un siècle africain.

    La Chine comme l’Inde ont besoin de ressources, de force de travail et des marchés africains pour soutenir leur propre croissance, et il faudra à leurs partenaires en Afrique des milliards de dollars d’investissements pour répondre à ces besoins, d’où une symbiose stratégique en croissance entre les pays africains et asiatiques du « grand sud ». Ainsi, l’approche chinoise a été de soutenir des couloirs de connectivités impressionnants dans la corne de l’Afrique et en Afrique de l’est, constituant les passerelles la reliant au cœur de l’Afrique, riche en matières premières ; et la république populaire a également diversifié son approche stratégique plus récemment, l’étendant des domaines d’infrastructure et économiques vers une coopération militaire. En parallèle de ces initiatives, l’Inde et le Japon essaient de prendre pied dans les projets dits « d’infrastructure douce » tels que l’éducation, la formation professionnelle, la santé et les services administratifs, pour répondre aux besoins créés par le centrage chinois sur les projets d’infrastructure dure.

    Si la Chine et l’Inde joignent leurs efforts et coordonnent leurs politiques de développements vers quelque pays africain, ou même vers des zones entières du continent, elles suppriment à la racine tout gaspillage ou redondance entre leurs politiques et améliorent leur efficacité dès le départ. En théorie, ceci peut engendrer des retombées positives pour toutes les parties, l’État africain ciblé pouvant connaître une croissance digne de celle d’un pays asiatique, tandis que les deux grandes puissances asiatiques pourraient s’intégrer dans un niveau d’interdépendance complexe avec ce pays, les rendant parties prenantes du succès du pays, et diminuant les chances qu’une « compétition amicale » entre elles ne crée la voie à des conséquences déstabilisantes. Dans l’idéal, cette stratégie Chine-Inde-Plus-Un [« China-India-Plus-One », CIPO, NdT] se verrait maintenue de manière encore plus forte si la Russie, partenaire commun des deux pays, se voyait également invitée à prendre part l’initiative, et œuvrait à maintenir l’« équilibre » stratégique entre toutes les parties.

    Cet article constitue une retranscription partielle de l’émission radio context countdown, diffusée sur sputnik news le vendredi 3 août 2018.

    Andrew Korybko est le commentateur politique américain qui travaille actuellement pour l’agence Sputnik. Il est en troisième cycle de l’Université MGIMO et auteur de la monographie Guerres hybrides : l’approche adaptative indirecte pour un changement de régime (2015). Le livre est disponible en PDF gratuitement et à télécharger ici.

    Traduit par Vincent, relu par Cat pour le Saker francophone


  • Les conséquences néfastes de l’invasion de l’Afghanistan, de la Libye et de la Syrie sur l’Inde


    Par Ekaterina Blinova – Le 5 août 2018 – Source Sputnik

    Le terrorisme et les guerres civiles qui engloutissent l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord affectent sérieusement les intérêts stratégiques de l’Inde dans ces régions, selon Amrita Dhillon et Amit Sinha, deux observateurs des affaires internationales, qui ont expliqué à Sputnik comment les luttes armées en Syrie, en Libye et en Afghanistan ont nui à l’Inde et pourquoi New Delhi soutient Damas. 

    Les récents pourparlers entre les diplomates américains et les talibans « vont complètement à l’encontre de la politique de Washington de ne pas négocier avec les terroristes », a déclaré Amit Sinha, expert du Moyen-Orient et ancien consultant de l’Agence des Nations Unies pour les migrations.

    « Parler aux représentants des talibans sera une erreur désastreuse de plus en ce qui concerne leur politique sur l’Afghanistan », a dit Sinha à Sputnik. « L’Inde soutient le gouvernement légitime de Kaboul et s’inquiète de l’ingérence d’Islamabad dans les politiques internes de Kaboul. Les talibans sont le seul allié du Pakistan parmi les acteurs politiques afghans. »

    Le 25 juillet, le Wall Street Journal a annoncé qu’Alice Wells, sous-secrétaire adjointe pour l’Asie du Sud et centrale au département d’État américain, avait rencontré les représentants des talibans afghans au Qatar.

    Les talibans afghans n’ont toujours pas été inclus dans la liste des organisations terroristes étrangères établie par Washington, bien que le département d’État américain ait catalogué son rejeton, Tehrik-e Taliban Pakistan (TTP), organisation terroriste en 2010. Quelques années plus tôt, en 2002, un décret exécutif avait qualifié les talibans d’ « entité terroriste mondiale spécialement désignée ».

    Selon l’expert indien, le Pakistan continue d’offrir un refuge aux Talibans et à leur branche Haqqani au Pakistan :

    « Islamabad a fourni du renseignement et de l’aide militaire aux deux groupes, ce qui a causé la mort de soldats américains et afghans et, surtout, de civils, et déstabilisé l’Afghanistan tout entier », a souligné l’ancien consultant de l’ONU. « Les États-Unis doivent s’opposer à Islamabad s’ils veulent éradiquer les groupes terroristes parrainés par le Pakistan et mettre fin à la guerre qui sévit depuis longtemps dans la région. »

    New Delhi n’apprécie pas les manœuvres diplomatiques de Washington en Afghanistan et pour cause : Au cours des 17 dernières années, les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN ont créé une « ceinture d’instabilité » qui s’étend de l’Asie centrale – toute proche de l’Inde – au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord, une région connue sous l’acronyme de MENA.

    Selon Sinha, New Delhi attache une grande importance à la région MENA, mais la déstabilisation du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord a également touché l’Inde :

    « Tout d’abord, pour New Delhi l’intérêt national, c’est l’intérêt de ses citoyens », a expliqué l’expert. « L’immense diaspora indienne fait du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord un État supplémentaire de l’Inde… Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont des régions où les diasporas indiennes étaient florissantes. Les Indiens d’outre-mer faisaient du commerce, mais les troubles en Libye et en Syrie ont fait disparaître de nombreux jobs ».

    Il a souligné que Tripoli et New Delhi entretiennent depuis longtemps des liens politiques et économiques :

    « Si nous regardons les chiffres, même pendant la récession mondiale, deux économies (l’Inde et la Libye) ont vu leurs échanges commerciaux quintupler, passant de 221 millions de dollars en 2006-07 à 1,1 milliard de dollars en 2010-11, mais cette crise les a ramenés à 130 millions de dollars pour l’exercice 2015-16 ».

    Selon l’expert indien les sanctions américaines imposées aux gouvernements « indésirables » frappent généralement les citoyens ordinaires et les expatriés.

    « Deuxièmement », a-t-il ajouté, « les aspirations de l’Inde en matière de sécurité nationale augmentent lorsqu’il s’agit de ce qu’elle considère comme son voisinage étendu, l’océan Indien y compris. Le Moyen-Orient est stratégiquement lié à l’Asie du Sud et à l’Inde en particulier. »

    Il y a une autre raison pour New Delhi de garder un œil sur les affaires du Moyen-Orient : la sécurité énergétique.

    « L’énergie est l’une des questions clés pour l’Inde au Moyen-Orient. Si l’on prend l’exemple du pétrole, les importations nettes de pétrole de New Delhi sont passées de 42 % en 1990 à environ 71 % en 2012. Cela incite New Delhi à accroître son influence et à éviter que la Chine n’ait un effet de levier sur sa sécurité énergétique dans la région », a souligné l’ancien consultant de l’ONU. « De l’approche proactive du gouvernement actuel, la politique indienne ‘Link West’ (avoir des liens avec l’ouest) est devenue ‘Think West’ (s’impliquer à l’ouest) ».

    Dans le même temps, l’Inde continue de mener une politique étrangère souveraine, indépendante de la stratégie des puissances occidentales à l’étranger : « Malgré les sanctions américaines, l’Inde a choisi de ne pas s’incliner ; elle a montré l’exemple en poursuivant courageusement ses affaires avec la Syrie », a fait remarquer M. Sinha.

    L’Inde est prête à aider Damas à reconstruire la Syrie

    Amrita Dhillon, analyste en politique étrangère et fondatrice-rédactrice du magazine en ligne indien The Kootneeti, confirme ce que dit Sinha : « L’Inde et la Syrie sont étroitement liées et aucune force extérieure ne pourrait affaiblir la détermination de l’Inde à mener sa propre politique au Moyen-Orient ou ailleurs ».

    « L’Inde est contre toute forme d’intervention étrangère en Syrie. Elle soutient pleinement la volonté syrienne de reconstruire le pays et se tient aux côtés de la communauté syrienne », a-t-elle dit à Sputnik. « Récemment, le Premier ministre indien Modi a annoncé 1 000 bourses d’études pour les ressortissants syriens. L’Inde va envoyer une délégation gouvernementale et commerciale de haut niveau à la 60e foire commerciale de Damas qui va bientôt ouvrir ses portes. L’Inde est impatiente de reconstruire la Syrie. »

    Dhillon a rappelé que le 1er août, dans une allocution aux médias indiens, S.E. Riad Kamel Abbas, ambassadeur de Syrie en Inde, avait « loué l’enthousiasme de l’Inde pour reconstruire la Syrie ».

    « Il y a une longue liste d’entreprises indiennes publiques et privées qui aideront à reconstruire la Syrie, dont BHEL, ONGC Videsh », a souligné l’analyste.

    Les troubles en Syrie, qui s’inscrivent dans le vaste mouvement des printemps arabes, ont débuté en 2011 et se sont transformés en une guerre civile impliquant des acteurs régionaux et étrangers ainsi que divers acteurs non étatiques et des organisations terroristes. Les États-Unis se sont mêlés du conflit syrien en 2014, sans accord officiel du gouvernement légitime de la Syrie ni de l’ONU. En septembre 2015, la Russie est intervenue à la demande de Damas et a changé la donne de ce long conflit.

    Plus tôt, en 2011, la Libye est tombée dans le chaos, suite à l’invasion de l’OTAN. Le pays est maintenant un État failli, avec deux gouvernements rivaux et des terroristes opérant sur le terrain.

    L’invasion de l’Afghanistan par les États-Unis en 2001 s’est transformée en la plus longue guerre de l’histoire américaine. Le gouvernement afghan s’efforce toujours de rétablir la paix et l’ordre dans un pays déchiré par divers groupes terroristes, dont les talibans, Al-Qaïda, Daesh (ISIS/ISIL) 1 et leurs affiliés.

    Amrita Dhillon est analyste en politique étrangère. Elle dirige la rédaction de The Kootneeti, une publication multilingue de New Delhi sur les relations internationales et la diplomatie qu’elle a créée.

    Traduction : Dominique Muselet

    Notes

     
    1. Daesh (ISIS/ISIL/IS/IS/EI), Al-Qaïda, Taliban – sont des organisations terroristes interdites en Russie ↩

  • 21 Août 2018

    Publié par El Diablo

    L’extrême gauche ALLEMANDE se déchire sur l’immigration

    Une figure de proue de la gauche radicale lance un mouvement pour durcir la politique migratoire.

     

    Rassembler la gauche pour contrer l’extrême droite? C’est le projet controversé de la star politique allemande Sahra Wagenknecht, qui compte réduire l’influence du parti Alternative für Deutschland (AfD), la première force d’opposition au Bundestag, en durcissant les positions de gauche sur l’asile.

     

    Inspirée du succès de Podemos en Espagne, de la France Insoumise de Jean-Luc Mélenchon ou de Syriza en Grèce, Aufstehen (Traduisez: «Debout!» ou «Réveil!») va tenter de mobiliser très à gauche, mais sur le thème de la politique migratoire qui bouleverse le paysage politique allemand depuis 2015. Âgée de 49 ans, née d’un père iranien et d’une mère allemande, la présidente du groupe parlementaire de la gauche radicale (Die Linke) veut «mettre la pression» sur les partis de gauche pour qu’ils engagent une «autre politique migratoire», dit-elle.

     

    (…)

     

    LA SUITE EN LIEN CI-DESSOUS:

    Un commentaire de Jih Wachill :

    Je lis par ci par là de fortes critiques sur Sarah Wagenknecht, le mouvement politique qu'elle est en train de créer en Allemagne et les position affichées (ou qu'on lui prête…) sur l'immigration.

     

    Deux précisions s'imposent :

     

    - Sarah Wagenknecht est elle-même fille d'immigré (son père est Iranien) : elle a tout de même une certaine sensibilité personnelle sur la question qui me semble la qualifier pour faire la part des choses et tenir une position critique à l'égard de la politique migratoire de Merckel sans être taxée de "xénophobie" voire de "racisme" ;

     

    - Sur le fond du sujet, il faut bien prendre en compte les mesures législatives qui accompagnent "l'accueil" des "migrants" en Allemagne, en particulier en matière de droit du travail où, par exemple, un "sous-contrat de travail" a été créé, réservé aux migrants, à des conditions spécialement avantageuses pour l'employeur, surtout en matière de rémunération.

     

    Le fait est que cette mesure à elle seule rend la principale critique de Sarah Wagenknecht tout à fait pertinente : oui, et de manière très concrète, en Allemagne "l'accueil des migrants" conduit ici à une mise en concurrence des travailleurs, à une exploitation exacerbée (en particulier des "migrants" eux-mêmes d'ailleurs, le patronat profitant de leur précarité de manière légalisée…), voire à une "préférence aux migrants" sur les emplois à faible qualification (et à bas salaire).

     

    Une situation qui ne peut que provoquer en réaction la rancœur de salariés allemands précarisés et qui ont légitimement l'impression d'être floués par cette "préférence aux migrants" instituée de fait sur ces emplois sous-qualifiés qui se ferment à eux par ricochet. Cette colère est en l'état actuel mal ciblée puisque rendant les "migrants" responsables d'une situation dont ils sont aussi à leur manière victimes. "Consentantes" certes en apparence, mais peut-on parler de "consentement" sous contrainte ?

     

    Toutefois, pour en arriver à poser ce type de raisonnement, il faut d'abord bien décrypter la situation sous un autre prisme que celui d'un "humanisme" abstrait "bisounours", un prisme marxiste (car Sarah Wagenknecht en est une…). A savoir que la politique migratoire de Merckel (et a fortiori les mesures législatives qui l'accompagnent) est faite au bénéfice du patronat allemand et nullement mue par des considération humanistes.

     

    Ce débat allemand doit d'ailleurs nous éclairer sur certains développements en France, par exemple pourquoi il n'est pas souhaitable de souscrire aux demandes du patronat du secteur de la restauration de pouvoir embaucher (légalement il s'entend…) des "demandeurs d'asile" (ou plus généralement des "migrants") prétextant d'une supposée "pénurie de main d'œuvre". Mesure qui ne serait qu'un premier pas pour aller plus loin dans le détricotage du droit du travail, comme ça a été fait en Allemagne...

     

    Avec la «bonne conscience de gauche sur la culture de l’accueil» et ces «responsables vivant loin des familles modestes qui se battent pour défendre leur part du gâteau»."

     

    Jih Wachill sur sa page Facebook le 20 août 2018

     


  • 21 Août 2018

    Publié par El Diablo

    Lilâ Le Bas, présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF)

    Lilâ Le Bas, présidente de l’Union nationale des étudiants de France (UNEF)

    Coût de la vie étudiante en hausse : le syndicat UNEF demande "des réponses d'urgence"

    La présidente de l'Unef, Lilâ Le Bas, réclame notamment l'augmentation des bourses et du nombre de boursiers.

     

    Le syndicat Union nationale des étudiants de France (Unef) publie, lundi 20 août, son enquête annuelle sur le coût de la vie étudiante (lien vers un document PDF). D'après cette enquête, les étudiants vont devoir dépenser 1,31% d'euros de plus cette année.

     

    Sur franceinfo, Lilâ Le Bas, présidente de l'Unef, explique cette hausse par "le gel des aides sociales, des bourses aux critères sociaux et de l'aide au logement" notamment.

     

    Franceinfo : Comment expliquer cette augmentation du coût de la vie étudiante ?

     

    Lilâ Le Bas : Les deux postes principaux de dépenses - les loyers et les transports - augmentent considérablement dans de nombreuses villes universitaires. C'est plus de 2% d'augmentation pour les loyers à Lyon, 1,36% à Lille. C'est pareil dans les transports en commun, alors qu'il est nécessaire de se loger au plus proche de l'endroit où l'on fait ses études, mais aussi de pouvoir se déplacer dans la ville universitaire. C'est aussi à cause du gel des aides sociales, des bourses aux critères sociaux à destination des étudiants et aussi de l'aide au logement. L'APL est perçue par des étudiants qui ont accès à un logement autonome et elle est gelée pour la prochaine rentrée universitaire, après une baisse de 5 euros déjà l'année dernière.

     

    (…)

     

    LA SUITE EN LIEN CI-DESSOUS:

     


  • CHINE : réflexion à l'adresse de ceux qui affirment que le pays est devenu un pays capitaliste

    Publié le 21 août 2018 par FSC

    Bruno Guigue est ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et de l'École nationale d'administration (promotion Jean Monnet 1990). Il est titulaire d'un master de philosophie et d'un master de géopolitique.

    Haut fonctionnaire du ministère de l'intérieur de 1990 à 2008, il a notamment été sous-préfet pour la politique de la ville à Marseille de 1993 à 1995, directeur du contrat de ville de Saint-Denis de 1996 à 1998 ...

    Le socialisme chinois et le mythe de la fin de l’Histoire

     

    Bruno GUIGUE

    En 1992, un politologue américain, Francis Fukuyama, osait annoncer la « fin de l’Histoire ». Avec l’effondrement de l’URSS, disait-il, l’humanité entrait dans une ère nouvelle. Elle allait connaître une prospérité sans précédent. Auréolée de sa victoire sur l’empire du mal, la démocratie libérale projetait sa lumière salvatrice sur la planète ébahie. Débarrassée du communisme, l’économie de marché devait répandre ses bienfaits aux quatre coins du globe, réalisant l’unification du monde sous les auspices du modèle américain.[1] La débandade soviétique semblait valider la thèse libérale selon laquelle le capitalisme - et non son contraire, le socialisme - se conformait au sens de l’histoire. Aujourd’hui encore, l’idéologie dominante martèle cette idée simple : si l’économie planifiée des régimes socialistes a rendu l’âme, c’est qu’elle n’était pas viable. Le capitalisme, lui, ne s’est jamais aussi bien porté, et il a fait la conquête du monde.

    Les tenants de cette thèse en sont d’autant plus convaincus que la disparition du système soviétique n’est pas le seul argument qui semble plaider en leur faveur. Les réformes économiques engagées en Chine populaire à partir de 1979, à leurs yeux, confirment également la supériorité du système capitaliste. Pour stimuler leur économie, les communistes chinois n’ont-ils pas fini par admettre les vertus de la libre entreprise et du profit, quitte à passer par-dessus bord l’héritage maoïste et son idéal égalitaire ? De même que la chute du système soviétique démontrait la supériorité du capitalisme libéral sur le socialisme dirigiste, la conversion chinoise aux recettes capitalistes semblait donner le coup de grâce à l’expérience « communiste ». Un double jugement de l’histoire, au fond, mettait un point final à une compétition entre les deux systèmes qui avait traversé le XXème siècle.

    Le problème, c’est que cette narration est un conte de fées. On aime répéter en Occident que la Chine s’est développée en devenant « capitaliste ». Mais cette affirmation simpliste est démentie par les faits. Même la presse libérale occidentale a fini par admettre que la conversion chinoise au capitalisme est illusoire. Enfin, les Chinois eux-mêmes le disent, et ils ont de solides arguments. Comme point de départ de l’analyse, il faut partir de la définition courante du capitalisme : un système économique fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange. Ce système a été progressivement éradiqué en Chine populaire au cours de la période maoïste (1950-1980), et il a effectivement été réintroduit dans le cadre des réformes économiques de Deng Xiaoping à partir de 1979. Une dose massive de capitalisme a ainsi été injectée dans l’économie, mais - la précision est d’importance - cette injection eut lieu sous l’impulsion de l’État. La libéralisation partielle de l’économie et l’ouverture au commerce international relevaient d’une décision politique délibérée.

    Pour les dirigeants chinois, il s’agissait de lever des capitaux extérieurs afin de faire croître la production intérieure. Faire place à l’économie de marché était un moyen, et non une fin. En réalité, la signification des réformes se comprend surtout d’un point de vue politique. « La Chine est un Etat unitaire central dans la continuité de l’empire. Pour préserver son contrôle absolu sur le système politique, le parti doit aligner les intérêts des bureaucrates sur le bien politique commun, à savoir la stabilité, et fournir à la population un revenu réel croissant et de meilleures conditions de vie. L’autorité politique doit gérer l’économie de façon à produire plus de richesses plus efficacement. D’où deux conséquences : l’économie de marché est un instrument, pas une finalité ; l’ouverture est une condition d’efficacité et conduit à cette directive économique opérationnelle : rattraper et dépasser l’Occident ».[2]

    C’est pourquoi l’ouverture de la Chine aux flux internationaux fut massive, mais rigoureusement contrôlée. Le meilleur exemple en est fourni par les zones d’exportation spéciales (ZES). Les réformateurs chinois voulaient que le commerce renforce la croissance de l’économie nationale, et non qu’il la détruise », notent Michel Aglietta et Guo Bai. Dans les ZES, un système contractuel lie les entreprises chinoises et les entreprises étrangères. La Chine y importe les ingrédients de la fabrication de biens de consommation industriels (électronique, textile, chimie). La main d’œuvre chinoise fait l’assemblage, puis les marchandises sont vendues sur les marchés occidentaux. C’est ce partage des tâches qui est à l’origine d’un double phénomène qui n’a cessé de s’accentuer depuis trente ans : la croissance économique de la Chine et la désindustrialisation de l’Occident. Un demi-siècle après les « guerres de l’opium » (1840-1860) qui virent les puissances occidentales dépecer la Chine, l’Empire du Milieu a pris sa revanche.

    Car les Chinois ont tiré les leçons d’une histoire douloureuse. « Cette fois, la libéralisation du commerce et de l’investissement relevait de la souveraineté de la Chine et elle était contrôlée par l’État. Loin d’être des enclaves ne profitant qu’à une poignée de “compradors”, la nouvelle libéralisation du commerce fut un des principaux mécanismes qui ont permis de libérer l’énorme potentiel de la population ».[3] Une autre caractéristique de cette ouverture, souvent méconnue, est qu’elle bénéficia essentiellement à la diaspora chinoise. Entre 1985 et 2005, elle détient 60 % des investissements cumulés, contre 25 % pour les pays occidentaux et 15 % pour Singapour et la Corée du Sud. L’ouverture au capital « étranger » fut d’abord une affaire chinoise. Mobilisant les capitaux disponibles, l’ouverture économique a créé les conditions d’une intégration économique asiatique dont la Chine populaire est la locomotive industrielle.

    Dire que la Chine est devenue « capitaliste » après avoir été « communiste » relève donc d’une vision naïve du processus historique. Qu’il y ait des capitalistes en Chine ne fait pas de ce pays un « pays capitaliste », si l’on entend par cette expression un pays où les détenteurs privés de capitaux contrôlent l’économie et la politique nationales. En Chine, c’est un parti communiste de 90 millions d’adhérents, irrigant l’ensemble de la société, qui détient le pouvoir politique. Faut-il parler de système mixte, de capitalisme d’Etat ? C’est davantage conforme à la réalité, mais encore insuffisant. Dès qu’il s’agit de qualifier le système chinois, l’embarras des observateurs occidentaux est patent. Les libéraux se répartissent entre deux catégories : ceux qui reprochent à la Chine d’être toujours communiste, et ceux qui se réjouissent qu’elle soit devenue capitaliste. Les uns n’y voient qu’un « régime communiste et léniniste » bon teint, même s’il a fait des concessions au capitalisme ambiant.[4] Pour les autres, la Chine est devenue « capitaliste » par la force des choses et cette transformation est irréversible.

    Certains observateurs occidentaux, toutefois, essaient de saisir le réel avec davantage de subtilité. C’est ainsi que Jean-Louis Beffa, dans un mensuel économique libéral, affirme carrément que la Chine représente « la seule alternative crédible au capitalisme occidental ». « Après plus de trente ans d’un développement inédit, écrit-il, n’est-il pas temps de conclure que la Chine a trouvé la recette d’un contre-modèle efficace au capitalisme à l’occidentale ? Jusque-là, aucune solution de rechange n’était parvenue à s’imposer, et l’effondrement du système communiste autour de la Russie en 1989 avait consacré la réussite du modèle capitaliste. Or la Chine d’aujourd’hui n’y a pas souscrit. Son modèle économique, hybride, combine deux dimensions qui puisent à des sources opposées. La première emprunte au marxisme-léninisme ; elle est marquée par un puissant contrôle du parti et un système de planification vigoureusement appliqué. La seconde se réfère davantage aux pratiques occidentales, qui donnent la part belle à l’initiative individuelle et à l’esprit d’entreprendre. Cohabitent ainsi la mainmise du PCC sur les affaires et un secteur privé foisonnant ».[5]

    Cette analyse est intéressante, mais elle renvoie dos-à-dos les deux dimensions - publique et privée - du régime chinois. Or c’est la sphère publique, manifestement, qui est aux commandes. Dirigé par un puissant parti communiste, l’État chinois est un Etat fort. Il maîtrise la monnaie nationale, quitte à la laisser filer pour stimuler les exportations, ce que Washington lui reproche de façon récurrente. Il contrôle la quasi-totalité du système bancaire. Surveillés de près par l’État, les marchés financiers ne jouent pas le rôle exorbitant qu’ils s’arrogent en Occident. Leur ouverture aux capitaux étrangers est d’ailleurs soumise à des conditions draconiennes fixées par le gouvernement. Bref, le pilotage de l’économie chinoise est confié à la main de fer d’un Etat souverain, et non à la « main invisible du marché » chère aux libéraux. Certains s’en affligent. Libéral bon teint, un banquier international qui enseigne à Paris I relève que « l’économie chinoise n’est ni une économie de marché, ni une économie capitaliste. Pas même un capitalisme d’État, car en Chine c’est le marché lui-même qui est contrôlé par l’Etat ».[6] Mais si le régime chinois n’est même pas un capitalisme d’État, est-ce à dire qu’il est « socialiste », c’est-à-dire que l’État y détient la propriété des moyens de production, ou y exerce du moins le contrôle de l’économie ? La réponse à cette question est clairement positive.

    La difficulté de la pensée dominante à nommer le régime chinois, on l’a vu, vient d’une illusion longtemps entretenue : abandonnant le dogme communiste, la Chine serait enfin entrée dans le monde merveilleux du capital. On aimerait tant pouvoir dire que la Chine n’est plus communiste ! Convertie au libéralisme, cette nation réintégrerait le droit commun. Retour à l’ordre des choses, une telle capitulation validerait la téléologie de l’homo occidentalis. Mais on a sans doute mal interprété la célèbre formule du réformateur Deng Xiaoping : « peu importe que le chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris ». Cela ne signifie pas que le capitalisme et le socialisme sont indifférents, mais que chacun sera jugé sur ses résultats. Une forte dose de capitalisme a été injectée dans l’économie chinoise, sous contrôle de l’État, parce qu’il fallait stimuler le développement des forces productives. Mais la Chine demeure un Etat fort qui dicte sa loi aux marchés financiers, et non l’inverse. Son élite dirigeante est patriote. Même si elle concède une partie du pouvoir économique aux capitalistes « nationaux », elle n’appartient pas à l’oligarchie financière mondialisée. Adepte du « socialisme à la chinoise », formée à l’éthique confucéenne, elle dirige un Etat qui n’est légitime que parce qu’il garantit le bien-être d’un milliard 400 millions de Chinois.

    Il ne faut pas oublier, en outre, que l’orientation économique adoptée en 1979 a été rendue possible par les efforts réalisés au cours de la période antérieure. Contrairement aux Occidentaux, les communistes chinois soulignent la continuité - en dépit des changements intervenus - entre le maoïsme et le post-maoïsme. « Beaucoup ont eu à pâtir de l’exercice du pouvoir communiste. Mais ils adhèrent pour la plupart à l’appréciation émise par Deng Xiaoping, lequel avait quelque raison d’en vouloir à Mao Zedong : 70 % de positif, 30 % de négatif. Une phrase est aujourd’hui très répandue parmi les Chinois, révélatrice de leur jugement sur Mao Zedong : Mao nous a fait tenir debout, Deng nous a enrichis. Et ces Chinois estiment tout à fait normal que le portrait de Mao Zedong figure sur les billets de banque. Tout l’attachement que les Chinois affichent encore aujourd’hui pour Mao Zedong tient à ce qu’ils l’identifient à la dignité nationale retrouvée ».[7]

    Il est vrai que le maoïsme a mis fin à cent cinquante ans de décadence, de chaos et de misère. La Chine était morcelée, dévastée par l’invasion japonaise et la guerre civile. Mao l’a unifiée. En 1949, elle est le pays le plus pauvre du monde. Son PIB par tête atteint la moitié environ de celui de l’Afrique et moins des trois quarts de celui de l’Inde. Mais de 1950 à 1980, durant la période maoïste, le PIB s’accroît de façon régulière (2,8 % par an en moyenne annuelle), le pays s’industrialise, et la population passe de 552 millions à 1 017 millions d’habitants. Les progrès en matière de santé sont spectaculaires, et les principales épidémies sont éradiquées. Indicateur qui résume tout, l’espérance de vie passe de 44 ans en 1950 à 68 ans en 1980. C’est un fait indéniable : malgré l’échec du « Grand Bond en avant », et malgré l’embargo occidental - ce qu’on oublie généralement de préciser - la population chinoise a gagné 24 ans d’espérance de vie sous Mao. Les progrès en matière d’éducation ont été massifs, notamment dans le primaire : la part de la population analphabète passe de 80 % en 1950 à 16 % en 1980. Enfin, la femme chinoise - qui « porte la moitié du ciel », disait Mao - a été éduquée et affranchie d’un patriarcat ancestral. En 1950, la Chine était en ruines. Trente ans plus tard, elle est encore un pays pauvre du point de vue du PIB par habitant. Mais c’est un Etat souverain, unifié, équipé, doté d’une industrie naissante. L’atmosphère est frugale, mais la population est nourrie, soignée et éduquée comme elle ne l’a jamais été au XXème siècle.

    Cette réévaluation de la période maoïste est nécessaire pour comprendre la Chine actuelle. C’est entre 1950 et 1980 que le socialisme a jeté les bases du développement à venir. Dès les années 70, par exemple, la Chine perçoit le fruit de ses efforts en matière de développement agricole. Une silencieuse révolution verte a fait son chemin, bénéficiant des travaux d’une académie chinoise des sciences agricoles créée par le régime communiste. A partir de 1964, les scientifiques chinois obtiennent leurs premiers succès dans la reproduction de variétés de riz à haut rendement. La restauration progressive du système d’irrigation, les progrès réalisés dans la reproduction des semences et la production d’engrais azotés ont transformé l’agriculture. Comme les progrès sanitaires et éducatifs, ces avancées agricoles ont rendu possible les réformes de Deng, elles ont constitué le socle du développement ultérieur. Et cet effort de développement colossal n’a été possible que sous l’impulsion d’un Etat planificateur, la reproduction des semences, par exemple, nécessitant des investissements dans la recherche impossibles dans le cadre des exploitations individuelles.[8]

    En réalité, la Chine actuelle est fille de Mao et de Deng, de l’économie dirigée qui l’a unifiée, et de l’économie mixte qui l’a enrichie. Mais le capitalisme libéral à l’occidentale, en Chine, est aux abonnés absents. Il arrive que la presse bourgeoise rende compte avec lucidité de cette indifférence des Chinois à nos propres lubies. On lit dans Les Echos, par exemple, que les Occidentaux ont « commis l’erreur d’avoir pu penser qu’en Chine, le capitalisme d’Etat pourrait céder le pas au capitalisme de marché ». Que reproche-t-on aux Chinois, en définitive ? La réponse ne manque pas de surprendre dans les colonnes d’un hebdomadaire libéral : « La Chine n’a pas la même notion du temps que les Européens et les Américains. Un exemple ? Jamais une entreprise occidentale ne financerait un projet qui ne serait pas rentable. Pas la Chine qui pense à très long terme. Avec sa puissance financière publique accumulée depuis des décennies, elle ne se préoccupe pas en priorité d’une rentabilité à court terme si ses intérêts stratégiques le lui commandent ». Puis l’analyste des Echos conclut : « Cela lui est d’autant plus facile que l’Etat garde la mainmise sur l’économie. Ce qui est impensable dans le système capitaliste tel que l’Occident le pratique, cela ne l’est pas en Chine ». On ne saurait mieux dire ! [9]

    Evidemment, cet éclair de lucidité est inhabituel. Il change des litanies coutumières selon lesquelles la dictature communiste est abominable, Xi Jinping est déifié, la Chine croule sous la corruption, son économie est chancelante, son endettement abyssal et son taux de croissance en berne. Enfilade de lieux communs et fausses évidences à l’appui, la vision que donnent de la Chine les médias dominants brille le plus souvent par un simplisme narquois. On prétend comprendre la Chine en la soumettant au lit de Procuste des catégories préétablies chères au petit monde médiatique. Communiste, capitaliste, un peu des deux, ou autre chose encore ? Dans les sphères médiatiques, on y perd son chinois. Difficile d’admettre, sans doute, qu’un pays dirigé par un parti communiste a réussi en trente ans à multiplier par 17 son PIB par habitant. Aucun pays capitaliste ne l’a jamais fait.

    Comme d’habitude, les faits sont têtus. Le parti communiste chinois n’a nullement renoncé à son rôle dirigeant dans la société, et il fournit son ossature à un Etat fort. Hérité du maoïsme, cet Etat conserve la maîtrise de la politique monétaire et contrôle le système bancaire. Restructuré dans les années 1990, le secteur public demeure la colonne vertébrale de l’économie chinoise : représentant 40% des actifs et 50% des profits générés par l’industrie, il prédomine à 80-90 % dans les secteurs stratégiques : la sidérurgie, le pétrole, le gaz, l’électricité, le nucléaire, les infrastructures, les transports, l’armement. En Chine, tout ce qui est important pour le développement du pays et pour son rayonnement international est étroitement contrôlé par un Etat souverain. Ce n’est pas en Chine qu’un président de la République braderait au capitalisme américain un joyau industriel comparable à Alstom, offert par Macron à General Electric dans un paquet-cadeau.

    En lisant la résolution finale du dix-neuvième congrès du Parti communiste chinois (octobre 2017), on mesure l’ampleur des défis. Lorsque cette résolution affirme que “le Parti doit s’unir pour remporter la victoire décisive de l’édification intégrale de la société de moyenne aisance, faire triompher le socialisme à la chinoise de la nouvelle ère, et lutter sans relâche pour réaliser le rêve chinois du grand renouveau de la nation”, il faut peut-être prendre ces déclarations au sérieux. En Occident, la vision de la Chine est obscurcie par les idées reçues. On s’imagine que l’ouverture aux échanges internationaux et la privatisation de nombreuses entreprises ont sonné le glas du “socialisme à la chinoise”. Mais rien n’est plus faux. Pour les Chinois, cette ouverture est la condition du développement des forces productives, et non le prélude à un changement systémique. Les réformes économiques ont permis de sortir 700 millions de personnes de la pauvreté, soit 10% de la population mondiale. Mais elles s’inscrivent dans une planification à long terme dont l’Etat chinois conserve la maîtrise. Aujourd’hui, de nouveaux défis attendent le pays : la consolidation du marché intérieur, la réduction des inégalités, le développement des énergies vertes et la conquête des hautes technologies.

    En devenant la première puissance économique de la planète, la Chine populaire sonne le glas de la prétendue « fin de l’Histoire ». Elle renvoie à la deuxième place une Amérique finissante, minée par la désindustrialisation, le surendettement, le délabrement social et le fiasco de ses aventures militaires. Contrairement aux USA, la Chine est un empire sans impérialisme. Placé au centre du monde, l’Empire du Milieu n’a pas besoin d’étendre ses frontières. Respectueuse du droit international, la Chine se contente de défendre sa sphère d’influence naturelle. Elle ne pratique pas le “regime change” à l’étranger. Vous n’avez pas envie de vivre comme les Chinois ? Aucune importance, ils n’ont pas l’intention de vous convertir. Auto-centrée, la Chine n’est ni conquérante ni prosélyte. Les Occidentaux font la guerre pour enrayer leur déclin, quand les Chinois font des affaires pour développer leur pays. Au cours des trente dernières années, la Chine n’a mené aucune guerre et a multiplié son PIB par 17. Dans la même période, les USA ont mené une dizaine de guerres et précipité leur décadence. Les Chinois ont éradiqué la pauvreté, quand les USA déstabilisaient l’économie mondiale en vivant à crédit. En Chine la misère recule, tandis qu’aux USA elle progresse. Que cela plaise ou non, le « socialisme à la chinoise » met une fessée au capitalisme à l’occidentale. Décidément, la « fin de l’Histoire » peut en cacher une autre.

    Bruno GUIGUE

    (La Pensée libre, août 2018)

    [1] Francis Fukuyama, La fin de l’Histoire et le dernier homme, 1993, Flammarion.

    [2] Michel Aglietta et Guo Bai, La Voie chinoise, capitalisme et empire, Odile Jacob, 2012, p.17.

    [3) Ibidem, p. 186.

    [4] Valérie Niquet, « La Chine reste un régime communiste et léniniste », France TV Info, 18 octobre 2017.

    [5] Jean-Louis Beffa, « La Chine, première alternative crédible au capitalisme », Challenges, 23 juin 2018.

    [6] Dominique de Rambures, La Chine, une transition à haut risque, Editions de l’Aube, 2016, p. 33.

    [7] Philippe Barret, N’ayez pas peur de la Chine !, Robert Laffont, 2018, p. 230.

    [8] Michel Aglietta et Guo Bai, op. cit., p.117.

    [9] Richard Hiaut, « Comment la Chine a dupé Américains et Européens à l’OMC », Les Echos, 6 juillet 2018

      

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