• Théories de complot, théorie de la théorie du complot (à jour 2018)

    24 Octobre 2018 , Rédigé par RCPublié dans #GQ#Théorie immédiate#Front historique#Ce que dit la presse#États-Unis#Europe de l'Est#Communistes en Italie

    Théories de complot, théorie de la théorie du complot (à jour 2018)

    Le vrai problème n'est pas celui de l'existence de théories de complot, qui s'écroulent toutes seules quand elles sont fausses, mais de la "théorie de la théorie du complot" qui est utilisée pour discréditer toute critique de fond, et comme une sorte de "point de Godwin" pour hystériser toute discussion. L'un des principaux trucs de polémique étant d'anathémiser la personne de son adversaire en l'associant à quelque chose de hideux.

    Bref : la plupart des théories de complot sont fausses, mais il est parfaitement légitime d'en formuler.

    Lorsque l'on parle de "théorie de complot" on veut dire souvent une opération sous fausse bannière, c'est à dire une opération qui est effectuée par une puissance politique ou militaire de manière à être attribuée à ses adversaires.

    Les théories de complot de cet ordre ne sont pas souvent vraies : la provocation ne peut pas être utilisée pour fonder une stratégie politique, diplomatique ou militaire, même si elle fait partie des trucs tactiques les plus couramment utilisés. Par exemple par l'opposition vénézuelienne pendant l'été 2017, qui voulait utiliser les morts qu'elle causait dans ses propres rangs parmi les manifestants ou parmi les passants pour provoquer une intervention étrangère à son profit, ou un coup d'État suivant le procédé appliqué avec succès en Ukraine en 2014.

    Ne pas oublier que les médias sont un pouvoir mais nullement un contre-pouvoir dialectiquement déterminé à faire surgir la vérité comme ils aiment à le faire croire. Dans l'ensemble, ils ne sont pas intéressés par le dévoilement de la vérité. Mais déformer la réalité ou mentir sur la réalité, c'est plus praticable que de la mettre carrément en scène.

    Les apparences publiques reflètent, avec un certaine imprécision, la réalité effective, dont elle sont d'ailleurs une dimension. Par exemple, il est ridicule de considérer à la manière des situationnistes des années 1960 que les Américains et les Russes n'étaient ennemis qu'en apparence, pour le "Spectacle", et coopéraient en réalité. Pourtant on pourra toujours trouver des arguments verbaux et des apparences de preuve, puisque même les ennemis les plus acharnés "coopèrent".

    Le monde est marxiste et il n'est décidément pas orwellien.

    Un exemple français : Sarkozy, pour se faire élire en 2007 a bénéficié des émeutes de novembre 2005 que son attitude provocatrice a contribué à aggraver. Or il lui aurait été tout à fait inutile de recourir à un complot pour les déclencher, et même inutilement risqué.

    Dans le cas du 11 septembre, les pouvoirs états-uniens savaient qu'un jour ou l'autre, face au scandale permanent du déni des droits des Palestiniens et du "deux poids deux mesures" dans le traitement du conflit israélo-arabe, un groupe hostile surgirait du monde arabe ou musulman et commettrait une action grave qui pourrait être exploitée dans des opérations impérialistes contre les pays arabes et/ou musulmans. Inutile de le faire eux-mêmes. L'interrogation porte par contre sur la question de savoir à quel point y sont associés leurs alliés saoudiens, et sur l'implication exacte de leurs services dans le groupe Ben Laden avant qu'il échappe plus ou moins à leur contrôle.

    Le terrorisme sous fausse bannière existe, mais le risque impliqué pour les manipulateurs est grand, et c'est pourquoi il se développe rarement en opérations aussi compliquées que celles qu'il faudrait imaginer pour "mettre en scène" le 11 septembre. Il suffit de voir le prix payé par Aznar après le 11 mars 2004, non pour avoir placé les bombes de Madrid dans les trains de banlieue, mais pour avoir seulement tenté d'infléchir l'enquête vers l'ETA. Et pourtant, l'ETA, en Espagne, après tente ans de diabolisation n'était pas particulièrement populaire.

    On ne peut évidement jamais affirmer avec certitude qu'il n'y a pas eu complot, même en face d'un montage rocambolesque qui défie le bon sens, mais l'expérience finit par montrer qu'il n'y a pas beaucoup d'attentats sous fausse bannière en réalité. Les services secrets préfèrent agir directement et tuer leurs ennemis déclarés. Les attentats italiens (comme celui de la gare de Bologne en 1980) de la stratégie de tension qui ont certainement eu un effet politique important, puisqu'ils ont empêché la venue au pouvoir du Parti Communiste Italien ne sont pas des complots sous fausse bannière. Ces attentats non revendiqués visaient délibérément la population civile, comme ceux du 11 septembre, ils étaient des attentats fascistes utilisant des méthodes fascistes, perpétrés par des fascistes qui ne les ont justement pas perpétrés dans la foule d'un meeting du parti néofasciste MSI ou à l'ambassade des États-Unis. Et inversement les théories qui veulent voir les Brigades Rouges comme des agents des services secrets ne tiennent pas la route et j'ajoute que, eu égard au sacrifices consentis par ces militants, quoiqu'on pense du bien-fondé de leur stratégie, elles ont quelque chose d'indécent.

    Exemple de véritable complot (d'une source pas très secrète : "Monsieur X" sur France Inter); en 1989, les services secrets tchèques, convertis à l'instar de Gorbatchev aux bienfaits de la démocratie de marché, décidèrent de faire tomber Husak, le dernier dirigeant communiste de la Tchécoslovaquie, et pour cet effet un de leurs agents joua le rôle d'un étudiant faussement tué par la police. Ou encore, conçu aux mêmes fins, le faux charnier de Timisoara, en Roumanie au même moment, utilisé pour légitimer l'exécution en direct de Ceaucescu devant les caméras de télévisions: ce qui frappe dans ces complots, c'est l'économie de moyens, le faible nombre de complices, et l'immédiateté et la simplicité des buts.

    On peut aussi penser que si un groupe de conspirateurs interne à l'administration ou à l'armée américaine s'était donné la peine d'organiser les attentats du 11 septembre, il aurait eu d'autres buts que simplement envahir l'Afghanistan et même l'Irak : attaquer immédiatement la Russie ou la Chine par exemple. Il faut supposer qu'il y a une proportionnalité des profits aux investissements et au risque, dans les complots aussi.

    L'inconvénient des théories de complot non conclusives est qu'elles décrédibilisent ceux qui les propagent, pour le reste de ce qu'ils communiquent, qui est souvent parfaitement exact. Il peut même s'agir de "hoax" délibérément mis en circulation pour cet effet par ceux qu'elles prétendent dénoncer. 

    Mais ce qui est encore pire, c'est qu'elles véhiculent une fascination contre-productive pour l'ennemi. Face à un tel adversaire, capable d'organiser des mises en scènes si spectaculaires et si précises, apte à tout contrôler de leurs effets, on se fait tout petit pour ne pas être écrasé par le plus froid des monstres froid comme Winston et Julia, les héros 1984 (ce roman anticommuniste de guerre froide qui est la Bible de tous les ultragauchistes déconnectés de la pratique).

    L'ennemi est donc tout puissant? Il n'a pas de contradictions et celles qui paraissent dans les médias ne sont jamais que des mises en scènes? C'est tragique pour nous, car n'oublions pas que "notre base arrière, ce sont les contradictions de nos adversaires" (Mao Tsé Toung).

    A la guerre (et il s'agit d'hypothétiques opérations de guerre) si on croit les ouvrages écrits par ceux qui s'y connaissaient bien, comme Clausewitz, le chef des opérations est en permanence dans l'incertitude, il avance dans le brouillard, il n'agit jamais à coup sûr. Il sait qu'il ne maîtrise pas tout. Il est donc très improbable qu'il se lance dans des complots compliqués, qui augmentent l'incertitude au delà de toute limite, qui dévorent le temps, les ressources, et le mettent à la merci de la moindre trahison.

    Les hypothèses selon lesquelles les attentats du 11 septembre ont été commandités par le gouvernement américain, ou un fraction secrète en son sein, sont donc en principe très improbables, même si les zones d'ombres demeurent et que rien ne permet de condamner a priori une contre-enquête. Il faut aussi garder à l'esprit que ceux qui formulent une hypothèse doivent apporter des preuves et des témoignages concrets s'ils veulent être pris au sérieux, et que le fait que ces pièces soient très difficile à réunir ne change rien à cette exigence logique.

    Mais si ces hypothèses étaient vraies le dévoilement de la vérité ne serait pas forcément une bonne chose, car un "Wartergate" mondial de ce genre aboutirait, tout comme le Watergate d'origine, à l'exaltation de l'Amérique et au renforcement de son mythe démocratique, en tant que pays où la liberté de critique permettrait de remédier à ses propres les abus. En dernière analyse, la révélation tardive de complots réels et leur judiciarisation se fait dans l'intérêt du système capitaliste et des forces impérialistes, lorsque le secret n'est plus utile, et que la manifestation de la vérité ne présente plus aucun danger pour eux.

    Lorsque des événements atroces sont montrés en boucle par les médias, que ces événements soient l'œuvre de ceux qui les revendiquent ou qu'ils soient perpétrés par d'autres, leur fonction est toujours la même : nous plonger dans la sidération, nous diviser, et nous ôter des mains notre propre histoire. La bonne réponse est donc de les ignorer et non de dénoncer l'implication des autorités sans preuves suffisantes. Les attentats tombent souvent à pic, mais on n'en saura pas plus. La bonne réponse à ceux qui eurent lieu en France en 2015, fut le mouvement social de 2016.

    Les théories de complots peuvent avoir aussi pour effet, voire pour fonction, de cacher le véritable complot. Ainsi, pendant qu'on s'échine à prouver que les tours jumelles n'ont pas pu s'écrouler sans dynamitage, on néglige la piste saoudienne, pourtant plus que plausible.

    Mais le plus important est tout de même ici : la théorie de complot d'emblée la plus perverse et contestable est précisément "la théorie de la théorie du complot", dont le but est d'isoler et de délégitimer la critique sociale et politique. Les glissements du signifiant "les" au signifiant "la", et de "de" à "du", permettent de réduire toutes les théories nouvelles à une seule, de taxer implicitement d'antisémitisme et donc de discréditer durablement tous ceux qui critiquent le système capitaliste et impérialiste qui domine le monde. Comment? parce que la mère des théories de complot est celle du complot juif, par exemple telle qu'elle fut formulée par les faussaires de la police du Tsar qui mirent en circulation le "Protocole des Sage de Sion" vers 1903, où une fantasmatique réunion de rabbins était censée comploter pour la domination mondiale. Par renvoi à cet archétype toute théorie alternative à la version officielle de faits d'actualité sera en définitive amalgamée dans le discours mainstream à la théorie du complot juif.

    La théorie de la théorie du complot s'étalera donc partout triomphalement, et créera une atmosphère hostile aux médias indépendants. Selon cette théorie, tous ceux qui remettront en cause les versions médiatiques dominantes des événements seront des déséquilibrés ou des pervers, relevant de ligues secrètes antisémites intéressées à la ruine de la démocratie et de la liberté. Une prophylaxie à leur encontre sera organisée dès l'école.

    Selon cette logique, chercher à dévoiler des complots ou même de simples actions concertées cachées au grand public devient illégitime et suspect, et l'historien Marc Bloch, le plus grand historien du XXème siècle, s'égarait dans le complotisme en cherchant la cause de l'étrange défaite de 1940.

    En somme, tous les complots qu'on peut imaginer n'existent pas forcément, mais il peut en exister qu'on n'a même pas imaginé, et il est parfaitement légitime de les chercher.

    GQ, 2008 - 2017

    PS : Je ne crois pas davantage qu'en 2008 à l'hypothèse selon laquelle les Américains auraient organisé eux-mêmes les attentats du 11 septembre 2001, mais je considère maintenant qu'il faut affirmer clairement, dans l'atmosphère  maccarthyste du moment, que rien n'interdit de la formuler et de chercher à la prouver, si on y croit. Car une chose est sûre : l'organisation bien réelle qu'est la CIA, pour ne parler que d'elle, est capable de tous les crimes.

     

     

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  • Théories de complot, théorie de la théorie du complot (à jour 2018)

    24 Octobre 2018 , Rédigé par RCPublié dans #GQ#Théorie immédiate#Front historique#Ce que dit la presse#États-Unis#Europe de l'Est#Communistes en Italie

    Théories de complot, théorie de la théorie du complot (à jour 2018)

    Le vrai problème n'est pas celui de l'existence de théories de complot, qui s'écroulent toutes seules quand elles sont fausses, mais de la "théorie de la théorie du complot" qui est utilisée pour discréditer toute critique de fond, et comme une sorte de "point de Godwin" pour hystériser toute discussion. L'un des principaux trucs de polémique étant d'anathémiser la personne de son adversaire en l'associant à quelque chose de hideux.

    Bref : la plupart des théories de complot sont fausses, mais il est parfaitement légitime d'en formuler.

    Lorsque l'on parle de "théorie de complot" on veut dire souvent une opération sous fausse bannière, c'est à dire une opération qui est effectuée par une puissance politique ou militaire de manière à être attribuée à ses adversaires.

    Les théories de complot de cet ordre ne sont pas souvent vraies : la provocation ne peut pas être utilisée pour fonder une stratégie politique, diplomatique ou militaire, même si elle fait partie des trucs tactiques les plus couramment utilisés. Par exemple par l'opposition vénézuelienne pendant l'été 2017, qui voulait utiliser les morts qu'elle causait dans ses propres rangs parmi les manifestants ou parmi les passants pour provoquer une intervention étrangère à son profit, ou un coup d'État suivant le procédé appliqué avec succès en Ukraine en 2014.

    Ne pas oublier que les médias sont un pouvoir mais nullement un contre-pouvoir dialectiquement déterminé à faire surgir la vérité comme ils aiment à le faire croire. Dans l'ensemble, ils ne sont pas intéressés par le dévoilement de la vérité. Mais déformer la réalité ou mentir sur la réalité, c'est plus praticable que de la mettre carrément en scène.

    Les apparences publiques reflètent, avec un certaine imprécision, la réalité effective, dont elle sont d'ailleurs une dimension. Par exemple, il est ridicule de considérer à la manière des situationnistes des années 1960 que les Américains et les Russes n'étaient ennemis qu'en apparence, pour le "Spectacle", et coopéraient en réalité. Pourtant on pourra toujours trouver des arguments verbaux et des apparences de preuve, puisque même les ennemis les plus acharnés "coopèrent".

    Le monde est marxiste et il n'est décidément pas orwellien.

    Un exemple français : Sarkozy, pour se faire élire en 2007 a bénéficié des émeutes de novembre 2005 que son attitude provocatrice a contribué à aggraver. Or il lui aurait été tout à fait inutile de recourir à un complot pour les déclencher, et même inutilement risqué.

    Dans le cas du 11 septembre, les pouvoirs états-uniens savaient qu'un jour ou l'autre, face au scandale permanent du déni des droits des Palestiniens et du "deux poids deux mesures" dans le traitement du conflit israélo-arabe, un groupe hostile surgirait du monde arabe ou musulman et commettrait une action grave qui pourrait être exploitée dans des opérations impérialistes contre les pays arabes et/ou musulmans. Inutile de le faire eux-mêmes. L'interrogation porte par contre sur la question de savoir à quel point y sont associés leurs alliés saoudiens, et sur l'implication exacte de leurs services dans le groupe Ben Laden avant qu'il échappe plus ou moins à leur contrôle.

    Le terrorisme sous fausse bannière existe, mais le risque impliqué pour les manipulateurs est grand, et c'est pourquoi il se développe rarement en opérations aussi compliquées que celles qu'il faudrait imaginer pour "mettre en scène" le 11 septembre. Il suffit de voir le prix payé par Aznar après le 11 mars 2004, non pour avoir placé les bombes de Madrid dans les trains de banlieue, mais pour avoir seulement tenté d'infléchir l'enquête vers l'ETA. Et pourtant, l'ETA, en Espagne, après tente ans de diabolisation n'était pas particulièrement populaire.

    On ne peut évidement jamais affirmer avec certitude qu'il n'y a pas eu complot, même en face d'un montage rocambolesque qui défie le bon sens, mais l'expérience finit par montrer qu'il n'y a pas beaucoup d'attentats sous fausse bannière en réalité. Les services secrets préfèrent agir directement et tuer leurs ennemis déclarés. Les attentats italiens (comme celui de la gare de Bologne en 1980) de la stratégie de tension qui ont certainement eu un effet politique important, puisqu'ils ont empêché la venue au pouvoir du Parti Communiste Italien ne sont pas des complots sous fausse bannière. Ces attentats non revendiqués visaient délibérément la population civile, comme ceux du 11 septembre, ils étaient des attentats fascistes utilisant des méthodes fascistes, perpétrés par des fascistes qui ne les ont justement pas perpétrés dans la foule d'un meeting du parti néofasciste MSI ou à l'ambassade des États-Unis. Et inversement les théories qui veulent voir les Brigades Rouges comme des agents des services secrets ne tiennent pas la route et j'ajoute que, eu égard au sacrifices consentis par ces militants, quoiqu'on pense du bien-fondé de leur stratégie, elles ont quelque chose d'indécent.

    Exemple de véritable complot (d'une source pas très secrète : "Monsieur X" sur France Inter); en 1989, les services secrets tchèques, convertis à l'instar de Gorbatchev aux bienfaits de la démocratie de marché, décidèrent de faire tomber Husak, le dernier dirigeant communiste de la Tchécoslovaquie, et pour cet effet un de leurs agents joua le rôle d'un étudiant faussement tué par la police. Ou encore, conçu aux mêmes fins, le faux charnier de Timisoara, en Roumanie au même moment, utilisé pour légitimer l'exécution en direct de Ceaucescu devant les caméras de télévisions: ce qui frappe dans ces complots, c'est l'économie de moyens, le faible nombre de complices, et l'immédiateté et la simplicité des buts.

    On peut aussi penser que si un groupe de conspirateurs interne à l'administration ou à l'armée américaine s'était donné la peine d'organiser les attentats du 11 septembre, il aurait eu d'autres buts que simplement envahir l'Afghanistan et même l'Irak : attaquer immédiatement la Russie ou la Chine par exemple. Il faut supposer qu'il y a une proportionnalité des profits aux investissements et au risque, dans les complots aussi.

    L'inconvénient des théories de complot non conclusives est qu'elles décrédibilisent ceux qui les propagent, pour le reste de ce qu'ils communiquent, qui est souvent parfaitement exact. Il peut même s'agir de "hoax" délibérément mis en circulation pour cet effet par ceux qu'elles prétendent dénoncer. 

    Mais ce qui est encore pire, c'est qu'elles véhiculent une fascination contre-productive pour l'ennemi. Face à un tel adversaire, capable d'organiser des mises en scènes si spectaculaires et si précises, apte à tout contrôler de leurs effets, on se fait tout petit pour ne pas être écrasé par le plus froid des monstres froid comme Winston et Julia, les héros 1984 (ce roman anticommuniste de guerre froide qui est la Bible de tous les ultragauchistes déconnectés de la pratique).

    L'ennemi est donc tout puissant? Il n'a pas de contradictions et celles qui paraissent dans les médias ne sont jamais que des mises en scènes? C'est tragique pour nous, car n'oublions pas que "notre base arrière, ce sont les contradictions de nos adversaires" (Mao Tsé Toung).

    A la guerre (et il s'agit d'hypothétiques opérations de guerre) si on croit les ouvrages écrits par ceux qui s'y connaissaient bien, comme Clausewitz, le chef des opérations est en permanence dans l'incertitude, il avance dans le brouillard, il n'agit jamais à coup sûr. Il sait qu'il ne maîtrise pas tout. Il est donc très improbable qu'il se lance dans des complots compliqués, qui augmentent l'incertitude au delà de toute limite, qui dévorent le temps, les ressources, et le mettent à la merci de la moindre trahison.

    Les hypothèses selon lesquelles les attentats du 11 septembre ont été commandités par le gouvernement américain, ou un fraction secrète en son sein, sont donc en principe très improbables, même si les zones d'ombres demeurent et que rien ne permet de condamner a priori une contre-enquête. Il faut aussi garder à l'esprit que ceux qui formulent une hypothèse doivent apporter des preuves et des témoignages concrets s'ils veulent être pris au sérieux, et que le fait que ces pièces soient très difficile à réunir ne change rien à cette exigence logique.

    Mais si ces hypothèses étaient vraies le dévoilement de la vérité ne serait pas forcément une bonne chose, car un "Wartergate" mondial de ce genre aboutirait, tout comme le Watergate d'origine, à l'exaltation de l'Amérique et au renforcement de son mythe démocratique, en tant que pays où la liberté de critique permettrait de remédier à ses propres les abus. En dernière analyse, la révélation tardive de complots réels et leur judiciarisation se fait dans l'intérêt du système capitaliste et des forces impérialistes, lorsque le secret n'est plus utile, et que la manifestation de la vérité ne présente plus aucun danger pour eux.

    Lorsque des événements atroces sont montrés en boucle par les médias, que ces événements soient l'œuvre de ceux qui les revendiquent ou qu'ils soient perpétrés par d'autres, leur fonction est toujours la même : nous plonger dans la sidération, nous diviser, et nous ôter des mains notre propre histoire. La bonne réponse est donc de les ignorer et non de dénoncer l'implication des autorités sans preuves suffisantes. Les attentats tombent souvent à pic, mais on n'en saura pas plus. La bonne réponse à ceux qui eurent lieu en France en 2015, fut le mouvement social de 2016.

    Les théories de complots peuvent avoir aussi pour effet, voire pour fonction, de cacher le véritable complot. Ainsi, pendant qu'on s'échine à prouver que les tours jumelles n'ont pas pu s'écrouler sans dynamitage, on néglige la piste saoudienne, pourtant plus que plausible.

    Mais le plus important est tout de même ici : la théorie de complot d'emblée la plus perverse et contestable est précisément "la théorie de la théorie du complot", dont le but est d'isoler et de délégitimer la critique sociale et politique. Les glissements du signifiant "les" au signifiant "la", et de "de" à "du", permettent de réduire toutes les théories nouvelles à une seule, de taxer implicitement d'antisémitisme et donc de discréditer durablement tous ceux qui critiquent le système capitaliste et impérialiste qui domine le monde. Comment? parce que la mère des théories de complot est celle du complot juif, par exemple telle qu'elle fut formulée par les faussaires de la police du Tsar qui mirent en circulation le "Protocole des Sage de Sion" vers 1903, où une fantasmatique réunion de rabbins était censée comploter pour la domination mondiale. Par renvoi à cet archétype toute théorie alternative à la version officielle de faits d'actualité sera en définitive amalgamée dans le discours mainstream à la théorie du complot juif.

    La théorie de la théorie du complot s'étalera donc partout triomphalement, et créera une atmosphère hostile aux médias indépendants. Selon cette théorie, tous ceux qui remettront en cause les versions médiatiques dominantes des événements seront des déséquilibrés ou des pervers, relevant de ligues secrètes antisémites intéressées à la ruine de la démocratie et de la liberté. Une prophylaxie à leur encontre sera organisée dès l'école.

    Selon cette logique, chercher à dévoiler des complots ou même de simples actions concertées cachées au grand public devient illégitime et suspect, et l'historien Marc Bloch, le plus grand historien du XXème siècle, s'égarait dans le complotisme en cherchant la cause de l'étrange défaite de 1940.

    En somme, tous les complots qu'on peut imaginer n'existent pas forcément, mais il peut en exister qu'on n'a même pas imaginé, et il est parfaitement légitime de les chercher.

    GQ, 2008 - 2017

    PS : Je ne crois pas davantage qu'en 2008 à l'hypothèse selon laquelle les Américains auraient organisé eux-mêmes les attentats du 11 septembre 2001, mais je considère maintenant qu'il faut affirmer clairement, dans l'atmosphère  maccarthyste du moment, que rien n'interdit de la formuler et de chercher à la prouver, si on y croit. Car une chose est sûre : l'organisation bien réelle qu'est la CIA, pour ne parler que d'elle, est capable de tous les crimes.

     

     

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    3)Venezuela : José María Aznar soutient la plainte contre Maduro devant la Cour Pénale Internationale,un article d’e Granma du 22 octobre 2018 traduit par Françoise Lopez.
     
    Bonne lecture à tous,
     
    Françoise Lopez

  • 24 Octobre 2018

    Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

    Au Blanc-Mesnil (93): "Communistes pas français"

    Dans son dernier bulletin municipal, Thierry Meignen, maire de droite, reprend donc ce que clamaient les nazis lorsqu'ils occupaient la France. Et dès le 5 octobre 1940, pour les satisfaire, le préfet de Seine-et-Oise, aux ordres du gouvernement pétainiste, réquisitionne le sanatorium d'Aincourt pour y interner communistes et dirigeants de l'ex-CGTU membres du Pcf interdit, résidant en région parisienne.

    Nombre de ces internés seront désignés comme otages par la France collaborationniste. Pour la plupart, ils finiront fusillés par les Allemands, notamment à Châteaubriant ou au Mont-Valérien.

    Parmi eux: Auguste Delaune et Jean-Pierre Timbaud, fusillés lorsque Pétain collaborait avec Hitler.

    Ces deux communistes ne sont pas les seuls dont le maire du Blanc-Mesnil veut effacer la mémoire des noms des rues. Il y a aussi Henri Barbusse, combattant de la Première Guerre mondiale, auteur de Le Feuet prix Goncourt 1916. Et d'autres communistes subissent ainsi les foudres du politicien de droite.

    Dans un même élan d'épuration, à Mantes-la-Ville, sous l'Occupation, les patrons désignés par Vichy pour administrer la ville, débaptisent les rues à consonance révolutionnaire. Par exemple: la rue Robespierre ou la rue Louise Michel.

    L'histoire a toujours fait voir rouge à la droite et à son extrême. Cela est de tous les temps. La droite et son extrême sont toujours à la pointe dans ce combat impur. Mais que faisaient-elles durant les années noires de l'Occupation et de la collaboration pour libérer la patrie?


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    On a une proposition pour le palais présidentiel....
     
    Sanofi fusionne avec la Macronie !
     

    Vous connaissez le branding, Madame la ministre ?
    C'est le championnat de France de football qui est devenu la "Ligue 1 Conforama", le stade de l'OM rebaptisé "Orange Vélodrome".
    Je suggère la même chose pour le palais présidentiel : on pourrait le renommer "Elysée Sanofi".

    Retrouvez le discours de François Ruffin, hier soir, à la tribune de l'Assemblée nationale. A partager sans modération sur Twitter et Facebook ! 

     
     
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    François Ruffin

    Permanence parlementaire,

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