• bambou11

     
     
    5 août 2015 3 05 /08 /août /2015 03:41

    Piller la Grèce

    26 juillet par Julien Mercille

    L’accord du 12 juillet entre la Grèce et les autorités européennes confine le pays à un statut néo-colonial, c’est-à-dire, à devenir un protectorat de la troïka (Commission Européenne, Banque Centrale Européenne, Fonds Monétaire International).

     

    L’accord demande au gouvernement grec d’annuler tous les projets progressistes légiférés par Syriza depuis son arrivée au pouvoir il y a 6 mois ; de recevoir l’approbation de la troïka avant de décider de nouvelles lois ; d’adopter des mesures d’austérité automatiques en acceptant des “coupures de dépenses gouvernementales quasi-automatiques” au cas où les objectifs de surplus budgétaires ne seraient pas atteints ; d’accélérer la saisie et la liquidation de commerces et de résidences qui ne peuvent pas payer leurs dettes ; et d’affaiblir, ou même éliminer, les normes du travail protégeant les recours collectifs par des employés.

    Mais la clause peut-être la plus humiliante est celle qui force la Grèce à privatiser la somme effarante de €50 milliards de biens publics. Ceux-ci seront vendus à des investisseurs privés, dont plusieurs seront des étrangers.

    Les fonds ainsi récoltés seront utilisés pour rembourser la dette du gouvernement et recapitaliser les banques, ainsi que pour de l’investissement en Grèce, bien qu’il pourrait ne pas rester tant d’argent pour ce dernier objectif.

    L’accord a été décrit comme étant « une vente de garage désespérée de tout ce que peut trouver la Grèce. » Un conseiller du gouvernement grec l’a ainsi résumé : « Il s’agit en fait de vendre la mémoire de nos ancêtres, de vendre notre histoire. »

    En particulier, l’accord mentionne explicitement que l’opérateur du réseau de transmission électrique (ADMIE) se doit d’être privatisé, et sera probablement acheté par des intérêts étrangers.

    Le fonds qui gèrera le processus de privatisation se trouvera en Grèce, mais en pratique sera contrôlé par la troïka.

    Ce n’est pas la première fois que les autorités européennes tentent de conclure un pareil accord. En 2011, Athènes avait aussi entrepris, avec la troïka, de privatiser de nombreux biens publics d’une valeur totale de €50 milliards, mais cette cible n’avait pas été atteinte, alors que seulement €3.2 milliards de biens avaient été privatisés. Il est donc peu probable que la somme soit atteinte cette fois-ci, mais elle demeure toutefois révélatrice des intentions de la troïka.

    Il demeure aussi peu probable que des trésors archéologiques comme l’Acropolis soient soumis à une vente, étant donné la fureur que cela soulèverait auprès de la population. Cependant, deux politiciens allemands ont récemment suggéré que même ce genre de biens devrait faire partie de la vente de feu, donc on ne sait jamais. Des ruines moins importantes, par contre, pourraient bien être vendues.

    Pour comprendre à quel point l’accord révèle l’agressivité de la troïka, il convient d’examiner ce qu’il contient exactement. Un bon endroit à cet égard est le site internet de l’agence établie en 2011 pour superviser le processus de privatisation de €50 milliards précédent. Elle s’appelle la Hellenic Republic Asset Development Fund (HRADF, Fonds de développement des biens de la République hellénique) et son site fascinant [http://www.hradf.com/en] liste tout ce que la Grèce doit vendre, avec photos, cartes géographiques et descriptions.

    Il s’agit d’un réel marché aux puces, où l’on peut trouver monuments, plages ensablées, aéroports, ports, services postaux, services publics, et plus. Et le site est en anglais : après tout, les investisseurs étrangers se doivent de savoir ce qu’ils s’apprêtent à acheter.

    Voici un échantillon. Les prix ne sont pas indiqués, mais j’inclus une brève description des biens tirée du site officiel.

    1. Plages

    La propriété a le potentiel d’être développée en un vaste projet intégrant tourisme, loisirs, et résidences près d’un terrain de golf au cœur d’une destination de vacances établie, à Rhodes.

    2. Châteaux

    Castello Bibelli est une propriété possédant une importante valeur historique et culturelle. Le bâtiment principal “CASTELLO” de 1.968 m2, de style néo-gothique, est fait de pierre, avec toits en tuiles, et ses deux tours et son balcon sont des caractéristiques remarquées. La propriété comprend aussi quatre édifices auxiliaires, couvrant une surface de 457 m2. Construite au début du siècle par l’amiral italien Bibelli, sur un flanc de colline boisé, sur 77 acres.

    3. Sources thermales

    La Grèce est dotée de sources thermales minérales et d’eaux géothermiques naturelles qui font partie de la richesse nationale. Leurs propriétés thérapeutiques sont reconnues depuis les temps anciens, offrant des traitements naturels pour de nombreuses maladies (hydrothérapie).

    4. Stades

    Le State de la Paix et de l’Amitié est un exemple typique du style architectural des dernières 20 années du 20e siècle ainsi qu’un édifice reconnu mondialement, ayant accueilli de multiples événements sportifs et culturels d’envergue internationale et nationale.

    5. Ports

    Le portfolio de l’État grec contient 12 ports, incluant ceux de Piraeus, Thessaloniki, Volos, Rafina, Igoumenitsa, Patras, Alexandroupoli, Iraklio, Elefsina, Lavrio, Corfu et Kavala.

    6. Compagnie de distribution et de traitement des eaux d’Athènes

    Cette compagnie possède les droits exclusifs en ce qui a trait aux services de distribution et de traitement des eaux, le tout réglementé par un accord de 20 ans.

    7. Infrastructures olympiques

    Ceci comprend le Centre d’Aviron Schinia, le Centre Équestre Markopoulo et le Centre Olympique Galatsi.

    En résumé, le message est clair : commencez à magasiner dès maintenant, ou ces aubaines vous fileront entre les doigts. En contrepartie, les progressistes devront organiser une forme de résistance sans délai, ou la Grèce sera pillée.

     

    Auteur

    Julien Mercille

    Julien Mercille est enseignant à University College Dublin, Irlande et membre du Comité de Solidarité Irlande-Grèce. Son livre, Deepening Neoliberalism, Austerity, and Crisis : Europe’s Treasure Ireland (Palgrave) sera publié cette semaine. Suivez-le sur twitter : @JulienMercille

     

     

    SOURCE/ CADTM


  • 5 Août 2015

    Publié par Michel El Diablo

    L’impossible QUADRATURE du cercle de L'EURO

    Pendant presque trois millénaires, les plus grands mathématiciens – dont les Grecs Hippocrate et Archimède – ont tenté de résoudre le problème de la quadrature du cercle : la construction d’un carré de la même surface qu’un cercle donné, en utilisant seulement une règle et un compas. Il aura fallu attendre 1883 pour qu’un professeur allemand, Ferdinand von Lindemann (1852-1939), démontre que c’était impossible.

    A des siècles de distance, le 13 juillet 2015 à l’aube, un autre Grec, Alexis Tsipras, et deux autres Allemands, Wolfgang Schäuble et Angela Merkel, se sont retrouvés à Bruxelles dans un jeu de rôle comparable, mais où la loi du plus fort s‘est substituée à la démonstration scientifique. Le premier ministre grec voulait prouver que son refus des politiques d’austérité était compatible avec l’appartenance de son pays à la zone euro. Ses interlocuteurs, la chancelière et le ministre des finances allemands, ont balayé cette argumentation d’un revers de main : Athènes devait choisir entre l’austérité à durée indéterminée et l’expulsion de la zone euro, le « Grexit  ». Soumis à une pression inouïe, Alexis Stipras a dû capituler.

    Cette « nuit du 13 juillet », celle de la démonstration de l’impossibilité de faire coïncider la surface du carré des mesures progressistes et celle du cercle de l’euro sera sans doute un moment crucial de l’histoire de l’Union européenne. Malgré quelques divergences de façade, avec François Hollande dans le rôle de l’entremetteur, tous les gouvernements membres de l’eurogroupe ont envoyé un message lumineux aux opinions publiques européennes : prenant à contre-pied le mot d’ordre altermondialiste « Une autre Europe est possible », ils leur ont fait savoir qu’ « une autre Europe est impossible » dans ses paramètres actuels.

    En tenant pour nulle et non avenue la volonté majoritaire des Grecs exprimée lors du scrutin législatif du 25 janvier et du référendum du 5 juillet, ils ont signifié aux électeurs que leurs votes avaient, au mieux, un caractère purement consultatif, et que les grandes décisions étaient le domaine réservé des « institutions », nouvelle appellation de la troïka : la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le FMI qui ont en commun de ne pas être élues. Au point que l’on peut se demander si, sauf sur des questions subalternes, il faut vraiment continuer à organiser des élections au sein de la zone euro et même de l’ensemble de l’Union européenne.

    Dans certains milieux politiques plutôt europhiles, notamment chez les Verts, on s’inquiète des graves conséquences politiques du mépris dont les « institutions » ont fait preuve envers la Grèce traitée comme une vulgaire république bananière. Visiblement, cette Europe-là, en totale contradiction avec le discours de démocratie et de solidarité qui a été tenu pour la promouvoir, est un véritable repoussoir et il faut s’attendre à une poussée accrue de l’euroscepticisme sur fond de chômage massif chez les jeunes. Le très libéral président du Conseil européen, l’ancien premier ministre polonais Donald Tusk, va jusqu’à affirmer que « l’atmosphère aujourd’hui est très similaire à 1968 en Europe. Je sens un état d’esprit, peut-être pas révolutionnaire, mais d’impatience » [1].

    En mai 1968, le Parti communiste français, alors force hégémonique à gauche, avait été complètement pris de court et n’avait pas pu traduire en termes politiques la révolte étudiante qui s’était ensuite étendue aux ouvriers. Si elle ne tire pas rapidement les leçons des déboires d’Alexis Tsipras et du prix à payer pour le maintien dans l’euro, la gauche radicale européenne risque fort, elle aussi, de voir l’histoire se faire sans elle.

    Bernard CASSEN

    Secrétaire général de Mémoire des luttes, président d’honneur d’Attac

     

     

    [1] Le Monde, 14 juillet 2015.

     

    SOURCE:


  • 5 Août 2015

    Publié par Michel El Diablo

    LIBYE : ce que révèlent les courriels d'Hillary Clinton

    Libye Printemps 2012 : quand France et Grande- Bretagne faisaient la guerre à Kadhafi pour dépecer le pays en deux entités...

    Selon les sources officielles étatsuniennes...

    Une intervention militaire franco-britannique

    loin des proclammations de ferveur démocratique...

     

    3 AOÛT 2015 

    (BRUXELLES2) Les mails de l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton – publiés par le Département d’Etat US – sont une vraie mine d’or pour celui qui enquête sur la géopolitique moderne.

    Sur la période de la crise en Libye en 2011, ces échanges électroniques révèlent (ou confirment plutôt) que la division de la Libye en deux entités distinctes non seulement était envisagée mais potentiellement souhaitée par certains acteurs clés du conflit, notamment français et britanniques, voire égyptiens.

    Diviser pour mieux régner ?

    Nous sommes le 8 avril 2011 — l’opération des alliés, surtout Français et Britanniques est entamée depuis à peine un mois et semble s’enliser (lire :  Un mois après le début de la campagne libyenne, quel bilan ? Pourquoi çà traine ?). Un haut fonctionnaire du Conseil National de Transition (CNT) de Libye avertit la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton « Français, Anglais et d’autres pays européens seraient pleinement satisfaits avec une situation d’impasse qui laisserait la Libye divisée en deux entités rivales ». La méfiance semble de mise dans les rangs du CNT. Un haut fonctionnaire militaire informe ainsi les services américains de ses doutes, « ni les Français, ni les Britanniques ne fournissent suffisamment d’aides pour contrer les forces de Kadhafi ». Suspicieux, les leaders de l’opposition envisagent même à cette époque « d’engager des firmes privées pour fournir entrainement au combat et pour organiser leurs forces ».

    La frustration de Nicolas Sarkozy

    Dès le début de l’intervention armée (opération Harmattan pour les Français, Ellamy pour les Britanniques), une source européenne informe les Américains que « le commandement militaire français anticipe l’effondrement total de la structure militaire libyenne pour la semaine suivante ». Mais à partir de mars 2011, il devient très difficile d’obtenir des informations provenant du terrain. Ce qui d’après les informations américaines a eu le don d’agacer l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, de plus en plus « frustré » par cette situation. Une source bien informée souligne que le président français « exerce une pression afin que France émerge de cette crise comme le principal allié extérieur quel que soit le gouvernement qui prendra le pouvoir » en Libye (NB: le 18 mars, Sarkozy est un des premiers a reconnaitre publiquement le CNT comme l’autorité légitime).

    Le flegme britannique

    Plus pragmatiques, les Britanniques eux ne fondent pas leurs objectifs sur un prétendu prestige qui découlerait de la « protection des populations civiles ». Celle-ci n’est qu’un moyen pour la défense des intérêts du Royaume en Libye.

    Informée par des hauts fonctionnaires militaires du Conseil National de Transition de Libye, Hilary Clinton apprend dès mars 2011 l’état des tractations des services de renseignements franco-britannique. Sur le terrain, « en dépit de l’intervention de l’OTAN contre les forces de Kadhafi, le gouvernement britannique utilise ses services de renseignement dans le but de dicter le comportement à la fois du CNT et Kadhafi »affirment des hauts gradés du CNT. 

    Les tractations britanniques auprès de Saif Al-Islam Kadhafi mettent en évidence la planification des relations futures si ce dernier succède à son père à l’issue du conflit qui embrase le pays en 2011. Ces mêmes sources informent les Américains que « les services diplomatiques et de renseignement maintiennent des contacts avec les membres du gouvernement de Kadhafi ». La fuite au Royaume-Uni du ministre libyen des Affaires étrangères, Moussa Koussa n’est pas un hasard…

    (Johanna Bouquet)

    SOURCES:


  • 5 Août 2015

    Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

    Hiroshima et Nagasaki 6 et 9 août 1945: le mythe pour faire capituler le Japon

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    Le 6 août 1945, puis le 9 août, la bombe atomique américaine sur les populations d'Hirocshima et de Nagasaki, dans un Japon où il n'y avait plus grand-chose à détruire. Une boule incandescente d'un kilomètre de diamètre dévaste tout, bâtiments et habitants prennent feu instantanément. Le feu se propage de quartier en quartier et s'éteint faute de combustible. Suit un épouvantable ouragan et une pluie noire. Deux villes ont disparu de la planète: 250 000 tués, plus de 315 000 blessés. Durant de longues années après l'explosion atomique, des cancers, des leucémies, des naissances de bébés atteints de malformation et d'autres morts. Le Japon capitule le 14 août 1945 et les USA impose un embargo sur les conséquences inhumaines du bombardement.

    Mais c'était cela ou perdre encore plus de soldats américains, ont prétendu les USA et leurs alliés. Et ils le prétendent encore.

    Or, nombre de chercheurs, même américains, révèlent que ce n'est pas tant l'arme nucléaire qui contraint le Japon à capituler, que l'entrée en guerre de l'URSS en Asie le 8 août 1945. L'Armée rouge peut envahir l'archipel japonais dans lequel l'anticommunisme n'est pas rien. Les soldats soviétiques viennent de libérer la Mandchourie, la Mongolie-intérieure, la partie orientale du nord de la Corée et Sakhaline sous occupation japonaise.

    Suite à l'accord de Potsdam du 2 août 1945 entre les USA, la Grande-Bretagne et l'URSS, Staline s'est engagé à attaquer le Japon. Il lui déclare la guerre le 8 août 1945.

    On ne le sait que trop peu, mais après l'invasion japonaise de la Mandchourie en 1932, le Japon tourne ses intérêts militaires vers le territoire soviétique. Ensuite, la France et la Grande-Bretagne vont rejeter toute alliance militaire avec l'URSS.

    Depuis sa conquête militaire en Mandchourie, le Japon est frontalier avec l'Union soviétique. Il l'attaque le 2 juillet 1939, bien avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale au 1er septembre de la même année. L'Empire du Soleil Levant, signataire du pacte anti-Komintern avec Hitler et Mussolini, croit anéantir rapidement l'Armée rouge communiste. Or le Japon est sévèrement battu malgré l'emploi d'armes bactériologiques dans la rivière Holsten. Le 15 septembre 1939, un cessez-le-feu est signé et un traité de non-agression viendra en avril 1941.

    Comme l'écrit le général US Leslie Richard Groves, qui dirigea le projet de la bombe atomique, "je n'ai jamais eu d'illusion que la Russie puisse être autre chose que notre ennemi et le projet a été exécuté sur cette base." Dans l'Humanité dimanche, Bernard Frédérick cite les propos du secrétaire d'état US James Byrnes. Celui-ci ne prétend pas "qu'il est nécessaire d'utiliser la bombe atomique contre les villes japonaises pour gagner la guerre. Son idée est que la possession et l'usage de la bombe rendra la Russie plus controlable."

    La deuxème bombe atomique sur Nagasaki stoppe l'avancée des armées soviétiques et les USA montrent au monde entier leur terrible supériorité militaire. Le Japon, en capitulant devant les Américains, dissimule également ses effroyables responsabilités dans la guerre menée durant 14 ans en Asie.

    La guerre froide contre l'URSS est enclenchée et l'impérialisme US, économique et militaire, sort du bois.

    Shigemitsu signe la capitulation du Japon sur le pont du Missouri (2 septembre 1945)

    Signature à bord du cuirassier US Missouri devant le général Marc-Arthur

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  • Venezuela : la presse française lâchée par sa source ?

    Parmi les vieux tours de magie des médias français, de Jean-Hébert Armengaud (Courrier International) à Natacha Tatu (nouvel Observateur) (1), il y a la transformation de la droite vénézuélienne en sympathique club de combattants pour la démocratie. Une élite à laquelle la CIA accorde un crédit limité selon Wikileaks. Enchâssée dans son seizième siècle – avec domestiques mulâtres et modes fébrilement importées du monde blanc, elle reste dans l’impossibilité de sauter par dessus son propre être pour comprendre la démocratie participative (2), prête à “tout” pour revenir en arrière. D’où sa tendresse pour l’ère Pinochet, et depuis 2002, ses tentatives répétées de coup d’État, ses violences (comme au Salvador ou en Équateur) organisées avec l’appui du vaste réseau paramilitaire de l’ex-président colombien Alvaro Uribe. Si certains des leaders de “l’Aube Dorée” vénézuélienne – tels Leopoldo Lopez – sont arrêtés comme organisateurs de violences – celles de 2013 ont fait 43 morts, la plupart dans le camp bolivarien, et six membres des forces de l’ordre tués par balles – on peut compter sur les médias privés majoritaires au Venezuela et la presse française pour en faire… des prisonniers “d’opinion”.

    Disons à sa décharge que la presse hexagonale relaie souvent l’états-unienne (3). Elle devrait donc être particulièrement intéressée par la dissonance de Foreign Policy, un média pourtant réputé peu sensible aux causes révolutionnaires. Sous le titre suggestif de « The Making of Leopoldo Lopez » (“La fabrication de Leopoldo Lopez”), la revue politique explique en effet le surgissement de la vedette internationale de la droite vénézuélienne comme un produit du marché des médias états-uniens tout en apportant des éléments qui mettent en doute ses soi-disant “principes démocratiques irréprochables”…

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    Newsweek a parlé de ses « yeux étincelants couleur chocolat et ses pommettes hautes » et a appelé Lopez « un révolutionnaire complet ». Le New York Times a publié une photo de lui, la bouche ouverte, le poing levé, criant devant une multitude de manifestants et lui a accordé une page sur sa plateforme éditoriale. A New York, quand les Nations Unies ont tenu session en septembre dernier, les manifestants se sont réunis pour montrer leur soutien à Lopez et le président Barack Obama l’a mentionné dans un groupe de prisonniers politiques de pays oppresseurs comme la Chine et l’Egypte qui « méritent d’être libres ».

    Lopez, qui a donné des interviews sans chemise, est arrivé à incarner la liberté et la démocratie pour le monde entier, avec des stars comme Kevin Spacey jusqu’à Cher manifestant pour sa cause tandis que l’étiquette #freeleopoldo s’emballe sur Twitter, signale l’analyse.

    Le profil inattendu, écrit par Roberto Lovato, un chercheur d’origine salvadorienne, révèle que pendant son séjour dans différents centres éducatifs pour les élites aux Etats-Unis, Lopez s’est fait d’étroites relations avec des hommes politiques et des entrepreneurs influents qui lui ont permis de se forger une image qui l’assimile à une combinaison de “Nelson Mandela, Gandhi, et de son grand-oncle éloigné, Simon Bolívar”.

    Ces relations, parmi lesquelles se détachent les consultants politiques républicains Leonardo Alcivar et Rob Gluck ainsi que l’ancien membre de la banque d’investissement J.P. Morgan, le Vénézuélien Pedro Burelli qui, pendant l’ère pré-Chavez, fut directeur de PDVSA, l’entreprise pétrolière d’Etat du Venezuela.

    Burelli fut, selon ce qu’il a assuré lors d’une interview, celui qui amena Lopez à travailler comme fonctionnaire du géant de l’énergie vénézuélien de 1996 à 1999 quand il organisa avec sa mère le scandale d’une donation de 120 000 dollars pour l’organisation politique qui précéda la formation du parti Primero Justicia.

    Burelli se considère lui-même comme « un très bon ami » de Lopez et a dit qu’il a donné des conseils informels au leader de l’opposition lors de ses nombreuses transitions politiques polémiques depuis l’époque de Lopez au PDVSA aux plus récents affrontements avec le gouvernement de Maduro, précise l’article long et détaillé publié lundi dans Foreign Policy.

    Selon le profil, Lopez a étudié à « l’Ecole Hun de Princeton, un internat privé d’élite au New Jersey. Ce fut à Hun, qui a parmi ses élèves des princes saoudiens, le fils d’un président des Etats-Unis et le fils d’un CEO de Fortune 500.”

    Lopez est passé de Hun à Kenyon College, une université des arts libéraux dans l’Ohio où il a développé certaines des relations qui lui serviraient actuellement. Ce fut un ancien camarade de classe et consultant politique, Rob Gluck, qui dirigea ses efforts pour créer Friends of a Free Venezuela, le groupe de défense centré sur les médias qui fait aux Etats-Unis une forte campagne pour la libération de Lopez. Comme témoignage du « fort impact (que Lopez) a eu sur les gens », Gluck, porte-parole du groupe, me dit: « à quelques jours de l’arrestation, en réalité, à quelques heures, » des amis de Kenyon occupant des positions influentes dans le journalisme, les communications, la défense, et le gouvernement « ont envoyé un courrier électronique, une connexion, des volontaires (et) en demandant: « Que pourrions-nous faire? »

    Certains de ces camarades de classe ont fondé la campagne Free Leopoldo, un groupe d’avocats avec beaucoup de relations qui a impulsé une campagne vibrante de réseaux sociaux au nom de Lopez. Parmi les camarades de classe de Kenyon, qui ont aidé Free Leopoldo aux Etats-Unis, se trouve le membre du Parti Républicain Leonardo Alcivar, qui a dirigé les stratégies de communication pour la campagne du pré-candidat Romney et pour la Convention Nationale Républicaine 2004 et qui travaille maintenant dans une entreprise de communications conseillant les entreprises sur leur stratégie on-line. Le même Gluck est aussi un ex stratège républicain qui a travaillé à la campagne présidentielle de Lamar Alexander et à la campagne réussie pour le bien connu gouverneur de California, Gray Davis, qui s’acheva par l’élection d’Arnold Schwarzenegger. Actuellement, il est gérant associé de High Lantern Group, une firme de stratégie de communication basée à Pasadena. Il a dit que Lopez « a toujours été progressiste » et que dans le spectre politique des Etats-Unis, il serait « à la gauche du centre ».

    Gluck soutient Friends of a Free Venezuela – « temps personnel, passion, et les relations pour stimuler le travail », dit-il – mais son entreprise de communications a aussi été engagée par la famille Lopez, dit-il, pour « apporter le message sur la situation (de Lopez) ».

    “Leopoldo marque mieux”

    Le travail de recherche dessine les éléments esthétiques et symboliques qui entourent l’image de Lopez qui « se présente comme une étoile du rock parmi les jeunes activistes de l’opposition même après son arrestation ».

    Par la voix des interviewés, il recueille les valeurs qu’il incarne et reproduit:  » Leopoldo est une personne extrêmement démocratique et catholique », me dit Alejandro Aguirre, membre du JAVU (Juventud Activa por Venezuela Unida), un des principaux groupes d’étudiants de la droite radicale qui étaient derrière les protestations de février. « C’est aussi un athlète » ajoute Aguirre que j’ai connu le 7 mai lors d’un forum de l’opposition intitulé « Penser différemment n’est pas un crime » qui fut organisé par El Nacional, un des journaux les plus importants du pays. « Les athlètes sont moralement propres, sans tache et mentalement plus forts que les autres. » Il a aussi dit que Lopez était un bon père de famille. “Leopoldo”, dit-il, est un exemple pour la jeunesse. »

    Lovato souligne que dans les médias des Etats-Unis, on signale rarement les divisions profondes entre la MUD et son leader Henrique Capriles, et l’aile plus jeune, plus radicale de l’opposition vénézuélienne conduite par Lopez… » Il évoque le fait que cette confrontation est racontée avec l’émotion d’un roman feuilleton et cite un épisode révélé par un câble de l’ambassade des Etats-Unis à Caracas révélé par Wikileaks.

    “Maria Ponte, membre distingué du parti d’opposition de centre-droite Primero Justicia a dit une fois, selon un câble diplomatique des Etats-Unis 2009 que « la seule différence entre les 2 est que Lopez marque bien mieux » (par opposition à Capriles).

    « Dans une section du même câble de l’ambassade des Etats-Unis intitulé « Le Problème Lopez », des fonctionnaires du Département d’Etat des Etats-Unis décrivent Leopoldo Lopez comme une « figure qui divise à l’intérieur de l’opposition » qui est « souvent décrit comme arrogant, vindicatif et assoiffé de pouvoir – mais des fonctionnaires du parti reconnaissent aussi son éternelle popularité, son charisme et son talent d’organisateur ». Certainement, aucun leader antérieur de l’opposition vénézuélienne n’a réussi à se projeter sur la scène internationale comme l’a fait Lopez, ajoute le reportage. »Leopoldo

    Le “défenseur de la démocratie” et son rôle dans le coup d’Etat de 2002.

    Foreign Policy explique que « le soutien international à Lopez a dépendu en grande partie de son image en tant que défenseur inconditionnel de la démocratie – pour quelqu’un qui est à une certaine distance de la tentative de coup d’Etat hautement impopulaire d’avril 2002 lors de laquelle des éléments qui obéissaient aux leaders militaires et patronaux ont renversé le président Chavez pendant 47 heures. »

    Ce point a été une grande préoccupation pour le leader d’opposition vénézuélien et ses partisans car « en juillet 2014 le « livre blanc » sur le procès, écrit par 2 avocats qui l’ont représenté, lui et sa famille – Jared Genser et José Antonio Maes – affirmait que « Lopez n’était pas un partisan du coup d’Etat et qu’il n’a pas signé la Loi de Constitution du gouvernement de Transition Démocratique et d’Unité Nationale (« Décret Carmona »), le document qui a tenté de renverser Chavez et de dissoudre la Cour Suprême et l’Assemblée Nationale… et qu’il n’était pas avec les leaders patronaux qui l’ont exécuté ».

    Il ajoute que Lopez lui-même évoque souvent sa loyauté à la Constitution comme dans l’article d’opinion publié dans le New York Times en mars 2014 dans lequel il écrivait: « Un changement dans la direction peut être obtenu complètement dans le cadre constitutionnel et légal ».

    Mais des interviews de figures clef du coup d’Etat de 2002, un coup d’oeil sur les proches collaborateurs de Lopez et une révision des reportages de la presse vénézuélienne, des événements enregistrés en vidéo et des documents du gouvernement états-unien dépeignent un cadre plus complexe concernant ces affirmations, explique Lovato en préambule aux découvertes frappantes et inattendues (pour le public états-unien).

    Avec les années, l’argumentation avance. Lopez a souligné que lui, n’avait pas signé le décret Carmona – il y a des preuves qui indiquent qu’il l’a fait – et qu’il n’avait aucun rôle dans l’organisation de la tentative de coup d’Etat. « A aucun moment Lopez ne fut un défenseur du coup d’Etat et il n’était pas allié avec les leaders patronaux qui l’ont mis en oeuvre » peut-on lire dans les “white paper” de ses avocats.

    Mais les rapports d’information, des registres parlementaires, des documents du gouvernement des Etats-Unis, des enregistrements vidéo et des interviews montrent que Lopez n’était pas si éloigné de la tentative de coup d’Etat et de ses conspirateurs que ce que lui-même et ses représentants affirment. Certains des putschistes et des signataires du décret Carmona étaient à ce moment-là ou sont maintenant membres du cercle intime de Lopez.

    Leopoldo Martinez, un leader de l’opposition au parlement pendant de nombreuses années, qui a fait ses études à Harvard et qui a milité à Primero Justicia avec Lopez, a été nommé ministre des Finances du gouvernement putschiste (éclair) de Carmona. Maria Corina Machado, la plus proche alliée de Lopez qui s’est jointe à lui pour appeler aux protestations en février dernier, a signé ce décret, ainsi que Manuel Rosales, un ex dirigeant de Un Nuevo Tiempo, un parti auquel Lopez s’est joint et qu’il a aidé à construire en 2007 (et il en fut expulsé en 2009).

    Source en espagnol: http://www.resumenlatinoamericano.org/2015/07/30/venezuela-foreign-policy-publica-un-contundente-articulo-leopoldo-lopez-fabricado-por-los-medios/, traduit par Françoise López

     Notes

    (1) Natacha Tatu (“Nouvel Obs”, France) présente Maria Corina Machado comme une victime du pouvoir, égérie sympa de la lutte pour la démocratie. Héritière d’une des grandes familles de l’oligarchie, leader de l’extrême droite, Mme Machado signa en avril 2002 le décret de l’éphémère et meurtrier coup d’État contre le président Chavez, qui porta au pouvoir durant 48 heures le patron des patrons Pedro Carmona. Ce décret abolissait toutes les institutions démocratiques telles que la constitution et l’assemblée nationale, tandis que la police putschiste faisait la chasse aux opposants. En juin 2013, dans une conversation téléphonique, Machado évoque ses contacts avec les États-Unis et la nécessité de tenter un nouveau coup d’État précédé de « confrontations non-dialogantes ». Bilan de ces violences en 2014 : 43 morts, la plupart dans le camp bolivarien et six membres des forces de l’ordre tués par balles. “Il faut nettoyer cette porcherie, en commençant par la tête, profiter du climat mondial avec l’Ukraine et maintenant la Thaïlande” insiste-t-elle en 2014 dans un des mails échangés avec l’ambassadeur états-unien en poste à Bogota, Kevin Whitaker. “C’est l’heure de faire des efforts, de procéder aux appels nécessaires et d’obtenir le financement pour anéantir Maduro, le reste tombera de son propre poids » ajoute Machado. Dans une enquête récente, le journaliste Ignacio Ramonet explique que le 12 février 2015, le siège de la télévision publique Telesur où travaillent 800 employé(e)s et l’Assemblée Nationale devaient être bombardés lors d’une tentative de coup d’État. Sur tous ces faits, on peut lire également“C’est l’heure d’anéantir Maduro”, https://venezuelainfos.wordpress.com/2014/05/29/%C2%A8cest-lheure-daneantir-maduro-le-reste-tombera-de-son-propre-poids%C2%A8-les-visages-reveles-du-plan-de-coup-detat/

    (2) Sur le racisme et la misogynie de la droite vénézuélienne : La misogynie de l’opposition vénézuélienne, par Lidia Falcón O’Neill, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/07/19/la-misogynie-de-lopposition-venezuelienne-par-lidia-falcon-oneill/ et https://venezuelainfos.wordpress.com/2012/05/26/afrique-mere-patiente-de-la-revolution-bolivarienne/

    (3) Sur ce cordon ombilical, le triste exemple du service public: “Thomas Cluzel ou l’interdiction d’informer sur France Culture”, https://venezuelainfos.wordpress.com/2015/03/12/thomas-cluzel-ou-linterdiction-dinformer-sur-france-culture/

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