Pendant la présidentielle et depuis le début de son quinquennat, François Hollande a placé le dialogue social au coeur du processus des réformes. Il souhaitait ainsi se démarquer de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy qu'il accusait de mener les siennes de manière unilatérale, au détriment des fameux "corps intermédiaires". Au terme de la négociation de l'accord sur l'emploi le 11 janvier dernier, Michel Sapin, s'était félicité de la méthode. A ses yeux, cela montrait que l'on peut "réformer profondément dans l'intérêt des entreprises et des salariés sans être dans la guerre civile".
Mais pour que ce type de négociation puisse aboutir, encore faut-il que le gouvernement préserve de bonnes relations avec tous les acteurs. A cet égard, la proposition de loi communiste sur l'amnistie sociale avait tout du dossier empoisonné. Ce texte, proposé par le Front de gauche mercredi 27 février, vise à amnistier les faits commis à l'occasion de mouvements sociaux, d'activités syndicales et revendicatives. S'il a été adopté de justesse par le Sénat, sa portée en a été largement amoindrie par les socialistes. Ce qui ressemble fort à une volonté du gouvernement Ayrault de balayer toute accusation de favoritisme vis-à-vis des représentants des salariés. Surtout que, selon Libération, qui cite plusieurs dirigeants socialistes et Matignon, le gouvernement ne voulait pas de ce texte.
"Un véritable appel au cassage"
Concrètement, les socialistes ont obtenu que seuls les auteurs de faits commis exclusivement entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013 puissent être amnistiés, alors que le texte initial ne visait que les faits commis avant le 6 mai 2012. Il concerne les faits passibles de cinq ans d'emprisonnement, au lieu des dix ans pour lesquels militait le Front de Gauche. Enfin, les faits commis au cours de mouvements liés à l'éducation, à la santé, à l'environnement, aux droits des migrants ou contre les fauchages OGM ont également été exclus du champ d'application de la loi.
Reste que la manœuvre n'a guère convaincue le Medef. Dans la foulée du vote du Sénat, Laurence Parisot a perçu dans le texte "un véritable appel au cassage". Sur BFM TV, la patronne des patrons a fait feu de tout bois contre le gouvernement en s'en prenant, justement, à la volonté de compromis qu'il affiche: "Je ne comprends pas le signal que la majorité du Sénat veut donner ainsi à la fois au dialogue social, parce que c'est un signal en faveur de l'antagonisme, en faveur du conflit." Et de renchérir: "C'est exactement le contraire dont nous avons besoin aujourd'hui, nous avons besoin de nous entendre, de nous comprendre, nous avons besoin d'un espace de dialogue spécifique."
"J'ai la rage"
Du côté de la CGPME, la protestation est du même tonneau. "La violence ou la dégradation de l'outil de travail ne sont [...] au regard de ce texte, pas si graves que cela et ne méritent plus en France en 2013 de sanctions! Clémence pour les syndicalistes!", a fusillé l'organisation patronale représentative des petites et moyennes entreprises dans un communiqué.
Dans l'aute camp, on est pourtant loin de se réjouir. "J'ai la rage", a déclaré Martine Billard, co-présidente du Parti de gauche, a rapporté Libération. Au milieu de 200 à 300 militants politiques et syndicaux rassemblés devant le Sénat mercredi soir, elle a jugé qu'"il n'y a plus rien dans le texte: tout ce qui concernait les militants écolos, les faucheurs OGM, les antipub... Tout cela est exclu". Au regard de ces tensions, ménager les acteurs sociaux apparaît comme une affaire difficile pour le gouvernement s'il veut continuer à miser sur le dialogue pour trouver des compromis. Et les discussions prochaines sur la réforme des retraites feront office de test. Mercredi, Jean-Marc Ayrault a ainsi installé la commission pour "l'avenir des retraites". Celle-ci devra en effet proposer des "scénarios" de réforme d'ici au mois de juin pour préparer la concertation à venir avec les partenaires sociaux.
Source latribune.fr
Amnistie syndicale : le PS permet le vote de la loi au Sénat mais réduit fortement sa portée
Par DEREK PERROTTE | 28/02 |
L'UMP fustige une démarche « idéologique et clientéliste ».
Les uns verront le verre à moitié vide, d'autres à moitié plein. Hier, le Sénat a adopté la proposition de loi « sur l'amnistie des faits commis durant des mouvements sociaux » déposée par le PC (qui argue du fait que les lois d'amnistie ont toujours existé avant Nicolas Sarkozy), mais après que les sénateurs PS l'ont largement amendée pour en réduire la portée. Alors que le PC prônait une amnistie large, les sénateurs ont réduit cette dernière aux faits de dégradation, de menaces et de diffamation (hormis envers les forces de l'ordre), mais ils ont exclu les actes de violence, physique comme psychologique. De même, ils ont réintégré les dirigeants d'entreprise parmi les potentiels bénéficiaires de l'amnistie.
Grande prudence
Ils ont enfin réduit la portée de l'amnistie à la période allant du 1er janvier 2007 à l'élection de François Hollande. Autrement dit, à la période où la gauche estime que la concordance des tensions sociales liées à la crise et de l'installation par le précédent gouvernement d'une « politique pénale très répressive » ont pu conduire à des condamnations abusives. De la sorte, les sénateurs PS estiment envoyer « un signal positif » envers les victimes de la crise via un texte « équilibré », qui constitue un « geste d'apaisement. » A l'opposé, Pierre Charon (UMP) a lancé : « Notre rôle n'est pas d'excuser ce qui ne doit pas l'être pour des raisons idéologiques et clientélistes ! » La droite a mis l'accent sur les violences sur le site PSA d'Aulnay. Et Laurence Parisot (Medef) a jugé ce vote « très choquant ».
Le risque pour le gouvernement est d'apparaître comme distribuant un cadeau aux syndicats, après celui fait la semaine dernière aux fonctionnaires sur la fin du jour de carence. Cela explique sa grande prudence. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a estimé que l'amnistie ne concernerait que « quelques dizaines de condamnations ». L'examen du texte à l'Assemblée surviendra dans le cadre d'une niche réservée au PC.
Source lesechos.fr