C’est ainsi qu’en réponse à l’interrogation d’un lycéen se demandant si la France était vraiment « en guerre », Valls a pu délivrer son désormais célèbre message : « Votre génération doit s’habituer à vivre avec le danger du terrorisme […] et les enseignants doivent le savoir. » Cette mâle résolution étant dans la minute reprise par tous les médias, le chef du gouvernement, aux anges, peut alors quitter la salle pendant que les élèves entonnent une Marseillaise aussi spontanée que le débat qui a précédé…
Heureux effet des attentats – parmi d’autres – personne n’aura songé à l’interpeller sur le chômage des jeunes ; on ne va quand même pas importuner un chef de guerre ni troubler l’union nationale avec de telles futilités. Patriote et disciplinée, c’est ainsi que, dorénavant, l’Education nationale rêve la jeunesse. Et pour y arriver, en plus de la fidélité sans faille de sa hiérarchie, elle s’est dotée d’un outil à la mesure de l’objectif, une sorte de bible (ou de Coran) en 11 points, au titre magique : « Grande mobilisation de l’Ecole pour les valeurs de la République ». Tout est dans le titre. […]
La république et ses oripeaux, c’est tout ce qui reste lorsqu’un régime politique renonce à rendre plus justes l’école et la société. […]
Ce document surréaliste, censé dorénavant régenter les mœurs et les croyances écolières, est tout entier organisé autour d’un grossier amalgame entre civilités, nationalité, laïcité, ce qui, dans les écoles peut se traduire ainsi : je respecte les enseignants, je suis fier d’être français, je ne porte pas de voile sur la tête. […]
Il est clair que la « mobilisation de l’école » cible en fait les élèves musulmans considérés comme insuffisamment francisés. Ainsi, la vision identitaire de la laïcité, aux relents colonialistes, bruyamment initiée ces dernières années par les milieux d’extrême droite avant de gangréner une large partie de la classe politique, prend pied aujourd’hui à l’école, le plus officiellement du monde avec ce mot d’ordre : éradiquons la menace barbare de nos écoles. […]
Les enseignants, singulièrement silencieux jusqu’à présent, voire complaisants – à quelques notables exceptions près – devraient se rendre compte qu’ils sont concernés par ce vent punitif : notamment lors des concours de recrutement où seront évaluées « leurs capacités à faire partager les valeurs de la République », une formulation suffisamment large pour laisser la porte ouverte à tous les arbitraires. Et les sanctions brutales prononcées ces derniers jours, aussi bien contre des élèves que contre des enseignants, donnent déjà l’image de ce que pourrait être une école fondée sur la surveillance généralisée, les menaces et la peur. Le billet intégral
Village Potemkine : L'expression « villages Potemkine » désigne un trompe-l'œil à des fins de propagande. Selon une légende historique, de luxueuses façades avaient été érigées à base de carton-pâte1, à la demande du ministre russe Potemkine, afin de masquer la pauvreté des villages lors de la visite de l'impératrice Catherine II en Crimée en 1787. Cliquer ici
Lorsque des adultes, consciemment ou non, cherchent dans le cadre de leur activité professionnelle à glisser un coin entre des enfants et leurs parents, lorsque la sanction précède la réflexion et que la loi menace potentiellement toute une population, lorsque l’intimidation tient lieu de pédagogie, lorsque le discours, à force de tourner à vide, se ridiculise, on voit bien que c’est un paysage nouveau qui se dessine, pour l’école comme pour la société.
Pour les jeunes, l’obéissance par la contrainte avant l’encasernement que de tristes parlementaires socialistes sont en train de leur préparer ; pour tout le monde, la tentation d’un régime de surveillance généralisée, d’un régime policier.
Signe complémentaire d’une démocratie en perdition, le silence qui alourdit encore ce climat délétère : les enseignants sont-ils tétanisés au point de ne pas réagir ? Ou bien faut-il comprendre qu’eux aussi ont des comptes à régler avec les élèves ? Quant aux syndicats, ils sont à cette heure aux abonnés absents. Cliquer ici
Non seulement on jette aux oubliettes tous les vestiges des ordonnances de 1945 qui considéraient que les mineurs ne pouvaient pas être considérés comme responsables de leurs actes, à fortiori de leurs paroles ! Mais l'école abdique de tout rôle éducatif considérant que des propos tenus par un enfant de 8 ans ne relèvent pas d'un besoin de discussion, de développer l'esprit de réflexion mais du dépôt de plainte ! Dans cette situation, l'école n'est même plus le supplétif de la préfecture mais joue les dénonciateurs : les propos d'un enfant entraînant la dénonciation de son père, on connaissait bien dans les régimes dictatoriaux ou sous le régime de Vichy.
Le NPA appelle les organisations syndicales et politiques, les associations de défense des droits de l'homme à réagir collectivement pour stopper cette logique infernale qui met en danger les libertés démocratiques élémentaires.
Montreuil, le 29 janvier 2015 (le communiqué sur le site national du NPA)