• De qui Macron est-il le nom? Par Julia Cerisi

    6 Mai 2017 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Comité pour une Nouvelle résistance, #Europe supranationale, #La France, #La mondialisation, #La République, #La nation ., #Le fascisme, #l'horreur économique

    De qui Macron est-il le nom? Par Julia Cerisi

    Ahahah ! Les medias jubilent : de bout en bout ils ont pianoté sur l'électorat , montant un curseur ici, descendant une voix par là, pilotant avec dextérité l'opinion publique,qui, on le sait, depuis l'étude d'Etienne Chouard sur l'élection de 2012 ,est corrélée à 98% aux temps de passage télé. Donc, sur les plateaux ,un candidat est bien reçu ou adulé quand on veut faire monter le curseur, mais sitôt le score maximum autorisé , on déclenche l'orage et la foudre s'abat sur le candidat; on l'a vu avec Jean-Luc Melenchon, après une période de paix angélique et attentive, le voilà tout soudain accusé d'être Chavez/ Poutine / Castro et autres diableries . Mais nous sommes au deuxième tour, et il est nécessaire de faire gagner Macron, candidat adoubé des multinationales, des banques, de Jean-Claude Juncker et de Tata Merkel , et même, suprême transcendance , voix divine descendue du ciel , de Barack Obama : votez Macronne ,

    et vive la France !
    Sur cet artistique equalizeur médiatique, il faut également baisser le curseur de la blonde, et sur elle déclencher l'orage, la dépeindre en noire Madone diabolique, car 20% d'écart ne suffit pas, il faut qu'en grande pompe "Macronne" soit sacré ROI ! Et tout le bon peuple de voter la bouche en coeur pour la Sainte blancheur de l'Ange, en réalité pourfendeur du contrat de travail, chantre de la précarité et futur sabreur des retraites - bien sûr, ça fait plaisir à la Commission, le grand Mammamouchi Juncker sera content, et la GOPE satisfaite.
    L'oligarchie et ses fortunes ont un bel avenir, et vous petits Français la bouche en coeur ,vous aurez été pilotés d'un bout à l'autre par le dosage savant des curseurs médiatiques. Ainsi va la saga de l'élection.
     
    Amen.
    Julia, 06.05.2017

  • « Si vous prenez l’Est de la Syrie, je prendrai le port yéménite »


    Les États-Unis quitteront-ils la Syrie, si cela évite une flotte russe installée au Yémen ?


    Par Moon of Alabama – Le 29 avril 2017

    Moon of Alabama

    La question semble étrange, mais si la Russie réussit ses négociations sur le Yémen, elle se posera bientôt.

    Une publication des néoconservateurs états-uniens a récemment fait connaître une nouvelle intéressante, mais de source peu sûre, sur le Yémen :

     

    La Russie joue le rôle de médiateur dans des négociations pour une solution politique au conflit du Yémen, hors des canaux de l’ONU, ce qui pourrait être un moyen d’installer des bases navales au Yémen. La Russie poursuit des négociations politiques avec les Émirats arabes unis et l’ancien président yéménite, Ali Abdullah Saleh, en commençant par discuter du futur gouvernement yéménite. Le soutien de Saleh envers les Houthis est essentiel pour que le groupe Houthis/Saleh conserve son influence sur le nord et le centre du Yémen. Les Émirats arabes unis peuvent voir ce règlement comme un moyen d’arrêter l’expansion de l’influence de l’Iran au Yémen et de limiter les coûts supplémentaires associés à la guerre. Saleh avait déjà exprimé sa volonté d’accorder des droits pour l’installation de bases militaires russes au Yémen. Une base permettrait à la Russie de projeter son pouvoir dans l’une des voies de transit maritime les plus fréquentées au monde, qui mène à la mer Rouge et au détroit de Bab al Mandab, un goulet maritime mondial.

    En août 2016, l’ancien président yéménite Saleh avait effectivement fait une offre à la Russie :

    « Dans la lutte contre le terrorisme, nous joignons nos efforts et offrons toutes les installations. Nos aéroports, nos ports… Nous sommes prêts à fournir cela à la Fédération de Russie », a déclaré Saleh dans une interview à Sanaa.

    Personne (sauf la Russie?) n’a pris Saleh au sérieux à ce moment-là. Il n’était pas, et n’est toujours pas, en mesure de maîtriser Aden, dans le sud du Yémen, ni aucun autre port Yéménite pertinent.

    J’ai également douté de ce récent rapport. Effectivement, jusqu’au début des années 1990, l’Union soviétique avait des bases dans le sud du Yémen et des milliers de conseillers et formateurs militaires travaillaient dans le pays. Mais la Russie n’a actuellement pas les ressources navales, ni d’intérêt immédiat, pour ouvrir une nouvelle base dans la région. En tous cas, je le pensais.

    Mais une source bien informée au Yémen a dissipé mes doutes. Elle a confirmé le rapport. La Russie négocie avec les Émirats arabes unis, l’alliance Houthis/Saleh et les différents groupes du Sud Yémen, au sujet d’un accord de paix et le fait depuis six mois. L’accord comprendrait des droits de base à Aden pour la marine russe.

    Les signaux lumineux doivent clignoter au CENTCOM, au Pentagone et au Conseil national de sécurité. Au cours des vingt-cinq dernières années, la mer d’Arabie, le golfe d’Aden et la mer Rouge étaient principalement contrôlés par les États-Unis. Que la Chine ait récemment ouvert une base de « lutte contre la piraterie » à Djibouti suscite déjà des inquiétudes. Et maintenant, voilà les Russes qui arrivent !!!

    La guerre saoudienne contre le Yémen, soutenue activement par les États-Unis, ne mène nulle part. Les Saoudiens perdent quotidiennement des soldats, à cause d’incursions yéménites (vidéo) dans le sud de l’Arabie saoudite. Il n’y a aucune chance que les forces soutenues par l’Arabie saoudite puissent s’emparer de la région contrôlée par les Houtis/Saleh, au nord du Yémen, ni sa capitale, Sanaa. Les Émirats arabes unis ont soutenu la guerre saoudienne avec des forces capables. Mais les Émirats arabes unis ne veulent que le port d’Aden et ses installations de chargement de pétrole à proximité, pour son entreprise de gestion portuaire DP World. Les Saoudiens veulent que les ports soient des débouchés pour leurs exportations de pétrole, loin de leurs ports du Golfe Persique, que l’Iran pourrait facilement bloquer. Mais ils veulent aussi contrôler tout le Yémen.

    Les Saoudiens ont engagé al-Qaïda au Yémen, comme force combattante proxy. Mais ni les États-Unis, ni les Émirats arabes unis n’adhèrent à ce stratagème. Les forces des EAU au Yémen ont été attaquées par al-Qaïda. Les États-Unis craignent qu’elle ne devienne au Yémen une source potentielle d’attaques internationales. Depuis le début de l’année, les forces spéciales des États-Unis et des EAU attaquent ou bombardent un certain nombre de zones tenues par al-Qaïda au Yémen. Les Saoudiens ont été surpris, mais n’ont pas pu protester. Al-Qaïda était leur dernier joker dans le jeu. Ils l’ont perdu.

    Les Saoudiens font marche arrière sur leur plan d’invasion d’Hodeidah, port situé sur la côte de la mer Rouge. Le port est actuellement le seul, par lequel l’aide alimentaire est expédiée dans les régions du nord, assiégées et affamées. L’ONU a protesté contre toute attaque et les États-Unis ont retiré leur soutien à l’opération. Les Houthis et Saleh accepteront vraisemblablement un contrôle de l’ONU sur le port. Alors que les Saoudiens prétendent que celui-ci est utilisé pour la contrebande d’armes en provenance d’Iran, les Houthis savent bien que ce n’est pas le cas.

    La peur saoudienne d’une forteresse iranienne au Yémen est sans fondement. Le prétendu soutien iranien aux Houthis n’a jamais été prouvé concrètement. Au cours de ces plus de deux années de guerre, aucun Iranien n’a été tué, capturé ou même vu au Yémen. Les missiles balistiques utilisés par les Houthis contre l’Arabie saoudite sont des vieux modèles soviétiques, dont des missiles de défense aérienne SA-2 / S-75 modifiés localement. L’armée yéménite en avait acheté et caché beaucoup, alors que l’Iran n’en a jamais acquis ni utilisé. Les fournitures militaires qu’utilisent les Houthis ne sont pas d’origine iranienne, mais ont été volées aux livraisons saoudiennes à leurs combattants proxy du Yémen. Les Houthis se contentent de capturer, ou même d’acheter, tout ce dont ils ont besoin.

    Des manifestations récentes ont eu lieu à Aden contre l’actuel président du Yémen, la marionnette des États-Unis/saoudiens, Hadi. Il y a résidé pendant quelques semaines, mais a dû fuir pour rejoindre sa suite dans un hôtel de luxe à Riyad, en Arabie Saoudite. Alors que Hadi contrôle et est officiellement responsable d’Aden, aucun salaire gouvernemental n’a été payé, les services publics sont fermés et divers gangs se battent pour contrôler les quartiers de la ville. Le siège du parti Islah, aligné sur les Frères musulmans et qui soutient Hadi, a été incendié.

    Les Émirats Arabes Unis commencent à en avoir assez :

    Les Émiratis commencent à se fatiguer de ces querelles. Les dirigeants, qui espéraient qu’Aden soit un modèle pour le reste du Yémen, craignent maintenant que laisser le sud en mode pilote automatique ne puisse que condamner le pays à l’instabilité. Et cela pourrait gagner toute la péninsule arabique. Des milliers de combattants qu’ils ont formés ont fui (après avoir récolté leur salaire). Motiver les recrues à s’aventurer vers le nord est une tâche difficile, même avec la promesse de primes. Ceux qui étaient heureux de se battre pour leur propre maison semblent peu enthousiastes à se battre pour celle de quelqu’un d’autre.

    Si l’alliance Saleh/Houthi peut faire la paix avec les mouvements du sud qui ont soutenu jusqu’à présent Hadi, la guerre peut se terminer en quelques mois. La Russie peut modérer les négociations et fournir, dans une certaine mesure, des garanties. Contrairement aux États-Unis, elle est perçue comme neutre et sobre, par toutes les parties en conflit. Les EAU et les Saoudiens devront payer le carnage qu’ils ont causé. Les Émirats arabes unis obtiendront probablement les droits commerciaux du port d’Aden pour les affaires de DP World. Les Saoudiens n’obtiendront qu’une certaine paix à l’intérieur de leurs frontières. Mais en ce moment, les Saoudiens seraient susceptibles d’accepter un tel accord – ne serait-ce que pour garder la face et terminer cette calamiteuse aventure au Yémen.

    En ce qui concerne le port naval et les droits de base russes, ce seront d’excellents atouts dans les négociations sur la Syrie avec les États-Unis. Si ceux-ci insistent sur le contrôle de la Syrie orientale, les Russes peuvent envoyer des sous-marins, un destroyer et d’autres combattants à Aden et installer des défenses aériennes et maritimes, très capables de garder leurs navires et le port en toute sécurité. Si les États-Unis acceptent de quitter la Syrie, seule une petite corvette russe rouillée sera basée à Aden, sans défense aérienne, et cela suffirait probablement. Le Pentagone et la Maison Blanche auraient un choix à faire : garder la primauté sur les mers de la région ou avoir la menace constante d’une « flotte russe » sur le dos. Est-ce qu’une occupation, pleine de problèmes, de la Syrie Orientale en vaut vraiment la chandelle ?

    Moon of Alabama

    Traduit par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone


  • Ruffin à Macron : vous êtes haï !

    5 Mai 2017 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #élection 17

    "Monsieur Macron, je regarde votre débat, ce soir, devant ma télé, avec Marine Le Pen qui vous attaque bille en tête, vous, « le candidat de la mondialisation, de l’ubérisation, de la précarité, de la brutalité sociale, de la guerre de tous contre tous », et vous hochez la tête avec un sourire. Ça vous glisse dessus. Je vais tenter de faire mieux.
    D’habitude, je joue les petits rigolos, je débarque avec des cartes d’Amiens, des chèques géants, des autocollants, des tee-shirts, bref, mon personnage. Aujourd’hui, je voudrais vous parler avec gravité. Vraiment, car l’heure me semble grave : vous êtes détesté d’emblée, avant même d’avoir mis un pied à l’Elysée.
    Lundi 1er mai, au matin, j’étais à la braderie du quartier Saint-Maurice, à Amiens, l’après-midi à celle de Longueau, distribuant mon tract de candidat, j’ai discuté avec des centaines de personnes, et ça se respire dans l’air : vous êtes haï. Ça m’a frappé, vraiment, impressionné, stupéfait : vous êtes haï. C’était pareil la veille au circuit moto-cross de Flixecourt, à l’intuition, comme ça, dans les discussions : vous êtes haï. Ça confirme mon sentiment, lors de mes échanges quotidiens chez les Whirlpool : vous êtes haï. Vous êtes haï par « les sans-droits, les oubliés, les sans-grade » que vous citez dans votre discours, singeant un peu Jean-Luc Mélenchon. Vous êtes haï, tant ils ressentent en vous, et à raison, l’élite arrogante (je ne vais pas retracer votre CV ici).
    Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Je vous le martèle parce que, avec votre cour, avec votre campagne, avec la bourgeoisie qui vous entoure, vous êtes frappé de surdité sociale. Vous n’entendez pas le grondement : votre heure, houleuse, sur le parking des Whirlpool, n’était qu’un avant-goût. C’est un fossé de classe qui, face à vous, se creuse. L’oligarchie vous appuie, parfait, les classes supérieures suivent.
    Il y a, dans la classe intermédiaire, chez moi, chez d’autres, encore un peu la volonté de « faire barrage », mais qui s’amenuise de jour en jour, au fil de vos déclarations, de votre rigidité. Mais en dessous, dans les classes populaires, c’est un carnage. Les plus progressistes vont faire l’effort de s’abstenir, et ce sera un effort, tant l’envie les taraude de saisir l’autre bulletin, juste pour ne plus vous voir. Et les autres, évidemment, le saisiront, l’autre bulletin, avec conviction, avec rage. Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï. Et c’est dans cette ambiance électrique que, sans concession, vous prétendez « simplifier le code du travail par ordonnances ». C’est dangereux. Comme si, le 7 mai, les électeurs vous donnaient mandat pour ça.
    Dimanche 30 avril, sur France Inter, une électrice de Benoît Hamon regrettait votre « début de campagne catastrophique », votre « discours indigent », votre « dîner à La Rotonde », votre manque d’« aise avec les ouvriers ». Nicolas Demorand la questionna : « Et vous allez voter au deuxième tour, Chantal ? » « Plus c’est catastrophique, plus je vais y aller, parce que j’ai vraiment peur de l’autre », lui répondit l’auditrice en un fulgurant paradoxe.
    A cet énoncé, que répliqua votre porte-parole, l’économiste Philippe Aghion ? Il recourut bien sûr à la tragique Histoire : Shoah, négationnistes, Zyklon B, Auschwitz, maréchal Pétain. En deux phrases, il esquissa toute l’horreur du nazisme. Et de sommer Chantal : « Ne pas mettre un vote, s’abstenir, c’est en fait voter Mme Le Pen. Il faut que vous soyez bien consciente de ça. » Contre ça, oui, qui ne voterait pas ?
    Mais de ce rejet du pire, vous tirez un blanc-seing. Votre économiste parlait, le 30 avril, comme un missionnaire du FMI : « Réduire la dépense publique », « les coupes d’abord dans le social », « sur l’assurance-maladie », « la tarification à l’acte », « l’assurance-chômage », « les collectivités locales ». Tout y passait.
    Et d’insister sur le traitement de choc : « C’est très important, le calendrier, il faut aller très vite. Il faut miser sur le capital politique de l’élection pour démarrer les grandes réformes dès le début, dès le début. Quand on veut vraiment aller vite sur ces choses-là, je crois que l’ordonnance s’impose. Je vois la France maintenant, un peu un parallèle avec l’après-guerre, je crois que nous sommes à un moment semblable à la reconstruction de 1945. » Rien que ça : la comparaison avec une France à genoux, qui a servi de champ de bataille, qui n’avait plus de ponts, plus d’acier, plus d’énergie, bref, ruinée, alors que le CAC 40 vient, cette année, de verser des « dividendes record » aux actionnaires. Mais de quel « capital politique » parlez-vous ? La moitié, apparemment, de vos électeurs au premier tour ont glissé votre bulletin dans l’urne moins par adhésion à votre programme que pour le « vote utile ». Et pour le second, si vous obtenez la majorité, ce sera en souvenir d’Auschwitz et du « point de détail ». Des millions de Français ne se déplaceront pas, qui ne veulent pas choisir entre « la peste et le choléra », qui vous sont d’ores et déjà hostiles.
    C’est sur cette base rikiki, sur cette légitimité fragile que vous comptez mener vos régressions à marche forcée ? Que ça passe ou ça casse ? Vous êtes haï, monsieur Macron, et je suis inquiet pour mon pays, moins pour ce dimanche soir que pour plus tard, pour dans cinq ans ou avant : que ça bascule vraiment, que la « fracture sociale » ne tourne au déchirement. Vous portez en vous la guerre sociale comme la nuée porte l’orage. A bon entendeur."

  • 5 Mai 2017

    Publié par El Diablo

    photo d'illustration : Anicet Le Pors (à gauche) en compagnie de Georges Marchais en 1982

    photo d'illustration : Anicet Le Pors (à gauche) en compagnie de Georges Marchais en 1982

    Emmanuel Macron sera élu le 7 mai 2017 Président de la République. C’est le produit politique fabriqué par les efforts combinés de l’oligarchie financière, du MEDEF, des gouvernements Hollande, de la technostructure administrative, des opportunistes de tous bords, des stars de l’intelligentsia toujours avides de notoriété, de la totalité des médias ; bref, de tous ceux ayant joué un rôle dans la situation désastreuse actuelle et favorisé ou instrumentalisé la montée du Front national. Et cela dans le contexte d’une décomposition sociale profonde, d’une communauté des citoyennes et des citoyens désorientés, en perte de repères.

    Son émergence est récente et il n’a cessé de cultiver l’ambiguïté pour se positionner électoralement au centre. Toutefois, on peut déceler à partir de plusieurs déclarations disparates une certaine cohérence idéologique, assez différente de celle qu’il veut accréditer ou qu’on lui prête. Cinq lignes de force peuvent être dégagées.

    1 Un fervent de l’élitisme, hostile au monde du travail

    Les analyses sociodémographiques publiées à l’issue du premier tour ont montré que Emmanuel Macron a été essentiellement soutenu par les personnes qui s’en sortent le mieux dans la cris, les plus riches, les plus diplômés, les partisans le l’Union européenne, laissant de côté la France qui souffre, accentuant ainsi les inégalités. Dans le même temps, il ne dissimule pas sa volonté de réduire le partenariat au sein de l’UNEDIC, plus généralement de préférer le soi-disant dialogue social à la concertation contradictoire. Il est un farouche partisan de la flexi-sécurité, cause de précarité et de pauvreté de masse. Il opérera une reprise en main étatique des crédits de la formation professionnelle. Il conteste la vocation des syndicats à s’exprimer au niveau national pour les cantonner autant que possible au niveau de l’entreprise dans l’esprit de la loi El Khomri qu’il veut prolonger par une réforme du code de travail adopté par ordonnances, c’est-à-dire sans l’aval du Parlement. L’avantage que l’on peut reconnaître à ce candidat c’est qu’il éclaire les contradictions de classe qui sont à l’œuvre.

    2 La mise au pas des collectivités territoriales

    Après Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron cherche le moyen de contourner le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l’article 72 de la constitution. Un système de conventions avec les régions pourrait y pourvoir qui conditionnerait le montant des dotations de l’État à la docilité des collectivités. L’Etat serait également appelé à compenser la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages ce qui rendrait ce financement discrétionnaire. Le processus de métropolisation serait poursuivi et développé aboutissant à la suppression d’un quart des départements. Les collectivités territoriales seraient ainsi mises sous pression avec la diminution de 2 milliards d’euros par an des dépenses de fonctionnement, la réduction de 75 000 emplois de fonctionnaires territoriaux, un retour strict imposé aux 35 heures hebdomadaires. La maîtrise de cette nouvelle politique coercitive serait assurée par une conférence annuelle des territoires. La remise en cause statutaire de la fonction publique territoriale reste la cible privilégiée.

    3 L’abaissement du Parlement

    Il s’agit d’abord d’une réduction drastique des effectifs sensée dégager une économie annuelle de 130 millions, de l’ordre d’un tiers pour aboutir à 385 députés et 282 sénateurs. Le Parlement réduirait considérablement son activité législative qui, hors période budgétaire, serait limitée à trois mois. IL y aurait donc moins de lois nouvelles, ce qui laisserait davantage de champ à la réglementation par décrets. L’activité du Parlement serait aussi réorientée vers des missions de contrôle et d’évaluation. La haute administration aurait de ce fait une compétence d’expertise plus étendue et un pouvoir hiérarchique renforcé sous l’autorité de l’exécutif. Emmanuel Macron a prévu de légiférer rapidement par voie d’ordonnances dès le début de son quinquennat et il conservera le mécanisme de l’article 49-3. Il est clair que la démarche tourne le dos au régime parlementaire.

    4 Un gouvernement aux ordres

    Le Gouvernement serait lui aussi resserré à 15 ministres, et fortement instrumentalisé par le Président de la République qui continuerait à présider les réunions du Conseil des ministres. Celles-ci seraient plus fréquentes pour assurer une discipline sans faille des ministres. Contrairement aux dispositions actuelles de la constitution, ce n’est toujours pas le Gouvernement qui définirait et conduirait la politique de la nation mais le chef de l’État. Les ministres seraient évalués chaque année. Pour autant, leurs pouvoirs et surtout leurs cabinets exerceraient une autorité renforcée sur les administrations placées sous leur tutelle. Le candidat Macron jugeant le statut général des fonctionnaires « inapproprié », outre une réduction des effectifs prévue de 120 000 emplois, accentuera la dénaturation du statut par une extension du spoil syste , le recrutement accru de contractuels de droit privé sur la base de contrats négociés de gré à gré. Il s’agirait donc d’une mise en cause des principes d’égalité, d’indépendance et de responsabilité et d’une réaffirmation sévère du pouvoir hiérarchique, de l’obligation de réserve, du devoir d’obéissance.

    5 Un exécutif opaque et autoritaire

    Emmanuel Macron ne remet pas en cause les institutions de la V° République, notamment l’élection du Président de la République au suffrage universel, ni l’usage plébiscitaire du référendum, ni de façon significative le mode de scrutin. Les conditions d’une VI° République ne sont pas réunies : pas de large consensus de récusation des institutions actuelles, pas de consensus sur les caractéristiques d’une nouvelle constitution, pas d’évènement fondateur comparable à ceux qui ont présidé à l’avènement des Républiques antérieures et de l’actuelle. Si l’ambiguïté sur ce que pourrait être la fonction présidentielle du nouveau président demeure grande, on peut déduire de ses quelques déclarations sur le sujet et de ses postures que son exercice de la fonction présidentielle, qui a pu être qualifiée de « jupitérienne », serait à la fois opaque et autoritaire, autocratique. La « dérive bonapartiste » qui a caractérisé le quinquennat de Nicolas Sarkozy risque d’être ici renforcée avec plus de méthode et, sans doute une traduction institutionnelle qui se durcira face aux conflits sociaux que la politique présidentielle ne manquera pas de provoquer. Jusqu’à quelles limites et à quelle échéance ? C’est la principale incertitude sur le danger encouru.

    S’il est clair qu’on ne saurait voter pour la politique de filiation autoritaire, xénophobe et nationaliste de Marine Le Pen, le danger de la politique portée par Emmanuel Macron constitue une autre redoutable menace pour le progrès social et la démocratie.

    Dimanche 7 mai 2017 je voterai Blanc.

    Anicet Le Pors

    Ancien ministre de la Fonction publique et des Réformes administratives (1981-1984)

     

    SOURCE :


  • Le blues national


    Par James Howard Kunstler – Le 28 avril 2017 – Source kunstler.com

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    Alors que les informations gémissent avec des histoires sur «  L’épidémie d’opiacés en Amérique », vous pouvez constater qu’il n’y a guère d’efforts de fait pour comprendre réellement ce qui se cache derrière, à savoir que la vie aux États-Unis est devenue incontestablement déprimante, vide et sans but, pour une grande partie des citoyens. Je veux dire littéralement indescriptible. Si vous voulez des preuves de notre incapacité à construire une histoire cohérente sur ce qui se passe dans ce pays, en voici.

     
    Je vis dans un coin de cette Amérique périphérique, où vous pouvez facilement lire les conditions de vie sur les murs : les rues principales vides, surtout quand la nuit tombe, les maisons sans soins et se dégradant d’année en année, les fermes abandonnées avec des granges qui tombent en ruine, les outils agricoles rouillant sous la pluie et les pâturages couverts de sumacs, ces chaînes nationales de magasins parasites, poussant comme des tumeurs aux abords de chaque ville.

    Vous pouvez le lire dans le corps des gens dans ces nouveaux centre-ville, c’est-à-dire le supermarché : des personnes prématurément vieilles, engraissées et rendues malades par la consommation de mauvaises nourritures, faites pour avoir l’air et avoir un goût irrésistible, aux pauvres qui s’enfoncent dans le désespoir, une consolation mortelle pour des vies remplies par des heures vides, occupées à regarder la trash-télé, des jeux informatiques addictifs et leurs propres mélodrames familiers conçus pour donner un sens narratif à des vies qui, autrement, ne comportent aucun événement ou effort.

    Ce sont des personnes qui ont perdu leurs rôles économiques et sociaux, dans une vie qui leur a été volée. Ils ne sont plus concernés par des choses qui comptent. Ils n’ont pas de perspectives pour une vie meilleure – et, de toute façon, toute notion noble de la vie a été réduite à des fantasmes absurdes de luxe kardashien, c’est-à-dire un maximum de confort sans autre but que de permettre l’auto-dramatisation. Et rien ne dramatise plus une vie désespérée, que l’habitude de se droguer. Cela concentre l’esprit, comme l’a remarqué Samuel Johnson, comme l’attente d’être pendu.

    Pour confirmer les informations sur le mystère de l’épidémie d’opiacés, il y a la dépendance névrotique de l’Amérique à des « études » supposément scientifiques. Jamais dans l’Histoire, une société n’a autant étudié et si peu appris – ce qui se passe lorsque vous recourez à la science pour piloter des questions de comportement. Cela repose sur l’erreur que, si vous compilez suffisamment de statistiques sur quelque chose, vous pouvez le contrôler.

    La dépendance aux opiacés n’est qu’un autre racket, sur chacun, dans une culture de l’escroquerie qui flirte avec le véritable échec de notre époque, pour la simple raison que ces rackets sont malhonnêtes, que cette malhonnêteté omniprésente est en contradiction avec la réalité, et que la réalité a toujours le dernier mot.

    La chose étrange, à propos de cette lecture du désespoir peint sur les murs, est que vous pouvez y voir le fantôme des buts et leurs significations. Avant 1970, il y avait au moins cinq usines dans ma petite ville, toutes conçues à l’origine pour fonctionner avec la puissance de l’eau (ou hydro-électrique) de la rivière Battenkill, un affluent de l’Hudson à proximité. Les ruines de ces entreprises sont encore là, leurs murs de briques rouges avec leurs toits éventrés, les clôtures torsadées qui n’ont plus rien à protéger, les maçonneries brisées des moulins.

    Les fantômes des commerces sont également clairement visibles, sur les os de la rue principale. Il s’agissait d’entreprises appartenant à des gens qui vivaient en ville, qui employaient d’autres personnes qui vivaient aussi en ville, qui souvent achetaient et vendaient des produits cultivés ou fabriqués dans et autour de la ville. Chaque niveau de cette activité a occupé des personnes et a donné un but et un sens à leur vie, même si le travail associé était parfois difficile. Au total, cela formait un riche réseau d’interdépendance, de vie humaine en réseau et d’histoires familiales.

    Ce qui me gêne, c’est la façon dont le pays accepte les forces qui ont permis d’ébranler ces relations. Aucune des informations ou des « études » sur la dépendance aux opiacés ne remettra en question ou même ne mentionnera la logique mortelle de Wal Mart et les opérations du même genre, qui ont systématiquement détruit les économies locales de vente au détail (et les vies qui y étaient associées). Les médias voudraient vous faire croire que nous apprécions encore les « bonnes affaires » au-dessus de toutes les autres dynamiques sociales. À la fin, nous ne savons plus de quoi nous parlons.

    J’ai maintenu pendant de nombreuses années qu’il faudra probablement l’effondrement des dispositions actuelles, pour que la nation réactive des sensations basées sur la réalité pour se redonner des buts et du sens. Je suis assez content de voir l’échec des chaînes nationales de vente au détail, une des mauvaises choses les moins importantes dans la vie américaine. Trump était juste un symptôme brutal du désir douloureux du public pour une nouvelle disposition des choses. Il sera balayé avec l’effondrement des rackets, y compris le racket immobilier pour lequel il a travaillé. Une fois que l’effondrement commencera sérieusement, en commençant par le racket le plus toxique de tous, celui de la finance globalisée, il y aura beaucoup à faire. Le jour se lèvera, en Amérique, où les gens seront trop occupés pour recourir aux opiacés, tout en tirant une certaine satisfaction de leurs occupations.

    James Howard Kunstler

    Traduit par Hervé, vérifié par Wayan, relu par nadine pour le Saker Francophone