• Trump contre l’OMC

    Publié par wikistrike.com sur 5 Juillet 2018, 08:44am

    Catégories : #Politique internationale, #Economie

    Trump contre l’OMC

    Un projet de loi, rédigé à la demande du président Donald Trump, donne les pleins pouvoirs au président des États-Unis pour fixer l’ensemble des droits de douane [1].

    Ce projet, qui n’aurait pas été pour le moment discuté au sein de l’administration, vise à faire sortir les États-Unis de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC).

    Selon Axios, qui a fait fuiter le document, il est improbable que le Congrès accepte de donner plus de pouvoir au président.

    [1] “United States Fair and Reciprocal Tariff Act (Draft)”, Voltaire Network, 2 July 2018.

     

    Lu ici


  • 3 Juillet 2018

    Publié par El Diablo

    Pour ce 5ème numéro de « Dans la Gueule du Loup », nous allons aborder la question de l’Europe.

     

    Pas comme dans les sempiternels débats de ces dernières années, avec d’un côté les « pro », qualifiés d’europhiles béats et puis de l’autre côté les anti, qualifiés de façon très péjorative : de nationalistes ou même de dangereux souverainistes.

     

    Nous allons aborder la question autrement. Les illusions n’ont plus lieu d’être dans une Union Européenne qui, faisant la sourde oreille au peuple, menace de s’effondrer. Plus l’hostilité des peuples est flagrante, plus l’UE continue sur sa ligne, plus on a le sentiment que tout peut craquer.

     

    C’est ainsi que nous allons tenter de comprendre les causes qui sont inscrites dans la construction de l’Union européenne, pour tenter de tracer les perspectives d’une autre Europe.

     

    Les invités:

     

    -Charlotte Girard, oratrice de la France insoumise, candidate aux européennes

    -François Asselineau, président de l’UPR

    -Pierre-Yves Bournazel, député UDI-AGIR

    -Jacques Nikonoff, président du Pardem

     

    Les experts:

     

    -Coralie Delaume, Essayiste et blogueuse pour L’Arène nue

    -Daniel Shapira, rédacteur pour Informations ouvrières, membre du Parti Ouvrier Indépendant


  • 4 Juillet 2018

    Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

    Pierre Gattaz a refilé son million d'emplois en carton à Geoffroy Roux de Bézieux

    Sans rire, car le MEDEF ne prête même pas à sourire, réunie en conclave, l'organisation patronale a choisi un macron-compatible pour succéder à Pierre Gattaz qui ne l'était pas moins.

    Le nouveau patron des patrons, après avoir été pour Sarkozy, puis pour Fillon, s'était rallié à l'ex-banquier d'affaires Emmanuel Macron. Dis-moi qui sont tes amis, je te dirai à quel côté de la barricade tu appartiens.

    Interrogé dernièrement sur la valeur du SMIC par RTL, il l'avait estimé à "1 280 euros net, quelque chose comme ça", soit 110 euros de plus que son montant actuel. C'est dire que le numéro 2 du Medef à cette époque en connaissait un rayon. Et de rajouter sans vergogne: "Je sais que c’est très compliqué de vivre avec un tel revenu, surtout à Paris et dans les grandes villes. Mais les entreprises ne pourraient pas le supporter, elles viennent tout juste de commencer à reconstituer leurs marges." Ce que le CAC 40 avait follement applaudi.

    Bref, pas de grain à moudre avec Geoffroy Roux de Bézieux en tant que nouveau patron des patrons. Mais dans la lutte des classes, qui oppose les producteurs de richesses à ceux qui s'en accaparent, quand le patronat a-t-il été synonyme de justice sociale et de progrès pour l'humanité?


  • Note de lecture de Losurdo : Staline, histoire et critique d'une légende noire

    4 Juillet 2018 , Rédigé par Réveil Communiste Publié dans #GQ, #Front historique, #Théorie immédiate, #Russie, #Ukraine, #Communistes en Italie

    Domenico Losurdo.

    Note de lecture par Gilles Questiaux: Stalin, storia e critica di une legenda nera

    (Staline, histoire et critique d'une légende noire) publié à Milan en 2008 et traduction française à Bruxelles en 2011 (éditions Aden) Présentation de la traduction française ici

     

    Domenico Losurdo est un philosophe communiste italien, né en 1941 [décédé le 28 juin 2018], spécialiste réputé de Hegel et de Gramsci,  professeur d'histoire de la philosophie à l'université d'Urbino, auteur en 1999 de Fuir l'Histoire, où il critique « l'autophobie » des communistes, qui est à la fois une sorte d'aliénation psychologique qui a fait des ravages depuis le chute du mur, et une composante de l'idéologie des groupes dirigeants des partis postcommunistes en France et en Italie.

    Comme hégélien, il apporte deux atouts à la connaissance historique marxiste : la réflexion rationnelle sur le rôle des grands hommes, et la critique rationnelle de la forme originaire du gauchisme moral, de la « belle âme » qui veut imposer « la loi du cœur », et l'intelligence du retournement autoritaire inévitable de la belle âme déçue. Pour Losurdo, le ferment de l'autoritarisme dans le mouvement communiste est donc à rechercher du coté libertaire de l'utopie communiste plus que dans la volonté de construire un État socialiste.

    Il s'agit  dans Staline, histoire et critique d'une légende noire d'une histoire de l'image de Staline et non d'une biographie ni d'une histoire politique du système auquel ce nom est couramment associé. Mais remettre en cause les clichés de l'antistalinisme tels qu'ils sont reproduits sans critique depuis 1956 nécessite aussi de revenir sur le fond de la question, et de procéder à l'évaluation de l'histoire soviétique de 1922 à 1953, et même au-delà, puisque les catégories de l'antistalinisme de la Guerre froide ont été généralisée à l'étude d'autres États dirigés par des partis communistes, et d'autres personnalités, Chine et Mao, Cuba et Fidel, Corée et Kim Il Sung,  Yougoslavie et Tito.

    L'étude de la légende noire est donc pour partie à une réhabilitation de la personnalité et de la figure d'homme d'État de Staline, qui est bien distingué du système politique qu'il dirigeait. Il commence en constatant que l'image de Staline était plutôt positive dans le monde, propagande de part et d'autre mise à part, au moment de sa mort en mars 1953, jusqu'en des lieux inattendus comme l'état-major de l'armée israélienne (sic!). C'est la diffusion du rapport Khrouchtchev qui a précipité « le dieu aux enfers ». Ce rapport est une des principales cibles de Losurdo, qui synthétise de manière convaincante un grand nombre de travaux contemporains qui n'en laisse pratiquement rien subsister. Il s'agit d'un document de la lutte interne à la direction du PCUS dont la crédibilité est pratiquement nulle, et où la plupart des assertions portant sur Staline sont tout simplement inventées. D'ailleurs la propagande antistalinienne s'est depuis assez longtemps dirigée dans d'autres directions pour étayer ses réquisitoires.

    Pour reconsidérer la stature morale et intellectuelle du dirigeant principal de l'URSS,  Losurdo a utilisé le principe du « tu quoque » (« toi aussi », phrase censée avoir été prononcée par César en reconnaissant parmi ses assassins Brutus, son fils adoptif) qui aboutit à la constatation étonnante que dans le contexte de l'époque la plupart des critiques libéraux de Staline, et particulièrement les hommes d'État de premier plan qui peuvent lui être comparés, véhiculent dans leurs propos une conception du monde bien plus machiavélique et brutale que lui, et contrairement à lui fortement teintée de racisme.  Sur ce point Losurdo s'inscrit en faux contre les accusations d'antisémitisme concernant Staline personnellement, même à la fin de sa vie, durant sa maladie, et il défend résolument la thèse que l'antisémitisme, au moins au sommet de l'État soviétique, n'a joué aucun rôle dans l'affaire dite du « complot des blouses blanches ». Sur la paranoïa attribuée communément à Staline, Losurdo réussit aussi à faire passer de manière assez convaincante l'idée que la plupart des actions répressives et que la terreur d'État n'étaient pas le résultat d'un emballement délirant. Ils étaient dus à la volonté de juguler, il est vrai par des moyens extrêmes,  l'action bien réelle d'ennemis du régime, parfois déterminés à utiliser le terrorisme dans la tradition des groupes révolutionnaires russes du XIXème siècle. L'attentat contre Kirov, en décembre 1934, qui est considéré en général comme le point de départ de la grande terreur, ne peut plus être présenté sérieusement comme une provocation commanditée par Staline lui-même. Il apparaît d'ailleurs que la mentalité « complotiste » qui aime à faire passer les victimes du terrorisme pour ses auteurs est très répandue dans l'historiographie antistalinienne.

    L'autre cible principale de Losurdo est l'historiographie trotskiste, à commencer par Trotski lui-même, dont les témoignages et l'analyse du système sont largement à la base de la tératologie occidentale qui essaye de comprendre l'ennemi sans recourir aux catégories scientifiques de compréhension de l'histoire. Trotski avec des nuances, et voulant, comme Khrouchtchev plus tard, dissocier Staline de l'Union Soviétique et se dédouaner par la même occasion, a eu recours à des distorsions de raisonnement qui sont en fait une régression de l'analyse historique scientifique vers l'analyse psychologique. Losurdo pense aussi que la conjecture de Malaparte, selon lequel Trotski aurait tenté un coup d'État en 1927, à l'occasion du dixième anniversaire de le Révolution d'Octobre, est probablement vraie.

    Le livre de Losurdo n'étant pas une histoire de l'URSS ou de ses appareils répressifs, on y trouvera peu d'éléments pour réfuter en profondeur la légende noire connexe à celle de Staline, la légende véhiculée avec une certaine habilité par le Livre Noir du Communisme où des pamphlétaires de guerre froide sont cautionnés par la présence d'articles écrits par des historiens anticommunistes professionnels, sous l'autorité d'autres historiens, plus âgés et respectés, qui à leur tour cautionnent le tout. Mais il attaque frontalement et avec encore une fois beaucoup de crédibilité le travail de pseudo-historien du fameux Robert Conquest, qui avant d'être universitaire était un agent des services secrets britanniques spécialisé dans la désinformation, et qui tente d'imputer à Staline la famine ukrainienne de 1933, par un double procédé d'exagération de ses effets et de sa durée et par l'attribution de cette famine à une volonté génocidaire. A l'origine, il s'agit d'une construction a posteriori en guise de plaidoyer pro domo des séparatistes fascistes ukrainiens, pour substituer un génocide à un autre,  qui devait masquer leur rôle dans l'extermination des juifs d'Ukraine, et qui reprend des thèmes de désinformation largement diffusés par la propagande hitlérienne durant la guerre (propagande remise en cuisine par Conquest suivant le principe méthodologique bien connu de l'historiographie libérale : ne croyez pas les nazis, sauf quand ils parlent des communistes !).

    Losurdo s'attaque aussi à la théorie de la gémellité des monstres, postulant l'égalité Hitler-Staline, et particulièrement aux thèses d'Arendt, écornant au passage sa théorie du totalitarisme (en remarquant qu'elle fit partie de thuriféraires de Staline au moment de la Libération). A l'arrivée, il ne reste qu'un seul point commun entre Hitler et Staline : ils ont été des  dictateurs contemporains. Toute idée qu'il ait pu exister une sympathie personnelle ou une complicité entre les deux ne résiste pas à l'analyse des témoignages historiques, et s'avère un mythe de plus de la Guerre Froide.

    En conséquence, nombre de clichés sur Staline me semblent définitivement ruinés, et Losurdo y parvient facilement en regroupant les conclusions ou les découvertes des historiens récents, postérieurs à l'ouverture des archives soviétiques. Il est donc acquis que :

    Staline n'était ni médiocre, ni stupide, ni paranoïaque.

    Staline ne s'est pas effondré au moment de l'invasion hitlérienne, et n'a jamais cru en la bonne foi d'Hitler. Son commandement  a joué un rôle militaire décisif, et les généraux soviétiques les plus importants l'ont confirmé de manière indépendante, dont Joukov qui s'était souvent opposé à lui.

    Staline a réprimé toute opposition en URSS. Mais cela signifie, contrairement à la légende du chef paranoïaque qu'il y avait une opposition au moment le plus dangereux quand l'Union soviétique devait faire face à la montée du péril hitlérien.

    Staline était totalement exempt de racisme ou d'antisémitisme et ne peut pas être accusé de génocide, ni envers les Ukrainiens, ni aucun autre peuple.

    Losurdo considère au passage comme acquis par l'évolution de l'état de la question historique que les bilans avancés par Khrouchtchev comme par Courtois sont exagérés environ vingt fois. Ce qui signifierait que la répression politique en URSS sous toutes ses formes a causé la mort d'environ un million de personnes exécutées ou en captivité entre 1922 (fin de la guerre civile) et 1953  [ et même ce chiffre parait aujourd'hui nettement surévalué, ndgq, 7/11/2015], et un nombre très faible de victimes depuis 1953. C'est beaucoup moins que les chiffres hyperboliques qui ont circulé sous l'influence de Conquest et de Soljenitsyne. C'est encore beaucoup, mais ce n'est pas la même chose.

    Si le pacte germano-soviétique et les dérives de collectivisation des terres restent des ombres sur l'histoire soviétique, ils ne peuvent plus être rapportées à la malignité de Staline en personne, ni même d'un groupe dirigeant plus vaste, ils doivent être compris comme des choix exigés par la survie de l'État issu de la Révolution d'Octobre dans des situations où toutes les autres solutions étaient devenues impossibles. Mais, concernant la collectivisation, le choix de l'élimination des Koulaks en tant que classe ne fut pas celui de Boukharine, l'expert économique du pouvoir bolchevik, qui savait qu'elle provoquerait « une Saint Barthélémy » dans les campagnes, d'où sa rupture avec Staline alors qu'il dirigeait l'URSS quasiment sur le même rang que lui dans les années de la NEP.

    La brutalité de la répression n'est pas niée par Losurdo, mais elle est contextualisée:

    Par rapport aux effets de « brutalisation » (en suivant dans l'utilisation de ce concept Nicolas Werth, pourtant coauteur du « Livre Noir »), cette évolution généralisée des mentalités vers le pire provoquée dans le monde par la Grande Guerre; par rapport au moment de l'histoire mondiale (la « seconde guerre de trente ans »); par rapport à la longue durée de l'histoire russe (le « deuxième temps des troubles »). Et par rapport à la situation mondiale d'oppression coloniale et raciste maintenue par tous les libéraux contemporains de Staline dans leurs empires coloniaux ou sur les peuples d'origine coloniale.

    Et aussi par rapport à l'état de siège permanent où la Russie a du vivre pendant 75 ans, en butte à la détermination contre-révolutionnaire sans faille de puissants ennemis : Allemagne, Grande Bretagne, France, États-Unis, Japon, avant et après la seconde guerre mondiale, à laquelle s'est ajoutée l'influence de toutes les églises instituées et de tous les grands groupes de média. L'alliance entre URSS et États-Unis de 1941/45 parait dans ce contexte purement conjoncturelle. 

    Certains des aspects les plus terribles de l'État soviétique s'expliquent donc en dernière analyse d'une part par l'hostilité permanente du monde entier contre un pays pauvre et une grande nation révolutionnaire, et d'autre part, par l'héritage de despotisme de l'ancienne Russie, qui n'avait pas connu de période démocratique bourgeoise.

    Losurdo souligne aussi le rôle d'une dialectique immanente aux mouvements révolutionnaires qui lierait indissolublement l'exigence de la liberté absolue immédiate (et le rêve de la société communiste) à l'imposition de la Terreur, suivant le principe de la dialectique de la « loi du cœur » exposées dans la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel.

    Losurdo invalide, en bon hégélien, toute critique de Staline et de sa pratique historique basée sur l'opposition de l'idéal au réel, et donc sur l'idée qu'il existerait un bon idéal communiste opposable à un monstre singulier et en définitive inexplicable qui s'appellerait Staline. Il s'agirait alors pour le mouvement communiste de renoncer à la ligne hypocrite de repli tactique où il s'est piteusement abrité en Occident après le rapport Khrouchtchev, et qu'Althusser dans ses meilleurs moments a attaqué sous le nom d'humanisme, Garaudy, Sève étant de bons représentants du khrouchtchevisme humaniste en France. Et dans un tout autre sens du terme du stalinisme d'appareil aussi. 

    Le stalinisme est aussi périodisé : il semble que Losurdo considère que le régime est devenu quasi-autocratique en 1937, dans le contexte de la préparation de la guerre. Le régime carcéral du Goulag s'est aussi considérablement aggravé à ce moment là. Il semble avoir été relativement sous contrôle légal avant cette date. Certains faits horribles, comme le cannibalisme dans l'île sibérienne de Nizan, paraissent davantage le résultat d'incompétence bureaucratique dénoncée par les autorités elles mêmes, que comme le reflet normal du fonctionnement d'un système de répression exterminateur et cohérent. Et si l'URSS doit être comprise en définitive comme une formation sociale qui n'a jamais réussi à sortir de l'état d'exception, les efforts pour ce faire ont été réitérés, et le principal dirigeant bolchevik à avoir essayé ce passage à la normalité est justement Staline.

    Cela dit, cette réserve pour finir : il reste dans l'épopée soviétique un résidu d'excès difficilement justifiables aujourd'hui, et certains arguments qui consistent à produire des citations peu glorieuses de Churchill ou de Roosevelt pour les comparer à des citations de Staline sur les mêmes sujets ne sont pas assez probants quand il s'agit de juger du fonctionnement réel du système. On peut contextualiser, et il n'est pas sans signification de savoir que le Cambodge a subi un quasi génocide aérien de la part de l'USAF, de la CIA et ses supplétifs avant le génocide Khmer rouge, il n'est pas inutile de comparer l'extermination des officiers polonais internés à Katyn en URSS en 1940 avec celle de la gauche par les Américains en Corée du Sud en 1950, mais il n'empêche que de tels faits n'auraient pas dû se produire dans un pays socialiste. Il n'est pas inutile de rouvrir les dossiers Toukhatchevski ou Trotski comme ayant véritablement tentés des coups d'État ou entretenus des relations avec les ennemis étrangers de Staline. Mais ce n'est pas une justification au traitement arbitraire et cruel qu'ils ont subi, dans la mesure où cette manière de trancher la question n'a pas permis la manifestation de la vérité.

    Dernier point : Losurdo apparaît par certain coté comme un adversaire de l'utopie et de sa poésie, comme un défenseur du socialisme réel, sans guillemets. Le marxisme de Marx pour lui n'est pas un très bon guide pour comprendre la politique réelle et prosaïque, du point de vue de la gestion du réel qui résiste au rêve révolutionnaire, à l'exception sans doute du marxisme de Gramsci... et de Staline. Nous ne comprendrions bien ni les grands hommes, ni la normalité quotidienne de la vie des hommes simples, nos leaders charismatiques sont pourrait-on dire au point aveugle de notre pensée, et nous ne séparerions pas bien l'état d'exception de l'État de droit. Mais le dilemme est là, et n'est pas résolu par Losurdo, car quitte à rester prosaïque à quoi bon s'aventurer dans l'espace sans limites de la Révolution ?

     

    Note critique additionelle :

    Je comprends ainsi l'entreprise de D. Losurdo : la figure historique de Staline a été investie par une mythologie et considérablement déformée. La mythologie stalinienne d'origine, construite par la propagande officielle du parti communiste soviétique et relayée dans le monde par les partis issus de la Troisième Internationale a été remplacée par une mythologie antistalinienne de différentes origines (partis communistes ayant révisé leurs discours après 1956, trotskystes et gauchistes divers, officines de propagande de la guerre froide et historiens, journalistes, transfuges et renégats à leur service, propagande hitlérienne et ses héritiers d'extrême droite, etc.) qui correspond à une conception tératologique de l'histoire comme collection de monstres. Losurdo est donc préoccupé de vérité historique. Mais aussi comme communiste, il s'agit pour lui de contre-attaquer sur un terrain où l'adversaire semble très fort : car le mythe monstrueux sert en définitive à discréditer le mouvement communiste, ouvrier et révolutionnaire dans son ensemble. La reconsidération de la Révolution française au cours du XIXème siècle s'est faite aussi en cassant l'image sanguinaire et monstrueuse qui collait aux protagonistes le plus radicaux de la Montagne, Danton, Robespierre, Marat, Hébert, etc. A y regarder de près, certains traits de personnalité de ces héros révolutionnaires ne sont guère sympathiques, mais nul historien sérieux ne s'égarerait dans un jugement moralisant sur ces acteurs historiques pour essayer de comprendre la Révolution, même en partant d'une prise de parti carrément hostile. Ce n'est pas le cas pour la Révolution russe, et surtout pour l'État qu'elle a créé.

    Nous ne serons définitivement plus « staliniens » le jour où nous auront assumé le fait que Staline n'était pas le pire mais au contraire l'un des meilleurs praticiens de la théorie marxiste. Et qu'il nous faut donc inventer maintenant suite à cette expérience une nouvelle forme de démocratie  dans la lutte des classes qui n'existe encore qu'entre les lignes, chez Lénine, et certainement pas dans la régression vers la psychologie de l'analyse trotskyste.
    Les lois de la connaissance historique développées dans le matérialisme historique, qui restent valides, rendent plus que probable, si le capitalisme ne détruit pas l'humanité auparavant, le passage au socialisme, et ce passage devra bien commencer quelque part dans le monde, et donc le problème crucial de la coexistence interne et internationale avec le capitalisme se posera dans les mêmes termes qu'il s'est posé en URSS (et se pose déjà, en Chine, à Cuba). Notre tâche au XXIème siècle est donc d'inventer le socialisme démocratique non désarmé, vraiment socialiste, vraiment démocratique, qui sera la forme de stabilisation de la société post-capitaliste que l'URSS n'a pu atteindre.

    Cette démocratie socialiste à inventer, et en cours d'invention timide dans les pays socialistes actuels, ne peut pas être le résultat d'une transition à rebours comme celle qui à eu lieu en URSS de 1985 à 1993, ni se développer dans la continuité de la pseudo-démocratie de marché actuelle des métropoles. Il y a donc une part d'inconnu et de risque historique à prendre.

     

    GQ 28 avril 2009, revu le 18 février 2016 et le 4 juillet 2018

     

    PS du 3 février 2011 : On voit bien aujourd'hui comment la critique de Staline n'a pour but que de dévider la pelote et d'entrainer avec elle celle de Lénine, Octobre, et la Révolution elle même en commençant par celle de 1789. Et on doit stopper la débandade à la racine car si les anticommunistes ont raison sur un point, c'est quand ils disent que Staline et son système sont solidaires de toute l'histoire des Révolutions depuis Cromwell au moins.


  • Olivier MATEU, secrétaire de l'Union départementale CGT des Bouches du Rhône : le pouvoir mène une stratégie du chaos

    Publié le 4 juillet 2018 par FSC

    SOURCE : 

    Olivier Mateu, le secrétaire général de l’Union départementale CGT des Bouches-du-Rhône, analyse la situation sociale et évoque les batailles à venir.

     


    La Marseillaise 

    Avec l’arrivée de l’été, on nous dit que le mouvement social est terminé. Qu’en est-il ?
     

    Olivier Mateu 

    De la même manière qu’on ne décrète pas le début d’un mouvement social, on n’en décrète pas la fin. Ce ne sont pas ceux qui créent les conditions de la colère qui sont habilités à décider quand la colère s’estompe. Le mouvement social ne prend pas fin avec l’été, c’est une période qui permettra d’organiser ce qui va se passer à la rentrée. Lundi, lors de la commission exécutive de l’Union départementale nous proposerons de programmer dès le mois de septembre une journée de grève et de manifestations. Il ne faut pas compter sur nous pour enterrer le mouvement. Quand une loi n’est pas bonne, il faut en changer. Les électriciens-gaziers sont en lutte, les cheminots qui réfléchissent aux formes que prendra leur mouvement cet été, mais au-delà de ces secteurs, la saison qui s’ouvre sera l’occasion pour nous d’aller à la rencontre de nos organisations, des salariés et des estivants pour faire en sorte que dès la rentrée nous soyons mobilisés.


    La Marseillaise 

    Comment analysez-vous la stratégie du gouvernement qui semble déterminé à taper vite et fort dans de nombreux domaine ?
     

    Olivier Mateu 

    Sans naïveté ni optimisme béat, je pense que le rythme que nous impose le gouvernement illustre le fait qu’il n’a pas de majorité dans ce pays pour mettre en œuvre la remise à plat du modèle social qu’il porte avec le patronat. Ils ont besoin d’aller vite et mènent cette stratégie du chaos. À s’en prendre à tout le monde en même temps, ils pourraient créer l’effet inverse à celui recherché. Je considère qu’il y a un soutien majoritaire à la lutte des cheminots pour défendre le service public ferroviaire malgré les sondages qui peuvent sortir parce qu’un conflit de cette ampleur et de cette durée ne peut pas se passer sans heurts s’il n’y a pas une compréhension majoritaire de l’enjeu. Usagers et clients ce n’est pas la même chose. Ceux qui souhaitent la mise en concurrence et la privatisation ont la possibilité de payer leurs billets 35 à 40% plus cher. Ceux qui doivent être à l’heure au travail sans que ça leur ampute les revenus continuent à dire qu’il faut un service public avec les moyens de fonctionner. La question fondamentale dans ce dossier comme dans tous les autres, c’est l’utilisation de la richesse produite et qui nous est volée. La France n’a jamais disposé d’autant d’argent et il n’aura jamais été concentré à ce point entre quelques mains. Il s’agit de choix politiques. Faire autrement passe par la capacité de la CGT et des organisations du camp progressiste à construire des revendications qui permettent de bâtir des alternatives et d’impliquer les salariés, les populations.



    La Marseillaise 

    Pour l’heure, la convergence ne semble pas au rendez-vous
     

    Olivier Mateu 

    Le gouvernement est à la fois déterminé sur ses objectifs mais pas serein sur ses capacités d’aller au bout. Alors il cherche à diviser pour mieux régner. C’est vieux comme le monde. Quand on voit comment on amplifie la question des réfugiés et dans le même temps on minimise le rôle des États capitalistes européens dans la déstabilisation de zones entières du monde. C’est une stratégie qui vise à assurer la richesse des grands groupes dans ces pays et ici à diviser les populations. Mais il ne faut pas que le gouvernement se trompe : on est très nombreux à être arrivés à pied ou en bateau. Si on a pu s’intégrer et participer à la construction du pays c’est qu’il y a des solidarités dans le peuple. Pour qu’elles continuent de vivre, il faut développer l’appareil productif et les services publics.


    La Marseillaise 

    Le Medef change de président ce mardi. Êtes-vous attentif à ce qui se joue dans cette élection ? Comment analysez-vous le positionnement du patronat vis-à-vis d’un pouvoir qui lui est très favorable ?
     

    Olivier Mateu 

    On est attentif parce qu’ils participent à tracer les objectifs du gouvernement. Il faut reconnaître aux patrons une certaine constance. Je ne suis pas admiratif de leur façon de faire mais arriver à mettre dans les esprits que le code du travail est trop lourd et la concurrence nécessaire, en étant l’ultra-minorité, c’est assez remarquable. Ils ne participent pas directement à la production de richesse mais utilisent l’ensemble des supports sur lesquels ils ont la main pour maintenir leurs positions et donner des couleurs nouvelles à de vieilles idées. Ils n’ont pas évolué sur leurs fondamentaux ce qui me conforte dans l’idée que lorsqu’on n’est pas dans le camp des exploiteurs, mieux vaut défendre le camp des exploités. On est lucide, déterminé et ambitieux car on est convaincu que les moyens existent pour faire différemment et que nous avons les capacités collectives d’imposer ces solutions.


    La Marseillaise 

    Emmanuel Macron a présenté une nouvelle réforme des retraites face à la Mutualité au nom de « l’égalité ». 1 euro cotisé doit selon lui compter autant pour tous. Comment recevez-vous cette annonce ?
     

    Olivier Mateu 

    Emmanuel Macron veut rendre inéluctable le passage à un système par capitalisation. Il l’a prouvé, pour lui, l’égalité ce n’est pas la justice. Pour un âge de départ à la retraite à 60 ans et une reconnaissance de la pénibilité, il y aura une vraie solution d’égalité : l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. Par ailleurs, la part de richesse créée et accaparée par les dividendes, l’évasion fiscale et les cadeaux au patronat doivent aller à la protection sociale. On parle d’une 2e journée de « solidarité », je propose moi, une journée de captation des dividendes uniquement du CAC 40 pour un service public du 3e âge.


    La Marseillaise 

    Tiendrez-vous une fête de rentrée cette année ?
     

    Olivier Mateu 

    Oui au parc de la Mérindole à Port-de-Bouc le 29 septembre. Nouveauté cette année : nous aurons une présence de l’UD sur la fête de l’Humanité, temps fort de la rentrée sociale.

    Propos recueillis par Léo Purguette