Libye : qui présentera “l’addition” à MM. Sarkozy, Juppé et BHL ?
Au mois de mars 2011, à l’issue d’une campagne médiatique d’une rare intensité initiée par BHL, Nicolas Sarkozy décida d’entrer en guerre contre le colonel Kadhafi avec lequel il était encore dans les meilleurs termes quelques mois auparavant.
Le 17 mars, Alain Juppé, ministre des Affaires étrangères, arracha la résolution 1973 [1] au Conseil de Sécurité de l’ONU, ce qui permit d’ouvrir les hostilités.
Le 19 mars, 19 avions français (chasseurs et ravitailleurs) lancèrent un raid de 2h30 au dessus de la Libye. L’incompréhensible guerre franco-libyenne ou otano-libyenne, venait de débuter.
Les raisons de ce conflit aux conséquences à ce point dramatiques qu’une intervention internationale paraît aujourd’hui indispensable sont toujours aussi mystérieuses. A l’époque, l’Elysée avança l’argument d’une action humanitaire destinée à “sauver la population de Benghazi”. Le mardi 16 décembre 2014, le président tchadien Idriss Deby donna une autre explication en déclarant qu’en entrant en guerre en Libye: ” l’objectif de l’OTAN était d’assassiner Kadhafi. Cet objectif a été atteint ” [2].
Quoiqu’il en soit de ses causes officielles ou officieuses, réelles ou supposées, étayées ou fantasmées, le résultat de cette guerre “pour la démocratie et les droits de l’homme”, est catastrophique :
– Les alliés islamistes du Qatar et de la Turquie ont pris le contrôle d’une partie des approvisionnements gaziers et pétroliers de l’Europe.
– Daesh a lancé une entreprise de coagulation des milices islamistes. Celles qui lui ont fait allégeance contrôlent une partie de la Cyrénaïque et à l’ouest, elles sont sur la frontière tunisienne. Partout, elles font régner la terreur.
– L’Egypte est directement menacée ainsi que la Tunisie et l’Algérie. Au sud, le Tchad et le Niger sont en première ligne alors qu’avec Boko Haram un second front islamiste s’est ouvert sur leurs frontières.
– Les gangs islamo-mafieux déversent des dizaines de milliers de migrants sur les côtes européennes. Au lieu de les refouler, la marine italienne les récupère en mer pour les installer en Europe… d’où ils ne repartiront plus. Or, tout le monde sait que des terroristes se dissimulent parmi eux et qu’ils vont créer des cellules “dormantes” au sein de l’ “espace Schengen”.
Face à ce désastre, comme s’ils étaient étrangers au chaos qu’ils provoquèrent, Nicolas
Sarkozy et Alain Juppé aspirent à la plus haute charge de l’Etat français. Quant à leur inspirateur guerrier, il continue à promener sa superbe et son échancrure de col sur les plateaux des télévisions…
Libye: un nouveau foyer jihadiste qui inquiète l'Europe et les pays voisins
"La Libye est aujourd'hui le plus grand foyer terroriste au monde", affirme Mazen Chérif, expert tunisien en questions militaires et stratégiques.
Contrairement à l'Irak ou la Syrie où une coalition internationale mène des raids aériens contre le groupe de l'Etat islamique (EI), sa branche en Libye a le champ libre, profitant du chaos généralisé, note-t-il.
Quatre ans après le début du soulèvement contre le pouvoir du colonel Mouammar Kadhafi, qui tenait le pays d'une main de fer, le riche pays pétrolier est livré aux milices rivales.
La filiale libyenne du groupe de l'EI est déjà bien implantée dans plusieurs villes, de Derna à l'est à Sabratha à l'ouest, en passant par Syrte dans le centre.
Un autre groupe jihadiste, Ansar Sharia, est implanté à Benghazi, deuxième ville du pays.
L'EI dispose en outre en Libye d'un accès à la mer, dans un pays qui constitue la source principale de l'immigration clandestine vers les côtes européennes, et notamment l'Italie.
"La Libye constitue le point géographique le plus proche de l'Europe où sont apparus des mouvements jihadistes, et le principal point de passage de l'immigration clandestine", explique un diplomate libyen en Europe.
"Il faudrait imaginer ce qui se produirait si, dans chaque bateau de migrants, un ou deux jihadistes se glissaient...", ajoute-t-il.
Chaos en Méditerranée ?
"Si ces mouvements parviennent à contrôler la côte libyenne --la plus longue d'un pays d'Afrique du nord sur la Méditerranée avec 1.955 km-- ce sera le chaos en Méditerranée", avertit le diplomate qui a requis l'anonymat.
"Les gouvernements occidentaux sont effrayés par des foyers, des sanctuaires qui sont en train de se créer sur le même modèle à chaque fois lorsque l'Etat s'effondre" et qui peuvent devenir une menace pour la région et servir de base pour "préparer des attentats contre l'Europe", explique Arthur Quesnay, expert en sciences politiques à l'Université parisienne de la Sorbonne.
Les pays voisins craignent aussi de faire les frais de la montée en puissance des jihadistes. L'Egypte, déjà aux prises avec ses propres extrémistes dans la péninsule du Sinaï, est déjà montrée au créneau en bombardant des positions de l'EI après l'exécution de ses citoyens.
Le groupe avait diffusé le 15 février une vidéo montrant la décapitation de 21 chrétiens coptes, majoritairement égyptiens, qu'il avait enlevés.
"L'Egypte ne peut connaître la stabilité si le chaos règne en Libye", souligne un responsable arabe qui a requis l'anonymat.
L'Algérie voisine est aussi sur les dents, car "ces groupes visent en premier lieu l'Algérie, ainsi que la Tunisie", affirme Mazen Chérif. D'autant qu'un grand nombre des membres du groupe extrémiste Ansar Chariaa en Tunisie, pourchassé par les autorités, est venu grossir les rangs des groupes radicaux en Libye.
Plus au sud, les jihadistes libyens ont développé des liens avec les groupes radicaux du nord du Mali et avec Boko Haram au Nigeria, selon les experts.
"C'est une nébuleuse qui est en train de se construire", explique Arthur Quesnay, selon lequel "pour l'instant, il ne semblerait pas qu'il y ait un commandement unifié".
Les Occidentaux ont écarté l'option militaire contre l'EI en Libye, du moins dans l'immédiat, prônant au préalable une solution politique sous l'égide de l'ONU.
Mais le temps joue en faveur des jihadistes.
"Il y a deux ans, Daech (acronyme de l'EI, ndlr) n'était qu'un petit groupe en Irak, aujourd'hui il contrôle un territoire plus grand que des pays d'Europe entre l'Irak et la Syrie", souligne le diplomate libyen.
Pour lui, il est nécessaire que la communauté internationale, qui parraine des négociations entre les deux pouvoirs rivaux en Libye, exerce "une pression sérieuse" sur les parties en conflit pour aboutir à une solution politique excluant les groupes radicaux.