• Le 26 mai, un nouveau départ

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    Par Jacques Nikonoff, président du Parti de la démondialisation

     

    Le 21 mai 2018.

     

    TCE 

     

    Il y a quelque chose de doublement historique dans l’appel à manifester partout en France le 26 mai. D’une part, pour la première fois, la confédération CGT a accepté de participer à une réunion avec des partis politiques, des associations et d’autres organisations syndicales pour préparer une mobilisation nationale commune liée à des revendications sociales habituellement considérées comme « chasse-gardée » du mouvement syndical. Il s’agit d’organiser des manifestations partout en France, le 26 mai, « une marée populaire pour l’égalité, la justice sociale et la solidarité ». D’autre part, ce 26 mai sera presque jour pour jour le treizième anniversaire de la victoire du NON au référendum du 29 mai 2005 sur la constitution européenne. Cette initiative du 26 mai 2018 est potentiellement historique, car elle permettra peut-être d’avancer dans la résolution des questions sociales et politiques qui ne l’avaient pas été en 2005 après le référendum et les années suivantes. Car la magnifique victoire du NON au referendum (55 % contre 45 %) n’avait eu aucune suite positive du côté des vainqueurs qui s’étaient éparpillés au moment de la présidentielle 2007, tandis que les vaincus prenaient une revanche magistrale en éliminant, en douceur, la démocratie dans notre pays.

     

    Rappelons en effet la signification du résultat du référendum et ses conséquences. C’est le rejet, par le corps électoral, de la constitutionnalisation de l’intégration européenne avec tous ses traités néolibéraux (c’est-à-dire l’insertion du traité néolibéral de Lisbonne dans le titre XV de la Constitution française). C’était donc la constitutionnalisation du néolibéralisme, idéologie politico-économique faite pour anesthésier la population afin de permettre une domination totale du capital sur la société.

    C’est ainsi que le 4 février 2008, les parlementaires réunis en Congrès à Versailles, à une très forte majorité, constitutionnalisèrent les traités néolibéraux européens en ratifiant le traité de Lisbonne qui reprend l’essentiel du traité constitutionnel européen. Ils contredisaient ainsi, pour la première fois en France, le vote du peuple souverain. Les parlementaires renversèrent en douceur le régime et ses fondements, finirent de dissoudre la souveraineté de la nation qui seule fondait pourtant la légitimité de leur pouvoir. Ils s’établirent ainsi, indûment, illégalement et illégitimement en pouvoir constituant plein et entier, comme s’ils détenaient la souveraineté et non plus la représentaient. Ce fut, sans violence et sans proclamation officielle d’aucune sorte, en contrebande, un coup d’État parlementaire caractérisé et manifeste. Peu de forces politiques, syndicales, associatives, ou des intellectuels ont pris l’exacte mesure de ce tremblement de terre qui n’a pas jusqu’ici suscité la riposte qu’il méritait.

    La suite confirma que le processus de la « construction européenne », contrairement à une opinion largement répandue selon laquelle son principal défaut serait un « déficit démocratique », était en réalité, structurellement, une entreprise radicalement incompatible avec la démocratie. Pour ne prendre que quelques exemples, on assista au remplacement, en 2011, de chefs de gouvernement élus par des technocrates européistes non élus en Grèce et en Italie ; puis les mémorandums européens et la Troïka (Commission, Banque centrale européenne et FMI) envoyée en Grèce pour contredire sur place la volonté populaire sortie des urnes en 2015, etc. Le président luxembourgeois de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, l’avoua sans détour lors d’un entretien au Figaro du 28 janvier 2015 faisant suite aux élections grecques : « Il ne peut pas y avoir de choix démocratiques contre les traités européens »…

    Le mouvement du 26 mai 2018 qui, nous l’espérons, aura des suites sociales et politiques bénéfiques pour le peuple, osera-t-il briser les tabous ? Aura-t-il la force morale et intellectuelle de s’attaquer à la racine des problèmes ? En tout cas, le Parti de la démondialisation participe pleinement à ce processus et appelle à faire du 26 mai un immense succès.

     

    Où en sommes-nous ?

    Nous sommes actuellement dans une situation d’équilibre du rapport des forces entre le gouvernement et les syndicats, pas seulement à propos du conflit majeur qu’est celui de la SNCF, mais aussi ceux concernant les trois fonctions publiques (État, hospitalière et territoriale), Air France, les EHPAD, les chômeurs, les étudiants, EDF… Le gouvernement, malgré la multiplication des offensives qu’il développe et la mobilisation hystérique de la propagande des grands médias, n’est pas parvenu à diviser radicalement et massivement la société entre ceux qui sont pour la grève à la SNCF et ceux qui sont contre. Les syndicats, de leur côté, ne sont pas encore parvenus, contrairement au mouvement de 1995, à faire franchement basculer l’opinion publique en leur faveur. Il faut donc que quelque chose se passe pour élargir le soutien de la population aux grévistes, et augmenter dans le même temps le nombre de grévistes. Comment y parvenir ? Plusieurs pistes doivent être envisagées pour bien préparer le 26 mai et ses suites.

     

    1.- Dénoncer l’illégitimité du Président de la République

    Monsieur Macron, son gouvernement et les grands médias à leur service, expliquent quotidiennement que le Président de la République est dans son bon droit puisqu’il « applique son programme » car « il fait ce qu’il dit ». L’argument possède l’apparence de la simplicité et du bon sens. Trop de citoyens se laissent prendre à ce bobard, jugeant par symétrie que les syndicats ne respecteraient pas le choix majoritaire qui s’est exprimé lors des élections présidentielle et législatives de 2017. Dégonflons cette baudruche ! Car Monsieur Macron n’a aucun titre ni légitimité à appliquer son programme ni à faire ce qu’il a dit pendant sa campagne électorale. Plus encore, M. Macron commet un attentat contre la démocratie en prétendant vouloir appliquer son programme. Car en procédant de la sorte, il ne respecte pas le résultat de l’élection présidentielle et des élections législatives, ni l’esprit du cadre constitutionnel et institutionnel actuel.

    Comprenons bien que c’est seulement lors du premier tour de l’élection présidentielle que les candidats défendent leur programme. Les citoyens qui votent pour eux votent par conséquent pour leur programme. Quel a été le soutien au programme de M. Macron ? Il a été de 8,7 millions d’électeurs sur 47,6 millions d’inscrits, soit 18,19 %. Nous sommes très loin d’un choix majoritaire, le programme de M. Macron ne bénéficie que d’un faible soutien dans la population. La légitimité n’est donc pas du côté de M. Macron qui veut appliquer un programme très minoritaire, mais du côté des 80 % qui n’ont pas voté pour ce programme et qui n’en veulent pas.

    On nous dit alors que ce n’est pas le premier tour qu’il faut regarder, mais le second. Erreur grossière ! Car au second tour les deux candidats restant en présence, pour gagner l’élection, doivent convaincre des électeurs qui n’ont pas voté pour eux au premier tour de le faire au second. Comment y parvenir ? En intégrant à leur programme des éléments du programme des autres candidats. Cela signifie normalement que le programme du vainqueur du second tour ne peut plus être le même que celui qu’il avait au premier tour. Cela signifie également qu’un gouvernement représentatif des forces qui ont voté pour le vainqueur soit nommé. Tel est l’esprit des institutions. Est-ce ainsi que les choses se sont passées en 2017 ? Absolument pas, et c’est en cela que M. Macron a attenté à la démocratie. D’ailleurs, M. Macron (et par conséquent son programme) n’a obtenu que 20,7 millions de voix, soit 43,61 % des inscrits. Une nouvelle fois M. Macron est minoritaire, et ceux qui ne veulent pas de son programme sont majoritaires.

    Le candidat Macron, au second tour de la présidentielle, n’a d’ailleurs même pas eu besoin de négocier ses soutiens, ils lui sont tombés tout cuit dans le bec ! Grâce à Mme Le Pen qui, une nouvelle fois, après son père, a fait le travail que l’on attendait d’elle. Diabolisée, érigée en épouvantail, elle a joué le rabatteur de voix pour M. Macron. Et c’est ainsi que deux nouvelles catégories d’électeurs de M. Macron sont apparues : les électeurs déclarés et les électeurs par défaut. Les électeurs déclarés sont ceux qui, après avoir voté pour un autre candidat au premier tour, ont annoncé publiquement qu’ils voteront pour M. Macron au second. On trouve dans cette catégorie, à droite, Les Républicains Jean-François Copé, Christian Estrosi, François Fillon, Alain Juppé, Valérie Pécresse, Jean-Pierre Raffarin, Nicolas Sarkozy, Eric Woerth… Sur le plan syndical on trouve l’UNSA et la CFDT. À gauche, en plus de la longue cohorte de ceux qui ont voté pour M. Macron dès le premier tour (beaucoup de PS et quelques PCF), il y a Benoît Hamon, François Hollande, Manuel Valls…

    Ceux qui ont voté par défaut pour M. Macron annonçaient qu’ils voteraient « contre Mme Le Pen ». Le résultat a pourtant été exactement le même que dans le premier cas puisqu’il s’est traduit, dans les urnes, par un bulletin Macron… Ils sont, à droite : Laurent Wauquiez, Nadine Morano… et à gauche Pierre Laurent et le PCF, la CGT, la FSU, Solidaires, Jean-Luc Mélenchon, au motif qu’il fallait faire « barrage » à une menace fasciste ou d’extrême droite parfaitement imaginaire !

    En fait, le deuxième tour de la présidentielle, comme depuis quelques décennies, exprimait essentiellement non pas un soutien au candidat (M. Macron) mais un rejet du FN. Cela ne fait pas un programme. Si le Président la République a été élu légalement – apparemment -– son score et les conditions de son élection ne lui donnent qu’une légitimité douteuse. Le piège et le pilonnage organisés depuis des années autour du « Front républicain » (Mitterrand) continue de fonctionner et semble encore avoir de beaux jours devant lui. Pourtant, le seul moyen politique d’y mettre un terme, l’arme de destruction massive de ce verrouillage du système politique français, est le boycott du deuxième tour de l’élection présidentielle lorsque le corps électoral est placé devant un tel non-choix.

    Quant aux élections législatives qui ont suivi, elles n’ont fait qu’affaiblir encore un peu plus la légitimité de M. Macron. Au premier tour, là encore le seul qui vaille pour exprimer son soutien à un candidat, une liste, ou un programme, les scores du parti présidentiel ont été particulièrement modestes. La République En Marche (LREM) a obtenu 6,4 millions de voix sur 47,6 millions d’inscrits, soit 13,44 %. Ce n’est que par la magie d’un mode électoral mafieux, que le plomb s’est transformé en or, puisqu’après le deuxième tour LREM se retrouve avec 53,89 % des sièges (311 sur 577) !

    Il faut faire comprendre ce raisonnement au plus grand nombre, c’est un facteur à ne pas négliger pour débloquer la situation. On comprend très bien la gêne de beaucoup des organisations signataires de l’appel du 26 mai puisqu’elles ont voté Macron au deuxième tour de la présidentielle, et aussi pour les candidats du parti présidentiel lorsqu’ils étaient opposés en duel à un candidat FN au second tour des législatives. Certes, ce n’était pas un soutien au représentant de l’oligarchie. Mais si M. Macron a été élu, ces organisations y ont contribué… On ne peut pas dire que cette attitude facilite la clarté du débat politique.

     

    2.- Élargir la mobilisation à toutes les victimes du néolibéralisme et éviter la récupération du mouvement par la gauche et l’extrême gauche

    La politique du gouvernement contre tous les statuts, tout ce qui est social et public, vise à détruire notre modèle social. Ce dernier ne se limite pas à la situation des fonctionnaires ou des salariés du secteur public, mais il porte une conception de la République qui garantit à l’usager le même traitement et l’égalité du service rendu. C’est cela qui est en jeu et qui justifie l’alliance, dans l’action, entre les salariés et les usagers.

    Toutes les catégories sociales affectées par les politiques néolibérales ont de bons motifs pour entrer en lutte. Toutefois, un raisonnement obsolète pourrait conduire certains à considérer que ces catégories, victimes du néolibéralisme, traduisent leur mécontentement par un soutien, y compris électoral, à la gauche. Et qu’il faut donc s’adresser aux seuls électeurs de gauche. Ce serait une erreur fatale. Des millions de citoyens, appartenant aux classes populaires, ont fui la gauche depuis bien longtemps. Et à juste titre puisque la gauche au pouvoir a pratiqué le néolibéralisme comme la droite. Ces citoyens se retrouvent principalement dans l’abstention et aussi dans le vote FN. La coalition qui est en train de se former pour le 26 mai doit intégrer cet aspect. Pour gagner, il faut faire alliance sur le terrain, dans les luttes, dans les grèves, les manifestations, avec ceux qui ne sont pas dans l’électorat de la France Insoumise, de Benoît Hamon, du PS, des Verts, du PCF, de l’extrême gauche… Le pire serait que le mouvement du 26 mai apparaisse comme une tentative de recomposition de la gauche. Ce serait l’échec assuré. Malheureusement, l’attitude de certaines forces politiques suscite des doutes.

    Le refus, par la CGT et le NPA, d’accepter la signature du Parti de la démondialisation à l’appel du 26 mai, est un très mauvais signal. Faut-il, pour participer aux manifestations du 26 mai, se réclamer exclusivement de la « gauche » ? Faut-il obligatoirement être favorable au maintien de la France dans l’euro et l’Union européenne ? Faut-il être contre la souveraineté de la France comme semble le dire la réponse de la CGT au Pardem ? Est-il totalement incompatible d’être à la fois favorable à l’indépendance de la France et de soutenir les salariés de la SNCF, d’Air France, etc. ? D’ailleurs, à la SNCF ou à Air France, faut-il être obligatoirement « de gauche » et favorable à l’Union européenne pour être admis à faire grève ?

    Ces précisions étant apportées, on ne peut pas non plus soutenir la position des confédérations CFDT et FO qui ont annoncé qu'elles ne participeraient pas aux manifestations du 26 mai. « Il n'y a aucune chance de voir [la CFDT] dans un défilé qui a une connotation politique - et je ne juge pas le contenu de ce défilé, ce n'est pas mon problème - », a affirmé Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT. Pour Pascal Pavageau, numéro un de Force ouvrière : « C'est une manifestation d'ordre politique, nous n'avons pas à nous en mêler et nous ne nous en mêlerons pas ». L’un et l’autre font semblant de ne pas comprendre que les majorités politiques, en France, et les chefs d’État et de gouvernement, ne font qu’appliquer les orientations fixées dans les traités néolibéraux européens. Comment l’action syndicale pourrait-elle l’ignorer en refusant de placer son action dans un cadre politique évident, politique ne signifiant en aucun cas partisan. La CFDT, d’ailleurs, n’avait pas ces pudeurs de vierge quand elle a appelé franchement à voter Macron.

     

    3.- Obtenir des chefs de parti, particulièrement de M. Mélenchon et de M. Besancenot, qu’ils s’abstiennent de manifester afin de ne pas alimenter le piège des médias

    Ne donnons pas au pouvoir des bâtons pour nous faire battre ! La tactique de M. Macron est parfaitement lisible et connue. Il cible « deux extrêmes » opposés qu’il fait apparaître comme des épouvantails (ce n’est parfois pas très difficile…) : Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Le Président, se plaçant au centre, peut alors apparaître comme le point fixe, la référence et l’incarnation paisible des institutions. Il personnalise sur eux. Et eux personnalisent sur lui comme on le voit avec les slogans qui n’évoquent que Monsieur Macron et jamais la néolibéralisme et l’Union européenne. Pourtant M. Macron suit la même politique que M. Hollande, que M. Sarkozy, que M. Chirac et M. Jospin son Premier ministre. Cessons ce petit jeu ! Bien sûr la responsabilité de M. Macron est engagée dans l’offensive néolibérale actuelle. Mais il n’est que l’agent d’un système, celui de l’Union européenne. C’est ce système qu’il faut mettre en cause et qui est aujourd’hui le grand absent de ces mobilisations.

    Mettons en avant la responsabilité du néolibéralisme et de l’Union européenne ! Dans l’appel à manifester le 26 mai il est écrit « Emmanuel Macron, son gouvernement et le Medef sont décidés à imposer que coûte que coûte une restructuration en profondeur de la société française ». Et l’Union européenne ? N’est-ce pas elle, entre autres, au nom du néolibéralisme du traité de Lisbonne, qui a incité depuis le début à la mise en concurrence de la SNCF et à sa privatisation ? Les grands médias ciblent actuellement la CGT en qui ils voient l’adversaire principal. Le contenu des éditoriaux dans la presse audiovisuelle comme dans la presse écrite sont significatifs : « Le grand retour en arrière de la CGT », ou encore « La CGT renoue avec la politisation de l’action syndicale », etc.

    Parallèlement, les médias insistent lourdement en créditant Jean-Luc Mélenchon et l’extrême gauche des mobilisations actuelles. C’est le meilleur moyen de les faire capoter et d’affaiblir la CGT. Jean-Luc Mélenchon n’y a aucun intérêt, car il en porterait alors une part de responsabilité. Sa carrure de candidat à l’élection présidentielle de 2022 en serait affectée. Pour ne pas affaiblir la mobilisation, il devrait, comme Olivier Besancenot, dont la présence dans les grands médias est inversement proportionnelle à son poids électoral, adopter une attitude de modération et de discrétion. Ils n’auraient pas dû être présents à la conférence de presse du 18 mai au siège de la CGT, alors que Philippe Martinez, lui, aurait dû annuler tous ses rendez-vous pour être là. Les Français, par le biais des images de la télévision, ne doivent pas avoir l’impression que la manifestation parisienne du 26 mai a été l’œuvre de Jean-Luc Mélenchon et d’Olivier Besancenot. Or c’est exactement ce que les médias tentent de réaliser. Leur seule présence va attirer les journalistes comme le miel attire les guêpes. À eux de faire preuve d’esprit de sacrifice en ne faisant pas ce cadeau au système. Dans le cas contraire, Jean-Luc Mélenchon et d’Olivier Besancenot auront collaboré explicitement avec les grands médias pour récupérer les fruits de cette mobilisation. Aucun gréviste, aucun manifestant ne doit être pris en otage !

     

    4.- Lancer des comités citoyens pour la promotion des biens communs

    Une multitude de comités citoyens existent à l’échelle locale et nationale, pour la défense des services publics. Ils font un travail admirable. Mais ils souffrent de leur dispersion. Pourquoi ne pas créer, en s’ajoutant à eux, des « métas » comités citoyens qui auraient pour objet la promotion de tous les services publics ? Ils seraient le creuset de l’alliance entre les salariés des administrations et services publics et les usagers. On lit, ici ou là, que la préparation du 26 mai a créé une « unité historique », que c’était « la première fois depuis des décennies »… C’est inexact. La dernière fois que la CGT a participé à un large rassemblement, y compris avec des partis politiques, ce fut pour mener la campagne du NON au référendum de 2005. La direction de la CGT (Bernard Thibault et Jean-Christophe Le Duigou) était pour le OUI, mais la majorité des membres du Comité confédéral national a opté pour le NON. À l’époque nous avons été, avec l’association Attac, la cheville ouvrière des comités pour le NON. Sans ambition politique, ne roulant pour personne, nous avions gagné notre indépendance vis-à-vis de membres fondateurs de l’association majoritairement favorables au OUI ou à l’inertie d’Attac (syndicats, associations diverses…). Avec Attac, nous avions joué un rôle majeur de coagulation de forces très variées qui a permis la victoire. Est-il encore possible de redresser la barre et de revenir vers ce qui constitue sans aucun doute un modèle ?

    Au total, les manifestations du 26 mai doivent être l’événement qui fait basculer le rapport des forces en faveur du peuple. Elles doivent être une réussite sur le plan quantitatif et sur le plan qualitatif. Sur le plan quantitatif, il faut, en effet, une « marée humaine » et non simplement la mobilisation des sympathisants de gauche. Si Olivier Besancenot et Jean-Luc Mélenchon sont trop visibles, c’est ce qu’il se produira, beaucoup ne viendront pas ou ne viendront plus car ils auront l’impression d’être enrôlés. Sur le plan qualitatif, il faut des défilés calmes mais combatifs, sans récupération politique, qui mettent au premier plan les organisations syndicales. Il faudra aussi que le 26 mai ait une suite notamment par le lancement de comités citoyens locaux. Car le combat ne s’arrêtera pas le 26 mai au soir.

    Partout en France, participons en masse aux manifestations, exprimons notre rejet de Macron, de l’Union européenne et du néolibéralisme !


  • « Les États-Unis se sont opposés, ont déstabilisé, renversé ou assassiné chaque réformateur progressiste apparu sur la scène politique dans la région depuis plus d’un siècle »

    María Páez Víctor

    Mohsen Abdelmoumen : Pouvez-vous nous dire quelle est la situation qui prévaut actuellement au Venezuela ?

    Dr. María Páez Víctor : Il y a 6 questions clés pour comprendre la situation au Venezuela.

    1) Le pétrole : La première chose à comprendre est que tout tourne autour du pétrole. Le Venezuela possède les plus grandes réserves de pétrole connues dans le monde dans un emplacement géographique hautement stratégique. Il faut 43 jours pour qu’un pétrolier voyage du Moyen-Orient aux raffineries du Texas, alors qu’il ne faut que 4 jours à partir du Venezuela. Les compagnies pétrolières et les gouvernements qu’elles soutiennent, convoitent le pétrole vénézuélien. Si le pays ne produisait que des mangues, personne ne se soucierait de ce qu’il s’y passe.  Le gouvernement vénézuélien a pris le contrôle de sa compagnie pétrolière (PDVSA), a ouvert des contrats de partenariat privé pour l’exploitation pétrolière mais avec l’État qui détient la majorité des parts, leur a fait payer des taxes qui avaient été à 1% pendant 60 ans. Le revenu pétrolier – au lieu d’être distribué aux élites d’entreprises – a été utilisé pour financer les services publics nécessaires qui, pendant des décennies, n’avaient pas réussi à répondre aux besoins de la population.

    2) La souveraineté : Un gouvernement qui ne suit pas la ligne des États-Unis, ne se plie pas aux dictatures néolibérales du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale, insistant sur le fait que son peuple est souverain et décidera de son propre avenir et aspire à construire une société socialiste et humaniste, ne sera pas toléré par la superpuissance restante. Surtout un pays de la région, que les États-Unis considèrent encore comme leur « arrière-cour ». Comment le gouvernement vénézuélien a-t-il osé nationaliser ses ressources naturelles, sortir son armée de l’infâme École militaire des Amériques et vendre son pétrole à d’autres pays, et non exclusivement aux États-Unis !

    3) La guerre économique : Il y a un plan systématique et stratégique conçu par Washington pour priver les Vénézuéliens de nourriture et de médicaments. Ses exécuteurs sont les grandes sociétés, l’élite commerciale et les banques. Cela ne pourrait pas être plus clair. En 1972-1973, les États-Unis, scandalisés par le fait que le Dr. Salvador Allende, un communiste, avait gagné les élections au Chili, ont promis de se débarrasser de lui. Le président Nixon a déclaré : nous allons faire crier l’économie du Chili. Et c’est arrivé. Avant le terrible coup d’État qui a coûté la vie d’Allende, l’économie chilienne était sujette à la thésaurisation, à la rareté induite, à l’inflation, aux manipulations monétaires, au sabotage et à la contrebande. C’est le même scénario au Venezuela mais encore pire. Cela fait maintenant 5 ans de guerre économique, où les élites économiques vénézuéliennes, les laquais des puissances étrangères, sont tellement soutenues financièrement qu’elles peuvent mettre en œuvre la thésaurisation, le sabotage, l’entreposage, la manipulation monétaire, l’exclusion financière et la contrebande.

    4) Une élite corrompue et raciste : L’élite du Venezuela contrôlait le gouvernement depuis des années – ils étaient les bénéficiaires de tous les revenus pétroliers. Pendant 40 ans, ils se sont approprié et ont dépensé l’équivalent de 12 plans Marshall. En 1999, lorsque le président Hugo Chávez a été élu, la pauvreté se situait entre 60 et 80% et l’extrême pauvreté et la malnutrition affectaient un tiers de la nation. La révolution bolivarienne du Venezuela a considérablement réduit la pauvreté, la malnutrition et le vagabondage, et a fourni des soins de santé universels et une éducation gratuite de la crèche à l’université. Elle a construit 2 millions de logements sociaux ces dernières années.

    L’élite vénézuélienne a montré par sa violence épouvantable dans l’opposition qu’elle est égoïste, vile et raciste, au point de payer des criminels pour mettre le feu aux bâtiments publics, tuer des passants, attaquer une maternité, lancer des grenades à partir d’un hélicoptère sur la Cour suprême, détruire les bus publics et, le plus horrible, de mettre le feu aux jeunes hommes « qui avaient l’air Chavistes », en d’autres termes, qui avaient la peau sombre. Cette élite ne se soucie pas de savoir combien son propre peuple souffre tant que les puissances étrangères ne lui auront pas rendu le gouvernement qu’elle est incapable de gagner aux urnes. Les principaux dirigeants de l’opposition ont parcouru le monde en demandant aux pays puissants de sanctionner et d’isoler diplomatiquement et financièrement leur propre pays, sans se soucier que la nourriture et les médicaments se raréfient.

    5) Un excellent processus d’élection : Il est scandaleux, même dans ce climat politique de mensonges et de désinformation, que l’on puisse considérer que le gouvernement vénézuélien n’est pas démocratique et que le président Maduro est un dictateur. En 19 ans, il y a eu 23 élections différentes, toutes surveillées par des témoins nationaux et internationaux et le gouvernement en a gagné la plupart mais en a aussi perdu quelques-unes. Et on retiendra que l’ex-président des États-Unis, Jimmy Carter, a déclaré en 2012 que : « En fait, sur les 92 élections que nous avons suivies, je dirais que le processus électoral au Venezuela est le meilleur au monde. » La protection anti-fraude du système est très efficace car chaque vote a trois garanties : une empreinte digitale, un vote électronique et un reçu papier. De plus, il y a une forte présence d’observateurs nationaux et internationaux. Ironiquement, ni les États-Unis, ni le Canada, ni la plupart des pays européens n’acceptent des observateurs internationaux à leurs élections.

    6) Les élections présidentielles le 20 mai 2018 : Les États-Unis et leurs alliés sont impliqués dans la subversion et la disqualification de la démocratie vénézuélienne en discréditant les prochaines élections présidentielles du 20 mai. Après avoir agressivement exigé ces élections, maintenant ils les décrient et exigent qu’elles soient stoppées parce qu’ils savent que la majorité des Vénézuéliens soutiennent leur propre gouvernement.

    Dans un exemple étonnant d’hypocrisie de la mentalité coloniale, le Parlement européen a adopté le 3 mai une résolution (492 voix pour, 87 contre, 77 abstentions) exigeant que le Venezuela suspende les élections présidentielles. L’arrogance européenne tend manifestement à exiger qu’un autre pays (même extérieur à l’Europe !) ne respecte pas sa propre loi, ses règlements électoraux et ses arrangements négociés avec les dirigeants de leur opposition.

    Les États-Unis, le Canada, l’Union européenne, l’OEA (ndlr : Organisation des États américains) et le soi-disant Groupe de Lima des laquais de l’aile droite des gouvernements de la région sont en train d’attaquer les élections qu’ils avaient réclamées l’année dernière. Les lois vénézuéliennes stipulent que les élections devaient avoir lieu en décembre 2018, mais ils voulaient les élections l’année dernière. Le gouvernement a négocié avec l’opposition en République dominicaine et une date d’avril 2018 a été convenue. L’opposition a demandé plus de temps. Le gouvernement a de nouveau accepté et ils ont arrêté la date du 20 mai 2018.

    Maintenant, l’Union européenne dit qu’elle « n’accepte pas » les élections parce qu’il n’y a pas de « garanties », sans préciser ce qu’elles signifient, ils demandent un « retour à l’ordre constitutionnel » sans allusion ni tentative de connaître et de comprendre les lois et la Constitution vénézuéliennes.

    En fait, c’est la stratégie d’abstention des États-Unis que les principaux leaders de l’opposition suivent pour que les élections puissent être disqualifiées. Ils ont refusé de se présenter aux élections et exhortent les gens à ne pas voter. Le gouvernement a demandé à maintes reprises à ces partis d’opposition de se présenter aux élections. Ils essaient de diaboliser un système électoral autrement performant. En somme, c’est un montage, un scénario de théâtre pour continuer à diaboliser, contrarier et sanctionner un gouvernement qu’ils souhaitent renverser. Heureusement, l’opposition est divisée et quelques dirigeants se présentent aux élections, malgré les critiques acerbes de leurs propres camarades opposants.

    Entretemps, une société de sondage la plus respectée au Venezuela a eu récemment des résultats intéressants liés aux élections présidentielles du 20 mai :

    • 86% de Vénézuéliens rejettent toute intervention internationale dans le pays
    • 70% des Vénézuéliens disent qu’ils vont participer aux élections – c’est une autre défaite pour la section de l’opposition, soutenue par Washington, qui appelle à l’abstention
    • 55% déclarent qu’ils vont voter pour Maduro
    • 11% déclarent qu’ils voteront pour Henri Falcon
    • 2% déclarent qu’ils voteront pour Javier Bertucci
    • 50% déclarent considérer le fonctionnement de l’Assemblée constitutionnelle nationale comme : « Très bon, bon ou normal à bon »
    • 71% considèrent que Maduro va gagner les élections (2 mai 2018, TELESUR)

    Il y a une forte confiance que la Démocratie au Venezuela est vivante et bonne, et c’est pourquoi les États-Unis, le Canada, l’Union européenne et ses alliés en ont peur.

    En résumé, les Etats-Unis et leurs alliés au Canada et en Europe sont impliqués dans une conspiration visant à renverser le gouvernement démocratique et populaire de Nicolás Maduro parce qu’ils veulent contrôler le plus riche gisement de pétrole du monde qui se trouve au Venezuela et ils veulent un gouvernement servile et obéissant qui acceptera les pots-de-vin et permettra aux États-Unis et à ses multinationales de gouverner et d’opprimer le peuple vénézuélien comme il l’a fait ces 40 dernières années avant le président Hugo Chávez.

    Comment expliquez-vous l’acharnement de l’impérialisme US à vouloir déstabiliser tous les gouvernements progressistes d’Amérique Latine ?

    Y a-t-il une explication adéquate de la cupidité, des préjugés et de l’orgueil de vouloir dominer le monde ?

    Il y a la question des ressources naturelles dont les États-Unis ont besoin pour leur capitalisme vorace. Ils ont épuisé ou ont perdu des ressources en raison du manque de protection de l’environnement et du consumérisme effréné. La région latino-américaine étincelle avec des richesses incalculables – un autre El Dorado pour ce « capitalisme sauvage » comme Chavez l’a appelé.

    La quête de pouvoir des États-Unis est masquée par l’idée de son « exceptionnalisme », semblable à l’adoption par l’Empire britannique du « fardeau de l’homme blanc » comme prétexte pour opprimer les autres nations. Il existe un historique, une preuve évidente, que les États-Unis se sont opposés, ont déstabilisé, renversé ou assassiné chaque réformateur progressiste apparu sur la scène politique dans la région depuis plus d’un siècle. Leurs politiques agressives remontent au XIXe siècle quand ils ont ouvertement volé au Mexique, par les guerres et la duplicité, 50% de ses terres du Sud-Ouest actuel qui comprennent la Californie, le Texas, le Nouveau-Mexique, l’Arizona, le Nevada, l’Utah, le Colorado, le Wyoming, le Kansas et l’Oklahoma. La Doctrine Monroe est un document de colonialisme flagrant dans lequel les États-Unis s’attribuent la « protection » de la région. La création de l’Organisation des États américains est l’instrument par lequel les États-Unis ont manœuvré pour imposer leurs politiques à la région et ont donné à la sinistre École des Amériques les moyens par lesquels ils contrôlaient les forces armées des différents pays. Le FMI et la Banque mondiale sont devenus le leurre venimeux par lequel leurs économies ont été prises au piège de l’usure. L’acharnement des États-Unis est un mélange de cupidité – en voulant leurs ressources naturelles et leur expansion pour leurs sociétés capitalistes – et aussi de préjugés. Leur propension raciste remonte très profondément dans la culture et l’histoire des États-Unis. Les restes de leur guerre civile sanglante restent visibles aujourd’hui dans le traitement des citoyens noirs, qui sont emprisonnés de manière disproportionnée et tués par la police. Les personnes noires et brunes d’Amérique latine et des Caraïbes semblent être considérées comme des êtres inférieurs. Récemment, le président Trump a qualifié les Mexicains de criminels et de violeurs et les nations africaines de « trous à rats ».

    Quelle est votre analyse à propos de la destitution de Dilma Roussef et de l’emprisonnement de l’ancien président Lula ? A votre avis, est-ce un hasard qu’on emprisonne le président Lula alors que tous les sondages le donnaient vainqueur lors des futures élections brésiliennes ? Ne pensez-vous pas qu’il s’agit d’une vulgaire manipulation et d’un complot ?

    Nous assistons à la corruption du cadre même de la démocratie, comme nous l’avons compris jusqu’à présent. C’est ce qu’on appelle une guerre juridique par laquelle le Parlement et les pouvoirs judiciaires sont manipulés de manière à éliminer les opposants politiques et à se moquer des préférences électorales d’un peuple. C’est ainsi que Dilma Rousseff, Lula et Cristina Fernandez ont été écartés. Ils essaient de faire la même chose à Rafael Correa qui, même hors du pouvoir, est considéré comme une menace. Ils essaient de faire la même chose au président Maduro en organisant des procès extraterritoriaux ridicules en essayant de manipuler les lois internationales. Rien de tout cela n’a à voir avec la justice ou la démocratie, mais pour éliminer les puissants opposants politiques par d’autres moyens que les élections parce que la droite ne peut pas obtenir le vote populaire. Leur sectarisme, leur étroitesse d’esprit, leurs « mesures d’austérité » pour réduire l’État-providence sont autant de questions qui ne poussent pas les gens à voter pour eux, à moins, bien sûr, de mentir sur ce qu’ils ont l’intention de faire (comme Macri et Lenin Moreno).

    La guerre juridique tord et déforme la primauté du droit, ce qui est une chose très dangereuse à faire. Ces partisans de la droite ne respectent pas les règles de la démocratie représentative. Afin de contrôler l’administration gouvernementale, ils sont prêts à frapper les piliers de l’État lui-même. Dans leur corruption, en fonction de leurs ambitions, ils discréditent le Pouvoir Judiciaire et le Pouvoir Législatif. Cela conduira inévitablement l’aile gauche et le gouvernement progressiste (et ils reviendront au pouvoir) à réécrire les règles de la démocratie en renforçant la Démocratie Participative, en démocratisant les banques et les médias qui se sont prostitués sur l’autel de la servilité débridée devant les puissants et en mettant en œuvre de nouvelles lois créatives pour protéger les droits de l’homme et la volonté du peuple.

    Comment expliquez-vous le fait que l’extrême-droite revient en force en Amérique Latine, notamment au Brésil et en Argentine, après avoir eu des gouvernements progressistes ?

    Certains gouvernements progressistes, notamment le Brésil, l’Argentine et même l’Équateur, pensaient que la victoire aux élections politiques était suffisante. Ils jouaient avec un jeu de cartes dont ils ne se rendaient pas compte qu’il était marqué contre eux. Le pouvoir de l’aile droite (et de leurs soutiens étrangers) a été sous-estimé, et l’influence étrangère n’a pas été vérifiée. Par exemple, en dépit du fait que le personnel de l’ambassade des États-Unis rencontre l’opposition, la récompense et la finance, peu de choses ont été faites pendant de nombreuses années. Des consultants étrangers et des fonds étrangers ont été acheminés vers des ONG d’opposition. Rien de tout cela n’aurait été toléré aux États-Unis, au Canada ou en Europe. Au Brésil, le changement politique sous Lula n’a pas été reflété dans les changements structurels juridiques, comme ils étaient au Venezuela, et une forte alliance avec les mouvements sociaux a été défectueuse.

    L’une des premières choses que le président Chávez a faite a été d’appeler à une nouvelle Constitution qui était cruciale pour réaliser le genre de changement dont le pays avait besoin. De même, au Venezuela, les mouvements sociaux de toutes sortes (indigènes, agraires, culturels, étudiants, centrés sur le genre, travailleurs, etc.) ont été incorporés comme acteurs sur la scène politique, ce qui a conduit à une profonde « conscientisation » (comme le célèbre éducateur brésilien Paulo Freire aurait dit) dans lequel un peuple prend conscience de son oppression, de sa situation dans le domaine politique et de commencer à agir comme une classe unie à elle-même (comme Marx l’aurait dit). Cela s’est moins produit dans les autres pays où la droite est revenue au pouvoir. Mais l’expérience et la nécessité sont de grands enseignants, et les gens dans les pays où la droite a aujourd’hui le contrôle prendront bientôt une autre direction.

    La vérité est que ce sont les gouvernements de gauche qui rétablissent très souvent les droits de l’homme et protègent la démocratie dans la région. Les gouvernements de droite en Amérique latine sont incapables de contrôler le vote populaire et sont arrivés au pouvoir par la corruption (Pérou, Colombie, Panamá), la fraude (México), le coup d’État (Honduras) et les coups d’État parlementaires et juridiques (Brésil, Paraguay). Macri et l’Équateur sous Moreno sont les seules exceptions, car ils ont clairement remporté les élections, mais certains diraient en masquant leurs intentions réelles. Nous verrons une nouvelle « marée rouge » et plus tôt que tard dans la région, car une fois que les gens auront goûté à la souveraineté, ils ne reviendront probablement pas à leurs chaînes.

    Nous avons des informations sur la présence d’éléments terroristes de Daech qui seront utilisés contre ce qui reste de gouvernements progressistes en Amérique Latine, par exemple le Venezuela. Avez-vous des informations à ce sujet ?

    Je n’ai pas d’informations personnelles, seulement ce que m’ont dit les gens le long de la frontière avec la Colombie : le danger de raids continus par des paramilitaires, le meurtre de dirigeants communautaires par ces tueurs payés, et la contrebande organisée flagrante qui s’y produit. La Colombie a une histoire terrifiante de violence, de meurtres et de massacres. La semaine dernière, des fosses communes avec 9000 corps ont été trouvées dans ce pays. La coopération de l’armée colombienne avec les mafias paramilitaires et narcotrafiquantes est légendaire. Et avec sept bases militaires américaines en Colombie, il n’est pas du tout improbable qu’il y ait des plans pour déclencher la terreur au Venezuela afin de renverser le gouvernement. Selon le président colombien Santos, 3000 soldats colombiens sont actuellement envoyés à la frontière, prêts pour une intervention « humanitaire » au Venezuela. Si une invasion survient, il y aura une guerre à grande échelle et elle engloutira la région.

    Une nouvelle importante que la presse mondiale a refusé de publier est que le rapporteur officiel indépendant des Nations Unies, le professeur Alfred M. Zayas, a déclaré il y a quelques semaines qu’il n’y avait pas de « crise humanitaire » au Venezuela malgré les reportages et les généralisations. « … la population ne souffre pas de la faim comme dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie – ou même dans les favelas de São Paolo et d’autres zones urbaines du Brésil et d’autres pays latino-américains … la « crise humanitaire » peut être facilement exploitée pour justifier un « changement de régime », sous prétexte que le gouvernement laisse la population mourir de faim. Certains États prétendent que le gouvernement vénézuélien ne peut plus garantir les droits du peuple. Par conséquent, une crise humanitaire a émergé et maintenant ils veulent intervenir militairement pour « sauver » le peuple vénézuélien d’une expérience socialiste ratée. » (venezuelanalysis.com/analysis/13614)

    J’ai interviewé son Excellence l’ambassadrice du Venezuela auprès de la Belgique et de l’Union européenne, Madame Claudia Salerno Caldera, et je l’ai interrogée sur l’éventualité d’une intervention militaire américaine au Venezuela. Elle m’a répondu par l’affirmative. Pensez-vous que les USA peuvent intervenir militairement contre le gouvernement légitime du président Maduro ?

    Avec un tel déséquilibré à la Maison Blanche, toute imprudence est possible. Cependant, je pense qu’ils utiliseraient des troupes colombiennes et peut-être du Brésil et de la Guyane. Pourquoi risquer vos propres soldats quand vous avez de la chair à canon à votre disposition auprès de gouvernements aussi avides et avilis ?

    Cependant, la Colombie organise des élections présidentielles le 27 mai, soit 7 jours après les élections vénézuéliennes (20 mai). Cela signifie que le gouvernement colombien ne peut pas envahir le Venezuela avant cette date de peur de risquer sa campagne électorale, ce qui n’est pas bon pour le gouvernement. De même, il y a des millions de Colombiens qui se sentent favorables à un Venezuela qui a si bien traité leurs 2 millions de compatriotes qui y résident maintenant. Ainsi, une incursion colombienne à l’intérieur du Venezuela risque également de provoquer de graves troubles intérieurs pour le gouvernement, ce qui a certainement empêché la Colombie d’entrer au Venezuela pendant toutes ces années.

    L’armée colombienne est de trois fois la taille de l’armée vénézuélienne. Elle est expérimentée dans la guerre car elle combat les guérillas depuis 50 ans, et elle dispose de ressources et d’armes à travers les sept bases de l’armée américaine qui y sont stationnées. Cependant, c’est en grande partie une armée démoralisée qui n’a pas le quart du moral et la détermination de l’armée du Venezuela, l’armée de Bolívar. Et quiconque connaît les questions militaires vous dira que le moral d’une armée est essentiel au succès. En outre, le Venezuela a un peuple uni, inspiré et très fier qui défendra farouchement ses terres.

    Le gouvernement vénézuélien n’est pas seul ; il a le soutien de nombreux pays non alignés, et non des moindres, de la Chine et de la Russie, la plupart des Caraïbes, y compris, bien sûr, Cuba. La Russie et la Chine ont toutes deux mis en garde les Etats-Unis de ne pas interférer dans le gouvernement du Venezuela. Leurs investissements au Venezuela sont substantiels et ils ne seraient pas prêts à voir le Venezuela envahi. Ces investissements sont très bien accueillis par les pays latino-américains car ils ne viennent pas avec des « conditions contraignantes » de politique comme les investissements du FMI et de la Banque mondiale. Ils sont un autre problème douloureux pour les États-Unis.

    Comment expliquez-vous les sanctions que les États-Unis et l’Union Européenne veulent imposer au gouvernement légitime du président Maduro ?

    Les sanctions américaines font partie de leur guerre économique contre le Venezuela. Elles sont une violation du droit international : elles sont contre les chartes de l’ONU et de l’OEA (ndlr : Organisation des États américains), contre le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, civils et culturels et constituent un crime contre l’humanité parce qu’elles créent intentionnellement la souffrance du peuple. En bref, elles sont immorales car elles empêchent le pays d’acheter de la nourriture et des médicaments.

    Les gouvernements canadien et européen s’inclinent honteusement devant le président le plus ignorant et le plus vénal des États-Unis. Le Venezuela ne signifie rien pour ces pays, alors ils pensent : » Laissons à Trump sa marotte et laissons-lui le Venezuela. Ces sanctions ne nous affectent pas du tout, et peut-être que nous pourrons obtenir le « bon » côté de Trump. » Pathétiquement, ils pensent qu’il a un bon côté. Le Canada se donne un mal fou pour plaire à Trump afin qu’il ne jette pas l’accord de l’ALENA à la poubelle et l’Union européenne continue de penser que Trump est un allié respectable. On pourrait s’attendre à ce que des alliés, des gouvernements favorables aux États-Unis comme ceux-ci essaient d’influencer un président néophyte et erratique des États-Unis vers une coexistence pacifique avec d’autres pays. Ils devraient apprendre la dignité et la droiture des nations des Caraïbes au lieu de complimenter la brute en lui tapant dans le dos.

    D’après vous, l’impérialisme US et ses larbins cesseront-ils un jour de vouloir déstabiliser des pays et imposer leurs diktats aux peuples ?

    À court terme, sous cette administration Trump, non. Cependant, à long terme, quand leur déficit de plusieurs milliards de dollars frappera enfin le mur et qu’ils verront que le dollar n’est plus la monnaie universelle du commerce, ils pourraient se relâcher car leurs problèmes intérieurs seront prioritaires au lieu d’essayer de dominer d’autres terres. Ce que je souhaite pour le peuple des États-Unis, c’est un leader, un parti, un gouvernement, qui s’occupera de leurs besoins en matière d’éducation, de santé et de logement, qui se rendra compte qu’être le gendarme du monde ne vaut pas leur souffrance et que la coopération et la solidarité avec les peuples du monde récolteront beaucoup de richesses dont ils ignorent l’existence. Pour cela, ils doivent arriver à la conclusion que leur complexe militaro-industriel ne leur a apporté que le mal, la dépression, la pauvreté, la mort et le mépris de la majeure partie du monde.

    J’ai été très impressionnée que Bernie Sanders ait été capable d’attirer les jeunes d’une manière politique significative, et le fait qu’il a rendu le mot socialisme acceptable sur la scène politique américaine – c’est un véritable exploit ! Alors peut-être qu’il y a encore de l’espoir pour les États-Unis – et le monde.

    Que reste-t-il de crédibilité à ces médias au service de l’impérialisme qui sont financés par les multinationales et qui passent leur temps non pas à dire la vérité mais à diffuser de l’intox et à relayer la propagande de l’impérialisme pour destituer des pouvoirs politiques légitimes comme celui du président Maduro ?

    Ce n’est pas un problème si compliqué, il suffirait que des gouvernements courageux démantèlent les conglomérats médiatiques, interdisent ces monopoles. Si cela se produit, nous pouvons avoir de nombreux médias, des penseurs indépendants, un journalisme créatif, et enfin, une presse qui a de vraies normes et réglementations. En d’autres termes, nous avons besoin de la démocratisation de la presse, en la dissociant des grandes sociétés, des Murdoch et d’autres de ce monde. Lorsque très peu de gens possèdent des journaux, la télévision et la radio, quand ce sont les grandes entreprises qui décident ce que nous entendons et apprenons, nous devenons asservis à leurs fausses informations et leurs contrevérités pour le bénéfice de leurs intérêts économiques et politiques. Nous sommes confrontés à de vagues notions de « droit de savoir » et de « liberté de la presse » qui ne fonctionnent que dans un seul sens.

    Le Venezuela a été clairement victime d’une campagne médiatique de mensonges et d’exagérations pour dénigrer un gouvernement que le Département d’État américain veut détruire. Ainsi des histoires de « Vénézuéliens mangeant des animaux du zoo » « des gens tuant des chevaux », « des mères abandonnant des enfants au bord de la route », « les gens meurent de malnutrition », « les peuples indigènes apprennent l’arabe » (comme si c’était un crime), « Maduro veut être président à vie » sont tous des mensonges élaborés qui sont présentés comme des faits.

    Lorsque le président Chavez a été confronté à l’opposition ouverte et militante de la principale chaîne de télévision et de radio de son pays qui est une propriété privée, il ne les a pas fermés (comme un dictateur l’aurait fait). Il a octroyé les moyens par lesquels des centaines de quartiers pauvres et de conseils communaux ont pu établir leurs propres stations de radio locales et même des stations de télévision, où les gens pouvaient exprimer leurs propres préoccupations, créer leurs propres programmes qui les intéressaient vraiment. C’était un moyen de démocratiser les médias. Ce ne sont pas des médias contrôlés par le gouvernement, ce sont de véritables médias communautaires indépendants, en effet, ils n’hésitent pas à critiquer et à signaler les lacunes de l’administration.

    L’impérialisme US et ses alliés continuent à nous gaver avec « les droits de l’homme », « la démocratie » et la « liberté d’expression », alors qu’ils font l’inverse en déstabilisant des pays et en intervenant partout dans le monde. Comment qualifiez-vous ces actes hostiles qui visent des États souverains ? À votre avis, les États-Unis sont-ils une vraie démocratie où le peuple détient le pouvoir, ou bien est-ce plutôt une minorité qui dirige ?

    Au Canada, nous recevons, sans l’avoir sollicité, le New York Times avec l’édition dominicale de l’un de nos principaux journaux. Depuis, je suis consternée par les mensonges du NYT au sujet du Venezuela, la seule partie que je lis est son encart du Sunday Book Review. Il y a une semaine, ils ont passé en revue 4 livres, qui avaient tous une variante du titre : ce qui ne va pas avec la démocratie aux USA. Ainsi, ce ne sont pas seulement certains d’entre nous, en dehors des États-Unis, qui ont observé la détérioration constante de leur vie sociale et politique, mais des gens réfléchis et intelligents des États-Unis qui constatent et ressentent cette détérioration.

    L’Idole de guerre imprègne cette société avec ses guerres de conquête, ses bombes et ses drones, ses prisons secrètes, son acceptation de la torture, son traitement révoltant des Noirs et des Hispaniques, sa position prédatrice envers la Nature, sa culture des armes à feu, son record honteux d’emprisonnement, sa faible participation électorale, ses massacres aux armes à feu, son industrie de l’armement, sa violence, et son industrie du divertissement obsédée par le sexe, tout cela use petit à petit le sain, le positif, les idéaux affirmant la vie qui peuvent flotter dans l’imagination collective et le désir des citoyens américains. Sa démocratie, et le tissu même de leur vie sociale en tant que nation, est un objet d’inquiétude même pour ses citoyens. Les États-Unis arrivent à un carrefour où ils devront choisir entre un mode de vie qui adore la Mort et la Conquête ou celui qui adore la Vie et la Paix.

    L’heure est grave. Je suis Algérien et mon pays qui est un allié du Venezuela est visé par différents cercles occultes liés à l’impérialisme. Ne pensez-vous pas que des pays comme l’Algérie, le Venezuela, Cuba, etc. doivent constituer un front commun plus que jamais nécessaire pour la sauvegarde de leur souveraineté ? N’y a-t-il pas nécessité d’un front mondial contre l’impérialisme ?

    Absolument, et ne pensez pas que cela n’arrive pas. Le Venezuela a cultivé des liens solides avec Cuba, la Bolivie, le Nicaragua, les Caraïbes, de nombreux pays africains et ex-soviétiques, l’Algérie et d’autres pays arabes, l’Inde, la Chine et la Russie. Voyez les votes à l’ONU et à l’OEA où les États-Unis n’ont pas réussi à condamner le Venezuela parce qu’ils ne peuvent pas obtenir les votes.

    Il y a quelques jours à peine, le nouvel ambassadeur des États-Unis auprès de l’OEA, Carlos Trujillo, menaçait avec la plus grande arrogance les pays des Caraïbes pour leur soutien au Venezuela : « nous ne permettrons pas aux Caraïbes de bloquer les efforts de la majorité des pays de la région pour faire pression sur le gouvernement du Venezuela » (2018/05/18 apporea.com).

    Il y a de la force dans l’unité et ces pays partagent des défis similaires et affrontent pratiquement les mêmes ennemis. L’organisation ALBA est un excellent exemple de solidarité internationale créative, dans laquelle les pays se regroupent pour fabriquer les médicaments dont ils ont besoin, promouvoir l’agriculture pour leurs consommations domestiques et répondre à leurs besoins éducatifs. PETROCARIBE est un autre exemple de solidarité internationale créative dans laquelle le pétrole vénézuélien est disponible pour les petits pays des Caraïbes sous conditions spéciales. Je souhaite plus d’organisations comme ALBA et PETROCARIBE.

    Israël continue à tuer les Palestiniens notamment lors des manifestations récentes réclamant le droit de retour. Comment se fait-il qu’Israël reste impuni pour les nombreux crimes qu’il continue à commettre ?

    Je n’ai pas d’idée particulière sur le Moyen-Orient, je ne connais pas l’arabe, je ne connais pas personnellement la région, je n’ai pas plus d’informations que ce que j’ai lu dans les médias. Et je me méfie tellement de ce qu’il y a à lire : si la presse ment au sujet de l’Amérique latine dont je connais tant de choses, ne mentira-t-elle pas sur une région dont je connais si peu ?

    Cependant, mon opinion personnelle et en aucun cas celle d’un expert, c’est que soit vous tuez votre ennemi ou soit vous vous asseyez avec lui et vous négociez. Il n’y a pas de voie médiane. La violence engendre la violence et c’est un truisme avisé. Les Palestiniens qui souffrent depuis longtemps ont fait les frais d’un voisin très puissant. Je suis désolée, mais je n’en sais pas assez sur la situation pour donner une idée plus profonde, sauf qu’une solution à deux États semble être ce qui peut apporter la paix avec la justice. Et qu’en Israël, le mouvement de paix là-bas devra être un élément clé de cette solution politique pour faire pression sur leur propre gouvernement.

    Comment expliquez-vous qu’à chaque fois que des résistants et des Justes soutiennent la cause du peuple palestinien, ils sont qualifiés d’antisémites ?

    C’est une injure qui est très dangereuse à lancer car nous connaissons tous l’effroyable mort et la destruction que de vrais antisémites ont commis historiquement en Europe. D’un autre côté, il y a des gens qui accusent les autres d’être des sionistes quand ils ne sont pas d’accord sur un point qu’ils n’aiment pas. Ce sont des insultes ad hominem que les gens médiocres utilisent quand ils n’ont plus d’arguments. Dans une situation polarisée, ces insultes n’aident personne et ne contribuent pas à trouver des solutions et sont assez méprisables. Nous vivons à une époque où – impensable – les fascistes se lèvent dans toutes sortes de pays, les charlatans politiques se moquent des valeurs que nous pensions être universellement tenues, un temps pour les tweets irresponsables, des courriels lâches, des projections de boue sans se soucier de l’endroit où elle atterrit, et d’un journalisme médiocre et sans discernement. Mais nous devons nous élever au-dessus de tout cela, maintenir nos principes et nos valeurs, refuser de jouer à leurs jeux sales, donner l’exemple et préserver notre propre dignité.

    Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

    Qui est María Páez Víctor ?

    Le Dr. Maria Páez Victor est une sociologue, née au Venezuela et éduquée à Caracas, New York, Mexico, en Angleterre et au Canada. Pendant plusieurs années, elle a enseigné la sociologie de la santé et de la médecine ainsi que les politiques en matière de santé et d’environnement à l’Université de Toronto. Le Dr Páez Victor a une expérience nationale et internationale dans l’analyse des politiques et l’évaluation de l’impact de l’environnement et de l’énergie, avec une expertise dans les domaines de la santé. Elle est un membre actif de la communauté latino-américaine au Canada.

    Elle a administré les Bourses de développement de l’énergie durable, un programme international de bourses d’études supérieures des entreprises d’énergie du G8, de 2002 à 2011. Conférencière à l’Université de Toronto, elle donne des cours de sociologie de la santé et de la médecine ; des cours sur les politiques de santé et d’environnement à temps partiel, de 1992 à 1996 et de 2003 à 2005. Elle a obtenu son doctorat (Sociologie) à l’Université York, Toronto, Canada en 1987. Elle a été volontaire, à l’hôpital Mater Misericordia de Nairobi, au Kenya, de 1985 à 1987.

    Published in American Herald Tribune, May 19, 2018 : https://ahtribune.com/world/americas/2264-maria-paez-victor.html 

    »» https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2018/05/20/dr-maria-paez-victo...
    URL de cet article 33415
    https://www.legrandsoir.info/les-etats-unis-se-sont-opposes-ont-destabilise-renverse-ou-assassine-chaque-reformateur-progressiste-apparu-sur-la-scene.html

  • 22 Mai 2018

    Publié par Le Mantois et Partout ailleurs

     Guillaume Pépy et le Bourgeois gentilhomme

    Le Bourgeois gentilhomme de Molière faisait de la prose sans le savoir. Et bien Guillaume Pépy, grand manitou de la SNCF, fait de la politique sans le savoir. Normal, il a été directeur de cabinet de plusieurs ministres socialistes. Puis, dans quelque petit papier, il est nommé directeur général du groupe SNCF. Toujours sans faire un poil de politique.

    Sarkozy, alors à l'Elysée, l'adoube grand manitou de la SNCF, en lui fixant une feuille de route -comme les hors-sol disent- pour faire en sorte que la SNCF entre "tout entière, dans l'ère du développement et de la concurrence". Bien, là aussi, ce n'est pas politique. François Hollande président, lui de drauche, dit à Guillaume Pépy de poursuivre  la "grande réforme ferroviaire" engagée. Les parlementaires godillots socialos et écolos votent donc la casse du rail public en 3 morceaux, ce que Guillaume Pépy approuve. Bonne pioche, parce que sans faire de politique, Hollande le reconduit grand manitou de la SNCF jusqu'en 2020. Un ex-banquier d'affaires, lui de droite et de droite à l'Elysée, Guillaume Pépy défend bec et ongles sa réforme réactionnaire de commis du grand capital. Toujours sans faire de politique.

    Et puis, au train où vont les choses -si j'ose dire- Guillaume Pépy sort ça sur l'appel de la CGT à la manif de ce 26 mai. Toujours en tant que chantre de l'apolitisme.

    Dis Guillaume, le congrès de 1920 dont tu parles, est-il celui de la CGT tenu à Orléans du 27 septembre au 2 octobre 1920? si oui, il réaffirme que son combat est "l'expropriation capitaliste" en page 6.

    Enfin, comme tu me sembles maître ex cathedra en CGT, lorsque, avec l'Union Confédérale des retraités CGT, je manifeste pour l'augmentation de mon pouvoir d'achat, notamment  contre l'augmentation de la CSG décidée par ton patron Emmanuel Macron, je fais de la politique ou du syndicalisme? Sans rire.


  • Bonjour, voici la lettre d’information du site « CAPJPO - EuroPalestine » (http://www.europalestine.com)
    Si vous ne visualisez pas cet email lisez-le sur le site
    http://www.europalestine.com

    Publication CAPJPO - Europalestine
     
       
     

     


  • Ça n'empêche pas Nicolas

    Blog de Jean Lévy sur l'actualité politique au jour le jour.

     

     

                                                                 

     

    21 Mai 2018
    Nous sommes tous iraniens… Par Richard Labévière

    Résultat de recherche d'images pour "Trump dénonce l'accord nucléaire iranien Images"

    Donald Trump dénonce l'accord sur le nucléaire iranien

    "canempechepasnicolas"

    Les USA s'arrogent le droit d'interdire le commerce international aux autres nations, au nom des intérêts américains. Les firmes françaises, Total, Renault, Peugeot, Airbus...et Macron, vont-ils se plier aux oukases de Wall Street, abandonnant ainsi le peu de souveraineté dont dispose encore la France ?

    Les Crises

    Sans surprise, Donald Trump a donc annoncé que Washington quitterait l’accord sur le nucléaire iranien – signé le 14 juillet 2015 – également par la France, la Grande Bretagne, la Russie, la Chine et l’Allemagne. Cet accord avait permis une levée partielle des sanctions économiques contre l’Iran, en échange du gel et de la supervision internationale du programme nucléaire iranien pour au moins dix ans. Comme l’explique au cordeau Guillaume Berlat, cette décision n’est pas une surprise tant elle est conforme aux obsessions politiques et géopolitiques américaines : satisfaire l’électorat évangéliste et pro-israélien, satisfaire Tel-Aviv et Riyad, défier Moscou et impressionner Pékin…

    Mais au-delà de ces effets de conséquences, la « cause efficiente » de cette décision, qui piétine le multilatéralisme et la paix, ramène en droite ligne à l’argent, – l’argent – l’obsession d’un homme d’affaire qui cherche à « faire du fric » par tous les moyens… Dynamitant ainsi l’ordre international et ses différents instruments élaborés au sortir de la Seconde guerre mondiale, le président américain prône le retour à l’état de nature, à la loi du plus fort : celle de la main invisible d’Adam Smith et ses suiveurs classiques et néo-classique (Léon Walras, Vilfredo Pareto et consorts). Et comme les Américains ont l’art d’habiller leurs coups de force en « norme universelle », le Congrès doit encore avaliser la décision pour rendre conforme ce nouvel embargo avec la législation américaine dans un délai de trois à six mois.

    Mais dès à présent, aucun nouveau contrat ne pourra être signé entre des sociétés américaines (et occidentales affiliées) et l’Iran. Pour les contrats existants, les sanctions seront rétablies à l’issue de périodes transitoires de 90 à 180 jours. Autrement dit, toutes les compagnies étrangères ont entre trois et six mois pour « sortir » d’Iran. Quant aux groupes actuellement en négociation pour de futurs contrats, ils doivent y renoncer immédiatement. Par exemple, l’ambassadeur américain à Berlin a déclaré que les entreprises allemandes devaient cesser leurs activités en Iran « immédiatement ». Ceux qui ne respecteront pas les conditions imposées par Washington s’exposeraient à des mesures de rétorsion et à l’interdiction d’accès au marché américain.

    Cette nouvelle manifestation de l’unilatéralisme américain perturbe, d’ores et déjà, nombre d’accords passés en Iran par plusieurs centaines de PME françaises depuis la fin 2015. De surcroît, ce coup de force remet en cause plusieurs projets de grandes d’importance prévus en Iran par des groupes français, à commencer par Total, Airbus, Renault et Peugeot. Les activités mondiales de ces sociétés pourraient être gravement mises en péril si elles continuent d’investir en Iran malgré le nouvel embargo.

    TOTAL DANS L’ETAU AMERICAIN

    Le groupe pétrolier français a fait son retour en Iran en juillet 2017, par la signature avec la National Iranian Oil Company (NIOC) d’un contrat pour développer la production de la « phase 11 » d’un immense champsgazier – South Pars. Par ce contrat, Total – opérateur du projet – est engagé sur 20 ans et détient une participation de 50,1% dans South-Pars-11. La première phase du projet représente un investissement de l’ordre de 2 milliards de dollars, avec un premier versement de plus d’un milliard de dollars.

    Mais dès novembre 2017, Patrick Pouyanné – le PDG du pétrolier français – avait pondéré l’enthousiasme né de ces perspectives iraniennes, affirmant que Total réexaminerait ses options d’investissement en Iran si les Etats-Unis décidaient d’adopter de nouvelles sanctions contre ce pays. Il avait alors insisté sur l’importance du marché américain pour le groupe : « nous travaillons aux Etats-Unis, nous avons des actifs aux Etats-Unis, nous venons d’acheter des actifs supplémentaires aux Etats-Unis… »

    Le ministre iranien du pétrole avait répondu par cette mise en garde : « si Total, en dehors d’une décision du Conseil de sécurité, annonce qu’il a l’intention de renoncer au contrat, aucun capital ne sera rendu, ni aucune somme transférée à cette entreprise ».

    UNE CENTAINE D’AIRBUS POUR IRAN-AIR

    Fin 2016, Airbus a reçu une commande de la compagnie nationale Iran-Air portant sur une centaine d’appareils, pour un montant-catalogue de 20,8 milliards de dollars (17,5 milliards d’euros). D’autres commandes iraniennes sont en négociation, notamment pour l’acquisition de plusieurs dizaines d’hélicoptères.

    Avec sa prudence habituelle, Airbus a réagi à l’annonce américaine de mardi soir en temporisant : « le groupe va examiner très précisément la décision du président américain avant de bouger », ajoutant que l’exercice prendrait « un certain temps ». Le responsable de la communication d’Airbus – Rainer Ohler – a déclaré : « nous analysons attentivement cette annonce et évaluerons les prochaines étapes en cohérence avec nos politiques internes et dans le respect complet des sanctions et des règles de contrôle des exportations ».

    De son côté, Boeing, le concurrent américain d’Airbus, a indiqué dès mardi soir qu’il se conformerait à la décision de la Maison blanche de rétablir les sanctions et à leurs modalités pratiques édictées par le Congrès. En décembre 2016, Boeing avait conclu la vente de 80 appareils à Iran-Air, d’une valeur-catalogue de 16,6 milliards de dollars. Mais la livraison des premiers appareils – initialement prévue fin 2018 – avait été reportée. L’avionneur américain avait aussi signé un contrat de 3 milliards de dollars pour la vente d’une trentaine d’appareils 737-Max à la compagnie iranienne Aseman.

    PEUGEOT ET RENAULT AUSSI DANS LA TOURMENTE

    Les deux constructeurs automobiles français – Peugeot et Renault – sont aussi dans la tourmente puisque très engagés sur le marché iranien où le taux d’équipement automobile demeure relativement bas. Actuellement estimé à 1 million de véhicules, le marché iranien pourrait tripler de volume durant les dix prochaines années. Afin de concrétiser ces perspectives prometteuses, Peugeot avait signé début 2016 son grand retour en Iran qu’il avait été contraint de quitter en 2012. Son partenaire de l’époque – l’américain General Motors – exigeait déjà que le Français applique l’embargo de Washington imposé à l’Iran !

    En janvier 2016, Peugeot créait, à nouveau une joint-venture avec le groupe Iran Khodro avec lequel il travaillait avant son départ forcé d’Iran, L’objectif étant de produire, à terme, quelque 200.000 véhicules par an. La production a démarré en 2017.

    Resté engagé dans le marché iranien malgré les sanctions, Renault a signé en 2016 un accord stratégique pour accélérer le développement de ses ventes dans le pays, via une nouvelle société commune avec IDRO (fonds d’investissement et de rénovation de l’industrie en Iran) et Parto Negin. Dans un premier temps, l’objectif était de produire 150.000 véhicules par an, venant s’ajouter aux capacités existantes d’une production annuelle de 200 000 véhicules.

    CHINE ET RUSSIE EGALEMENT TOUCHEES

    Depuis le 2 mai dernier, l’armée américaine a cessé de vendre dans les magasins de ses bases des téléphones portables chinois de marque Huawei et ZTE, invoquant des risques de sécurité. Cette décision s’inscrivait dans le cadre plus vaste de mesures visant à stopper ou limiter la pénétration des constructeurs chinois dans l’économie américaine. « Avec l’abrogation de l’accord sur le nucléaire iranien », explique l’économiste Hervé Juvin, spécialiste de l’extra-territorialité du droit américain1, « il sera encore plus facile pour les autorités américaines de contrer les concurrences chinoises ou russes sous prétexte que des composants de leurs différents produits sont de conception ou de fabrication américaines ».

    Les sanctions américaines qui ont frappé dernièrement le patron de RUSAL, le « tsar de l’aluminium », et le groupe suisse Glencore s’inscrivent dans la même logique, faisant flamber le cours de ce métal de 12% en une semaine, « du jamais vu en une quarantaine d’année », expliquent les spécialistes de la branche. « Le prolongement du statu quo sur l’acier européen jusqu’en juin, n’empêchera pas l’adoption de mesures protectionnistes américaines très dures à l’encontre de nos industriels », ajoute Hervé Juvin.

    « A force de multiplier les sanctions, on va se retrouver tout seul et détesté… » avait mis en garde Barak Obama, craignant que les Etats-Unis se mettent le monde à dos avant de quitter la Maison blanche. Donald Trump, qui prend résolument le contre-pied de son prédécesseur sur la plupart des dossiers, instrumentalise la lutte contre le terrorisme, la corruption et la prolifération des armes de destruction massive pour avantager les sociétés américaines et, ainsi, remettre en cause les principes de la libre concurrence défendus par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les institutions de Bretton-Woods. Dans ce contexte – et plus que jamais depuis la fin de la Seconde guerre mondiale – la dernière décision unilatérale de Donald Trump impose de manière brutale au monde entier les normes américaines du droit des affaires.

    L’EXTRA-TERRITORIALITE DU DROIT AMERICAIN

    Hervé Juvin : « l’application extra-territoriale du droit américain a détruit des entreprises françaises (Alcatel et Alstom notamment), elle a permis d’extorquer des milliards d’euros à des entreprises et des banques européennes. Cette même pression vise à attaquer Sanofi, Airbus, Safran et bien d’autres. Elle prend pour prétexte la lutte anti-corruption, le respect des embargos américains et le combat anti-terroriste. Le prétendu objectif est l’efficacité économique, la moralisation des affaires, l’établissement des conditions d’une concurrence libre, ouverte et équitable partout dans le monde. Tout cela, en réalité, à l’appui d’un impérialisme juridique grandissant, tout cela au seul bénéfice de l’intérêt national américain. L’extra-territorialité du droit américain se propage à la faveur de l’abandon du droit international, de la faiblesse du régalien et de la négation de la souveraineté des pays Europe. Elle constitue un élément majeur de la stratégie de « Global Constraint » – « contrainte globale » – qui renouvelle la stratégie de l’empire américain ».

    Désormais, nous devons regarder la réalité en face. Au nom de la lutte contre la corruption, au nom du combat légitime contre les pratiques abusives, c’est la lutte contre la diversité humaine et contre la liberté des peuples à décider de leurs lois et de leurs principes qui devrait s’imposer. C’est une colonisation américaine d’un nouveau type – soft et smart colonisation – qui s’affirme au fur et à mesure que la croissance économique (totem de la mondialisation) signifie moins la volonté de répondre aux besoins que l’obsession de tuer ses concurrents par tous les moyens. Cette nouvelle colonisation s’immisce jusqu’au cœur de notre vite quotidienne en affectant l’emploi des Français, des autres Européens et de tous les pays en développement.

    « Cette position n’est pas acceptable » pour le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire qui a déploré mercredi matin la position de « gendarme économique de la planète » de Donald Trump. « En deux ans, la France avait multiplié par trois son excédent commercial avec l’Iran », a-t-il expliqué lors d’un entretien à France Culture, jugeant que la décision américaine aurait des « conséquences » dommageables pour plusieurs fleurons français. Il a affirmé qu’il aurait « un entretien téléphonique d’ici la fin de la semaine avec le secrétaire au Trésor américain Steven Mnuchin » pour étudier avec lui les possibilités d’éviter ces sanctions.

    A l’évidence, Bruno Le Maire croit encore au Père Noël ! Le jour où l’Union européenne et les pays européens – dont la France – auront le courage politique d’appliquer des mesures de réciprocité, sinon de représailles envers les Etats-Unis, nous en reparlerons ! Dans l’immédiat, des mesures symboliques pourraient être prises à l’encontre des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), des MacDo et autres Starbucks-cafés qui détruisent nos restaurants, cafés et centre-ville !

    Dans la bouche de Donald Trump, « America first » signifie « par ici la monnaie ». Premier ministre de la colonie du Cap en Afrique du sud de 1890 à 1896 et l’un des inspirateurs du système d’apartheid, Cecil Rhodes disait : « l’argent, c’est le sang des autres… ». Nous y sommes jusqu’au cou…

    Richard Labévière
    14 mai 2018

    1 Hervé Juvin : La guerre du droit pénal américain aura-t-elle lieu ? Cap sur le nouveau système de corruption mondialisé. Editions de l’Observatoire EUROGROUP-CONSULTING, mai 2016.

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