Depuis longtemps, les chiffres ne disent plus rien. 57 morts, des milliers de blessés, glissent sur nos consciences, le mort palestinien se compte naturellement par dizaines, les blessés par milliers, et s'oublient aussi vite. Les superlatifs non plus : "la journée la plus meurtrière à Gaza depuis quatre ans" répètent les radios. Et alors ? Quant aux photos, on en a tant vu. 

Heureusement pour l'iconographie mondiale, Israël a fourni cette fois-ci une image au massacre. Plus précisément, l'image d'un contraste, entre le crime de guerre perpétré à Gaza, et la cérémonie d'inauguration, par Ivanka Trump, de l'ambassade américaine à Jerusalem. Ce contraste, on peut le signifier par le simple glissement d'une image à l'autre, un "split screen" évocateur, comme ici le 20 Heures de France 2...  

Gaza France 2

Gaza-jérusalem, écran partagé France 2

...ou par le photomontage, comme ici la Une du New York Daily News, quotidien très anti-Trump, démontrant son efficacité en matière de "caricature photographique", comme le disait ici André Gunthert.

Gaza Ivanka2

"la petite goule à son papa"

Couverture New York Daily News

Juxtaposition et montage efficaces, car ils désignent le responsable du crime. Les Etats-Unis, bien sûr. Et plus précisément, Trump, qui vient d'offrir à Netanyahu la garantie d'une impunité totale. Mais surtout, la manière dont la violence trumpienne, le crime trumpien, tentent de se rendre acceptables, présentables, glamour.

Impossible de ne pas faire le rapprochement avec la nouvelle incarnation du soft power israélien, la vainqueure de l'Eurovision Netta Barzilai. A peine Netta, la rondouillarde et bariolée, proclamant sa différence inattendue, vient-elle de lancer ses filets chez les branchés et les freaks, que la blanche et diaphane Ivanka jette les siens en plein coeur de l'increvable  rêve mainstream des consommatrices de cosmétiques et de lignes de joaillerie. Corps en liberté, corps sous contrôle : les voir toutes deux, à quelques heures d'intervalle, se tenir symboliquement la main dans cette danse obscène au dessus du charnier, nous ligote serrés entre les deux bouts d'une chaîne implacable ou, si on préfère, entre les deux pinces d'une même tenaille.

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