La présidente de la région Poitou-Charentes analyse sa défaite aux primaires socialistes et se projette dans la campagne présidentielle de 2012.
Quel rôle allez-vous jouer dans la campagne?
SÉGOLÈNE ROYAL. Je ne revendique rien. Je jouerai le rôle qui sera utile pour faire gagner la gauche. Si on a besoin de moi pour faire des meetings, mobiliser ou répondre à la droite, je le ferai sans arrière-pensées et dans une totale loyauté. SUR LE MÊME SUJET
Royal se met au service du candidat HollandeLe Parti socialiste en ordre de batailleMa voix porte. Je peux apporter beaucoup. On l’a encore vu entre les tours des primaires
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Croyez-vous à la grande réconciliation des socialistes?
Je pense qu’elle est en marche. Je sens une véritable envie de gagner. Et François Hollande est un très bon candidat.
Elle ne s’était pas faite autour de vous en 2007…
Non, c’est vrai. Disons les choses sans esprit de polémique ni amertume : je fais ce que j’aurais souhaité qu’on fasse pour moi en 2007. J’aurais bien aimé, moi aussi, être accueillie au parti, le soir de ma désignation, par tous les autres candidats. Mais l’expérience des divisions s’avère utile finalement : car si le rassemblement se fait, c’est aussi à cause de ce mauvais souvenir.
Est-ce une bonne chose que Martine Aubry revienne à la tête du PS?
C’est ce qu’elle souhaite. Si elle a envie d’y rester, il n’y a aucune raison de l’en déloger. Il faut que tout le monde se fasse confiance et que les choses avancent. A la première secrétaire et au candidat de voir ensemble s’il faut modifier tel ou tel poste. Je ne veux pas m’en mêler.
Comment expliquez-vous votre défaite aux primaires?
Je suis encore en train d’y réfléchir. Il y a d’abord eu une forme de vote utile. Beaucoup d’électeurs m’ont dit : « On voudrait voter pour vous, mais là, vraiment, on veut battre Sarkozy. » Or, je n’étais pas la mieux placée dans les sondages. Ensuite, je n’ai pas gagné en 2007, donc les gens se demandaient : « Qu’est-ce qui nous dit aujourd’hui qu’elle peut gagner 2012? » Enfin, je n’ai pas gagné le congrès de Reims en 2008, donc je n’avais pas la légitimité institutionnelle. Si je l’avais emporté, ça changeait tout. C’est à ce moment-là que je perds la main, à 150 voix près. Maintenant, faut-il regretter ou non de ne pas avoir refait les votes à l’époque? Ce qui est fait est fait, je ne vais pas pleurer sur le lait renversé.
Comment avez-vous réagi au soir des résultats?
J’ai été assommée, je ne pensais quand même pas que ce serait si bas. C’est psychologiquement très dur, parce que je n’ai pas arrêté depuis cinq ans. Il a fallu que je reconstruise tout, puisque après la présidentielle, on ne m’a rien donné. Je me disais qu’il y avait une logique : j’ai été candidate en 2007, j’ai été au second tour, j’ai failli gagner. Et puis c’est ma passion, c’est le sens de mon engagement
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Vous aviez l’impression d’avoir fait tout ça pour rien?
Oui. J’ai fait un travail énorme pour être prête. Mais la densité du travail n’est pas le seul critère en politique. Je le savais. Mais à ce point-là. C’est violent.
Le score d’Arnaud Montebourg traduit-il une demande de renouvellement?
Arnaud a capté avec talent des voix et des idées. La réforme bancaire que j’avais proposée dès 2008, il l’a reprise assez tard. Or, elle est portée à son crédit aujourd’hui… c’est quand même incroyable! Il est apparu comme l’outsider de la nouvelle génération. Entre lui et ceux qui apparaissaient mieux placés pour battre Sarkozy, moi, j’ai perdu un peu mon identité. Il y a une victoire de mes idées, mais… sans moi.
Est-ce que vous avez hésité à jeter l’éponge?
Non, à aucun moment. Beaucoup de gens l’auraient fait. Mais c’est la vie politique. Il y a des traversées du désert et des moments où l’on est à nouveau utile. Et puis surtout, je sentais qu’il y avait un danger au soir du premier tour. Celui d’avoir un second tour très serré, un congrès de Reims bis, des contestations, des polémiques…
C’est ce qui vous a convaincu de soutenir Hollande?
Oui, car un scrutin serré aurait à la fois décrédibilisé l’idée des primaires et considérablement affaibli le candidat.
Est-ce que vos enfants ont pesé sur la décision?
Non. C’était la meilleure décision à prendre pour faire gagner la gauche. Mes enfants se sont montrés très discrets, très respectueux de tout et très proches de moi
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Est-ce que cette présidentielle est imperdable pour la gauche?
Elle se présente bien. Parce que la droite est très affaiblie, que le bilan de Sarkozy est calamiteux et parce qu’il y a un vrai rejet de sa personne. Mais attention au Front national en embuscade. La seule chance pour Sarkozy d’être réélu est que le FN arrive en seconde position au premier tour de la présidentielle. Ce qui me frappe, par rapport à 2007, c’est que la misère a explosé en France. Il y a un vrai sentiment de désespérance. On voit des gens qui tombent, c’est plus violent encore que le déclassement.
L’UMP juge le projet du PS très coûteux…
C’est surréaliste! La droite creuse les trous et elle nous cherche sur les déficits virtuels d’un projet. La situation est grave, mais plutôt que de faire des propositions, l’UMP s’affaire sur notre programme. Quel décalage!
La campagne sera-t-elle rude?
Oui, parce que si la droite perd l’Elysée, il ne lui restera plus rien, à part le pouvoir de l’argent.
Avez-vous définitivement tiré un trait sur la présidentielle?
Je ne me pose pas cette question pour l’instant. Ce qui est sûr, c’est que je n’ai pas tiré un trait sur ma vie politique!